ignorance (Orígenes)

Il ne faut pas penser que l’Esprit connaît lorsque le Fils lui révèle. En effet si l’Esprit Saint connaît le Père lorsque le Fils le lui révèle, il passe donc de l’ignorance à la connaissance : cela est en vérité impie et sot, de le reconnaître Esprit Saint et de lui attribuer l’ignorance. Il ne faut pas penser qu’il était auparavant autre chose que Saint Esprit et qu’il a progressé jusqu’à devenir Saint Esprit. C’est comme si l’on osait dire qu’alors, quand il n’était pas Saint Esprit, il ignorait le Père et qu’après qu’il en eut reçu la connaissance il est devenu Saint Esprit. Si cela était, jamais ce Saint Esprit n’aurait été compris dans l’unité de la Trinité avec Dieu le Père immuable et avec son Fils : c’est donc qu’il a toujours été Saint Esprit. Nous employons ces termes « toujours » ou « était » ou tout autre terme à signification temporelle, mais il faut les prendre tout simplement et avec indulgence, car leurs sens sont temporels, mais ce dont nous parlons, bien qu’il faille l’exprimer de façon temporelle dans la rédaction du discours, dépasse par sa nature toute compréhension d’un sens temporel. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section

De cette manière l’action de la puissance de Dieu, Père et Fils, s’étend sans distinction sur toute créature, mais nous trouvons que seuls les saints possèdent la participation au Saint Esprit. C’est pourquoi il est dit : Personne ne peut dire: Jésus est Seigneur, sinon dans l’Esprit Saint. Et c’est à peine une fois que les apôtres ont mérité d’entendre : Vous recevrez la puissance de l’Esprit Saint venant sur vous. C’est ainsi que je pense logique que celui qui a péché contre le Fils de l’homme soit digne de pardon, parce que celui qui participe à la Parole – ou à la Raison -, s’il cesse de vivre de façon raisonnable, on jugera qu’il est tombé dans l’ignorance ou la sottise et qu’il peut donc mériter le pardon; mais celui qui a été digne de participer au Saint Esprit et est revenu en arrière, est considéré comme ayant, par le fait même et par son action, blasphémé contre l’Esprit Saint. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section

Que personne ne pense qu’en disant que l’Esprit Saint n’est donné qu’aux saints, tandis que les bienfaits et l’action du Père et du Fils parviennent aux bons et aux mauvais, aux justes et aux injustes, nous mettons le Saint Esprit au-dessus du Père et du Fils et nous lui attribuons une plus grande dignité : cela manquerait tout à fait de conséquence. Car nous avons décrit le caractère propre de sa grâce et de son action. Cependant il n’est pas question de plus ou de moins dans la Trinité, puisque une unique source de divinité gouverne l’univers par sa Parole et sa Raison et sanctifie par l’Esprit (le souffle) de sa bouche tout ce qui est digne de sanctification, comme il est écrit dans le Psaume : Par la Parole du Seigneur les deux ont été affermis et par l’Esprit (le souffle) de sa bouche toute leur puissance. C’est en effet une opération principale de Dieu le Père en plus de celle par laquelle il donne à tous les êtres d’exister selon leur nature. Il y a aussi un ministère principal du Seigneur Jésus-Christ à l’égard de ceux à qui il confère d’être raisonnables par nature, ministère par lequel il leur accorde en outre de bien l’être. Il y a encore une autre grâce de l’Esprit Saint attribuée à ceux qui en sont dignes, par le ministère du Christ, par l’opération du Père, d’après le mérite de ceux qui en sont faits capables. C’est ce qu’indiqué très clairement l’apôtre Paul, montrant qu’il y a une seule et même puissance de la Trinité quand il dit : Les dons sont différents, mais l’Esprit est le même; les ministères sont différents, mais le Seigneur est le même; les actions sont différentes, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous. A chacun il est donné de manifester l’Esprit selon ce qui convient. Il explique par là très clairement qu’il n’y a dans la Trinité aucune séparation, mais que ce qui est appelé don de l’Esprit, vient du ministère du Fils et est opéré par Dieu le Père : Tout est l’oeuvre d’un seul et même Esprit, répartissant à chacun comme il veut. Après ces mises au point sur l’unité du Père, du Fils et du Saint Esprit, revenons à ce que nous avons commencé de discuter. Dieu le Père donne à tous les êtres l’existence, mais la participation du Christ selon qu’il est Parole – ou Raison – les rend raisonnables. Ils s’ensuit qu’ils sont dignes de louange ou d’accusation parce qu’ils sont capables de vertu ou de malice. En conséquence la grâce de l’Esprit Saint est en eux pour rendre saints par sa participation ceux qui ne le sont pas par leur substance. Puisqu’ils ont reçu d’abord de Dieu le Père l’être, ensuite de la Parole la rationalité, en troisième lieu du Saint Esprit la sainteté, ils deviennent en revanche capables de recevoir le Christ en tant qu’il est la Justice de Dieu, ceux qui ont été déjà auparavant sanctifiés par l’Esprit Saint; et ceux qui ont mérité de parvenir à ce degré par la sanctification reçue de l’Esprit Saint, obtiennent néanmoins le don de sagesse par la vertu de l’action de l’Esprit de Dieu. C’est, je pense, ce que dit Paul lorsqu’il écrit qu’à certains est donnée la parole de sagesse, à d’autres la parole de connaissance selon le même Esprit. Et désignant chaque sorte de dons, il rapporte toutes choses à la source de l’univers par ces mots : Les opérations sont différentes, mais c’est un seul Dieu qui opère tout en tous. Par là, l’action du Père qui donne l’existence à tous apparaît plus brillante et plus magnifique, lorsque chacun, en participant au Christ en tant que Sagesse, Connaissance et Sanctification, se perfectionne et monte dans son progrès à des degrés supérieurs. Sanctifié par la participation au Saint Esprit, on devient ainsi de plus en plus pur, on reçoit plus dignement la grâce de la sagesse et de la connaissance, et en rejetant toutes les taches de la souillure et de l’ignorance et en s’en nettoyant, on en arrive à un tel progrès de pureté, qu’ayant reçu de Dieu l’existence, on parvient à être digne de Dieu, qui donne d’être d’une manière pure et parfaite : tellement que la créature devient aussi digne que l’est celui qui l’a créée. Ainsi celui qui est tel que l’a voulu son créateur comprendra par l’action de Dieu que sa puissance existe toujours et demeure éternellement. Pour que cela se produise et pour que les créatures adhèrent sans fin et sans séparation possible à celui qui est, c’est l’oeuvre de la Sagesse de les enseigner et de les conduire à la perfection par l’Esprit Saint qui les affermit et les sanctifie continuellement, condition qui seule rend possible la réception de Dieu. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section

Quant aux ténèbres extérieures, à mon avis, elles ne désignent pas tant un lieu obscur de l’air privé de toute lumière que l’état de ceux qui sont plongés dans les ténèbres d’une profonde ignorance, hors de toute lumière venant de la raison et de l’entendement. Il faut voir aussi si cette expression ne signifierait pas ce qui suit : de même que les saints recevront dans la résurrection, devenus lumineux et glorieux, les corps dans lesquels ils ont vécu de manière sainte et pure quand ils habitaient dans cette vie, de même les impies qui ont aimé dans cette vie les ténèbres de l’erreur et la nuit de l’ignorance seront revêtus, après la résurrection, de corps sombres et obscurs pour que la ténèbre de l’ignorance, qui avait occupé en ce monde l’intérieur de leur intelligence, apparaisse dans l’avenir à l’extérieur par le vêtement du corps. Il faut penser de même de la prison. Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Seconde section