Après cela, sans critiquer la circoncision qui est en usage chez les Juifs, il déclare qu’elle est venue des Egyptiens. Il a cru aux Egyptiens plus qu’à Moïse, selon qui le premier des hommes à être circoncis fut Abraham. Mais Moïse n’est pas le seul à rapporter le nom d’Abraham et sa familiarité avec Dieu. Maints charmeurs de démons emploient dans leurs formules l’expression « le Dieu d’Abraham » ; ils obtiennent de l’effet par la vertu du nom et de la familiarité entre Dieu et son juste. C’est pourquoi ils adoptent l’expression « le Dieu d’Abraham », sans savoir qui est Abraham. Il faut en dire autant d’Isaac, de Jacob et d’Israël : bien que ces noms, de l’aveu de tous, soient hébreux, les Egyptiens qui se targuent d’un pouvoir magique en parsèment fréquemment leurs formules. Mais, le sens de la circoncision, pratique inaugurée par Abraham, abrogée par Jésus qui ne voulait pas que ses disciples l’observent, n’a pas à être exposé pour l’instant. Il s’agit non pas d’instruire à ce sujet, mais de lutter pour détruire les griefs lancés contre la doctrine des Juifs par Celse ; car il pense montrer plus vite que le christianisme est faux s’il en établit la fausseté par l’attaque de sa source dans le judaïsme. LIVRE I
Je dirai donc d’abord : si celui qui refuse de croire en l’apparition du Saint-Esprit sous la forme d’une colombe était présenté comme épicurien, ou partisan de Démocrite, ou péripatéticien, le propos conviendrait au personnage. Mais en fait le très docte Celse n’a même pas vu qu’il attribuait une telle parole à un Juif qui croit en bien des récits des écritures prophétiques plus extraordinaires que l’histoire de la forme de la colombe. On pourrait dire en effet au Juif incrédule sur l’apparition, qui pense pouvoir l’accuser de fiction : mais toi, mon brave, comment pourrais-tu prouver que le Seigneur Dieu a dit à Adam, Eve, Caïn, Noé, Abraham, Isaac, Jacob ce que la Bible atteste qu’il a dit à ces êtres humains ? Et pour comparer cette histoire à une autre, je dirais volontiers au Juif : Ton Ézéchiel aussi a écrit ces paroles : « Le ciel s’ouvrit et je vis une vision de Dieu » ; et après l’avoir racontée, il ajoute : « C’était la vision d’un aspect de la gloire du Seigneur, et il me parla. » Si ce que l’on relate de Jésus est faux, puisqu’à ton avis nous ne pouvons pas prouver avec évidence la vérité de ce qu’il a seul vu et entendu, ainsi que, comme tu semblés y tenir, « l’un des suppliciés », pourquoi ne dirions-nous point à plus juste titre qu’Ézéchiel lui aussi est victime d’un prestige quand il dit : « Le ciel s’ouvrit… etc. » ? De plus, lorsqu’Isaïe affirme : « Je vis le Seigneur des armées assis sur un trône très élevé ; les Séraphins se tenaient autour de lui, ayant six ailes l’un, six ailes l’autre…» etc., d’où tiens-tu la preuve qu’il l’a réellement vu ? Car tu as cru, Juif, que ces visions sont véridiques, et que le prophète, sous l’influence de l’Esprit de Dieu, les a non seulement vues, mais encore racontées et écrites. Mais qui donc est plus digne de foi quand il affirme que le ciel lui a été ouvert, et qu’il a entendu une voix ou qu’il a vu « le Seigneur des armées assis sur un trône très élevé » ? Isaïe, Ézéchiel, ou bien Jésus ? Des premiers on ne trouve aucune oeuvre aussi sublime, tandis que la bonté de Jésus pour les hommes ne s’est pas bornée à la seule période de son incarnation ; même jusqu’à ce jour sa puissance opère la conversion et l’amélioration des moeurs de ceux qui croient en Dieu par lui. Et la preuve manifeste qu’elles sont dues à sa puissance, comme il le dit lui-même et que l’expérience le montre, c’est, nonobstant le manque d’ouvriers qui travaillent à la moisson des âmes, la moisson si abondante de ceux qui sont récoltés et introduits dans les aires de Dieu partout répandues, les églises. LIVRE I
