Jacob (Orígenes)

Voici tout ce qui est transmis clairement par la prédication apostolique. D’abord il y a un seul Dieu qui a tout créé et établi, qui, alors que rien n’était, a fait être l’univers. Il est Dieu dès le début de la création et formation du monde, le Dieu de tous les justes, d’Adam, Abel, Seth, Énos, Enoch, Noé, Sem, Abraham, Isaac, Jacob, des douze patriarches, de Moïse et des prophètes. Et ce Dieu dans les derniers temps, comme il l’avait promis auparavant par ses prophètes, a envoyé notre Seigneur Jésus-Christ, pour appeler d’abord Israël, puis les nations après l’infidélité du peuple d’Israël. Ce Dieu juste et bon, père de notre Seigneur Jésus-Christ, a donné lui-même la loi, les prophètes et les évangiles : il est le Dieu des apôtres, celui de l’Ancien et du Nouveau Testament. Préface

En ce contexte où nous discutons des natures raisonnables, il ne convient pas de nous taire sur nous, les hommes, qui assurément sommes dits nous aussi des vivants raisonnables : et il ne faut pas passer sous silence que divers ordres sont nommés parmi nous, les hommes, lorsqu’il est parlé de portion du Seigneur, de son peuple Jacob, de la part de son héritage, Israël, et que les autres nations sont appelées la part des anges, car lorsque le Très-Haut divisait les nations et dispersait les fils d’Adam, il fixa les frontières des nations selon le nombre des anges de Dieu. Et c’est pourquoi, de même que pour les autres natures raisonnables, il faut examiner ce qu’est l’âme humaine. LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Première section

Puisque la logique de cette discussion montre que les astres sont des êtres animés et raisonnables, il faut voir s’ils ont reçu leurs âmes en même temps que leurs corps, au moment que désigne l’Écriture : Dieu fit deux grands luminaires, un plus grand pour gouverner le jour et un plus petit pour gouverner la nuit, ainsi que des étoiles, ou si l’esprit a été inséré, non à la création même des corps, mais du dehors, une fois les corps créés. Quant à moi je présume que l’esprit a été inséré du dehors, mais il paraîtra important de montrer cela à partir des Écritures. Cela semblera facile à affirmer par manière de conjecture, mais assurément plus difficile par le témoignage des Écritures. Car il est possible de le montrer ainsi par manière de conjecture. S’il est prouvé que l’âme de l’homme, assurément inférieure à celle des astres, puisqu’elle est l’âme de l’homme, n’a pas été façonnée avec le corps, mais a été effectivement insérée de l’extérieur, à plus forte raison est-ce le cas des âmes de ces êtres animés qui sont appelés célestes. Car en ce qui regarde l’homme, comment paraîtra-t-elle façonnée avec le corps l’âme de celui qui dans le ventre maternel a supplanté son frère, c’est-à-dire Jacob ? Ou comment a-t-elle été façonnée ou modelée avec le corps l’âme de celui qui, encore dans le ventre de sa mère, a été rempli de l’Esprit Saint ? Je parle de Jean, transporté de joie dans le sein de sa mère et s’agitant, pris d’une grande exultation, parce que la voix de la salutation de Marie était parvenue aux oreilles d’Elisabeth sa mère. Comment a-t-elle été façonnée et modelée avec le corps l’âme de celui qui est dit connu par Dieu avant d’être formé dans le sein et sanctifié par lui avant de sortir de la matrice ? A moins que Dieu ne paraisse remplir certains de l’Esprit Saint sans jugement et sans considération de leurs mérites et les sanctifier sans raison. Comment alors échapperons-nous à cette parole : Y a-t-il injustice auprès de Dieu ? Loin de là ! Ou à cette autre : Y a-t-il acception de personnes auprès de Dieu ? C’est à une telle conclusion qu’aboutit cependant la défense de l’assertion qui fait exister les âmes la même longueur de temps que les corps. Ce qu’on peut conjecturer par comparaison avec la situation humaine paraît s’appliquer encore plus logiquement aux êtres célestes : la raison de l’homme elle-même et l’autorité de l’Écriture semblent le montrer. LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Deuxième section

