Frères, nos années durent-elles ? Elles se défont jour après jour. Celles qui étaient ne sont plus, celles qui viendront ne sont pas encore. Les unes sont passées, les autres n’adviendront que pour passer à leur tour. L’aujourd’hui n’existe que l’instant où nous parlons. Les premières heures sont passées, les autres n’existent pas encore, elles viendront, mais pour basculer dans le néant […]. Nul ne possède en lui-même la stabilité. Le corps ne possède pas l’être, il ne demeure pas en lui-même. Il change avec l’âge, il change avec le temps et les lieux, il change avec les maladies et les accidents. Les astres n’ont pas davantage de stabilité ; ils ont leurs changements secrets, ils évoluent dans l’espace […], ils ne sont point stables, ils ne sont pas l’être.
Le cœur de l’homme non plus n’est pas stable. Que de pensées, que d’élans l’agitent, que de voluptés le tiraillent et le déchirent! L’esprit même de l’homme, tout doué de raison qu’il soit, change, il n’a pas d’être. Il veut et ne veut pas, il sait et il ignore, il se souvient et il oublie. Personne ne possède en soi l’unité de l’être […]. Après tant de souffrances, de maladies, de difficultés et de peines, revenons humblement vers cet Un. Entrons dans cette cité dont les habitants participent à l’être lui-même. [Commentaire du Psaume 121,6 (PL 36, 1623)]