Esprit (Orígenes)

Puisque beaucoup de ceux qui professent la foi au Christ sont en désaccord, non seulement sur des questions de peu et de très peu de valeur, mais sur des points de grande et de très grande importance, Dieu, le Seigneur Jésus-Christ lui-même, le Saint Esprit, et non seulement là-dessus, mais à propos des autres êtres, qui sont créés, c’est-à-dire des Dominations et des Puissances saintes, il paraît donc nécessaire sur chacun de ces points de définir ce qui est certain et d’exposer clairement la règle de foi, avant de tourner ailleurs notre recherche. En effet, alors que beaucoup de Grecs et de barbares promettaient la vérité, nous avons renoncé à la chercher chez ceux qui la présentaient dans des opinions fausses, lorsque nous avons cru que le Christ est le Fils de Dieu et que nous nous sommes persuadés que c’est de lui que nous devons l’apprendre : maintenant, de même, puisqu’il y en a beaucoup qui croient avoir les sentiments du Christ, alors que certains pensent différemment des autres, on doit garder la prédication7 ecclésiastique, transmise à partir des apôtres par ordre de succession et conservée dans les Églises jusqu’à présent; et seule doit être crue la vérité qui n’est pas en désaccord avec la tradition ecclésiastique et apostolique. Traité des Principes: Préface d’Origène

Il faut en effet savoir que les saints apôtres, lorsqu’ils ont prêché la foi au Christ, ont transmis très clairement à tous les croyants, même à ceux qui semblaient trop paresseux pour s’adonner à la recherche de la science divine, tout ce qu’ils ont jugé nécessaire. Mais les raisons de leurs assertions, ils ont laissé la tâche de les rechercher à ceux qui mériteraient les dons les plus éminents de l’Esprit et surtout qui auraient reçu du même Saint Esprit la grâce de la parole, de la sagesse et de la connaissance. Des autres réalités, ils ont affirmé leur existence, mais ils n’ont pas parlé de leur manière d’être et de leur origine, assurément pour que dans la suite les plus zélés, par amour pour la sagesse, aient de quoi s’exercer, pour montrer les fruits de leurs capacités, ceux qui se sont préparés à devenir dignes et capables de recevoir la sagesse. Traité des Principes: Préface d’Origène

Ils ont ensuite transmis que le Saint Esprit est associé au Père et au Fils en honneur et en dignité. En ce qui le concerne on ne voit pas clairement s’il est né ou n’est pas né, s’il faut le considérer comme Fils de Dieu ou non. Mais tout cela doit être recherché dans la mesure de nos forces à partir de la sainte Écriture et scruté avec sagacité. Cet Esprit a inspiré tous les saints prophètes et apôtres : les anciens n’avaient pas un autre Esprit que ceux qui ont été inspirés à la venue du Christ. Tout cela est très clairement prêché dans l’Église. Traité des Principes: Préface d’Origène

En outre les Écritures ont été rédigées par l’action de l’Esprit de Dieu et n’ont pas seulement pour sens celui qui apparaît clairement, mais un autre aussi qui échappe à la plupart. Ce qui y est décrit est la figure de certains mystères et l’image des réalités divines. A ce sujet toute l’Église est unanime : Toute la loi est spirituelle, cependant ce que signifie spirituellement la loi n’est pas connu de tous, mais de ceux-là qui ont reçu la grâce du Saint Esprit dans la parole de sagesse et de connaissance. Traité des Principes: Préface d’Origène

Cherchons cependant si ce que les philosophes grecs nomment asomatos, c’est-à-dire incorporel, se trouve sous un autre terme dans les saintes Écritures. Il faut se demander comment comprendre Dieu lui-même, s’il est corporel et possède une forme extérieure suivant un certain état, ou s’il est d’une autre sorte que les corps : cela n’est pas indiqué clairement dans notre prédication. On se posera les mêmes questions au sujet du Christ et du Saint Esprit, et même de toute âme et de toute nature raisonnable. Traité des Principes: Préface d’Origène