Maintenant que nous avons traité ces sujets selon l’ordre requis et le plus brièvement possible, il nous reste, conformément à notre propos initial, à réfuter ceux qui pensent que le Père de notre Seigneur Jésus-Christ est un autre Dieu que celui qui répondait à Moïse à propos de la loi et envoyait les prophètes, le Dieu des patriarches Abraham, Isaac et Jacob. Il faut d’abord nous raffermir dans cette doctrine de foi. Considérons donc ce qui est dit souvent dans l’Évangile et rapporté en liaison avec chacun des actes de notre Seigneur et Sauveur : Pour que soit accompli ce qui est dit par le prophète, par tel ou tel prophète, puisqu’il est évident qu’ils sont les prophètes du Dieu qui a fait le monde. En bonne logique, on conclut que celui qui a envoyé les prophètes a lui-même prédit ce qu’il fallait prédire du Christ. Il n’est pas douteux que cela n’a pas été prédit par un Dieu qui lui aurait été étranger, mais par son propre père. Et le fait que, fréquemment, le Sauveur et ses apôtres prennent des exemples dans l’Ancien Testament n’indique pas autre chose que l’autorité attachée aux anciens par le Sauveur et ses disciples. Cette phrase du Sauveur exhortant ses disciples à la bonté : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait, lui qui fait lever son soleil sur les bons et les méchants et pleuvoir sur les justes et les injustes, suggère à tout homme, même d’intelligence médiocre, comme une vérité très évidente, qu’il ne propose pas à l’imitation de ses disciples un autre Dieu que le créateur du ciel, celui qui dispense les pluies. Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section

Quand il dit que nous devons prier ainsi : Notre Père qui es aux deux, que semble-t-il montrer d’autre, si ce n’est Dieu à chercher dans les parties supérieures du monde, c’est-à-dire de sa création ? Et lorsqu’il a donné d’excellents préceptes sur les serments et qu’il a dit qu’il ne fallait jurer ni par le ciel, parce qu’il est le trône de Dieu, ni par la terre parce qu’elle est l’escabeau de ses pieds, n’est-il pas très clairement en accord avec les paroles prophétiques : Le ciel est mon trône et la terre l’escabeau de mes pieds ? Quand il chasse du temple les vendeurs de boeufs, de brebis et de colombes, jetant aussi à terre les tables des changeurs, en disant : ôtez de là tout cela et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce, il appelait sans aucun doute Père le Dieu au nom duquel Salomon avait construit le magnifique temple. De même ces paroles : N’avez-vous pas lu ce que Dieu a dit à Moïse: Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob ? Il n’est pas en effet le Dieu des morts, mais des vivants, nous enseignent d’une façon tout à fait explicite que le Dieu des patriarches, parce qu’ils étaient saints et vivaient saintement, Jésus l’appelait le Dieu des vivants, ce Dieu qui avait dit dans les prophètes : Je suis Dieu et il n’y a pas d’autre Dieu que moi. Car le Sauveur, sachant que le Dieu d’Abraham est celui dont parle la loi et qu’il est le même que celui qui dit : Je suis Dieu et il n’y a pas d’autre Dieu que moi, en reconnaissant comme son Père celui qui ignore qu’il y a un autre Dieu au-dessus de lui selon l’opinion des hérétiques, dit alors une absurdité, en déclarant son Père celui qui ignore ce Dieu supérieur. Si vraiment il ne l’ignore pas, mais s’il trompe en disant qu’il n’y a pas d’autre Dieu que lui, c’est une absurdité encore plus grande de voir le Christ reconnaître pour Père un menteur. De tout cela la pensée parvient à ce résultat que Jésus ne connaît d’autre Père que le Dieu qui a fait et créé l’univers. Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section

Il serait trop long d’extraire et de rassembler de tous les passages de l’Évangile des témoignages enseignant que le Dieu de la loi et le Dieu des évangiles sont un seul et même Dieu. Invoquons cependant brièvement ce passage des Actes des Apôtres qui montre Étienne et les apôtres dirigeant leurs prières vers le Dieu qui a fait le ciel et la terre et qui a parlé par la bouche de ses saints prophètes, l’appelant le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu qui a tiré son peuple de la terre d’Egypte. Ces paroles dirigent sans aucun doute notre pensée vers la foi au Créateur et le font aimer de ceux qui ont appris tout cela à son sujet avec piété et fidélité. Le Sauveur lui-même, à qui on demandait quel était le commandement suprême de la loi, répondit ainsi : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ton intelligence. Le second commandement lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Et il ajouta : De ces deux préceptes dépendent toute la loi et les prophètes. Comment donc, à celui qu’il instruisait et qu’il invitait à être son disciple, recommande-t-il ce précepte avant tous les autres, ce précepte qui sans aucun doute demande d’aimer le Dieu de la loi, puisque tout cela fut dit par la loi dans les mêmes termes ? Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section