Mais s’il est encore besoin, sur Jésus, d’une seconde prophétie évidente à nos yeux, nous citerons celle écrite par Moïse, bien des années avant la venue de Jésus. Il y affirme que Jacob, au moment de quitter la vie, adressa des prophéties à chacun de ses fils et dit entre autres à Juda : « Le prince ne s’éloignera pas de Juda, ni le chef, de sa race, jusqu’à ce que vienne celui à qui il est réservé de l’être. » A la lecture de cette prophétie, en vérité bien plus ancienne que Moïse, mais qu’un incroyant suspecterait d’avoir Moïse comme auteur, on peut s’étonner de la manière dont Moïse a pu prédire que les rois des Juifs, alors qu’il y avait parmi eux douze tribus, sortiraient de la tribu de Juda et gouverneraient le peuple ; c’est la raison pour laquelle tous les hommes de ce peuple sont nommés Judéens, du nom de la tribu régnante. Un second motif d’étonnement, à une lecture judicieuse de la prophétie, est la manière dont, après avoir dit que les chefs et les princes du peuple seraient de la tribu de Juda, elle a fixé le terme de leur gouvernement en disant que le prince ne s’éloignerait pas de Juda, ni le chef, de sa race, « jusqu’à ce que vienne celui à qui il est réservé de l’être, et il est lui-même l’attente des nations ». Il est venu, en effet, celui à qui il est réservé de l’être, le Christ de Dieu, « le prince » des promesses de Dieu. Manifestement seul, à l’exclusion de tous ceux qui l’ont précédé, j’oserais même dire et de ceux qui le suivront, il est « l’attente des nations », car, de toutes les nations, on a cru en Dieu par lui, et les nations ont espéré en son nom suivant la parole d’Isaïe : « En son nom espéreront les nations. » Et à « ceux qui sont dans les fers », suivant que « chaque homme est serré dans les liens de ses péchés », il dit : « Echappez-vous », et à ceux qui sont dans l’ignorance : venez à la lumière, en accomplissement de la prophétie : « Je t’ai donné pour une alliance des nations, pour relever le pays, pour hériter de l’héritage dévasté, disant à ceux qui sont dans les fers : Echappez-vous, et à ceux qui sont dans les ténèbres : Apparaissez à la lumière.» Et on peut voir, à son avènement, réalisé par ceux qui croient avec simplicité dans tous les lieux de la terre, l’accomplissement de cette parole : « Et sur toutes les routes ils paîtront, et sur toutes les hauteurs seront leurs pâturages. » LIVRE I
On a observé, lors des grands événements et des changements les plus considérables qui surviennent sur terre, que de tels astres se lèvent, indiquant des changements de règne, des guerres, tout ce qui peut advenir chez les hommes et provoquer des secousses dans le monde terrestre. J’ai lu dans le traité “Sur les comètes” de Chaerémon le Stoïcien comment il arrive parfois que des comètes se sont levées à l’approche d’événements heureux, et il en cite des exemples. Si donc à l’occasion de nouveaux règnes ou d’autres événements importants sur terre se lève une « comète » ou un des astres semblables, quoi d’étonnant qu’un astre se soit levé à la naissance de celui qui allait ouvrir de nouvelles voies pour la race humaine et introduire sa doctrine, non seulement chez les Juifs, mais encore chez nombre de Grecs et chez les peuples barbares? Quant à moi, je peux dire : au sujet des comètes, on ne rapporte aucune prophétie que sous tel règne, à telle époque, se lèverait telle comète ; mais sur l’astre qui s’est levé à la naissance de Jésus, Balaam a prophétisé, disant, comme le nota Moïse : « Un astre se lèvera de Jacob, et un homme s’élèvera d’Israël » Et s’il est nécessaire encore d’examiner ce que l’Écriture dit des mages à la naissance de Jésus, et de l’apparition de l’étoile, voici des observations que je pourrais présenter les unes aux Grecs, les autres aux Juifs. LIVRE I
Il dit que “le corps d’un Dieu ne se nourrit pas de la sorte” : comme s’il pouvait établir par les écrits évangéliques que Jésus se nourrissait et de quelle sorte de nourritures ! Mais soit, qu’il dise que Jésus a mangé la Pâque avec ses disciples, qu’il ne s’est pas contenté de dire : « J’ai désiré avec ardeur manger cette Pâque avec vous », mais qu’il l’a effectivement mangée. Qu’il dise que, ayant soif au puits de Jacob, il a bu. En quoi cela contredit-il ce que nous disons de son corps ? Et il paraît manifestement avoir mangé du poisson après sa résurrection. Selon nous, en effet, il a pris un corps, puisqu’il est né d’une femme. LIVRE I
