Jean Climaque: L’Égypte

14. Fuyez loin de l’Égypte, et ne conservez même pas la pensée d’y retourner; car ils ont perdu la paix et la tranquillité de la Jérusalem céleste, ceux qui sont retournés en Égypte dans leurs pensées et dans leurs désirs. 98 L’Échelle Sainte: TROISIÈME DEGRÉ

15. Cependant il est arrivé quelquefois que des personnes qui avaient quitté le monde pour conserver leur influence, après s’être solidement fortifiées dans la vertu, et après avoir saintement purifié leurs consciences, sont rentrées dans le monde et y ont produit de très grands biens, en contribuant puissamment au salut des autres, sans négliger jamais le leur. Ce fut ainsi que Moïse, après avoir dans le désert contemplé la face de Dieu, reçut l’ordre de retourner en Égypte pour y sauver ceux de sa nation; ce qu’il fit au milieu des dangers les plus nombreux et les plus éminents, et des ténèbres les plus profondes. 99 L’Échelle Sainte: TROISIÈME DEGRÉ

48. Moïse, quoiqu’il ait vu la face de Dieu dans le buisson ardent, retourna pourtant en Égypte, c’est-à-dire au milieu des ténèbres du siècle, pour se remettre à faire des briques pour le service de Pharaon, qui était la figure du démon. Cependant, il ne tarda pas de revenir auprès du buisson, et quelque temps après il mérita de monter jusque sur la montagne sainte où Dieu avait fixé sa demeure d’une manière visible. Quiconque comprendra la signification de la figure suivante, ne désespérera jamais de son salut : Job, cet homme d’une mémoire éternelle, d’un état de prospérité et de richesses extraordinaires, tomba dans une pauvreté effrayante; et néanmoins Job devint ensuite deux fois plus riche qu’il ne l’avait été. 397 L’Échelle Sainte: CINQUIÈME DEGRÉ

18. Mais remarquons ici que si, réellement, nous voulons sortir de l’Égypte et nous délivrer de la servitude de Pharaon, nous avons, ainsi que le peuple Juif, besoin d’un Moïse qui soit notre médiateur auprès de Dieu, qui étende avec ferveur des mains suppliantes vers le ciel, pendant que nous serons au combat, pour nous obtenir les forces et le courage dont nous avons besoin, et qui nous conduise de telle sorte que nous puissions heureusement traverser la mer Rouge de nos péchés, et mettre en fuite l’Amalec de nos passions tyranniques(Ex 14.15-22; Ex 17.8-13). C’est pourquoi ils ont été dans une illusion bien déplorable et bien funeste, ceux qui, pleins de confiance en leurs propres lumières, ont cru qu’ils n’avaient pas besoin de conducteur pour leur montrer le chemin de la vie spirituelle, et pour les y conduire. 22 L’Échelle Sainte: PREMIER DEGRÉ

19. Les enfants de Jacob eurent Moise pour les faire sortir de la terre d’Égypte; la famille de Loth eut un ange pour sortir de Sodome. Ceux qui sortirent de l’Égypte nous représentent les pécheurs qui, pour guérir leurs âmes, et les purifier de leurs péchés, ont besoin des soins et des lumières des médecins spirituels. Ceux qui s’enfuirent de Sodome, sont la figure des personnes qui désirent se voir délivrées des penchants de leur misérable corps; c’est pourquoi elles ont besoin d’un ange pour les secourir, ou du moins d’un homme qui, pour m’exprimer ainsi, ne soit pas inférieur à un ange; car d’après la grandeur et la corruption des plaies qu’elles ont réelles, il leur faut un chirurgien et un médecin doués l’un et l’autre d’une science et d’une expérience peu communes. 23 L’Échelle Sainte: PREMIER DEGRÉ

30. Une chose que nous devons remarquer ici, c’est qu’une fois que l’intempérance s’est emparée d’une personne, elle rend son estomac insatiable, au point qu’elle se figure pouvoir dévorer toutes les viandes de l’Égypte, et boire toutes les eaux du Nil. Lorsque nous avons bien contenté le démon de l’intempérance, il se retire pour faire place à un autre démon; à celui de l’impureté, à qui il donne des nouvelles exacte de l’état de notre estomac : ” Allez, lui dit-il, attaquez hardiment cette personne; car son corps, qu’elle a si bien traité, vous donnera tous les moyens de la vaincre et de la faire tomber dans vos pièges. Le voyez-vous, ce démon infâme ? il est auprès de ce misérable intempérant. Oh ! comme il lui lie les pieds et les mains ! comme il se moque de lui pendant le funeste sommeil où il le précipite ! comme il le traite selon ses desseins pleins de malice et de perversité ! comme il trouble et salit son imagination par de honteux fantômes ! comme il produit sur son corps des mouvements humiliants et coupables ! 737 L’Échelle Sainte: QUATORZIÈME DEGRÉ