Mais l’Écriture sainte ne me paraît pas s’être tue complètement sur la raison de ce mystère. L’apôtre Paul discutant Ésaü et de Jacob dit : Alors qu’ils n’étaient pas encore nés et qu’ils n’avaient rien fait de bien ni de mal, pour que soit maintenue la décision concernant leur élection par Dieu, ce n’est pas par suite de leurs oeuvres, mais par la volonté de celui qui les a appelés qu’il fut dit: L’aîné servira le plus jeune. Il est écrit en effet: J’ai aimé Jacob, j’ai pris en haine Elsa. Et Paul ensuite s’est répondu à lui-même en ces termes :Que dirons-nous donc ? Y a-t-il injustice de la part de Dieu ? Pour nous fournir à ce sujet une occasion de recherche et d’examen, pour savoir comment cela s’est passé d’une manière non déraisonnable, il s’est répondu à lui-même : Qu’il n’en soit pas ainsi! Les mêmes questions qui se posent à propos d’Ésaü et de Jacob, à ce qu’il me semble, peuvent s’étendre à tous les êtres célestes, aux créatures terrestres et infernales : Alors qu’ils n’étaient pas encore nés et qu’ils n’avaient rien fait de bien ni de mal; cela peut se dire pareillement de tous les autres êtres. Alors qu’ils n’avaient pas encore été créés et qu’ils n’avaient rien fait de bien ni de mal, afin que soit maintenue la décision de Dieu concernant leur élection, comme certains le pensent, les uns ont été faits êtres célestes, d’autres terrestres et d’autres infernaux, non par suite de leurs oeuvres, selon l’opinion de ces héré-tiques, mais par la volonté de celui qui les a appelés. Que dirons-nous donc si les choses sont ainsi ? Il y a donc injustice de la part de Dieu ? Qu’il n’en soit pas ainsi! Alors, en scrutant les Écritures avec plus de soin au sujet d’Ésaü et de Jacob, on trouve qu’il n’y a pas d’injustice de la part de Dieu, quand, avant leur naissance et avant qu’ils aient fait quoi que ce soit, dans cette vie évidemment, il est dit que l’aîné servira le plus jeune, et on trouve de même qu’il n’y a pas d’injustice dans le fait que Jacob ait supplanté son frère dans le sein de sa mère, si on pense qu’il a été aimé de Dieu avec raison jusqu’à être préposé à son frère à cause des mérites d’une vie précédente, bien entendu. Ainsi peut-on penser des créatures célestes, si nous remarquons que cette diversité n’est pas l’état initial de la créature, mais que, à la suite de causes antécédentes, le Créateur prépare à chacune une fonction et un service différents selon la dignité de son mérite : cela vient assu-rément du fait que chacun, parce qu’il a été créé par Dieu comme intelligence ou comme esprit raisonnable, s’est acquis plus ou moins de mérite par suite des mouvements de l’intelligence et des affections de l’entendement et s’est rendu ainsi pour Dieu aimable ou même haïssable. Cepen-dant quelques-uns de ceux qui ont le mieux mérité ont reçu pour l’ordonnance du monde la fonction de souffrir avec les autres et de prêter service aux êtres inférieurs, afin de participer ainsi à la patience du créateur, selon ces paroles de l’Apôtre : La création a été en effet soumise à la vanité, contre son gré, mais à cause de celui qui l’a soumise, dans l’espérance. Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Deuxième section

En considérant ce que dit l’apôtre parlant de la naissance d’Ésaü et de Jacob : Y a-t-il injustice de la part de Dieu ? Qu’il n’en soit pas ainsi! j’estime juste d’appliquer cette même affirmation à toutes les créatures, puisque, comme on l’a dit plus haut, la justice du créateur doit apparaître en toutes. Cela serait montré plus clairement, à mon avis, si chaque être céleste, terrestre ou infernal portait en lui, précédant sa naissance corporelle, les causes de ces différences. Tout en effet a été créé par la Parole de Dieu et par sa Sagesse, et a été ordonné par sa Justice. Il pourvoit à tous les êtres par la grâce de sa miséricorde, il les exhorte à se laisser soigner par tous les remèdes possibles et les invite au salut. Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Deuxième section

