Vient ensuite la création d’Ève tirée du flanc et d’un os d’Adam endormi. A son réveil, voici la prophétie que nous trouvons :
” Voici l’os de mes os et la chair de ma chair. On l’appellera femme, parce quelle a été tirée de son mari, et ils seront deux en une seule chair. ”
Ici, pas de difficulté pour ma thèse ; l’Apôtre dit en effet, après avoir rappelé cette prophétie :
” C’est un grand mystère, je veux dire pour ce qui est du Christ et de l’Église “.
Mais nous lisons qu’un os seulement a été retiré, à Adam ; comment donc expliquer cette parole ” chair de ma chair ” ? On pourra expliquer ce fait en accord avec la réalité des événements présents : l’os en effet que Dieu qui peut tout, après lavoir tiré du flanc d’Adam, a vêtu de chair pour en faire le corps de la femme, cet os tiré de la chair et vêtu à nouveau de chair est devenu un corps ; ainsi, on le voit, de même que l’os a été tiré de l’os, la chair a été tirée de la chair. Mais le Seigneur dans l’Évangile, lorsque les Juifs le tentèrent sur le droit de répudiation, montre par ces paroles que cette prophétie a été dite par Lui plutôt que par Adam : ” N’avez-vous pas lu que Celui qui fit l’homme au commencement les fit homme et femme et dit : à cause de cela l’homme quittera son père et sa mère et ils seront deux en une seule chair. ” Ceci vient en effet après cette parole “chair de ma chair “. La prophétie est donc une suite de la réalité accomplie en Adam. Lorsque le Seigneur, qui fit l’homme et la femme, a parlé d ” os de ses os ” et de ” chair de sa chair “, il a annoncé lui-même par Adam ce qui avait été accompli tout entier en Adam lui-même. Il na pas enlevé aux faits leur titre de crédibilité et Il a montré que ce qui s’accomplissait dans un autre était une préfigure dont il était la source. Puisque le Verbe en effet s’est fait chair et que l’Église est membre du Christ, elle qui, du flanc de celui-ci a été engendrée par l’eau et vivifiée par le Sang, puisque, par ailleurs, la chair dans laquelle est né le Verbe subsistant avant tous les siècles, en tant que Fils de Dieu, subsiste parmi nous sacramentellement, Il nous a enseigné clairement qu’Adam et Ève étaient le type de sa personne et de son Église, car Il nous fait connaître par la communion de sa Chair que cette Église a été sanctifiée après le sommeil de sa mort. Il nous dit aussi par l’Apôtre “qu’Adam ne pécha pas, mais que la femme par son péché appartint à la transgression. Mais elle sera sauvée à cause de la procréation de ses fils, pourvu qu’ils demeurent dans la Foi. ” L’Église est donc composée de publicains, de pécheurs et de gentils ; alors que seul son second et céleste Adam ne pèche pas, elle, pécheresse, sera sauvée en procréant des fils qui demeurent dans la Foi. D’ailleurs, il ne convient pas de comprendre que la femme ne soit pas rachetée de son péché par le Seigneur, et quelle sera baptisée en vain, si c’est plutôt par le mérite de l’enfantement quelle doit être libérée ; aussi bien n’est-ce pas même par la génération de ses fils, quelle sera en sécurité, puisqu’elle ne sera pas sauvée si ceux quelle a engendrés ne gardent pas la Foi. Et je ne sache pas qu’il soit juste d’être coupable ou innocent par le péché ou le mérite d’un autre.
Mais, comparant en toute sécurité, les choses spirituelles aux choses spirituelles, nous comprendrons ainsi tout à fait que l’Apôtre nous dise qu’il rapporte désormais au Christ et à l’Église l’histoire du grand mystère accompli en Adam et Ève. Ces choses, à vrai dire, nous devons bien voir qu’Il les a dites dans un sens spirituel, mais ce n’est pas une raison pour ne pas appliquer aussi ses paroles à l’enseignement présent et à la formation de ceux qu’il avertissait. De fait, lui qui, dans la première épître aux Corinthiens, annonçait la multiplicité des ressources de la miséricorde divine dans la sanctification des infidèles par le mariage avec des fidèles, il nous a enseigné ici aussi que la générosité divine concéderait une sanctification du même ordre par la procréation des fils, pourvu qu’ils soient croyants, pour que, de même que la société d’un seul fidèle était utile à l’époux infidèle par le mariage, de même la procréation d’enfants fidèles fût un secours pour des parents infidèles.
La création d’Ève type de la résurrection de la chair
Il faut considérer aussi dans le sommeil d’Adam et la création d’Ève la révélation figurée du mystère caché qui avait pour objet le Christ et l’Église ; cette révélation nous offre en effet des motifs de croire à la résurrection des corps en même temps que sa figure. De fait, dans la création de la femme, ce n’est plus du limon qui est pris, la terre n’est plus modelée pour prendre la forme d’un corps, le souffle de Dieu ne transforme plus la matière inanimée en une âme vivante ; mais la chair croît sur l’os, la perfection du corps est donnée à la chair et la force de l’esprit s’ajoute à la perfection du corps. Cette ordonnance de la résurrection, Dieu la annoncée par Ézéchiel, enseignant à propos des réalités à venir ce que peut sa puissance. Tout en effet y concourt : la chair est là, l’esprit vole, aucune de ses oeuvres n’est perdue pour Dieu qui, pour l’animation du corps humain qui est son oeuvre a trouvé présentes ces choses qui n’étaient pas. Or, d’après l’Apôtres c’est un ” dessein caché en Dieu depuis l’origine des siècles” que ” les Gentils soient cohéritiers et membres du même corps et participants de sa promesse dans le Christ “, ” qui a la puissance, d’après le même Apôtre, de réformer le corps de notre humilité à la ressemblance du corps de sa gloire “. Ainsi donc, après le sommeil de sa Passion, l’Adam céleste, au réveil de sa Résurrection, reconnaît dans l’Église son os, sa chair non plus créés du limon et prenant vie sous le souffle, mais croissant sur l’os et, de corps fait corps, atteignant sa perfection sous le vol de l’esprit. Ceux en effet qui sont dans le Christ ressusciteront selon le Christ en qui dès maintenant est consommée la résurrection de toute la chair, parce que Lui-même naît en notre chair avec la puissance de Dieu en laquelle son Père la engendré avant les siècles. Et puisque le Juif et le Grec, le barbare et le Scythe, l’esclave et l’homme libre, l’homme et la femme, tous sont une seule chose dans le Christ, étant donné que la chair est reconnue comme issue de la chair, que l’Église est le Corps du Christ et que le Mystère qui est en Adam et Ève est une prophétie concernant le Christ et l’Église, tout ce qui a été préparé par le Christ à l’Église pour la consommation des temps a déjà été accompli en Adam et Ève au commencement du siècle présent.