{{Première interprétation spirituelle}}
L’histoire de Caïn et Abel vient après la première préfigure du Christ et de l’Eglise. Leurs personnes préfigurent la diversité de deux peuples et par leurs noms et leurs activités mêmes ils offrent le type des moeurs et des désirs de l’un et de l’autre. Caïn, en effet, cultivait la terre et Abel paissait les brebis. Chacun fit à Dieu une offrande tirée des fruits de son labeur ; mais Dieu regarde les offrandes d’Abel sans porter ses regards sur celles de Caïn. Or, le jour et le lieu du sacrifice ne sont pas différents pour l’un et l’autre, et pour Dieu qui voit tout, comment une chose peut elle être sous son regard, une autre hors de son regard ? Mais par cette figure, il nous est enseigné que le regard de Dieu est la marque des objets qu’il a agréés et que, bien que toutes choses Lui soient soumises, son regard ne va qu’à celles qui en sont dignes. Rien n’avait été dit précédemment des moeurs de Caïn qui pût rendre son sacrifice désagréable à Dieu. Mais dans les événements qui suivirent, se découvre la prescience de Dieu qui ne reçoit pas le sacrifice de celui qui devait marcher contre son frère. En effet, c’est la science que Dieu a du futur qui confère aux faits leur crédit ; celui qui devait tuer n’est pas digne du regard de Dieu comme s’il avait déjà tué. Or, la culture de la terre porte le signe des oeuvres de la chair et tout fruit de la chair consiste en vices qui, dans l’horreur qu’en a Dieu, écartent deux son regard. Il n’y a pas de regard pour le sacrifice qui est tiré des oeuvres de la terre, et seules parmi les graisses sont agréées les prémices des brebis, entendons que le sacrifice du fruit intérieur et de notre moi lui-même est agréable, toutes choses qui, parmi les prémices des brebis, attirent sur elles par leur agrément le regard de la volonté divine. Puisque en effet ” les prémices c’est le Christ “, ” premier-né des créatures, premier-né d’entre les morts “, prince des prêtres, ” afin qu’il occupe en tout la première place “, brebis Lui-même et selon sa naissance corporelle une parmi les brebis, le sacrifice d’Abel est déjà agréable sous la figure de l’Église qui par la suite devait offrir, tiré des prémices des brebis, le sacrifice du saint Corps. Celui dont le sacrifice na pas été reçu en veut à celui dont le sacrifice a été reçu, et, contrairement au décret de Dieu qui l’avertissait de s’apaiser le réprouvé tue l’approuvé. Convaincu, l’interrogation divine le pousse à avouer pour se repentir ; mais, aggravant son crime, il nie ; désespérant de la résurrection, il pense qu’il sera anéanti par la mort, mais gémissant et tremblant, il est réservé au jugement d’une septuple vengeance et est maudit par toute la terre qui recueille le sang de son frère. Or, le nom de Caïn signifie ” éclat de rire ” ; celui d’Abel ” larmes “.
{{Le crime de Caïn préfigure de la Passion}}
Est-ce que ces faits passés ne sont pas accomplis dans les peuples ? L’oblation du plus jeune a été agréée, le peuple juif en veut au peuple chrétien ; vainement averti par les prophètes, il brûle de le massacrer. Il ne cherche même pas à obtenir le pardon par l’aveu qui mène au repentir, mais, impudent, il nie le crime commis contre Dieu. Sans espoir de relever sa gloire et tombé, après la prise de Jérusalem, au pouvoir de ses vainqueurs, gémissant et tremblant il est réservé, au jugement de la vengeance, séparé d’avec les saints par la signification même des noms puisque le Seigneur dit : ” Malheur à ceux qui rient car ils pleureront ! ” Et encore ” Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés ” Et pour enseigner que tout s’accordait à la préfigure de l’un et l’autre peuple, le Seigneur a dit : ” Voici que je vous envoie des prophètes, des sages et des scribes : vous tuerez les uns dans vos synagogues, vous persécuterez les autres de cité en cité, si bien que viendra sur vous tout le sang juste qui a été répandu sur la terre depuis le sang d’Abel le juste jusqu’au sang de Zacharie fils de Barrachiel que vous avez tué entre le temple et l’autel.”… Le sang d’Abel ainsi est réclamé, à celui qui, d’après ce qui avait été préfiguré en Caïn, a persécuté les justes et a été maudit par la terre qui, ouvrant sa bouche, a recueilli le sang de son frère. Dans le corps du Christ, en effet, en qui sont les Apôtres et l’Église, c’est le sang de tous les justes que leur race et leur postérité tout entière a pris sur elle selon leurs propres cris : ” Que son sang soit sur nous et sur nos fils ”
{{La vocation des Gentils}}
Ainsi, les faits ont vérifié, par leur accomplissement ce qui avait été préfiguré dans l’histoire de Caïn, et ceux sur lesquels a été poursuivie la vengeance du même crime ne peuvent être séparés de l’exemplaire que nous offre cette préfigure. Or, dans cette parole : ” N’est-il pas vrai que si tu offres droitement, mais que tu ne divises pas droitement, tu as péché ? “, outre la réalité présente, le type du futur est contenu ; ne plaisent en effet à Dieu que la communion, le partage et l’amitié. Ainsi donc, bien que le peuple qui attend par la Loi les promesses de Dieu, offre droitement ses sacrifices à Dieu en observant les préceptes, cependant, s’il ne met pas en commun avec l’ensemble des nations cette Loi même de Dieu, qui est ” l’ombre des choses à venir “, il a péché. Ne divisant pas droitement, il est convaincu de crime. Caïn de fait en jalousant son frère n’avait pas eu part à la grâce du sacrifice regardé, par Dieu et, parce qu’il ne divisait pas droitement, il fut constitué pécheur. En accord avec cet exemplaire, si ceux qui sont sous la Loi ne partagent pas les sacrifices agréables à Dieu des fidèles venus des nations, même sils observent droitement la Loi, ils sont coupables.