destaque
Portanto, várias definições [de filosofia da religião] são aceitáveis. Entretanto, aquelas que implicam que a religião é “nada mais” do que um instrumento a serviço de necessidades profanas — sociais ou psicológicas — (como, por exemplo, que seu significado é redutível à sua função de integração social) são ilícitas. São afirmações empíricas (falsas em minha opinião) e não podem ser aceitas antecipadamente como elementos de definição.
Tampouco há consenso sobre o que se entende por “filosofia da religião”. No jargão filosófico anglo-saxão, sua tarefa é examinar as alegações de verdade das crenças religiosas, o que inclui a análise de conceitos específicos da linguagem da religião, conforme usada na tradição teológica e filosófica. Essa tarefa é diferente da abordagem antropológica e psicológica, que explora as várias maneiras pelas quais os mitos e os rituais operam na vida humana, suas funções e suas consequências.
original
Ce livre traite de ce qu’on appelle ordinairement philosophie de la religion. Je ne suis jamais bien sûr de savoir ce qu’est la religion — sans parler de la philosophie –, mais quelle qu’en soit la nature, la religion comprend l’histoire des dieux, des hommes et de l’univers. C’est pourquoi le titre Religion (dans l’édition originale) ne saurait, vu ses prétentions totalisantes, rivaliser qu’avec des ouvrages comme On What There h de Quine1 ou L’Être et le Néant de Sartre (le titre probablement le plus englobant qu’on ail jamais inventé).
Reste que je ne puis éviter le terme de « religion ». Mircea Eliade, à qui ma compréhension des problèmes que pose l’étude comparative des religions doit beaucoup, regrette qu’il n’y en ait pas de meilleur pour recouvrir ce qu’il appelle « pourtant aucun néologisme ne paraît devoir être ici de quelque utilité. Dans l’investigation des affaires humaines, nous ne disposons d’aucun concept qui puisse se définir avec une précision parfaite, et à cet égard « religion » n’est pas pire que « art », « société », « culture », « histoire », « politique », « science », « langage » et tant d’autres mots. Toute définition de la religion est, jusqu’à un certain point, vouée à l’arbitraire, et nous aurons beau essayer scrupuleusement de la rendre conforme à l’usage effectif du mot dans le langage courant, bien des gens auront le sentiment que notre définition est trop large ou trop étroite, ou les deux à la fois. Nous avons pris conscience de l’existence, en des civilisations diverses, d’un nombre incalculable de mythes, de rituels, de croyances et d’actes magiques : lesquels d’entre eux méritent d’être appelés « religieux », voilà qui n’est pas immédiatement clair.
Certes, les anthropologues, quand ils étudient les mythologies, parviennent souvent à se passer de la distinction entre récits religieux et non religieux. L’absence de frontières conceptuelles bien marquées provient moins de nos insuffisances logiques que de la nature de la réalité soumise à examen. C’est dans une large mesure notre intérêt qui détermine, parmi les diverses formes de comportement, de croyance et de sentiment, ce que nous considérons comme essentiel au phénomène de la religion tel que nous le connaissons par l’expérience et par les livres. Ce qui compte, c’est de maintenir une distinction entre la façon dont nous délimitons, plus ou moins arbitrairement, notre champ d’enquête, et nos énoncés explicatifs au sujet de la fonction de la vie religieuse, inévitablement discutables. Si, comme Rudolf Otto et Mircea Eliade, nous tenons que l’expérience du sacré entre à un titre spécifique et véritablement constitutif dans l’analyse du phénomène religieux, nous rencontrons le problème posé par le fait que le mot « sacré » est souvent employé avec sérieux et détermination par des gens qui par ailleurs se considèrent comme non religieux. Ainsi le champ peut sembler plus vaste que le langage courant ne l’autoriserait.
