Avant-propos de « Noms du Christ et Voies d’oraison »
Nom» du Christ : cela rappelle le chef-d’œuvre de Fray Luis de Léon: Los Nombres de Cristo. Mais il ne faut chercher ici ni chef-d’œuvre littéraire ni discussions théologiques. Il s’agit d’un problème plus humble de pratique religieuse : sous quels noms et dans quel but les chrétiens orientaux ont-ils de fait invoqué le Seigneur Jésus ?
De là les deux parties de ce livre : I. Les noms du Seigneur Jésus dans l’usage des fidèles. II. Les voies de l’oraison perpétuelle recommandées et suivies par les ascètes orientaux. Si, théologiquement, toute prière est invocation du Nom, puisque, aussi bien, l’oraison c’est le salut et qu’« il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné, aux hommes pour être sauvés », cela vaut-il aussi pour l’invocation que nous pourrions appeler phonétique du nom de Jésus ? D’où vient celle-là ? Comment s’est-elle développée peu à peu jusqu’à cesser pour quelques-uns d’être une voie parmi plusieurs autres, et devenir la voie, de l’oraison parfaite, au-dessus et peut-être à exclusion de toutes autres ?
L’humble problème que nous disions ne laisse donc pas de prendre l’importance, d’une question vitale en climat de chrétienté. Pour le traiter de façon adéquate, il faudrait interroger tous les témoins du passé. Dans l’impossibilité de fournir pareille somme de, travail, on a fait une enquête partielle sur des documents choisis parmi ceux qui paraissaient ou les plus nécessaires en soi, ou les plus favorables aux assertions d’autrui. Les pages qui suivent en exposent le résultat.
Tel quel, cet essai risque d’ennuyer par les micrographies qu’il amorce, et de décevoir à cause de celles qu’il omet. A ceux qui lui reprocheraient seulement les lacunes, je dirais : Puisque, de collectionner les noms du Seigneur à travers des ouvrages de toute espèce, m’a procuré tant de joie que j’ai poussé celte entreprise jusqu’à faillir y laisser le dernier reste de ma vue, pourquoi n’essaieriez-vous pas, avec de bons yeux, d’en trouver autant en continuant cet inventaire ?
A qui n’y verrait que d’inutiles longueurs : Si ces recherches sur les noms du Seigneur Jésus ne disent rien à votre âme, il vous est toujours loisible de leur préférer le mol oreiller d’une histoire intuitive et cataphatique. Rappelez-vous cependant la légion de professeurs et d’élèves qui, sur des sujets moins attachants, déversent des trésors de patience et d’ingéniosité. Je suis chrétien : rien de ce qui regarde le Christ ne m’est indifférent. Ses noms en particulier, parce, que, en un certain sens, ils s’identifient avec sa Personne.
On pourra aussi blâmer la division : entre les noms et l’invocation du Nom il n’y a pas de distinction adéquate. Tel détail, voire tel paragraphe, figure dans la seconde partie, qui aurait pu se mettre dans la première, et inversement.
Toutes ces critiques et d’autres encore je les admets sans peine, en souhaitant que, de mieux doués tâchent, sur le même sujet, de les mériter moins. Il en est une pourtant, une seule, que je récuse et contre laquelle je crois devant Dieu, ne pas devoir me défendre : l’accusation de n’avoir pas une sympathie totale pour tout effort humain à la poursuite de la paix dans l’union à Dieu par l’oraison pure et perpétuelle. Si néanmoins il se rencontrait encore quelqu’un pour m’en soupçonner – eh bien : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, ayez pitié de nous ». Amen.