Gregório de Nissa: oeil

De ce fait, n’allez pas me faire dire que la Divinité atteint les êtres à notre manière humaine par des facultés diverses : on ne peut mettre dans la simplicité divine la multiplicité de nos perceptions. D’ailleurs peut-on dire que nous-mêmes, nous percevions les choses par des facultés diverses, même si nous les atteignons par la variété des sens ? A proprement parler, il n’y a qu’une seule faculté, l’esprit qui est en nous et qui se répand à travers les sens pour percevoir les choses. C’est lui qui par les yeux contemple le monde visible, lui qui par l’ouïe entend ce qui se dit ; c’est lui qui aime ce qui le charme et écarte ce qui lui déplaît ; c’est lui qui utilise la main à sa volonté, prenant les objets ou les repoussant par elle selon qu’il juge utile et s’en servant comme d’un instrument. Si donc, chez l’homme, malgré la variété des organes que la nature lui a donnés pour la sensation, l’esprit, communiquant à tous activité et mouvement et se servant d’eux selon la fin propre de chacun, reste un et toujours le même, sans modifier sa nature dans la diversité de ses actes, comment en Dieu imaginerait-on la division de la substance en plusieurs facultés ? « Celui qui a façonné l’oeil », comme dit le Prophète, et qui « a planté l’oreille » prend en lui-même le modèle et il met ces activités-là dans la nature humaine comme des caractères capables de le faire connaître : « Faisons, dit-il, l’homme à notre image » . VI

La nature ou mieux, la nature du Seigneur accomplit sur la terre animée que nous sommes une semblable merveille. Les os et les cartilages, les veines, les artères, les ligaments, les chairs, la peau, la graisse, les cheveux, les glandes, les ongles, les yeux, les narines, les oreilles et tout le reste et encore ces mille éléments différenciés les uns des autres par leurs propriétés trouvent leur nourriture dans un aliment unique, qui leur est approprié. On dirait que l’aliment placé auprès de chaque organe se transforme selon le genre de cet organe particulier et s’adapte à ses propriétés pour devenir de la même nature que lui. Si cet aliment est dans l’oeil, il se mélange avec cette partie apte à la vision et il se divise en s’y adaptant en autant de tissus qu’il y a autour de l’oeil. S’il se répand dans la région de l’oreille, il s’unit à l’appareil acoustique ; dans les lèvres il devient lèvres ; il se durcit dans les os, s’amollit dans la moelle, se tend avec les nerfs, se répand sur toute la surface du corps, passe dans les ongles, s’amincit en vapeurs pour donner naissance aux cheveux. S’il est amené en des conduits tortueux, il donne des cheveux épais et flexibles ; mais si ces vapeurs sortent directement, les cheveux sont tendus et droits. XXX