INSTRUCTION SUR LA VIE MONASTIQUE.

…Considère que le Fils de Dieu est descendu sur la terre, non pour faire périr les âmes des hommes, mais pour nous conduire sur la voie véritable (du salut). Par sa conduite, et non seulement par sa parole, il nous a enseigné à mépriser le monde. Le Seigneur n’a pas joui du repos dans le mondé et à ses disciples il a enjoint de fuir le monde. Séduisante et fallacieuse est la vie du monde. Son labeur est stérile, sa joie dangereuse, son opulence misérable, ses honneurs sont illusoires, fugitifs et futiles malheur à ceux qui mettent leur espoir dans ses bienfaits imaginaires : trompés par cet espoir, beaucoup meurent sans la pénitence. Heureux, trois fois heureux, celui qui se sépare du monde et de ses convoitises.

Hâte-toi, hâte-toi, mon bien-aimé, vers la vie paisible et glorieuse du moine, prends sur toi le joug méritoire que le Fils de Dieu lui-même appelle son joug suave et son fardeau léger. Les saints apôtres aimaient ce joug et l’imposèrent aux fidèles ; les pères remplis de Dieu et inspirés par lui, aidés de la grâce divine et par leurs industries propres ont progressé en cette vie et nous ont enseigné quels actes héroïques nous devons accomplir dans la vie (monastique)…

Considère avec attention combien nombreux sont ceux qui après une vie parfaite dans le cloître ont été transportés auprès de Dieu et partagent maintenant le séjour des anges. Si toi aussi, mon très aimé, tu aspires à la vie silencieuse et bienfaisante du cloître, attache-toi fermement à tout ce qui est bien.

Sache que, en vertu de la profession monastique, tu dois te faire violence, il faut en tout renoncer à sa volonté. Reconnais-toi coupable devant Dieu, marche avec entrain sur les traces de tes pères, ne t’égare pas, ne sommeille, pas, mais applique-toi à veiller (sur toi-même). Il faut établir solidement les vertus en toi ; recherche-les le jour et la nuit et après les avoir découvertes, applique-toi à les exercer en toi. Sois un vrai chrétien, qui, ayant fait des promesses à Dieu et ayant établi fortement la vertu dans son coeur, accomplit ses engagements, sans s’endurcir dans le péché.

Vois, mon frère très aimé, et réfléchis que la vie monastique est fondée sur un commandement divin, en conformité avec les enseignements des prophètes, de l’Evangile et des apôtres. A ce propos le Seigneur a déclaré : « Que celui qui peut comprendre, comprenne » (Math., XIX, 12). C’est en rapport avec la parole de l’apôtre : « Je souhaite que tous soient comme moi » (I Cor., VII, 7). Déjà avant la loi de Moïse, la vie ascétique a brillé dans Enoch et Melchisédech et après la loi dans Elie et Jean-Baptiste et enfin au temps de la grâce dans les communautés et les régiments de moines.

Si tu vis la vie angélique, tu attireras la vie céleste en toi, car le Christ a dit : « Le royaume des cieux est à l’intérieur de vous » (Luc., XVII, 21). Alors ton âme ne peut plus rien contenir de terrestre ; alors tu sauras que tu es un disciple du Christ, si tu as pris sa croix, c’est-à-dire les afflictions, l’ascèse et les vertus et que tu fuis du milieu de ce monde, que tu abandonnes ses attraits, ses oeuvres et marche vers la Jérusalem céleste. Alors la lecture des saintes Ecritures te fournit des assurances claires et indubitables que sans renoncement total au monde tu ne peux être un moine parfait. Aussi n’est-il pas facile d’atteindre le royaume des cieux. Cependant rentre en toi-même et cherche-le. Veux-tu sincèrement savoir si tu t’es séparé du monde, si tu cherches le royaume des cieux, efforce-toi, très cher frère, tant que tu le peux, de rejeter tout ce qui est mondain et charnel et soumets-toi à ce que je te propose, suis mon conseil de tout coeur avec une charité ardente et vois comment tu dois commencer le renoncement…

Prends comme règle cette courte instruction et avance dans cette voie jusqu’à ce que la grâce du Christ t’illumine d’en haut, t’éclaire et te conduise à l’état d’homme parfait, accomplissant tous les commandements du Christ.