Mais du fait que beaucoup de saints participent à l’Esprit Saint, il ne faut pas du tout comprendre l’Esprit Saint comme un corps, divisé en morceaux, dont chaque saint recevrait des parcelles corporelles : il est assurément une puissance sanctifiante et on dit que participent à lui tous ceux qui ont obtenu d’être sanctifiés par sa grâce. Pour qu’on puisse comprendre plus facilement ce que nous disons, prenons en exemple des choses, à vrai dire dissemblables. Beaucoup participent à la science ou à l’art médical : faut-il penser que tous ceux qui participent à la médecine enlèvent des parcelles d’un certain corps appelé médecine, placé au milieu d’eux, et ainsi prennent part à lui ? Ne faut-il pas plutôt comprendre que tous ceux qui acquièrent la compréhension de cet art et de cette science avec une intelligence prête et préparée, participent, comme on le dit, à la médecine ? Il ne faut pas croire que cet exemple pris à la médecine, ainsi comparée au Saint Esprit, soit adéquat de toutes façons : mais nous l’employons seulement pour prouver qu’on ne doit pas penser aussitôt comme corps ce à quoi beaucoup participent. L’Esprit Saint est très éloigné de la nature et de la science de ce qu’est la médecine, car il est un être intellectuel et il existe d’une existence propre : rien de tel pour la médecine. Traité des Principes: Premier traité (I, 1-4)

Troisième section : Du Saint Esprit (I, 3, 1-4) Traité des Principes: Premier traité (I, 1-4)

De nombreux passages des Écritures nous apprennent qu’il y a un Saint Esprit. Ainsi David dans le Psaume 50 : Ne m’ôte pas ton Esprit Saint; et Daniel : L’Esprit Saint qui est en toi. D’abondants témoignages du Nouveau Testament nous l’enseignent, lorsqu’il rapporte que l’Esprit Saint descendit sur le Christ et lorsque le Sauveur souffla sur les apôtres après la Résurrection en leur disant : Recevez l’Esprit Saint. A Marie, l’ange a annoncé : L’Esprit Saint viendra sur toi. Paul enseigne : Personne ne peut dire Jésus Seigneur, si ce n’est dans l’Esprit Saint. Et dans les Actes des Apôtres, les apôtres par l’imposition des mains donnaient l’Esprit Saint dans le baptême. Tout cela nous révèle la grande autorité et dignité qu’a l’Esprit Saint en tant qu’être substantiel, telle que le baptême de salut ne peut être accompli que par l’autorité de la Trinité la plus excellente de toutes, par l’invocation du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, et ainsi au Père inengendré et à son Fils unique est associé le nom du Saint Esprit. N’est-il pas stupéfiant de constater la majesté de l’Esprit Saint, quand on voit que celui qui parlera mal du Fils de l’homme pourra espérer le pardon, mais que celui qui aura blasphémé contre l’Esprit Saint n’aura de pardon ni dans le siècle présent ni dans le futur ? Tout a été créé par Dieu et il n’y a pas d’être qui n’ait reçu de lui l’existence : cela est affirmé par de nombreux passages de toute l’Écriture et permet de rejeter et de réfuter des fausses affirmations faites par certains, au sujet de la matière qui serait coéternelle à Dieu, au sujet des âmes qui seraient inengendrées, Dieu ayant mis en elles non tant l’existence que la qualité et l’ordonnance de la vie. Car dans le petit livre du Pasteur, l’Ange de la Pénitence, rédigé par Hermas, il est écrit : Crois avant tout qu’il y a un seul Dieu qui a tout créé et ordonné; qui, alors que rien n’était, a tout fait; qui contient toutes choses et n’est contenu par aucune. On trouve des affirmations semblables dans le Livre d’Enoch. Mais jusqu’à présent nous n’avons pu trouver dans les Écritures saintes aucune parole disant que le Saint Esprit ait été fait ou créé, même pas de la manière dont nous avons vu Salomon parler de la Sagesse, ou selon les explications que nous avons données de la Vie, de la Parole et des autres dénominations du Fils de Dieu. L’Esprit de Dieu qui se déplaçait sur les eaux, comme c’est écrit, au début de la création du monde, je ne le crois pas autre que l’Esprit Saint, selon ce que je puis comprendre, comme nous l’avons montré en exposant ce passage, non selon l’histoire, mais selon la compréhension spirituelle. Traité des Principes: Premier traité (I, 1-4)

