{Nous donnons ici des extraits de son livre Réflexions sur la Liturgie de l’Eglise Orthodoxe :}
L’œuvre de Dieu qui s’opère à la messe surpasse en grandeur toutes les autres œuvres de Dieu accomplies dans le monde, et la création de l’univers elle-même. C’est, vraiment l’office céleste et divin sur la terre ; y assister avec une pieuse attention est béatitude, paix et joie pour l’âme ! Cet acte liturgique nourrit l’esprit, réjouit le cœur, fait venir les larmes aux yeux, des larmes de tendresse, de vénération, de reconnaissance. Il entraîne aux généreux efforts de charité, de miséricorde, de compassion à l’égard de tous les hommes. Il unit tous les fidèles en une association fraternelle.
Il joint le ciel à la terre et associe les anges aux hommes. Il nous réjouit tous par l’espérance de la résurrection et de l’immortalité…
Que personne ne soit scandalisé de l’uniformité du service divin, c’est-à-dire de la messe, où « c’est toujours la même chose ». Que chaque chrétien orthodoxe reçoive par ses oreilles et son cœur et approfondisse le contenu de la messe. Qu’il se rende compte de la hauteur, de la profondeur, de la largeur et de l’étendue de l’amour divin, manifesté au monde coupable en train de périr dans les péchés. Qu’il songe au sacrifice infiniment grand, offert par Jésus-Christ dans sa Personne au Père céleste pour les péchés du monde. Qu’il sente combien Dieu a aimé le monde, en lui donnant son Fils unique. Qu’il admire le miracle de l’Incarnation du Fils de Dieu et de notre divinisation, assurée par lui. Qu’il reste éternellement reconnaissant au Seigneur et qu’à l’amour il réponde par un amour ardent, fort, comme l’ont fait les apôtres, les saints évêques, les martyrs, les pieux ascètes…
Tous, nous aimons la vie. Mais il n’y a pas en nous de vraie vie sans la source de la vie, Jésus-Christ. La messe est le trésor, la source de la vraie vie, parce qu’en elle le Seigneur lui-même, le maître de la vie, se donne en nourriture et boisson à ceux qui croient en lui. Il donne une vie surabondante à ceux qui communient, comme il l’a dit. …Mais le responsable du péché et de la mort, le diable, cherche par toutes sortes de machinations infernales à détourner les chrétiens du calice de vie. Il leur inspire des doutes sur la foi, la froideur et l’insouciance pour ce mystère, le plus grand de la foi chrétienne, parce qu’il veut tenir les hommes dans les liens du péché et de la mort. Il faut constamment réchauffer dans son cœur la foi en Jésus-Christ, en son amour infini, méditer plus souvent sur les admirables actes de sa Providence, lire plus souvent le saint Evangile en approfondissant ce qui est lu, entrer en soi-même, voir sa propre indigence spirituelle, son impiété, son aveuglement, son dénuement moral. Il faut avoir faim et soif de la vérité-justice (praoda), c’est-à-dire de l’amendement et de la droiture, sans quoi l’on ne peut pas communier sincèrement avec grand amour et de façon fructueuse. Il faut se libérer des attachements aux jouissances terrestres qui sont un très grand obstacle à l’amour céleste…
Qu’y a-t-il de plus important, de plus grandiose, de plus prodigieux (cause de miracles), de plus lumineux, de plus divin et de plus touchant, que la messe ? Mais beaucoup de chrétiens sont morts et sourds devant elle, ils y assistent debout à contre-cœur, froidement, en laissant errer leurs pensées et leur regard. D’où cela vient-il ? Du manque de foi en ce sacrement et surtout du manque de méditation sur sa grandeur, sa sainteté, sa force vivifiante et sur ses fruits – la régénération spirituelle et la vie éternelle…
C’est dans la messe qu’est notre force contre des ennemis puissants, notre victoire sur eux, eux qui souvent se rendent maîtres de nous par le moyen de nos passions. La messe est notre purification, la lumière de nos âmes, notre sanctuaire, notre gloire, notre espérance, notre affermissement…
Si le monde n’avait pas le Corps très pur et le Sang du Seigneur, il n’aurait pas le principal bien, le bien de la vraie vie, il n’aurait qu’un simulacre de vie ; il n’aurait pas le don de la sanctification ; en un mot, il n’aurait pas l’ensemble de tous les biens. C’est ce levain vivifiant que la femme de la parabole, l’Eglise, mêle dans trois mesures de farine, pour faire lever toute la pâte (Matth., XIII, 33). Oui, c’est le vrai levain de la vie spirituelle, de la vie céleste et lumineuse, répandu dans l’humanité.
L’idée de la messe consiste en ceci : que tous soient un dans le Christ. Il faut porter tous les hommes dans le cœur, il faut sincèrement prier pour tous… La messe est un miracle continuel. On doit toujours y assister avec joie et crainte, avec amour envers Dieu et charité mutuelle. A la messe, les esprits célestes accomplissent toujours leur ministère.