Si donc nous admettons une bonne fois qu’il y a certaines causes qui précèdent le fait d’être vases d’honneur ou vases de déshonneur, qu’y a-t-il d’étrange à penser, si nous en venons à la question des âmes, que certaines causes ont précédé l’amour dont Jacob a été l’objet et la haine dont Ésaü a été l’objet, en ce qui concerne Jacob avant sa venue dans le corps et en ce qui concerne Ésaü avant qu’il ait été dans le sein de Rébecca. Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21:

C’est pourquoi je pense que jamais peut-être l’homme ne peut vaincre par lui-même une puissance contraire sans utiliser l’aide divine. C’est pourquoi on dit qu’un ange lutta avec Jacob. Ce n’est pas pareil de dire, d’après la compréhension que nous en avons, qu’un ange lutta avec Jacob et qu’un ange lutta contre Jacob ; mais cet ange qui était à ses côtés pour son salut, qui, connaissant ses progrès, lui donna aussi le nom d’Israël, lutte avec lui, c’est-à-dire : il est avec lui dans la lutte et il l’aide dans le combat, alors qu’il y en avait sans aucun doute un autre, contre lequel Jacob luttait, contre lequel il menait le combat. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section

Ainsi, Paul ne nous dit pas que nous avons à lutter avec les princes et les puissances, mais contre les principautés et les puissances. En conséquence, si Jacob a lutté, c’est sans aucun doute contre l’une de ces puissances qui, d’après l’énumération de Paul, s’opposent au genre humain et principalement aux saints et mènent contre eux le combat. C’est pourquoi enfin l’Écriture dit de Jacob qu’il a lutté avec l’ange et qu’il a pris de la force en allant vers Dieu, afin de signifier que son combat et sa lutte furent menés avec l’aide de l’ange et que la palme de la perfection a conduit le vainqueur à Dieu. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section

Discutons d’abord l’opinion, habituelle chez certains, qu’il y a en nous une âme bonne et céleste et une autre plus basse et terrestre, et que la meilleure est mise en nous venant du ciel, comme celle qui donna à Jacob luttant contre Ésaü encore dans le sein maternel la palme de la victoire sur son frère qu’il supplantait ainsi, comme celle qui dans Jérémie fut sanctifiée dès la matrice, et celle qui fut remplie de l’Esprit Saint dans Jean dès le sein de sa mère. L’âme qu’ils appellent inférieure, ils affirment qu’elle a été semée avec le corps à partir de la semence corporelle et ils nient en conséquence qu’elle puisse vivre et subsister sans le corps : c’est pourquoi fréquemment ils l’appellent la chair. Cette phrase de l’Écriture : La chair convoite contre l’esprit, ils ne l’entendent pas de la chair proprement dite, mais de l’âme qui est à proprement parler l’âme de la chair. Mais ils essaient cependant de confirmer cela par ce passage du Lévitique: L’âme de toute chair c’est le sang. Puisque c’est le sang répandu dans toute la chair qui lui fournit la vie, ils disent que cette âme, qui est appelée l’âme de toute chair, se trouve dans le sang. Par eux ces paroles : La chair combat contre l’esprit et l’esprit contre la chair, et : L’âme de toute chair c’est son sang, désignent en d’autres termes la sagesse de la chair, une sorte d’esprit matériel, qui n’est pas soumis à la loi de Dieu et ne peut lui être soumis, parce qu’il possède des volontés terrestres et des désirs corporels. Ils pensent que l’Apôtre a parlé de cela dans ces termes : Je vois une autre loi dans mes membres, qui combat la loi de mon intelligence et me rend captif de la loi du péché, qui est dans mes membres. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Troisième section