Quelques-uns de nos prédécesseurs ont observé à propos du Nouveau Testament que partout où l’esprit est nommé sans un adjectif désignant quel est cet esprit, il faut entendre l’Esprit Saint. Ainsi : Le fruit de l’Esprit est la charité, la joie, la paix, etc. De même : Alors que vous avez commencé dans l’Esprit, vous achevez maintenant dans la chair. Nous pensons que cette distinction peut être aussi appliquée à l’Ancien Testament. Par exemple : Celui qui donne l’Esprit au peuple qui est sur terre et l’Esprit à ceux qui la foulent. Sans aucun doute celui qui foule aux pieds la terre, c’est-à-dire le terrestre et le corporel, participe à l’Esprit Saint, le recevant de Dieu. Un savant hébreu disait qu’il fallait entendre du Fils unique et de l’Esprit Saint les deux Séraphins qu’Isaïe décrit avec six ailes et qui se crient l’un à l’autre : Saint, Saint, Saint, le Seigneur Sabaoth. Nous pensons qu’il faut de même appliquer au Christ et à l’Esprit Saint ce qui est dit dans le cantique d’Habacuc : Au milieu des deux vivants ? ou des deux vies ?, lu seras connu. Toute la science venant du Père, par la révélation du Fils, est connue dans l’Esprit Saint, de sorte que l’un et l’autre, appelés par le prophète des vivants ou des vies, sont causes de la science de Dieu le Père. Comme il est dit du Fils que personne ne connaît le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils aura voulu le révéler, l’Apôtre parle de même du Saint Esprit : Dieu nous a révélé par son Esprit : car l’Esprit scrute tout, même les profondeurs de Dieu. Mais de même dans l’Évangile, le Sauveur, mentionnant les doctrines divines les plus profondes que ne pouvaient encore saisir ses disciples, dit aux apôtres : J’ai encore beaucoup à vous dire mais vous ne pouvez pas encore le comprendre; lorsque sera venu le Paraclet, l’Esprit Saint, qui procède du Père, il vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. Il faut donc penser que comme le Fils, qui seul connaît le Père, le révèle à qui il veut, le Saint Esprit, qui est seul à scruter jusqu’aux profondeurs de Dieu, révèle Dieu à qui il veut. Car l’Esprit souffle où il veut. Traité des Principes: Premier traité (I, 1-4)

Il ne faut pas penser que l’Esprit connaît lorsque le Fils lui révèle. En effet si l’Esprit Saint connaît le Père lorsque le Fils le lui révèle, il passe donc de l’ignorance à la connaissance : cela est en vérité impie et sot, de le reconnaître Esprit Saint et de lui attribuer l’ignorance. Il ne faut pas penser qu’il était auparavant autre chose que Saint Esprit et qu’il a progressé jusqu’à devenir Saint Esprit. C’est comme si l’on osait dire qu’alors, quand il n’était pas Saint Esprit, il ignorait le Père et qu’après qu’il en eut reçu la connaissance il est devenu Saint Esprit. Si cela était, jamais ce Saint Esprit n’aurait été compris dans l’unité de la Trinité avec Dieu le Père immuable et avec son Fils : c’est donc qu’il a toujours été Saint Esprit. Nous employons ces termes « toujours » ou « était » ou tout autre terme à signification temporelle, mais il faut les prendre tout simplement et avec indulgence, car leurs sens sont temporels, mais ce dont nous parlons, bien qu’il faille l’exprimer de façon temporelle dans la rédaction du discours, dépasse par sa nature toute compréhension d’un sens temporel. Traité des Principes: Premier traité (I, 1-4)

