Ensuite, dans le secret dessein de calomnier le récit de la création d’après Moïse, qui révèle que le monde n’a pas encore dix mille ans, tant s’en faut, Celse prend parti, tout en cachant son intention, pour ceux qui disent que le monde est incréé. Car en disant : “Il y eut de toute ÉTERNITÉ bien des embrasements, bien des déluges, dont le plus récent est l’inondation survenue naguère au temps de Deucalion”, il suggère clairement à ceux qui sont capables de le comprendre que, selon lui, le monde est incréé. Mais qu’il nous dise, cet accusateur de la foi chrétienne, par quels arguments démonstratifs il a été contraint d’admettre qu’il y eut bien des embrasements, bien des déluges, et que les plus récents de tous furent l’inondation du temps de Deucalion et l’embrasement du temps de Phaéton ! S’il produit à leur sujet les dialogues de Platon, nous lui répondrons : à nous aussi il est permis de dire que dans l’âme pure et pieuse de Moïse, élevé au-dessus de tout le créé et uni au Créateur de l’univers, résidait un esprit divin qui fit connaître la vérité sur Dieu bien plus clairement que Platon et les sages grecs ou barbares. Et s’il nous demande des raisons de cette foi, qu’il nous en donne le premier de ce qu’il avance sans preuves, ensuite nous prouverons que nos affirmations sont fondées. LIVRE I
Veut-on apprendre encore les artifices par lesquels ces sorciers, prétendant posséder certains secrets, ont voulu gagner les hommes à leur enseignement et sans beaucoup de succès ? Qu’on écoute ce qu’ils apprennent à dire une fois passé ce qu’ils nomment « la barrière de la malice », les portes des Archontes éternellement fermées de chaînes : « Roi solitaire, bandeau d’aveuglement, oubli inconscient, je te salue, première puissance, gardée par l’esprit de providence et par la sagesse ; d’auprès de toi je suis envoyé pur, faisant partie déjà de la lumière du Fils et du Père ; que la grâce soit avec moi, oui, Père, qu’elle soit avec moi ! » Voilà, d’après eux, où commence l’Ogdoade8. Puis, ils apprennent à dire ensuite, en traversant ce qu’on nomme Ialdabaoth : « O toi, premier et septième, né pour dominer avec assurance, Ialdabaoth, raison souveraine de la pure intelligence, chef-d’oeuvre du Fils et du Père, je porte un symbole empreint d’une image de vie ; j’ai ouvert au monde la porte que tu avais fermée pour ton ÉTERNITÉ, et retrouvant ma liberté je traverse ton empire ; que la grâce soit avec moi, oui, Père, qu’elle soit avec moi ! » Et ils disent que l’astre brillant est en sympathie avec l’archonte à forme de lion. Ils croient ensuite qu’après avoir traversé Ialdabaoth, et être arrivé à la on doit dire : « 0 toi qui présides aux mystères cachés du Fils et du Père, et qui brilles pendant la nuit, Iao second et premier, maître de la mort, lot de l’innocent, voici que, portant comme symbole la soumission de mon esprit, je m’apprête à traverser ton empire ; car, par une parole vivante, je l’ai emporté sur celui qui vient de toi ; que la grâce soit avec moi, Père, qu’elle soit avec moi ! » Immédiatement après, c’est Sabaoth à qui, selon eux, on devra dire : « Archonte du cinquième empire, puissant Sabaoth, premier défenseur de la loi de ta création, que la grâce a libérée par la vertu plus puissante du nombre cinq, laisse-moi passer en voyant intact ce symbole de ton art que je conserve dans l’empreinte d’une image, un corps délivré par le nombre cinq ; que la grâce soit avec moi, Père, qu’elle soit avec moi ! »… A sa suite, c’est Astaphaios auquel ils pensent qu’on doit s’adresser en ces termes ! «Archonte de la troisième porte, Astaphaios, qui veilles sur la source originelle de l’eau, regarde-moi comme un myste, et laisse-moi passer, car j’ai été purifié par l’esprit d’une vierge, toi qui vois l’essence du monde ; que la grâce soit avec moi, Père, qu’elle soit avec moi ! » LIVRE VI
Et vous me verrez de nouveau revenir avec une puissance céleste. Heureux qui aujourd’hui m’a rendu un culte ! A tous les autres j’enverrai le feu éternel dans les villes et les campagnes. Et les hommes qui ne savent pas quels supplices les attendent se repentiront et gémiront en vain; mais ceux qui ont été persuadés par moi, je les garderai pour l’ÉTERNITÉ. Et il poursuit : A ces outrecuidances ils ajoutent aussitôt des termes inconnus, incohérents, totalement obscurs, dont aucun homme raisonnable ne saurait découvrir la signification tant ils sont dépourvus de clarté et de sens, mais qui fournissent en toute occasion à n’importe quel sot ou charlatan le prétexte de se les approprier dans le sens qu’il désire. LIVRE VI
Voyons encore les paroles que Celse nous adresse ensuite : De plus, n’est-ce point de votre part une conduite absurde : d’une part de désirer le corps et d’espérer que ce même corps ressuscitera, comme s’il n’y avait pour vous rien de meilleur ni de plus précieux que cela, et en revanche de l’exposer aux supplices comme une chose méprisable. Mais avec des hommes imbus de telles opinions et rivés au corps, celte discussion ne vaut pas la peine: ce sont des gens par ailleurs grossiers et impurs qui, sans raison aucune, sont contaminés par la révolte. Mais bien sûr, je discuterai avec ceux qui espèrent l’ÉTERNITÉ près de Dieu pour leur âme ou leur intelligence, qu’ils veuillent l’appeler principe spirituel, esprit intelligent, saint et bienheureux, âme vivante, rejeton céleste et incorruptible de la nature divine et incorporelle, ou de quelque nom qu’il leur plaise de lui donner. Ils ont au moins celte opinion droite que ceux qui ont mené une vie vertueuse seront heureux, mais que les gens injustes seront pour toujours accablés de maux éternels. C’est une doctrine que ni eux ni personne d’autre ne doivent jamais abandonner. LIVRE VIII
Après cela il approuve ceux qui espèrent l’ÉTERNITÉ et l’identité près de Dieu pour l’âme ou l’intelligence, ce qu’on appelle chez eux principe spirituel, esprit raisonnable, intelligent, saint et bienheureux, âme vivante. Il admet comme une opinion juste la doctrine selon laquelle ceux qui ont mené une vie vertueuse seront heureux, mais les gens injustes seront pour toujours accablés de maux éternels. En outre, je trouve admirables plus que tout ce qu’a jamais écrit Celse, ces mots qui concluent les remarques précédentes : c’est une doctrine que ni eux ni personne d’autre ne doivent jamais abandonner. Mais Celse écrivait contre les chrétiens, dont la foi repose toute entière sur Dieu et sur les promesses du Christ aux justes et ses enseignements sur le châtiment des injustes : il aurait dû voir qu’un chrétien qui accepte les arguments de Celse contre les chrétiens et abandonne le christianisme, en même temps qu’il rejette l’Évangile rejette aussi probablement cette doctrine que, d’après Celse lui-même, ni les chrétiens ni personne d’autre ne doivent jamais abandonner. LIVRE VIII