Il n’est pas étonnant qu’en certaines générations des prophètes, à cause de leur vie plus généreuse et plus active, surpassent dans leur capacité à recevoir Dieu d’autres prophètes, les uns de leur époque, d’autres avant ou après eux. Il n’est pas étonnant non plus qu’à un temps déterminé soit venu au genre humain un être extraordinaire, supérieur à ceux qui l’ont précédé ou ceux qui viendraient plus tard. Mais la raison de ces dispositions a trop de profondeur et de mystère pour être pleinement accessible à l’entendement commun. Pour élucider la question et répondre à l’objection sur la venue du Christ : « Est-ce donc maintenant, après tant de siècles, que Dieu s’est souvenu de juger la race humaine, alors qu’auparavant il n’en avait cure ? », il faut aborder le sujet des divisions de peuples, et dire clairement pourquoi « quand le Très-Haut assigna aux nations leur héritage, quand il répartit les fils d’Adam, il fixa les limites des nations suivant le nombre des anges de Dieu ; et la part du Seigneur fut son peuple Jacob, et le lot de son héritage, Israël ». Et il faudra dire la cause de la naissance des hommes dans chaque région, sous la domination de celui qui a reçu la région en héritage ; et comment il était logique que « son peuple Jacob fût la part du Seigneur, et Israël le lot de son héritage » ; et pourquoi, alors qu’auparavant « son peuple Jacob était la part du Seigneur, et Israël le lot de son héritage », pour les siècles à venir il est dit au Sauveur par son Père : « Demande-moi et je te donnerai les nations en héritage et pour domaine les extrémités de la terre. » Il y a, de fait, pour les économies différentes concernant les âmes humaines, des raisons logiques et enchaînées qui sont indicibles et inexplicables. LIVRE IV
Après quoi, s’en prenant aux récits du premier livre de Moïse intitulé Genèse, Celse dit : Ils ont tenté avec impudence de rattacher leur généalogie à une première génération de sorciers et de vagabonds, invoquant le témoignage de paroles obscures, équivoques, comme cachées dans l’ombre, qu’ils interprètent à tort devant les ignorants et les sots, et cela sans que jamais, au cours de la longue période qui précède, ce point fût mis en discussion. Il me paraît avoir donné là de sa pensée une expression fort obscure. Sans doute a-t-il gardé l’obscurité sur ce point, voyant bien la force de l’argument qui prouve que la nation juive descendait de tels ancêtres. D’autre part, il a voulu ne point paraître ignorer une question primordiale pour les Juifs et leur race. Il est bien clair que les Juifs rattachent leur généalogie aux trois ancêtres Abraham, Isaac, Jacob ; leurs noms ont un tel pouvoir, quand ils sont joints à l’appellation de Dieu, que non seulement les gens de cette nation, dans les prières adressées à Dieu et dans les exorcismes contre les démons, usent de la formule « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob », mais encore presque tous ceux qui se livrent aux pratiques d’incantation et de magie. Car dans les livres de magie, on trouve souvent cette invocation de Dieu et cet emploi du nom de Dieu, conjoint aux noms de ces hommes dans les exorcismes. Ces raisons produites par les Juifs et les chrétiens pour prouver la sainteté d’Abraham, Isaac, Jacob, les ancêtres de la race juive, je ne pense pas que Celse les ait entièrement ignorées mais il s’abstient d’une exposition claire, incapable d’affronter l’argument. LIVRE IV
En effet, nous posons cette question à tous ceux qui usent de ces invocations de Dieu : dites-nous, braves gens, quelle fut l’identité d’Abraham, la grandeur d’Isaac, la puissance de Jacob, pour que l’appellation « Dieu » jointe à leurs noms accomplisse d’aussi grands miracles ? Et de qui avez-vous appris ou pouvez-vous apprendre la vie de ces hommes ? Qui donc a pris soin d’écrire leur histoire, qu’elle exalte directement ces hommes dans un sens littéral ou qu’elle insinue par allusions de grandes et admirables vérités aux gens capables de les percevoir ? Et comme pour répondre à notre question nul d’entre vous ne peut montrer de quelle histoire, grecque ou barbare, ou sinon d’une histoire, du moins de quel traité secret vient le pouvoir de ces hommes, nous présenterons le livre intitulé Genèse, qui contient les actions de ces hommes et les oracles que Dieu leur adressa, et nous dirons : est-ce que l’usage que vous faites vous aussi des noms de ces trois premiers ancêtres de la nation, comprenant à l’évidence qu’on obtient par leur invocation des effets non négligeables, ne prouve