Donc l’expression « tout arbre » désigne la même chose que l’arbre de vie, celui dont l’Écriture fait don pour sa nourriture à celui qui a été façonné selon Dieu. Un autre arbre est entièrement distingué de celui-là : c’est celui dont la manducation met en nous la connaissance du bien et du mal : non que de sa nature, il produise en partie l’un et l’autre de ces opposés, mais il fait fleurir un fruit tout mélangé, composé des qualités contraires. Le maître de la vie nous empêche d’en manger ; le serpent nous le conseille, afin de donner ainsi une entrée à la mort. Et son conseil est persuasif, car il entoure le fruit de belles couleurs et de charme, afin qu’il paraisse agréable et qu’il excite en nous le désir d’en goûter. XIX
Donc l’arbre qui produit cette connaissance mélangée est parmi les choses interdites. Un mélange d’éléments opposés compose ce fruit, dont le serpent est le défenseur. Peut-être la raison en est-elle que le mal ne se présente jamais dans sa nudité, tel qu’il est réellement. Le vice serait sans efficacité, s’il ne se colorait de quelque beauté excitant le désir chez celui qui se laisse tromper. En tout cas, à nous, le mal se présente toujours sous forme de mélange : dans ses profondeurs, il tient la mort comme un piège caché ; mais par une apparence trompeuse, il fait paraître une image du bien : la belle couleur de l’argent semble un bien pour les avares, ce qui n’empêche pas l’avarice d’être la racine de tous les maux. Glisserait-on vers le bourbier infect de la licence, si le plaisir n’était un bien désirable pour celui qui par cet appât se laisse entraîner vers les passions ? Ainsi des autres fautes : leur action corruptrice est cachée. Dès l’abord elles semblent désirables et sont recherchées comme un bien à la suite d’une tromperie par ceux qui n’y regardent pas de près. XX