Néanmoins une pareille définition suffit à délimiter une aire de réflexion très importante. Si d’autre part nous essayons de procéder à la manière socratique et recherchons un ensemble de croyances spécifiquement inhérentes à toute religion connue, nous risquons d’être déçus et de découvrir que cet ensemble est vide. Dès qu’on pose un dieu personnel comme prétendant à une telle position de constante, on se heurte invariablement à l’objection qu’un phénomène aussi capital que le bouddhisme n’est pas pris en compte. Voilà qui est évidemment embarrassant, mais il n’est nullement faux pour autant, ni empiriquement ni logiquement, de faire porter son attention sur des croyances qui comportent l’idée d’un dieu personnel, et donc de considérer le bouddhisme comme une sagesse métaphysique et morale plutôt que comme une religion au sens plein.
Ainsi plusieurs définitions sont-elles acceptables. Cependant celles qui impliquent que la religion n’est « rien d’autre » qu’un instrument au service de besoins profanes — sociaux ou psychologiques — (comme par exemple, que sa signification est réductible à sa fonction d’intégration sociale) sont illicites. Ce sont des énoncés empiriques (faux à mon sens) et on ne peut les accepter d’avance comme éléments de définition.
Nul consensus non plus sur ce que signifie « philosophie de la religion ». Dans le langage philosophique anglo-saxon, la tâche de celle-ci est d’examiner les prétentions à la vérité des croyances religieuses, ce qui inclut l’analyse de concepts spécifiques au langage religieux tel qu’il est utilisé dans la tradition théologique et philosophique. Cette tâche se distingue de l’approche anthropologique et psychologique qui explore les diverses manières dont les mythes et les rites opèrent dans la vie humaine, leurs fonctions sociales, intellectuelles et affectives, leur évolution ou leur disparition sous l’impact du changement social.
Dans la tradition germanique, italienne et, en général, « continentale », les thèmes désignés par le terme « philosophie de la religion » ne correspondent que médiocrement à ceux que l’usage anglo-américain regroupe sous ce chapitre. Depuis notamment Hegel, Schelling, Schleiermacher et les romantiques, la réflexion philosophique sur la religion s’est concentrée sur sa signification dans les processus historiques, et sur la manière dont diverses civilisations, ou l’humanité dans son ensemble, ont exprimé à travers des symboles religieux la perception de leur destin. La philosophie de la religion est apparue comme une partie importante, voire constitutive de la philosophie de l’histoire, celte dernière étant entendue moins comme analyse épistémologique d’énoncés historiques que comme spéculation sur le sens global, les buts et les principes directeurs des processus historiques. Dans ce domaine, le travail récent le plus remarquable est peut-être Der philosophische Glaube angesichts der Offenbarung de Karl Jaspers (1962)2.
L’approche analytique présente cet avantage qu’on y peut discourir sans témoigner d’aucun intérêt, ou d’aucune familiarité, à l’égard de l’histoire de la religion, et sans connaître les contextes culturels des divers essais tentés pour faire face aux questions ultimes. Elle a en revanche pour inconvénient que, le plus souvent, le philosophe débat de problèmes qui, parfaitement valables en eux-mêmes, restent très éloignés des soucis réels des gens, religieux et non religieux. Dans le cadre analytique, la religion est conçue comme un ensemble d’énoncés sur Dieu, la Providence, l’immortalité, les anges et autres sujets apparentés, tandis que le concept de vérité est tiré d’ordinaire d’autres chapitres de la philosophie sans être soumis à la question de savoir si et comment il se trouve modifié quand on en use dans le champ des symboles religieux. En revanche, ceux qui sont portés à la méditation « historiosophique » sont ordinairement mieux informés des problèmes historiques et plus sensibles à la relativité culturelle des concepts religieux, mais moins rigoureux dans leur travail analytique et dans la clarification des catégories abstraites qu’ils emploient. Combiner les vertus des deux genres d’analyse serait un idéal de perfection; combiner leurs défauts est autrement plus facile.