pas le caractère divin de ces hommes ? Or nous ne les connaissons d’aucune autre source que des livres sacrés des Juifs. Mais en fait, « le Dieu d’Israël, le Dieu des Hébreux, le Dieu qui a précipité dans la mer Rouge le roi d’Egypte et les Égyptiens » sont des formules souvent employées pour lutter contre les démons ou certaines puissances perverses. Et nous avons appris l’histoire des personnages ainsi nommés, et l’interprétation de ces noms grâce aux Hébreux qui, dans leurs écrits traditionnels et leur langue nationale, les célèbrent et les expliquent. Comment donc pour les Juifs qui ont tenté de rattacher leur généalogie à la première génération de ces personnages, que Celse a considérés comme des sorciers et des vagabonds, y aurait-il une impudence à tenter de rattacher eux-mêmes et leur origine à ces hommes, dont les noms hébreux attestent aux Hébreux, car leurs livres sacrés sont écrits dans la langue et en caractères hébraïques, que leur nation est bien celle de ces hommes ? Et jusqu’à ce jour les noms juifs appartiennent à la langue hébraïque, qu’ils proviennent de leurs écrits ou tout simplement de significations particulières à la langue. LIVRE IV
La mention qu’il fait d’une procréation parfaitement absurde et après l’âge, bien qu’il ne donne pas de nom propre, désigne évidemment celle d’Abraham et de Sara. Quand il rejette les menées de frères, il veut parler de celles de Caïn contre Abel, ou encore d’Ésaü contre Jacob. La douleur d’un père peut être celle d’Isaac au départ de Jacob, peut-être encore celle de Jacob d’avoir vu Joseph emmené pour être vendu en Egypte. L’expression tromperies de mères désigne dans son texte, je crois, les dispositions prises par Rébecca pour faire tomber non sur Esaü, mais sur Jacob, les bénédictions d’Isaac. Mais qu’y a-t-il d’absurde à dire que Dieu à étroitement collaboré à tout cela, dans la persuasion où nous sommes que sa divinité ne s’éloigne jamais de ceux qui se consacrent à lui en menant une vie de vertu solide. Il raille encore l’enrichissement de Jacob chez Liban, pour n’avoir pas compris le sens de la parole : « Celles qui étaient sans marque étaient pour Liban, celles qui étaient marquées, pour Jacob. » Et il dit : Dieu a fait don à ses enfants d’ânes, de brebis et de chameaux, pour n’avoir pas vu que « tout cela leur est arrivé en figures et fut écrit pour nous qui touchons à la fin des temps » ; nous chez qui les nations variées ont été marquées et sont gouvernées par la parole de Dieu, richesse donnée qui est figurativement appelé Jacob. C’est l’arrivée de ceux qui viendront des nations à la foi au Christ qu’indiqué l’histoire de Laban et de Jacob. LIVRE IV
Celse abomine la haine, celle, je pense, que nourrissait contre Jacob Ésaü, dont la méchanceté est reconnue par l’Écriture ; puis, sans citer clairement l’histoire de Siméon et de Lévi qui cherchèrent à venger leur soeur violée par le fils du roi de Sichem, il les accuse tous deux. Il parle des frères qui vendent : les fils de Jacob ; du frère qui est vendu : Joseph ; du père qui se laisse tromper : Jacob, qui n’eut aucun soupçon quand ses fils lui montrèrent « la tunique multicolore » de Joseph, mais les crut et « pleura », comme s’il était mort, Joseph devenu esclave en Egypte. Voilà bien la haine sans amour de la vérité avec laquelle Celse entasse les traits de l’histoire. Là où elle lui paraît contenir des motifs de blâme, il la cite ; mais là où elle prouve la mémorable chasteté de Joseph, refusant, malgré ses prières et ses menaces, de céder à la passion de celle qui était légalement sa maîtresse, il ne se souvient plus de l’histoire. De manière bien supérieure aux actions que l’on rapporte de Bellérophon, on voit, en effet, Joseph préférer la prison à la perte de sa chasteté : du moins, quand il eût pu se défendre et se justifier contre son accusatrice, sa magnanimité lui fit garder le silence et remettre sa cause à Dieu. LIVRE IV
