La déification c’est de s’assimiler à Dieu

7 Mais si, selon le grand Denys, la déification c’est de s’assimiler à Dieu et de s’unir à lui, comment alors nous-mêmes admettrons-nous que la déification soit une imitation naturelle ? Car nous avons besoin de la ressemblance pour nous trouver en harmonie avec cette unification par laquelle la divinisation s’accomplit pleinement, tandis que, sans l’unité, la ressemblance ne suffira point pour la divinisation. Et la ressemblance que je dis nécessaire, celle qui procède de la mise en pratique et de l’observation des préceptes divins, ne se réalise pas simplement par une imitation naturelle, mais par la puissance de l’Esprit, laquelle, au moment de notre sainte régénération, vient en volant du haut du ciel se poser ineffablement sur les baptisés. Par elle, ceux qui sont nés, non pas du sang, ni du vouloir de l’homme, ni du vouloir de la chair, mais de Dieu (Jean 1 : 13), tels des enfants nouveau-nés (I Pierre 2 : 1 ), peuvent parvenir à la mesure de la plénitude du Christ (cf. Eph. 4 : 13 ; II Cor. 10 : 13). Personne, par conséquent, ne saurait jamais comprendre, est-il écrit, ni moins encore mettre en pratique, les vérités reçues de Dieu, s’il ne lui a pas été donné d’abord de subsister divinement. Apprends donc d’entrée de jeu, comme on dit, cher ami, ce qu’il y a d’extraordinaire dans la divinisation ; elle dont la nature ne produit pas, d’elle-même, le principe, comment son terme pourrait-il être naturel et créé ? Et si, selon son principe propre, elle dépasse largement l’imitation naturelle, comment, poussée à son terme, pourrait-elle être une imitation naturelle ? Jean, fils de Zacharie, baptise, mais seulement dans l’eau (Mat. 3 : 11 ; Marc 1 : 8 ; Luc 3 : 16 ; Jean 1 : 26 ; 31-33 ; Actes 1 : 5, 11, 16) ; Jésus, Fils de Dieu, dans l’eau et dans l’Esprit (ibid. ; cf. aussi Jean 3 : 5). En quoi consiste donc le progrès de l’un à l’autre ? Seulement dans le nom ? Certes pas : mais bien dans la grâce agissante et la puissance divinisante, dans l’Esprit saint, non point répandu selon son essence sur le baptisé, mais fortement adhérant à lui selon la grâce de sanctification qui lui est propre. Mais si elle est une créature, et si, nous qui y avons eu part, c’est à quelque chose de créé que nous avons participé, alors comment l’Esprit saint sera-t-il incréé ?

8 Si par la participation à l’Esprit, comme l’a dit Athanase le Grand, nous devenons participants à la nature divine (II Pierre 1:4), il faudrait être fou pour prétendre que l’Esprit appartient à la nature créée, et pas à celle du Fils. Et comment le Christ est-il Fils de Dieu, baptisant lui aussi, à l’exemple de Jean, dans cette créature qu’est l’eau, et produisant dans les baptisés une force et une grâce créées, lui qui d’après Paul a été ordonné, c’est-à-dire proclamé et confirmé, comme Fils de Dieu avec puissance selon l’Esprit de Sainteté, en vertu de sa résurrection des morts (Rom. 1 : 4) ? Alors, cette puissance qui s’est manifestée et a désigné Jésus comme Fils de Dieu, était-elle une créature ? Et comment, étant Dieu, se serait-il fait connaître selon une telle puissance ? Et ne tiens pas compte, je t’en prie, de celle qui a purifié les lépreux, illuminé les aveugles, redressé les bossus, guéri les paralytiques – il faut en effet être myope comme les Pharisiens pour considérer en premier lieu cette puissance-là – mais (tiens plutôt compte) de celle qui a d’abord invisiblement délié les liens des péchés (cf. Mat. 9 : 1-8) et donné sa place à l’Esprit de sainteté, de celle qui redresse et éclaire l’homme intérieur, et qui grâce à l’union avec Dieu ressuscite l’âme d’entre les morts et la fait vivre de façon divine, lui faisant don de la vie de Dieu, vie divine et véritablement éternelle. En effet la résurrection du corps lui fait réellement suite, de même que la mort du corps a d’abord eu pour origine celle de l’âme, car la mort de l’âme c’est la séparation d’avec sa vie en Dieu. Et c’est celle-là qui est vraiment la mort à redouter : mais celle qui vient ensuite, c’est-à-dire celle du corps, est, elle, hautement souhaitable, car elle est (un effet de) l’amour de Dieu pour les êtres humains, amour dont, hélas, la foule des réprouvés sera privée lors du jugement futur. En effet, la résurrection du corps attend même ceux qui n’ont pas fait bon usage du talent qui leur avait été confié par Dieu, celui de la grâce divine, et, associée perpétuellement à la seconde mort, celle de l’au-delà, comme Jean nous l’a révélé par l’Apocalypse (Apoc. 20 : 14 et 21 : 8), elle est même pire que la mort. Si de la sorte ces gens-là à la fois vivent éternellement et sont morts, si déjà beaucoup de ceux qui vivent ici-bas sont morts, comme l’a montré le Seigneur de la vie et de la mort (cf. Mat. 8 : 22), c’est donc qu’il existe aussi une mort de l’âme, bien que celle-ci demeure par nature immortelle. Comment alors pourra-t-elle vivre, ayant en partage une vie créée ? C’est qu’elle se trouve en réalité morte, tout en vivant pour sa part. Il lui faut, si elle doit retrouver une existence meilleure, avoir part à la vie incréée elle-même, celle qui n’est pas séparée de l’Esprit. C’est pourquoi Basile, qui avait part à cette vie et qui parlait d’expérience, dit : Et la vie que l’Esprit a envoyée dans l’hypostase d’un autre n’est pas pour autant séparée de Lui, mais (…) à la fois, Lui-même possède en Lui la vie, et ceux qui ont part à Lui vivent d’une façon digne de Dieu, pour avoir acquis la vie divine et céleste.