{{Cent Chapitres sur la perfection spirituelle — 76.}} D’aucuns se sont imaginé que la grâce et le péché, c’est-à-dire l’esprit de vérité et l’esprit d’erreur, se cachent en même temps, chez les baptisés, au fond de l’intelligence. De là, dit-on, -un des deux personnages sollicite l’intellect au bien ; l’autre, aussitôt, à l’opposé. Pour moi, les saintes Ecritures et mon propre sens intellectuel m’ont fait comprendre qu’avant le saint baptême la grâce exhorte du dehors l’âme au bien, alors que Satan se tapit dans ses profondeurs, cherchant à barrer toutes les issues de l’esprit vers la droite ; mais dès l’heure de notre régénération, c’est le démon qui passe au dehors, et la grâce au dedans. Nous découvrons alors que, si jadis l’erreur régnait sur l’âme, de même, après le baptême, c’est la vérité qui règne sur elle. Néanmoins Satan continue d’agir sur l’âme comme auparavant, et même pis, le plus souvent ; non qu’il coexiste avec la grâce, loin de moi cette pensée, mais par les humeurs du corps il vaporise dans l’esprit la douceur des plaisirs irrationnels ; et cela arrive par la permission de Dieu, afin qu’en passant par la tempête et le feu de l’épreuve, l’homme parvienne, s’il le veut, à la jouissance du bien. Car il est dit : « Nous avons passé par le feu et l’eau, et vous nous avez amenés au rafraîchissement» ( Ps 65, 12 ).