Il semble bon de rechercher pourquoi ce qui reçoit par Dieu la régénération pour son salut a besoin du Père, du Fils et du Saint Esprit, alors qu’il ne recevrait pas le salut sans la Trinité entière, et pourquoi il n’est pas possible de participer au Père et au Fils sans l’Esprit Saint. En discutant de cela, il sera sans doute nécessaire d’attribuer une action spéciale au Saint Esprit et une autre au Père et au Fils. Je pense donc que l’action du Père et du Fils s’exerce aussi bien sur les saints que sur les pécheurs, sur les hommes raisonnables que sur les animaux muets et même sur ceux qui n’ont pas d’âme, absolument sur tout ce qui est; l’action du Saint Esprit ne s’étend en aucune façon à ceux qui sont sans âme, ni à ceux qui sont animés, mais muets ; elle ne se constate même pas chez ceux qui sont raisonnables, mais plongés dans la malice sans se retourner en aucune façon vers le bien. Je pense que l’action du Saint Esprit ne s’exerce que sur ceux qui se tournent vers le mieux et marchent dans les voies du Christ Jésus, c’est-à-dire sur ceux qui agissent bien et demeurent en Dieu. Traité des Principes: Premier traité (I, 1-4)

Enfin, au temps du Déluge, lorsque tout être de chaire eut perverti la conduite fixée par Dieu, Dieu a dit, d’après l’Écriture, comme s’il parlait d’indignes et de pécheurs : Mon Esprit ne restera plus jamais dans ces hommes, parce qu’ils sont pécheurs. Gela manifeste que de tous les indignes est enlevé l’Esprit de Dieu. Il est écrit aussi dans les Psaumes : Tu leur enlèveras ton Esprit et ils défailliront et reviendront dans leur terre. Tu leur enverras ton Esprit et ils seront créés et tu renouvelleras la face de la terre : cela s’applique clairement au Saint Esprit, afin que, lorsque sont ôtés et détruits les pécheurs et les indignes, il crée lui-même un peuple nouveau et renouvelle la face de la terre, quand avec la grâce de l’Esprit, ils auront déposé le vieil homme avec ses oeuvres et se conduiront désormais selon une vie nouvelle. C’est pourquoi on a raison de dire que l’Esprit Saint habite, non dans ceux qui sont chair, mais dans ceux dont la terre a été renouvelée. L’Esprit Saint était pour cette raison transmis par l’imposition des mains des apôtres, après la grâce et le renouvellement apportés par le baptême. Et le Sauveur lui-même après sa résurrection, lorsque les réalités anciennes eurent passé et que tout eut été fait neuf, puisqu’il était lui-même l’homme nouveau et le premier-né des morts, dit à ses apôtres, pareillement rénovés par l’évidence de sa résurrection : Recevez l’Esprit Saint. C’est assurément ce que notre Seigneur et Sauveur indiquait dans l’Évangile, lorsqu’il refusait de mettre le vin nouveau dans de vieilles outres, mais qu’il ordonnait à ces outres de devenir neuves, c’est-à-dire lorsqu’il prescrivait aux hommes une conduite conforme à cette vie nouvelle, pour qu’ils puissent recevoir le vin nouveau, c’est-à-dire la nouveauté de la grâce de l’Esprit Saint. Traité des Principes: Premier traité (I, 1-4)

De cette manière l’action de la puissance de Dieu, Père et Fils, s’étend sans distinction sur toute créature, mais nous trouvons que seuls les saints possèdent la participation au Saint Esprit. C’est pourquoi il est dit : Personne ne peut dire: Jésus est Seigneur, sinon dans l’Esprit Saint. Et c’est à peine une fois que les apôtres ont mérité d’entendre : Vous recevrez la puissance de l’Esprit Saint venant sur vous. C’est ainsi que je pense logique que celui qui a péché contre le Fils de l’homme soit digne de pardon, parce que celui qui participe à la Parole ? ou à la Raison ?, s’il cesse de vivre de façon raisonnable, on jugera qu’il est tombé dans l’ignorance ou la sottise et qu’il peut donc mériter le pardon; mais celui qui a été digne de participer au Saint Esprit et est revenu en arrière, est considéré comme ayant, par le fait même et par son action, blasphémé contre l’Esprit Saint. Traité des Principes: Premier traité (I, 1-4)