Qui comprendra jamais la grandeur du bienfait qui nous est accordé par Notre-Seigneur Jésus-Christ dans le sacrement de l’Eucharistie et la communion ? Même un esprit angélique ne le comprendra pas pleinement, car ce bienfait est sans limite et infini, comme Dieu lui-même, comme sa bonté, sa sagesse et sa toute-puissance. Quel amour envers nous autres, pécheurs, se manifeste chaque jour dans la messe ! Que Dieu nous y est proche ! Ici, sur l’autel, chaque jour il est essentiellement présent. Avec toute sa divinité et son humanité, il est offert aux fidèles et consommé par eux ou porté par le prêtre dans les maisons des fidèles et donné aux malades. Quel admirable commerce, quelle pénétration de la divinité dans notre humanité déchue, languissante, coupable, mais non dans le péché que le feu de la grâce consume ! Quel bonheur, quelle béatitude pour notre nature, qui reçoit dans son intérieur la divinité et l’humanité du Christ Dieu et s’unit avec lui ! Recevoir ainsi le Christ en nous-mêmes avec foi, c’est notre purification, notre sanctification, notre libération des péchés et des ennemis, notre rénovation, notre force, le raffermissement de notre cœur, notre paix, notre liberté, notre gloire, vie et immortalité…
Dans les paroles : « Prenez, mangez, ceci est mon Corps, buvez-en tous, ceci est mon Sang », il y a un abîme d’amour de Dieu pour le genre humain…
La messe, voilà un spectacle divin ! Partout nous voyons l’infinie charité, la sagesse, la toute-puissance, la vérité, la sainteté, et nous avons la sensation d’une infinie douceur, beauté, lumière et béatitude. Car, pour les hommes sages et pieux, dans ce sacrement sont contenues la douceur immense de Dieu, sa beauté [[Cette insistance sur la valeur de la beauté spirituelle est caractéristique de la pensée religieuse russe et orientale.]], sa lumière, sa béatitude, sa sainteté, son éternelle vérité, sa toute-puissance, sa grâce et sa sagesse. En méditant sur ce sacrement de l’amour infini de Dieu pour le genre humain en voie de périr, l’esprit ne peut pas assez se rassasier de cette douce et lumineuse vision et le cœur s’emplir d’admiration et de bonheur…
Fréquentez l’église, suivez avec une profonde attention le service divin, les chants, les canons, les leçons, et vous vous habituerez au culte, à l’église, vous l’aimerez. Vous verrez avec évidence combien abondants sont en elle les gages de vie, de paix et de consolation, combien il y a en elle de lumière, de force, de sainteté et de vérité-justice. En entrant à l’église durant le service divin, vous entrez comme dans un autre monde ; le temps semble disparaître pour vous, et l’éternité semble commencer ; très souvent vous entendez les louanges à l’Eternel, à Dieu, et dans chacune de ses prières récitées à voix basse le prêtre rend gloire à l’Eternel.
Le service divin de la messe et la communion est la source surnaturelle, par laquelle la grâce céleste répand en abondance ses dons à elle, sur ceux qui la gardent sincèrement : la miséricorde, la paix, la consolation, la purification, la sanctification, la guérison, la rénovation et, ce qui met le comble aux largesses divines, le don de déification. Le temple et le service divin, c’est la personnification, la réalisation de tout le christianisme. Ici, par des paroles, des personnes et des actions, est annoncée toute l’économie de notre salut, toute l’histoire sainte et l’histoire de l’Eglise, toute la bonté, la sagesse, la fidélité et l’immutabilité de Dieu, de ses oeuvres et de ses promesses, sa vérité-justice et sa sainteté, sa puissance éternelle. C’est une admirable harmonie, une suite logique merveilleuse dans son ensemble et dans ses parties. C’est la vraie sagesse divine, accessible aux cœurs simples, croyants, aimants, mais cachée à ceux qui se disent sages.
Les prières de la sainte Eglise durant le service divin sont admirables. Elles ont été composées avec sagesse. Elles sont toutes saturées d’amour envers Dieu et le genre humain, le genre humain tout entier. Elles respirent l’esprit d’union et de communication mutuelle. Ces prières sont un très beau monument de l’unanimité et de la charité de l’ancienne Eglise du Christ, une et indivise. L’Esprit-Saint lui-même a saintement inspiré aux apôtres et aux pasteurs de l’Eglise de créer cet ordonnancement admirable dans le service divin, de lui communiquer cet esprit de charité fraternelle commune, de paix, de sainteté.
Tout sur la terre est image et ombre de ce qui se fait au ciel. Ainsi la forme liturgique du service divin sur la terre est une image du service divin au ciel ; la beauté des églises est une image de la beauté du temple céleste ; la lumière, une image de l’inaccessible gloire de Dieu au ciel ; l’odeur agréable de l’encens, une image de l’ineffable parfum de la sainteté ; le chant d’ici-bas, un écho de l’ineffable chant des louanges angéliques là-haut.
