Le Christ, qui propose à tous le bien-être, a faim dans les chrétiens pauvres, ses membres ; les richards voluptueux et avares le méprisent sans vergogne ! Aujourd’hui aussi beaucoup de Lazare sont étendus aux portes des riches, mais un luxe néfaste aveugle ces derniers, de sorte qu’ils ne voient pas les pauvres ; ce luxe les empêche de tendre aux malheureux une main secourable. Oh ! luxe et avarice, deux sœurs qui, tout opposées qu’elles sont l’une à l’autre, contaminent le cœur de l’homme d’un mal sans remède. L’une dépense, l’autre retient et enseigne à retenir les richesses, mais toutes deux sont la perte de l’homme.
Ceux qui vivent dans l’oisiveté et se nourrissent du travail des autres, pèchent continuellement ; et ils ne cesseront de pécher aussi longtemps qu’ils ne se mettront pas à un travail béni de Dieu… La fainéantise invente un luxe superflu qui ne peut être obtenu sans injustice envers le prochain et sans ruiner la société. Elle rêve d’édifices somptueux et d’autres fantaisies qui ne peuvent pas exister sans que les pauvres ne versent des larmes de sang. Elle apprend à briser, voler, emporter, faire violence, mentir, flatter, tromper ; car le fainéant, n’ayant pas de quoi se nourrir, cherche à ravir le travail des autres, d’une façon ouverte, occulte ou astucieuse.
Au jugement dernier, le riche devra rendre compte de l’usage qu’il a fait de la richesse, reçue de Dieu. Si le Christ envoie au feu éternel ceux qui ne donnent pas aux pauvres une partie de leur bien et n’exercent pas envers eux les œuvres de charité, quel sera le sort de ceux qui, non seulement ne donnent pas une partie de leur avoir, mais s’approprient même le bien du prochain ?… Quel sera le sort de ceux qui, à cause de leur position, avaient le devoir de sécher les larmes des malheureux, et non seulement ne le faisaient pas, mais, poussés par l’avarice, multipliaient ces larmes ? De ceux qui renvoyaient leurs ouvriers sans leur payer ce qui était dû ?… De ceux qui arrachaient à leurs subordonnés le dernier denier, pour se procurer des honneurs ou pour augmenter leur luxe, ou pour assurer à leur fils un grand héritage, ou encore pour parer leurs filles comme des temples et leur procurer une belle dot ?
Nombreux sont ceux qui chargent leurs serfs de travaux ou redevances tels que ceux-ci n’ont plus de quoi se nourrir et se vêtir… Nombreux sont parmi eux, ceux qui construisent et ornent des églises, créent des hospices, ou sont généreux envers des étrangers. Mais tout cela ne leur servira à rien. A quoi bon construire églises et hospices avec de l’argent volé ? A quoi bon enlever aux uns et donner aux autres… Pour tes paysans et tes serfs, sois non seulement un maître, mais aussi un père. Ne les charge pas trop de corvées, de sorte qu’ils aient de quoi se nourrir et se vêtir convenablement ; ne leur donne pas trop de travail, afin qu’ils aient le temps de travailler pour eux-mêmes. Aie soin d’eux, comme un père a soin de ses enfants, afin qu’ils t’appellent non seulement maître, mais aussi père. N’oublie pas que tu paraîtras avec eux devant le Christ, maître de tous, au jugement dernier, pour répondre de ta conduite.