Que personne ne pense qu’en disant que l’Esprit Saint n’est donné qu’aux saints, tandis que les bienfaits et l’action du Père et du Fils parviennent aux bons et aux mauvais, aux justes et aux injustes, nous mettons le Saint Esprit au-dessus du Père et du Fils et nous lui attribuons une plus grande dignité : cela manquerait tout à fait de conséquence. Car nous avons décrit le caractère propre de sa grâce et de son action. Cependant il n’est pas question de plus ou de moins dans la Trinité, puisque une unique source de divinité gouverne l’univers par sa Parole et sa Raison et sanctifie par l’Esprit (le souffle) de sa bouche tout ce qui est digne de sanctification, comme il est écrit dans le Psaume : Par la Parole du Seigneur les deux ont été affermis et par l’Esprit (le souffle) de sa bouche toute leur puissance. C’est en effet une opération principale de Dieu le Père en plus de celle par laquelle il donne à tous les êtres d’exister selon leur nature. Il y a aussi un ministère principal du Seigneur Jésus-Christ à l’égard de ceux à qui il confère d’être raisonnables par nature, ministère par lequel il leur accorde en outre de bien l’être. Il y a encore une autre grâce de l’Esprit Saint attribuée à ceux qui en sont dignes, par le ministère du Christ, par l’opération du Père, d’après le mérite de ceux qui en sont faits capables. C’est ce qu’indiqué très clairement l’apôtre Paul, montrant qu’il y a une seule et même puissance de la Trinité quand il dit : Les dons sont différents, mais l’Esprit est le même; les ministères sont différents, mais le Seigneur est le même; les actions sont différentes, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous. A chacun il est donné de manifester l’Esprit selon ce qui convient. Il explique par là très clairement qu’il n’y a dans la Trinité aucune séparation, mais que ce qui est appelé don de l’Esprit, vient du ministère du Fils et est opéré par Dieu le Père : Tout est l’oeuvre d’un seul et même Esprit, répartissant à chacun comme il veut. Après ces mises au point sur l’unité du Père, du Fils et du Saint Esprit, revenons à ce que nous avons commencé de discuter. Dieu le Père donne à tous les êtres l’existence, mais la participation du Christ selon qu’il est Parole ? ou Raison ? les rend raisonnables. Ils s’ensuit qu’ils sont dignes de louange ou d’accusation parce qu’ils sont capables de vertu ou de malice. En conséquence la grâce de l’Esprit Saint est en eux pour rendre saints par sa participation ceux qui ne le sont pas par leur substance. Puisqu’ils ont reçu d’abord de Dieu le Père l’être, ensuite de la Parole la rationalité, en troisième lieu du Saint Esprit la sainteté, ils deviennent en revanche capables de recevoir le Christ en tant qu’il est la Justice de Dieu, ceux qui ont été déjà auparavant sanctifiés par l’Esprit Saint; et ceux qui ont mérité de parvenir à ce degré par la sanctification reçue de l’Esprit Saint, obtiennent néanmoins le don de sagesse par la vertu de l’action de l’Esprit de Dieu. C’est, je pense, ce que dit Paul lorsqu’il écrit qu’à certains est donnée la parole de sagesse, à d’autres la parole de connaissance selon le même Esprit. Et désignant chaque sorte de dons, il rapporte toutes choses à la source de l’univers par ces mots : Les opérations sont différentes, mais c’est un seul Dieu qui opère tout en tous. Par là, l’action du Père qui donne l’existence à tous apparaît plus brillante et plus magnifique, lorsque chacun, en participant au Christ en tant que Sagesse, Connaissance et Sanctification, se perfectionne et monte dans son progrès à des degrés supérieurs. Sanctifié par la participation au Saint Esprit, on devient ainsi de plus en plus pur, on reçoit plus dignement la grâce de la sagesse et de la connaissance, et en rejetant toutes les taches de la souillure et de l’ignorance et en s’en nettoyant, on en arrive à un tel progrès de pureté, qu’ayant reçu de Dieu l’existence, on parvient à être digne de Dieu, qui donne d’être d’une manière pure et parfaite : tellement que la créature devient aussi digne que l’est celui qui l’a créée. Ainsi celui qui est tel que l’a voulu son créateur comprendra par l’action de Dieu que sa puissance existe toujours et demeure éternellement. Pour que cela se produise et pour que les créatures adhèrent sans fin et sans séparation possible à celui qui est, c’est l’oeuvre de la Sagesse de les enseigner et de les conduire à la perfection par l’Esprit Saint qui les affermit et les sanctifie continuellement, condition qui seule rend possible la réception de Dieu. Traité des Principes: Premier traité (I, 1-4)

