9, 6. Mais nous, simples hommes, pour ne pas alimenter par notre silence l’arrogance des hérétiques, nous ferons à leurs objections les réponses qui se présentent à nous dans la mesure de nos forces. Nous avons montré fréquemment plus haut, par les affirmations que nous avons pu tirer des divines Écritures, que le Dieu créateur de l’univers est bon, juste et tout-puissant. Lorsqu’il a créé dans le principe ce qu’il a voulu créer, les natures raisonnables, il ne les a pas créées pour une autre cause que pour lui-même, c’est-à-dire pour sa bonté. Puisqu’il a été lui-même la cause de ce qu’il allait créer et qu’il n’y avait en lui ni diversité, ni changement, ni impuissance, il les a faites toutes égales et semblables, puisqu’il n’y avait en lui aucune cause de variété et de diversité. Mais puisque les créatures raisonnables elles-mêmes, comme nous l’avons fréquemment montré et comme nous le montrerons cependant en son lieu, ont été gratifiées de la faculté du libre arbitre, la liberté de sa volonté a invité chacune à progresser par l’imitation de Dieu ou l’a entraînée dans la décadence par suite de sa négligence. Et cela a été, comme nous l’avons déjà dit auparavant, cause de diversité parmi les créatures raisonnables, sans que cela soit venu de la volonté ou du jugement du créateur, mais de la décision de la liberté propre. Mais Dieu, à qui il paraissait juste de gouverner sa créature selon son mérite, a tiré de la diversité des intelligences l’harmonie d’un monde unique, qu’il a organisé comme une seule maison où l’on doit trouver non seulement des vases d’or et d’argent, mais encore des vases de bois et de terre, les uns pour un usage honorable, les autres pour un usage méprisable, en utilisant ces divers vases que sont les âmes ou les intelligences. Et de là, à mon avis, viennent les causes de la diversité du monde, puisque la divine providence gouverne chacun suivant la variété de ses mouvements, de son entendement et de son propos. Ainsi le créateur ne peut paraître injuste, puisqu’il a disposé chacun selon son mérite d’après des causes antécédentes : on ne peut penser que le bonheur ou le malheur ou n’importe quelle condition possible à la naissance soit le fait du hasard et il n’y a pas à croire à divers créateurs créant les natures différentes des âmes.