Elle était divine, tandis que le grand Ulysse, l’ami de l’Athéna d’Homère, n’était pas divin, mais il se réjouit quand il comprit le présage annoncé par la meunière divine, au dire du poète : « Et le divin Ulysse fut plein de joie à ce présage. » Considère donc que si les oiseaux ont l’âme divine et sentent Dieu, ou, comme le dit Celse, les dieux, manifestement, nous aussi les hommes, quand nous éternuons nous le faisons parce qu’une divinité est présente en nous qui accorde à notre âme une puissance divinatrice. C’est chose attestée par un grand nombre. D’où ces mots du poète : « Mais lui éternua en faisant un voeu » ; et ces mots de Pénélope : « Ne vois-tu pas ? Mon fils a éternué à toutes tes paroles. » La véritable Divinité n’emploie, pour la connaissance de l’avenir, ni les animaux sans raison, ni les hommes quelconques, mais les plus saintes et les plus pures des âmes humaines qu’elle inspire et fait prophétiser. C’est pourquoi, entre autres admirables paroles contenues dans la Loi de Moïse, il faut placer celle-ci : « Gardez-vous de prendre des auspices et d’observer les oiseaux » ; et ailleurs : « Car les nations que le Seigneur ton Dieu anéantira devant toi écouteront présages et divinations ; mais tel n’a pas été pour toi le don du Seigneur ton Dieu. » Et il ajoute immédiatement : « Le Seigneur ton Dieu te suscitera un prophète parmi tes frères. » Et Dieu, voulant un jour détourner par un devin de la pratique de la divination, fit parler son esprit par la bouche d’un devin : « Car il n’y a pas de présage en Jacob, ni de divination en Israël ; mais en son temps il sera dit à Jacob et à Israël ce que Dieu voudra. » Reconnaissant donc la valeur de telles injonctions et d’autres semblables, nous tenons à garder ce commandement qui a un sens mystique : « Avec grand soin garde ton coeur », afin qu’aucun des démons ne pénètre dans notre esprit, et qu’aucun des esprits hostiles ne tourne à son gré notre imagination. Mais nous prions pour que resplendisse « dans nos coeurs la lumière de la connaissance de la gloire de Dieu », l’Esprit de Dieu résidant dans notre imagination et nous suggérant des images dignes de Dieu : car « ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu ». LIVRE IV
Nous affirmons que Moïse, pour nous le prophète de Dieu et son véritable serviteur, retrace ainsi le partage des peuples de la terre dans le Cantique du Deutéronome : « Quand le Très-Haut divisait les nations, quand il répartissait les fils d’Adam, il fixa les limites des nations suivant le nombre d’anges de Dieu, mais le lot du Seigneur, ce fut son peuple Jacob, et le lot de son héritage Israël. » Sur la division des nations, le même Moïse, dans son livre de la Genèse, raconte sous la forme d’une histoire : « Et toute la terre n’avait qu’une langue, avec les mêmes mots pour tous. Et il advint que, se déplaçant du Levant, ils trouvèrent une plaine au pays de Sennaar et ils s’y établirent. » Et peu après : « Le Seigneur descendit voir la ville et la tour que les fils des hommes avaient bâtie. Et le Seigneur dit : ” Voici qu’ils ne forment qu’une seule race avec une seule langue pour tous. Ils ont commencé là leurs entreprises, et maintenant, ils n’auront de cesse qu’ils n’aient accompli tout ce qu’ils désirent. Allons ! Descendons ! Et là confondons leur langage, pour que chacun ne comprenne plus la parole de son voisin. ” Et le Seigneur les dispersa de là sur la face de toute la terre, et ils cessèrent de bâtir la ville et la tour. Voilà pourquoi on lui donna le nom de Confusion, car c’est là que le Seigneur confondit la langue de toute la terre, et c’est de là que le Seigneur les dispersa sur la face de toute la terre “. Dans le livre intitulé la Sagesse de Salomon traitant de la sagesse et de ceux qui vivaient lors de la confusion des langues, quand eut lieu le partage des peuples de la terre, il est ainsi parlé de la sagesse : « Et lorsque, unanimes en leur perversité, les nations eurent été confondues, c’est elle qui discerna le juste, le conserva sans reproche devant Dieu, et le garda fort contre sa tendresse pour son enfant.» Le sujet comporte une profonde doctrine mystique à laquelle s’applique la parole : « Il est bon de cacher le secret du roi. » Il ne faut pas livrer aux oreilles profanes la doctrine sur l’entrée des âmes dans le corps qui n’est pas due à la métensomatose ; il ne faut pas donner aux chiens les choses sacrées, ni jeter les perles aux pourceaux. Ce serait une impiété impliquant une trahison des secrets oracles de la sagesse de Dieu, d’après la belle sentence : « La sagesse n’entrera pas