Ainsi l’action continuelle sur nous du Père, du Fils et du Saint Esprit s’exerce à chacun des degrés du progrès : cependant c’est à grand peine, si cela est possible, que nous pouvons envisager la vie sainte et bienheureuse dans laquelle, quand nous y sommes parvenus après beaucoup de luttes, nous devons rester sans être jamais saisi par la satiété de ce bien ; mais plus nous percevons de cette béatitude, plus le désir de la posséder s’étend et s’augmente en nous, dans la mesure où plus ardemment et avec plus de capacité nous recevons et possédons le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Traité des Principes: Premier traité (I, 1-4)

Mais c’est en voulant montrer en nous les bienfaits divins qui nous viennent par le Père, le Fils et l’Esprit Saint, Trinité qui est la source de toute sainteté, que nous avons dit cela comme par digression et que nous avons cru pouvoir toucher, quoique sommairement, la question de l’âme parce qu’elle s’était présentée, en traitant d’un sujet proche, à savoir de la nature raisonnable. Nous en discuterons cependant plus opportunément quand nous parlerons de toutes les natures raisonnables et de leurs trois genres et espèces, si Dieu, par Jésus-Christ et le Saint Esprit, nous l’accorde. Traité des Principes: Premier traité (I, 1-4)

Nous voyons ce qu’est la fin, lorsque tous les ennemis seront soumis au Christ, lorsque le dernier ennemi sera détruit, la mort, et lorsque la royauté sera transmise à Dieu le Père par le Christ à qui tout a été soumis : à partir de cette fin, dis-je, examinons les commencements des choses. La fin est en effet toujours semblable au commencement : et c’est pourquoi, de même que la fin de toutes choses est l’unité, de même il faut comprendre que le commencement de tout est l’unité. Comme cette fin unique est celle de nombreux êtres, ainsi à partir d’un commencement unique, il y a beaucoup de différences et de variétés qui de nouveau, par la bonté de Dieu, la soumission du Christ et l’unité de l’Esprit Saint, sont ramenées à une seule fin semblable au début. Il s’agit de tous ceux qui, fléchissant le genou devant Jésus, donnent par là témoignage de leur soumission, parmi les êtres célestes, terrestres et infernaux : ces trois catégories désignent tout l’univers, c’est-à-dire ceux qui, à partir d’un commencement unique, se comportant de façon variée chacun de son propre mouvement, ont été répartis en divers ordres selon leur mérite ; car la bonté n’était pas en eux de façon substantielle, comme en Dieu, dans son Christ et dans le Saint Esprit. Dans cette Trinité seule, qui est l’auteur de tout, la bonté est présente de façon substantielle : tous les autres êtres ont une bonté accidentelle et qui peut défaillir ; ils sont donc dans la béatitude quand ils participent à la sainteté, à la sagesse et à la divinité elles-mêmes. Si cependant ils négligent cette participation et ne s’en occupent pas, alors par la faute de leur propre paresse, l’un plus tôt, l’autre plus tard, un troisième plus ou moins profondément, chacun devient pour lui-même cause de sa chute et de sa déchéance. Et puisque, comme nous l’avons dit, cette chute ou cette déchéance, qui éloigne chacun de son état, se produit avec une très grande diversité selon les mouvements de l’intelligence et de la volonté qui font pencher vers le bas, l’un plus légèrement, l’autre plus lourdement, en cela le jugement de la providence de Dieu est juste, car il atteint chacun selon la diversité de ses mouvements dans la mesure de son éloignement et de son agitation. Certes, parmi ceux qui sont restés dans l’état initial, que nous avons décrit semblable à la fin à venir, les uns obtiennent par eux-mêmes dans l’ordonnance et le gouvernement de l’univers le rang des anges, d’autres celui des Vertus, d’autres celui des Principautés, d’autres celui des Puissances ? par là évidemment ils exercent leur puissance sur ceux qui ont besoin d’avoir la puissance sur leur tête ?, d’autres l’ordre des Trônes, ayant la charge de juger et de diriger ceux qui en ont besoin, d’autres la Domination, sans aucun doute sur des serviteurs : tout cela leur est accordé par la divine providence selon un jugement équitable et juste, d’après leur mérite et leurs progrès, qui les ont fait croître dans la participation et l’imitation de Dieu. Mais ceux qui se sont écartés de l’état de béatitude première, non cependant de façon irrémédiable, sont soumis aux ordres saints et bienheureux que nous avons décrits plus haut, pour être gouvernés et dirigés, afin que, s’ils usent de leur aide, s’ils se réforment d’après leurs instructions et leurs doctrines salutaires, ils puissent revenir à leur état bienheureux et y être rétablis. C’est avec ceux-ci, autant que je puisse le penser, qu’a été constitué cet ordre du genre humain, qui assurément dans le siècle futur ou dans les siècles qui surviendront, lorsqu’il y aura selon Isaïe un ciel nouveau et une terre nouvelle, sera rétabli dans cette unité que promet le Seigneur Jésus lorsqu’il dit à Dieu le Père au sujet de ses disciples : Ce n’est pas pour eux seuls que je te prie, mais pour tous ceux qui croiront par leur parole en moi, afin que tous soient un, comme moi je suis en toi, Père, et toi en moi, afin que ceux-ci soient un en nous. Il ajoute : Afin qu’ils soient un, comme nous, nous sommes un, moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient eux-mêmes consommés en un. L’apôtre Paul lui aussi le confirme : Jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité de la foi pour former l’homme parfait, dans la mesure de la pleine maturité du Christ. Et de même cet apôtre nous exhorte, alors que nous sommes encore dans la vie présente, dans l’Église, où se trouve assurément la figure du royaume à venir, à une unité semblable à celle-là : Afin que vous disiez tous les mêmes choses et qu’il n’y ait pas parmi vous de dissensions, afin que vous soyez parfaits dans une seule et même pensée, dans une seule et même opinion. Traité des Principes: Second traité (I, 5-8)