Sur la création du monde, quelle autre Écriture pourra nous renseigner, si ce n’est celle où Moïse a décrit son origine ? Bien qu’elle contienne des significations plus profondes que ce que semble montrer le récit des faits, bien qu’elle renferme presque partout une intelligence spirituelle et qu’elle se serve du voile de la lettre pour cacher des réalités mystiques et profondes, cependant la parole du narrateur affirme qu’à un certain moment tout le visible a été créé. Jacob parle le premier de la fin du monde, dont il témoigne devant ses fils en ces termes : Venez vers mol, fils de Jacob, que je vous annonce ce qui se passera dans les derniers jours, ou : après les derniers jours. S’il y a des derniers jours ou un après les derniers jours, il faut que cessent des jours qui ont commencé. David dit de même : Les deux périront, mais toi, tu demeureras, et tous s’useront comme un vêlement et comme une couverture tu les changeras, et ils seront changés ; mais toi, tu es le même et tes années ne cesseront pas. Lorsque notre Seigneur et Sauveur dit : Celui qui a créé au commencement les a fait mâle et femelle, il atteste lui-même pareillement que le monde a été fait. Et lorsqu’il dit : Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas, il le montre corruptible et allant vers une fin. L’Apôtre dit aussi : A la vanité en effet la création est soumise, sans qu’elle le veuille, mais à cause de celui qui l’a soumise, dans l’espoir, car la création elle-même sera libérée de la servitude de la corruption pour recevoir la liberté glorieuse des fils de Dieu : il affirme là clairement la fin du monde, et de même quand il dit : L’état de ce monde passera. Mais en disant : La création est soumise à la vanité, il montre aussi son commencement. Si en effet la création est soumise à la vanité à cause d’un espoir quelconque, elle est soumise par une cause, et ce qui est par une cause doit nécessairement avoir eu un commencement. Il n’était pas possible, sans un commencement, que la création soit soumise à la vanité et qu’elle espère être libérée de la servitude de la corruption, si elle n’avait pas commencé à être esclave de la corruption. Mais on peut trouver bien d’autres textes de ce genre dans les Écritures, si on recherche à loisir où il est dit que le monde a eu un commencement et espère une fin. Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Première section

Nous utilisons ce texte contre ceux qui disent, troublés par les paroles que dans la Genèse Jacob adresse à Juda, que l’ethnarque, issu de la race de Juda, commandera le peuple, sans que manquent ceux qui viennent de sa famille, jusqu’à la venue du Christ telle qu’ils se l’imaginent. Car si pendant de nombreux jours les fils d’Israël siégeront sans roi ni prince, sans victime ni autel ni sacerdoce ni oracles – et depuis la destruction du temple il n’y a pas eu de victime, d’autel ni de sacerdoce -, il est clair qu’il a manqué un prince venant de Juda et un chef sorti de sa race. Puisque la prophétie dit : Un prince venant de Juda ne fera pas défaut ni un chef sorti de sa race jusqu’à ce que vienne ce qui lui est réservé, il est évident qu’il est venu, celui à qui appartient ce qui lui est réservé, l’attente des nations. Et cela est clair par suite de la multitude des nations de ceux qui ont cru par le Christ à Dieu. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Première section