dans une âme perverse, elle n’habitera pas dans un corps tributaire du péché. » Pour les vérités cachées sous la forme d’une histoire, il suffît de les présenter selon la forme de cette histoire pour permettre à ceux qui le peuvent de dégager pour eux-mêmes la signification du passage. Qu’on se représente donc tous les peuples sur la terre, usant d’une même langue divine et, aussi longtemps du moins qu’ils vivent en accord les uns avec les autres, persistant à user de cette langue divine. Ils restent sans s’éloigner du Levant tant qu’ils ont l’esprit sensible aux effets de la lumière et du rayonnement « de la lumière éternelle ». Et quand, l’esprit rempli de préoccupations étrangères au Levant, ils se sont éloignés du Levant, ils trouvent « une plaine dans le pays de Sennaar », ce qui s’interprète ébranlement des dents pour indiquer symboliquement qu’ils ont perdu les moyens de se nourrir ; et ils y habitent. Ils veulent ensuite rassembler des matériaux et unir au ciel ce qui ne peut naturellement y être uni, pour conspirer avec la matière contre ce qui est immatériel. LIVRE V
Ensuite, dans la mesure où le permet la forme du récit qui, tout en ayant en lui-même une certaine vérité historique, manifeste en outre un sens caché, il faut voir que certains ont conservé leur langue originelle, parce qu’ils ne se sont pas éloignés du Levant mais restent au Levant et dans la langue du Levant ; il faut comprendre que ceux-là seuls sont devenus la part du Seigneur et son peuple du nom de Jacob, et devenus aussi « le lot de son héritage, Israël » ; ceux-là seuls ont été soumis à un souverain qui n’a pas reçu comme les autres ses sujets pour les punir. Que l’on observe, autant qu’on le peut humainement, que dans la société de ceux qui ont été attribués au Seigneur comme sa part de choix des péchés ont été commis, d’abord tolérables et ne méritant pas à leurs auteurs un complet abandon, ensuite plus nombreux mais encore tolérables. Comprenons que cette situation dura assez longtemps et qu’alors il y avait toujours un remède, et qu’ils se convertissaient par intervalles. Il faut voir qu’en proportion des péchés qu’ils commettaient, ils ont été abandonnés aux puissances maîtresses des autres contrées. D’abord modérément frappés de châtiments et de peines pour ainsi dire éducatrices, ils sont revenus dans leur patrie ; mais ensuite, il faut considérer qu’ils ont subi la tyrannie très rude des Assyriens, puis des Babyloniens comme les nomme l’Écriture. Ensuite il faut voir que, malgré l’application de ces remèdes, ils ont néanmoins multiplié leurs péchés et, pour cette raison, ont été dispersés dans les autres parties de la terre par les chefs des autres nations qui ravagèrent leur pays. Mais leur chef les laisse à dessein démembrer par les chefs du reste des nations afin qu’à son tour, comme par vengeance personnelle, ayant reçu la faculté d’arracher au reste des nations ceux qu’il pourrait, il l’exerçât avec raison, leur donnât des lois et leur proposât le genre de vie à suivre, afin de les conduire au but où il a conduit ceux du premier peuple qui n’ont pas péché. LIVRE V
Ces remarques non seulement réfutent sa théorie des puissances tutélaires, mais dans une certaine mesure préviennent ce que dit Celse contre nous : Mais que paraisse le second choeur: je leur demanderai d’où ils viennent, quel est l’auteur de leurs lois traditionnelles. Ils ne pourront désigner personne. En fait, c’est de là qu’ils sont venus eux aussi, ils ne peuvent indiquer pour leur maître et chef de choeur une autre origine. Néanmoins, ils se sont séparés des Juifs. EH bien ! nous venons tous, « en ces derniers jours » où notre Jésus nous a visités, « à la splendide montagne du Seigneur », sa Parole, « bien au-dessus » de toute autre parole, et à la maison de Dieu, « qui est l’Église du Dieu vivant, colonne et soutien de la vérité ». Nous la voyons bâtie « sur les sommets des montagnes », les paroles de tous les prophètes qui lui servent de fondation. Cette maison s’élève « bien au-dessus des collines », ces hommes qui paraissent promettre une supériorité en sagesse et en vérité. Et nous, « toutes les nations », nous montons vers elle, nous avançons, nations en foule, nous exhortant mutuellement à l’adoration de Dieu qui, « en ces derniers jours », a resplendi par Jésus-Christ : « Allons et montons à la montagne du Seigneur et à la maison du Dieu de Jacob. Il nous annoncera sa voie, et nous avancerons par elle. » Car « la loi » est sortie des habitants de « Sion », et elle est passée à nous toute spirituelle. De plus, « la parole du Seigneur » est sortie de cette « Jérusalem » pour être partout répandue et pour juger « chacun au milieu des nations » en se réservant ceux qu’elle voit dociles, mais pour condamner « la multitude » indocile. LIVRE V