Puisque Paul dit qu’il y a des réalités visibles et temporelles et d’autres en outre invisibles et éternelles, nous cherchons comment celles qui se voient sont temporelles : est-ce parce qu’elles n’existeront absolument plus dans toute l’étendue des siècles à venir, où la dispersion et la division de l’unique commencement seront réintégrées dans une seule et unique fin et ressemblance, ou parce que la forme extérieure des réalités visibles passera sans que de toute façon leur substance soit corrompue ? Paul paraît confirmer la seconde solution quand il dit : La forme extérieure de ce monde passera. Mais David semble montrer la même chose en ces termes : Les deux périront, mais toi tu resteras : tous s’useront comme un vêtement et tu les changeras comme un manteau, comme on change de vêtement. Si les cieux seront changés, ce qui est changé assurément ne périt pas ; et si la forme extérieure de ce monde passe, il n’y a pas là une destruction complète, ni une perte de substance matérielle, mais une certaine mutation de qualité et transformation de forme extérieure. Lorsque Isaïe dit prophétiquement qu’il y aura un ciel nouveau et une terre nouvelle, il suggère sans aucun doute une interprétation analogue. Car la rénovation du ciel et de la terre, le changement de la forme extérieure de ce monde, la transformation des cieux, sont préparés sans aucun doute pour ceux qui cheminent sur cette Voie que nous avons montrée plus haut et tendent vers la fin bienheureuse, dans laquelle les ennemis seront soumis, dit l’Écriture, et Dieu sera tout en tous. Si quelqu’un pense que dans cette fin la nature matérielle, c’est-à-dire corporelle, périra entièrement, il m’est absolument impossible de concevoir comment de si nombreux et si grands êtres substantiels pourraient vivre et subsister sans corps, alors que c’est un privilège de la nature de Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, qu’on puisse comprendre leur existence sans substance matérielle et sans l’association d’un ajout corporel. Un autre dira peut-être que dans cette fin la substance corporelle sera si limpide et si purifiée qu’on peut la comprendre à la manière de l’éther33, comme possédant une pureté et une limpidité célestes. Comment les choses se passeront, seul Dieu le sait avec certitude, et ceux qui sont ses amis par le Christ et par l’Esprit Saint. Traité des Principes: Second traité (I, 5-8)

