Sur le Ps 33, 8. Toute crainte n’est pas bonne et salutaire. Il y a une crainte ennemie que le Prophète prie Dieu d’éloigner de lui par ces paroles : «De la crainte ennemie délivre mon âme» ( Ps 63, 2 ). La crainte ennemie est celle qui nous rend lâches devant la mort et nous fait baisser la tête devant les gens en place. Comment celui qui a de pareilles craintes, exposé au martyre, pourra-t-il se dresser jusqu’à la mort en face du péché et rendre son dû au Seigneur, mort pour nous et ressuscité ? Celui qui pour un rien tremble devant les démons est, lui aussi, tenu par cette crainte ennemie. Pour tout dire, une pareille crainte me semble une disposition qui naît du manque de foi. Car personne, s’il croit avoir près de lui la puissance du secours divin, ne se laisse effrayer par aucun essai d’intimidation. Il y a une crainte salutaire, une crainte qui produit en nous la sainteté, une crainte qui naît de l’effort de l’âme, non de l’instinct. Vous voulez que je vous dise ce qu’elle est? EH bien, lorsque vous allez vous laisser entraîner à une faute, songez à la terreur insupportable qui entoure le tribunal du Christ. Le juge y siège sur un trône élevé et sublime. Toute créature se présente en tremblant devant sa manifestation en gloire. Un a un, nous y passerons pour rendre compte de notre vie. Celui qui a accumulé le vice ici-bas voit près de lui des anges terribles et sombres, auxquels la méchanceté donne un regard et un souffle de feu et que la confusion et la haine des hommes rendent semblables à la nuit. Il aperçoit un gouffre profond, des ténèbres impénétrables, un feu sans éclat ; ce feu peut brûler dans ces ténèbres, mais sans dégager de lumière. Il voit toutes sortes de vers empoisonnés et rongeurs, toujours insatiables et jamais rassasiés ; leur morsure cause des douleurs intolérables. Au-dessus de tous ces châtiments, il sent le reproche et la honte éternels. Là doit porter votre crainte. Instruit par elle, vous en userez comme d’un frein pour progresser loin du désir des biens vulgaires.