O figure de la croix, désirable et admirable pardessus tout ! Qui t’a sanctifiée et si bien ornée, qui t’a faite sainte, très belle et vivifiante ? Le Dieu incarné lui-même, quand il s’est étendu sur toi ! Depuis lors ton image est merveilleuse, sainte, salutaire, créatrice de vie, désirable. Auparavant, qu’était la croix ? Le bois ignominieux d’une mort déshonorante, de la mort la plus douloureuse. Gloire à ta croix, ô Dieu, gloire à la force, que tu lui as conférée par la victoire sur les ennemis de notre salut.
Tous les membres du Christ sont égaux devant Dieu : tsar et soldat, riche et pauvre, le grand seigneur et l’homme du peuple. Dieu regarde non le visage, mais le cœur : ce cœur est un, c’est l’homme. Que pouvons-nous obtenir de Dieu par nos forces unies ? Tout.
La très sainte Mère de Dieu est la bienveillance de Dieu à l’égard des mortels, elle est la sainte audace des mortels à l’égard de Dieu. Elle est la porte ouverte du paradis.
Le temps de la prière, par exemple le temps de la messe, est le temps de Dieu : il doit appartenir entièrement à Dieu et à l’âme. Aussi c’est un grand péché de raccourcir ce temps par égard pour les hommes ou pour des avantages temporels. Pendant le service divin le célébrant doit être conscient de sa haute, de sa céleste dignité, en tant que serviteur de Dieu et ministre des mystères supra-célestes. Il ne doit pas s’abaisser servilement devant les hommes, par vaine gloire ou pour des intérêts de ce monde ; il ne doit pas avoir peur de la face de l’homme, de cette herbe aujourd’hui verdoyante, fanée demain.
La forme extérieure du culte public est une conversation qui exprime la communication mutuelle et l’unanimité du clergé et des laïques. Chez les premiers chrétiens la multitude des fidèles, pasteurs et ouailles, avait un seul cœur et une seule âme. Cette unanimité apparaissait dans la vie – la charité mutuelle, la communauté des biens, les souffrances pour la foi – comme dans le service divin.
Notre office de prêtre est un office céleste, l’office de l’incorruptibilité, de l’immortalité, de la vie éternelle, de la vérité-justice, du sanctuaire. Par cet office les âmes humaines sont régénérées, purifiées, sanctifiées, renouvelées, élevées au plus haut degré de perfection possible à l’homme avec l’aide de Dieu, divinisées. Quelles qualités ne doit pas avoir le prêtre ! Comme il doit être éloigné des affections terrestres, qu’il doit être céleste, doux, humble, tempérant, chaste !
L’apôtre saint Paul prescrit de faire des prières pour tous les hommes. C’est un commandement inspiré, sur lui est basé l’ordonnance des prières, des supplications et des actions de grâces de l’Eglise. Ces prières sont très sublimes. Elles enseignent continuellement à tous non l’égoïsme, mais la charité universelle. Dans le monde ce n’est qu’égoïsme et égoïsme. Ici c’est la communication, l’éternelle grandeur de la prière et de la charité ! Chacun, le plus grand et le plus petit, peut atteindre au temps marqué ce saint amour.
Voulez-vous entendre l’Esprit-Saint prier pour nous par des gémissements ineffables, pour que tous nous nous corrigions et gagnions le salut ? Allez tous les jours à l’église, suivez la lecture et le chant sacré, surtout les antiennes et les hymnes de toute l’année, et vous serez en présence de cette admirable et très aimante intercession du Pâraclet, vous serez remplis d’une très grande espérance en la miséricorde de Dieu et d’une inexprimable consolation. Dans toutes les leçons et tous les chants, quelle sagesse divine, quelle chaleur, quelle ardeur, quelle force, quelle pureté, quelle vérité-justice divine ! Quel est le cœur de pierre qui n’en serait pas ému, quel grand criminel n’en deviendrait pas touché et repentant ?
Quelle impureté coupable ne pourrait pas être purifiée par ces supplications pénitentielles, si sages, si ardentes ? Pécheurs, accourez plus souvent à l’église, comme dans un hôpital, et vous serez guéris, vous serez sauvés !
Les saints Pères ont mis dans ces prières toute leur intelligence et leur cœur, par la vertu du Saint-Esprit. Pourquoi, en ayant ces prières sur les lèvres, prions-nous sans sincérité et sans comprendre ? Et qu’elles sont belles, ces prières ! Elles représentent d’une façon si fidèle toute la vie intérieure de l’homme, tous ses états d’âme, toute sa culpabilité, sa corruption, sa faiblesse, son incapacité, quand il ne se tourne pas sincèrement vers Dieu ! Elles nous enseignent d’une manière admirable comment se repentir, comment remercier Dieu de ses innombrables bienfaits, rendre gloire à ses perfections divines, demander secours dans nos diverses nécessités Suivons donc ces prières sincèrement…
La prière est le plus grand, l’inappréciable don du Créateur à l’homme-créature ; grâce à elle, celui-ci peut s’entretenir avec son Créateur comme un enfant avec son père.