144. Si Dieu, afin de nous instruire et de nous corriger, permet que le Soleil de justice, pour me servir des expressions de David, après s’être levé dans notre âme, connaisse le moment où il doit se coucher et disparaître, et lui cause par son absence de profondes ténèbres et une nuit obscure, et si, pendant cette nuit désolante, lés lions furieux et les autres bêtes féroces, c’est-à-dire nos passions, reviennent sur nous, quoique nous les eussions d’abord terrassées et vaincues, font de nouveaux efforts pour nous enlever la belle espérance que nous avions de la victoire, et pour nous souiller en nous faisant consentir à de mauvaises pensées, et commettre des actions criminelles; si enfin notre humilité profonde fait de nouveau lever sur nous le soleil de lumière, et que toutes ces bêtes sauvages se rassemblent pour se retirer dans leurs tanières, au dans les coeurs de ces misérables qui ne se plaisent que dans les voluptés sensuelles, et ne plus nous inquiéter, alors les démons seront obligés d’avouer, mais à leur honte, que le Seigneur a fait de cc grandes choses en notre faveur (Ps 103,20-23), et qu’il nous a donne une preuve sensible de sa Bonté et de sa Bienveillance; pour nous, nous pourrons leur répondre : Oui certainement le Seigneur a fait de grandes choses, et nous en sommes inondés de joie (Ps 125,2-3). Quant à vous qui aurez souffert cette terrible épreuve de la part des démons, vous pourrez dire : Voici que le Seigneur montera sur une nuée légère, c’est-à-dire sur votre âme élevée au dessus de toutes les affections terrestres, et entrera dans l’Égypte, c’est-à-dire dans un coeur rempli naguère de ténèbres épaisses, entassées par les vents impétueux des passions, et toutes les idoles des Égyptiens sont tombées devant sa Face, je veux dire toutes les mauvaises pensées se sont dissipées. (cf. Is 19,1) 1413 L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

18. Un certain moine d’Égypte me raconta un jour ce qui lui était arrivé à lui-même. Il me dit qu’il avait si profondément gravé dans son coeur le souvenir et la pensée de la mort, et que cette pensée lui faisait une impression si vive et si puissante, qu’ayant voulu procurer quelque soulagement à son corps, qui en avait un grand besoin, cette pensée, comme un juge inexorable, s’y opposa victorieusement; et, ce qui vous paraîtra plus étonnant encore, m’ajouta-t-il avec une admirable simplicité, c’est qu’ayant essayé pour un instant de rejeter cette pensée, je n’en pus venir à bout. 429 L’Échelle Sainte: SIXIÈME DEGRÉ

4. Cet heureux état de l’âme, quoiqu’il soit la perfection des coeurs parfaits, est néanmoins susceptible de s’augmenter sans cesse et presque jusqu’à l’infini. C’est cette tranquillité, ainsi que m’en a assuré un grand serviteur de Dieu qui en avait fait lui-même la délicieuse expérience, laquelle sanctifie et purifie tellement une âme, la détache et la délivre si victorieusement de toutes les affections pour les choses de la terre, que, par un ravissement tout divin, elle l’élève jusque dans les cieux, et qu’après l’avoir conduite au port du salut, elle lui fait contempler Dieu même. EH ! n’est-ce point de ce ravissement céleste qu’il avait peut-être éprouvé, que David veut parler, lorsqu’il dit : que les dieux puissants de la terre ont été extraordinairement élevés (Ps 46,10). C’est encore ce qu’avait éprouvé ce saint religieux d’Égypte, qui, au milieu de ses frères, priait presque toujours les bras étendus vers le ciel. 1709 L’Échelle Sainte: VINGT-NEUVIÈME DEGRÉ

EH ! n’était-ce pas de la tranquillité de l’âme que voulait parler saint Paul, en disant : Quel est l’homme qui a connu l’Esprit du Seigneur (1 Co 2,16) ? N’était-ce pas encore cette vertu que voulait signaler un solitaire d’Égypte, en disant qu’il n’avait plus de crainte du Seigneur ? Voulait-il marquer une autre chose que la paix de l’âme, ce religieux qui priait Dieu de lui permettre d’être encore éprouvé par le feu des tentations ? Quelle est donc encore la personne qui, avant la gloire future, puisse être jugée plus digne de cette tranquillité du coeur, que ce Syrien qui, tandis que David, si illustre parmi les prophètes, disait à Dieu : Accorde-moi , Seigneur, dans le cours de mon pèlerinage, quelque relâche et quelque repos, afin de recevoir quelque rafraîchissement avant que je parte de ce monde (Ps 38), disait lui même : Modère, Seigneur, les effusions surabondantes de grâces et de consolations dont Tu inondes mon âme ? 1711 L’Échelle Sainte: VINGT-NEUVIÈME DEGRÉ