{{Doctrine 1 (de la renonciation), n. 11.}}
Comme donc nous l’avons dit, nos Pères ont offert à Dieu, outre les autres vertus, les dons de la virginité et de la pauvreté, et comme nous l’avons déjà indiqué, ils ont crucifié le monde pour eux-mêmes, et dans la suite ils ont lutté afin de se crucifier au monde, selon la parole de l’apôtre: «Le monde est crucifié pour moi, et je le suis pour le monde» ( Gal 6, 14 ). Quelle est la différence? Le monde est crucifié pour l’homme quand l’homme renonce au monde, c’est-à-dire qu’il vit solitaire, abandonne ses parents, ses biens, ses propriétés, ses affaires, sa fortune : alors le monde est crucifié pour lui, car il l’a quitté ; et c’est ce que dit l’apôtre : « Le monde est crucifié pour moi». Il ajoute ensuite: «Et je le suis pour le monde». Comment donc l’homme est-il crucifié au monde ? Quand après avoir abandonné toutes les choses extérieures il lutte contre les voluptés, contre les désirs des choses du monde, contre ses volontés propres, et qu’il mortifie ses passions ; alors il est mort au monde, et il peut dire avec l’apôtre : « Le monde est crucifié pour moi, et je le suis pour le monde ». Nos pères, comme nous avons dit, ayant crucifié le monde pour eux-mêmes, ont soutenu de grands combats et se sont crucifiés au monde. Quant à nous, nous nous imaginons que le monde nous est crucifié, parce que nous l’avons quitté et sommes venus dans le monastère, mais nous ne voulons pas nous crucifier au monde; car nous retenons encore ses plaisirs, nous sentons l’aiguillon de ses passions, nous avons du goût pour sa gloire, pour sa nourriture, pour son vêtement. Si quelque instrument de travail est beau, nous le désirons, et nous permettons, comme dit l’abbé Zozimas, que ce petit instrument éveille en nous cet attrait ; nous paraissons être sortis du monde, avoir quitté ses biens, et nous venons dans le monastère, et par de vulgaires actions nous rassasions notre passion pour le monde. Et c’est de notre part une grande folie que d’abandonner ce qui est grand et précieux pour rassasier nos passions avec ce qu’il y a de plus petit. En effet chacun de nous a laissé ce qu’il avait : celui qui avait beaucoup a laissé beaucoup ; et si quelqu’un avait peu, lui aussi a laissé ce qu’il avait: chacun selon ses moyens; et nous sommes venus au monastère et, comme j’ai dit, par des actes vains et vulgaires nous satisfaisons notre passion. Nous ne devons pas en agir ainsi ; mais de même que nous avons renoncé au monde et à tous ses biens, ainsi devons-nous renoncer également au désir de tout ce qui est matériel, savoir ce qu’est le renoncement lui-même, pourquoi nous sommes venus au monastère, quel est le genre de vie que nous avons embrassée, puis nous y conformer et combattre comme nos pères.