Qu’il y a des économies mystérieuses, montrées par les divines Écritures, tous, même les plus simples, parmi ceux qui viennent à notre doctrine, le croient ; que sont-elles en revanche, ceux qui sont sages et sans orgueil avouent qu’ils ne le savent pas. Si quelqu’un est embarrassé au sujet de l’union de Lot avec ses filles, des deux épouses d’Abraham, des deux soeurs mariées à Jacob et des Jeux servantes qui ont enfanté par lui, ils diront seulement qu’il y a là des mystères que nous ne comprenons pas. Et lorsqu’ils lisent la manière dont le tabernacle fut construit, persuadés que ce qui est écrit est symbole, ils cherchent à qui on pourra appliquer chacun des détails indiqués à propos du tabernacle : ils ne se trompent pas quand ils sont persuadés que le tabernacle est symbole de quelque chose, mais parfois ils s’égarent lorsqu’ils veulent appliquer la parole de façon digne de l’Écriture à telle réalité dont le tabernacle est symbole. Et tout récit qu’on croit raconter des noces, des enfantements, des guerres ou n’importe quoi qui serait compris par la foule comme des histoires, ils affirment qu’il y a là des symboles. Quant à savoir de quoi, tantôt à cause de capacités insuffisamment exercées, tantôt par précipitation, parfois aussi malgré l’exercice et la réflexion, à cause de la difficulté sans mesure qu’ont les hommes pour trouver les réalités, on n’arrive pas à éclaircir le sens de chaque chose. Et que dire des prophéties que nous savons tous pleines d’énigmes et de paroles obscures ? Et si nous en venons aux évangiles, leur sens exact, puisqu’il est la pensée du Christ, exige pour être compris la grâce qui a été donnée à celui qui a dit : Nous, nous avons la pensée du Christ pour que nous sachions ce que Dieu nous a accordé : ce que nous disons, nous ne le disons pas dans des paroles apprises de la sagesse humaine, mais dans des paroles apprises de l’Esprit. Quant à ce qui a été révélé à Jean, quel lecteur ne serait pas frappé de constater qu’y sont cachés des mystères ineffables, dont la présence apparaît même à celui qui ne comprend pas ce qui est écrit ? A qui, parmi ceux qui savent examiner les textes, les épîtres des apôtres sembleraient claires et faciles à comprendre, alors que d’innombrables passages donnent l’occasion d’entrevoir, là aussi, comme à travers une ouverture, des pensées très sublimes et très nombreuses ? C’est pourquoi, les choses étant ainsi et de nombreuses personnes s’y trompant, il n’est pas sans danger, quand on lit l’Écriture, de déclarer facilement qu’on comprend, ce qui exige qu’on soit en possession de la clef de la connaissance qui, d’après le Seigneur, se trouve chez les docteurs de la loi. Qu’ils nous disent, ceux qui ne veulent pas accepter qu’avant la venue du Christ la vérité se trouvait chez les docteurs de la loi, comment il se fait que notre Seigneur Jésus-Christ nous déclare que la clef de la connaissance est chez eux, alors que, d’après nos contradicteurs, ils n’ont pas de livres contenant les mystères secrets et parfaits de la connaissance. Le texte en effet est le suivant : Malheur à vous, docteurs de la loi, car vous avez ôté la clef de la connaissance; vous n’êtes pas entrés vous-mêmes et vous avez empêché les autres d’entrer. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Tout cela a été dit pour montrer que le but fixé par la puissance divine qui nous a donné les Écritures saintes n’est pas de comprendre seulement ce que présente la lettre, car parfois cela pris littéralement n’est pas vrai et est même déraisonnable et impossible, mais que certaines choses ont été tissées dans la trame de l’histoire qui s’est produite et de la législation qui est utile au sens littéral. Mais que personne ne nous soupçonne de dire, en généralisant, que rien n’est historique parce que certains événements ne se sont pas produits ; qu’aucune législation n’est à observer selon la lettre, parce que certaines législations prises à la lettre sont déraisonnables et impossibles ; que ce qui est écrit du Sauveur n’est pas vrai dans sa signification sensible, ni qu’il ne faut pas garder sa législation et ses préceptes. Il faut dire au contraire que la vérité historique de certains faits est claire : ainsi qu’Abraham a été enseveli à Hébron dans une caverne à deux salles, et de même Isaac et Jacob et une des femmes de chacun d’eux ; que Sichem fut donnée en partage à Joseph ; que Jérusalem est la capitale de la Judée et qu’en elle Salomon construisit le temple de Dieu, et de nombreuses autres choses. Bien plus important en quantité est ce qui est historiquement vrai que ce qui y a été tissé de purement spirituel. De même, qui ne dirait que le précepte : Honore ton père et ta mère afin que cela te profite est utile en dehors de toute allégorisation et doit être observé, alors que l’apôtre Paul s’en sert en le répétant littéralement ? Que dire de : Tu ne tueras pas, lu ne commettras pas d’adultère, tu ne voleras pas, tu ne feras pas de faux témoignage ? Pareillement dans l’Evangile des préceptes sont exprimés, sans qu’on se soit demandé s’il faut les observer selon la lettre ou non, ainsi : Moi, je vous dis : si quelqu’un s’irrite contre son frère, etc. ; Mol je vous dis de ne pas jurer du tout. Et il faut observer ce qui est dit chez l’Apôtre : Avertissez les indisciplinés, encouragez les pusillanimes, soutenez les faibles, soyez longanimes envers tous, même si, pour les plus zélés, à condition de ne pas mépriser le précepte selon la lettre, chacun d’entre eux peut en outre être interprété d’une manière conforme aux profondeurs de la sagesse de Dieu. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Les paroles divines enseignent que Dieu a choisi sur terre une nation appelée de nombreux noms. Tantôt l’ensemble de cette nation est appelé Israël, tantôt aussi Jacob. Mais lorsqu’elle fut divisée aux temps de Jéroboam fils de Nabat, les dix tribus qui furent sous son autorité se nommèrent Israël, les deux autres et celle de Lévi, gouvernées par des rois de la race de David, Juda. Tout le pays qu’habitaient les gens de cette nation et qui leur avait été donné par Dieu s’appelle la Judée dont la métropole est Jérusalem, évidemment métropole de beaucoup de villes dont les noms sont dispersés en bien des endroits des Écritures, mais sont énumérés en une liste dans le livre de Jésus fils de Navé. Cela étant ainsi, l’Apôtre dit quelque part pour élever notre intelligence : Voyez l’Israël selon la chair, comme s’il y avait un Israël selon l’esprit. Et ailleurs il dit : Ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, et : Ni tous ceux qui sont d’Israël sont Israël. Et ce n’est pas non plus le cas du Juif à découvert ni de la circoncision à découvert dans la chair, mais du Juif dans le secret et de la circoncision du coeur dans l’esprit non dans la lettre. Mais si on juge du Juif dans le secret il faut comprendre que, de même qu’il y a une race de Juifs corporels, de même il y a une nation de Juifs dans le secret, l’âme possédant cette noblesse d’après certaines raisons ineffables. Mais de nombreuses prophéties concernent Israël et Juda, prédisant ce qui doit leur advenir. Et les si grandes promesses qui leur sont faites dans l’Écriture, elles qui selon la lettre sont basses et ne présentent aucune élévation digne de la promesse de Dieu, n’ont-elles pas besoin, assurément, d’une explication mystique ? S’il s’agit de promesses intelligibles faites par le moyen de réalités sensibles, ceux à qui ces promesses sont faites ne sont pas corporels. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Pour ne pas nous attarder plus longtemps à parler du Juif dans le secret et de l’homme intérieur Israélite, tout cela suffisant pour ceux qui ne sont pas sans acuité, nous continuons selon notre propos et nous disons que Jacob fut le père des douze patriarches, ceux-ci des chefs de clans et ces derniers des Israélites qui leur ont succédé. Ainsi les Israélites corporels remontent aux chefs de clans, les chefs de clans aux patriarches, les patriarches à Jacob et à ses ancêtres ; mais les Israélites intelligibles, dont les corporels étaient des figures, ne viennent-ils pas des clans, les clans provenant de tribus et les tribus d’un seul homme qui n’a pas eu une naissance corporelle habituelle mais une meilleure, car il a été engendré par Isaac, qui descendait d’Abraham, tous remontant à Adam, que l’Apôtre dit être le Christ ? Le début de chacune des lignées de ceux qui sont les descendants du Dieu de l’univers, remonte au Christ qui, après le Dieu et Père de l’univers, est ainsi le père de tous les hommes, comme Adam est le père de tous les hommes. Si Eve a été prise par Paul comme une allégorie de l’Église, il n’y a rien d’étonnant, puisque Caïn est né d’Eve et que toute sa postérité remonte à Eve, à y voir des images de l’Église, car tous proviennent de l’Église en premier lieu. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Si donc les prophéties sur la Judée, Jérusalem, Israël, Juda, Jacob, quand nous ne les comprenons pas charnellement, supposent tel ou tel mystère caché, il s’ensuivrait que celles qui concernent l’Egypte et les Égyptiens, Babylone et les Babyloniens, Tyr et les Tyriens, Sidon et les Sidoniens, ainsi que les autres nations, ne prophétisent pas seulement au sujet des Égyptiens, Babyloniens, Tyriens et Sidoniens corporels. S’il y a des Israélites intelligibles, il s’ensuit qu’il y a des Égyptiens et des Babyloniens intelligibles. Car ce que dit Ézéchiel de Pharaon roi d’Egypte ne s’accorde pas si c’est dit d’un homme qui a gouverné ou gouvernera l’Egypte, comme cela sera clair quand on y fera attention. De même ce qui concerne le Prince de Tyr ne peut être compris d’un homme qui commandera à Tyr. Et ce qui est dit fréquemment de Nabuchodonosor, surtout dans Isaïe, comment est-il possible de le comprendre de cet homme ? Car il n’est pas tombé du ciel, il n’était pas le porte-aurore, il ne s’est pas levé au matin au-dessus de la terre comme un astre, l’homme Nabuchodonosor. Pas davantage ce qui est dit dans Ézéchiel de l’Egypte, qu’elle sera désertée quarante ans, de telle sorte qu’on n’y trouvera plus la trace d’un pied d’homme et qu’on lui fera tellement la guerre que sur toute son étendue on s’enfoncera dans le sang jusqu’au genou. Quel homme intelligent comprendra cela de l’Egypte voisine des Ethiopiens au corps noirci par le soleil ? Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section