S’il en va ainsi des noms humains, que faut-il penser des noms attribués pour une raison ou l’autre à la divinité ? Par exemple, il y a en grec une traduction du mot Abraham, une signification du nom Isaac, un sens évoqué par le son Jacob. Et si, dans une invocation ou un serment, on nomme « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob », la formule produit son effet, soit par la qualité naturelle de ces noms, soit par leur puissance. Car les démons sont vaincus et dominés par celui qui prononce ces noms. Mais si l’on dit : le Dieu du père choisi de l’écho, le Dieu du rire, le Dieu du supplanteur, on n’obtient pas plus d’effet qu’avec un autre nom dépourvu de puissance. On n’aurait pas plus de résultat en traduisant en grec ou dans une autre langue le nom d’Israël ; mais, en le conservant et en lui adjoignant ceux auxquels ont coutume de l’unir les gens experts en la matière, on peut réaliser l’effet promis à ces invocations faites dans cette langue. On dira la même chose du mot Sabaoth, fréquemment employé dans les incantations. A traduire ce nom : Seigneur des puissances, Seigneur des Armées, Tout-Puissant – car ses traducteurs lui donnent différentes acceptions ?, l’effet en sera nul ; alors que si on lui garde sa sonorité propre, on obtiendra de l’effet, au dire des spécialistes. On dira la même chose du mot Adonaï. Si donc ni Sabaoth, ni Adonaï, dans la traduction grecque de ce qu’ils semblent signifier n’ont aucun effet, combien plus seront-ils dépourvus d’efficacité et de puissance quand on croit qu’il est indifférent d’appeler Zeus Très-Haut, Zen, Adonaï, Sabaoth ! Instruits de tels secrets et d’autres semblables, Moïse et les prophètes ont interdit de prononcer « les noms d’autres dieux » par une bouche habituée à ne prier que le Dieu suprême, et de se ressouvenir d’eux dans un c?ur exercé à se garder de toute vanité de pensées et de paroles. C’est aussi la raison pour laquelle nous préférons supporter tous les mauvais traitements plutôt que de reconnaître Zeus pour Dieu. Car nous pensons que Zeus n’est pas identique à Sabaoth mais que, loin d’être une divinité, il n’est qu’un démon prenant plaisir à être ainsi nommé, ennemi des hommes et du Dieu véritable. Et même si les Égyptiens nous proposent Amon en nous menaçant de châtiments, nous mourrons plutôt que de proclamer Amon dieu : c’est un nom probablement usité dans certaines incantations égyptiennes qui évoquent ce démon. Libre aux Scythes de nommer Papaeos le Dieu suprême : nous ne le croirons pas. Nous admettons bien le Dieu suprême, mais refusons de donner à Dieu le nom propre de Papaeos, qui n’est qu’un nom agréable au démon ayant en partage le désert, la race et la langue des Scythes. Mais ce n’est pas pécher que de donner à Dieu le nom commun en langue scythe, égyptienne, ou toute autre langue maternelle. LIVRE V
Celse ajoute encore :” C’est donc le même Dieu qu’ont les Juifs et ces gens-là, ” évidemment les chrétiens. Et comme s’il tirait une conclusion qu’on ne saurait lui accorder, il dit :” C’est bien ce que reconnaissent ouvertement ceux de la grande Église qui reçoivent pour véridique la tradition courante parmi les Juifs sur la création du monde, par exemple sur les six jours et sur le septième. Ce jour-là,” dit l’Écriture, ” Dieu arrêta ses travaux, se retirant dans la contemplation de lui-même. Celse, ne remarquant pas ou ne comprenant pas ce qui est écrit, traduit se reposa, ce qui n’est pas écrit. Mais la création du monde et le repos sabbatique réservé après elle au peuple de Dieu offrent matière à une doctrine ample, profonde et difficile à expliquer. Il me paraît ensuite gonfler son livre et lui donner quelque importance en ajoutant des traits au hasard, par exemple l’histoire du premier homme que nous disons identique à celui que nommèrent les Juifs; et la généalogie de ses descendants que nous déterminons comme eux. Quant au complot que les frères ont ourdi l’un contre l’autre, je l’ignore. Je connais celui de Caïn contre Abel et celui d’Esaü contre Jacob. Mais il n’y en eut pas d’Abel contre Caïn, ni de Jacob contre Esaü. S’il y en avait eu, Celse aurait raison de dire que nous racontons après les Juifs les mêmes complots que les frères ont ourdis l’un contre l’autre. Accordons encore que nous parlons, eux et nous, de la même descente en Egypte, et du même exode de ce pays, et non pas d’une fuite comme pense Celse. Y a-t-il là de quoi fonder une accusation contre nous ou contre les Juifs ? Quand il pensait nous ridiculiser par l’histoire des Hébreux, il parlait de fuite ; mais quand il s’agissait d’examiner l’histoire des plaies que Dieu infligea à l’Egypte, il a préféré se taire. S’il faut préciser ma réponse à Celse, pour qui nous avons les mêmes opinions que les Juifs sur ces questions, je dirai : nous reconnaissons comme eux que ces livres ont été écrits par inspiration divine, mais nous ne sommes plus d’accord sur l’interprétation de leur contenu. Nous ne vivons pas comme les Juifs, car nous pensons que le sens de la législation dépasse l’interprétation littérale des lois. Et nous disons : « Toutes les fois que Moïse est lu, un voile est étendu sur leur c?ur », car l’intention de la loi de Moïse est cachée à ceux qui ne sont pas engagés avec ardeur sur la voie indiquée par Jésus-Christ. Nous savons que, « quand on se convertit au Seigneur – et le Seigneur c’est l’Esprit -, le voile » tombe ; l’on réfléchit pour ainsi dire comme en un miroir « à visage découvert la gloire du Seigneur » qui est dans les pensées cachées sous la lettre, et l’on participe pour sa propre gloire à ce qu’on appelle la gloire divine. Le mot visage, employé au figuré, est tout simplement ce qu’on pourrait dire entendement, et tel est le visage « selon l’homme intérieur », rempli de lumière et de gloire par la vérité contenue dans ces lois. LIVRE V
Mais d’abord nos sages, Moïse le plus ancien et les prophètes après lui, savaient que le Souverain Bien est absolument ineffable. Et comme Dieu se manifeste à ceux qui en sont dignes et prêts à le recevoir, ils ont écrit qu’il apparut entre autres à Abraham, à Isaac, à Jacob. Mais avec quelle qualité, en quel état, de quelle manière, et auquel d’entre nous apparut-il ? Ils ont laissé ces questions à résoudre par ceux qui peuvent montrer eux-mêmes qu’ils sont semblables à ceux auxquels Dieu est apparu : Dieu qu’ils ont vu non par les yeux de leur corps mais par leur coeur pur ; car, selon notre Jésus, « Bienheureux les coeurs purs, car ils verront Dieu ». LIVRE VI
Les Écritures reçues dans les églises de Dieu ne rapportent pas qu’il y ait sept deux, ou même un nombre nettement défini ; mais la Bible paraît enseigner qu’il y a plusieurs cieux, qu’il s’agisse des sphères de ce que les Grecs nomment des planètes ou de quelque chose d’autre plus mystérieux. Celse, après Platon, dit que la route des âmes pour aller vers la terre et en revenir passe par les planètes. Mais Moïse, notre prophète le plus ancien, raconte la vision de notre patriarche Jacob : dans un songe envoyé de Dieu, lui apparut une échelle arrivant jusqu’au ciel, par où les anges de Dieu montaient et descendaient, tandis que le Seigneur s’appuyait à son somme». Peut-être à propos de cette échelle suggérait-il les vues précédentes, ou quelques vérités supérieures. Cette échelle a fourni le sujet d’un livre de Philon qui mérite l’examen réfléchi et intelligent de ceux qui aiment la vérité. LIVRE VI
Et si tu le peux, observe encore, avant eux, les actions de Noé faisant une prophétie, d’Isaac donnant une bénédiction prophétique à son fils, de Jacob disant à chacun des Douze : « Venez que je vous annonce ce qui arrivera aux derniers jours ». Ceux-là et une infinité d’autres ont prophétisé au nom de Dieu et prédit l’histoire de Jésus-Christ. Voilà pourquoi nous ne tenons aucun compte des oracles prononcés par la Pythie, les prêtresses de Dodone, le dieu de Claros, chez les Branchides, au temple d’Ammon, ou par mille autres devins prétendus. LIVRE VI