Il n’y a donc pas de nature incapable de recevoir le bien ou le mal, si ce n’est celle de Dieu, source de tous les biens, et celle du Christ : il est en effet Sagesse, et la sagesse ne peut en aucune façon recevoir la sottise ; il est aussi Justice, et jamais assurément la justice n’acquerra l’injustice ; il est Parole ou Raison, une raison qui ne peut jamais devenir déraisonnable; mais il est aussi Lumière, et certainement les ténèbres ne peuvent saisir la lumière. Pareillement, la nature du Saint Esprit qui est sainte ne peut souffrir de souillure : car elle est sainte par nature et de façon substantielle. Mais toute autre nature qui est sainte tient sa sanctification de ce qu’elle a assumé l’Esprit Saint et de ce qu’il l’a inspirée : elle ne la possède pas par nature, mais de manière accidentelle, or ce qui est accidentel peut déchoir. On peut avoir ainsi une justice accidentelle, d’où il suit qu’on peut la perdre. On a pareillement une sagesse accidentelle, mais il est en notre pouvoir, par notre zèle et le mérite de notre vie, par la pratique de la sagesse, de devenir sages : si nous y mettons tous nos soins, nous participons toujours à la sagesse, et ceci plus ou moins selon le mérite de notre vie ou l’importance de notre zèle. Car la bonté de Dieu, selon ce qui lui convient, invite tous les êtres et les attire à la fin bienheureuse, où cessent et disparaissent douleurs, tristesses et gémissements de toute sorte. Traité des Principes: Second traité (I, 5-8)

Sur ce point certains se demandent souvent si, de même que le Père engendre le Fils et profère l’Esprit Saint, non comme s’ils étaient des êtres qui n’existaient pas auparavant, mais en tant que le Père est l’origine et la source du Fils et du Saint Esprit, puisqu’on ne peut penser qu’il y a en eux un avant ou un après, on ne pourrait pas entendre de même l’association et la parenté qui existent entre les natures raisonnables et la matière corporelle. Pour faire une recherche plus complète et plus soigneuse, ils passent à un autre problème dès le début de la discussion et se demandent si cette même nature corporelle qui sert de support à la vie des intelligences spirituelles et raisonnables, et rend possibles leurs mouvements, perdure de la même éternité qu’eux, ou au contraire si elle périra et sera complètement détruite. Pour saisir la question avec plus de minutie, il faut rechercher d’abord, semble-t-il, s’il est possible que les natures raisonnables restent tout à fait incorporelles, lorsqu’elles parviennent au sommet de la sainteté et de la béatitude, ce qui me semble très difficile et presque impossible ; ou s’il est nécessaire qu’elles soient toujours unies à des corps. Si on pouvait montrer la raison qui fonde la possibilité pour ces âmes d’être complètement dépourvues de corps, il paraîtrait logique de penser que la nature corporelle a été créée à partir du néant par intervalles ; de même qu’elle a été faite alors qu’elle n’existait pas, de même elle cesserait d’être lorsque son office ne serait plus utile. Traité des Principes: Troisième traité (II, 1-3)

S’il est vraiment impossible de faire une telle affirmation, c’est-à-dire de soutenir qu’une nature pourrait vivre sans corps, une nature autre que celle du Père, du Fils et du Saint Esprit, la logique et la raison obligent nécessairement à comprendre que les natures raisonnables ont été créées comme ce qui est principal, mais que la substance matérielle semble être distinguée d’elles seulement par l’opinion ou par la pensée, qu’elle a été faite pour elles ou après elles, et que cependant les natures raisonnables, autrefois comme maintenant, ne vivent jamais sans substance matérielle : car la vie incorporelle est, semble-t-il, le privilège de la Trinité seule. Comme nous l’avons dit plus haut cette substance matérielle a une nature apte à se transformer de tout en tout : lorsqu’elle est employée pour les êtres inférieurs, elle prend la forme d’un corps plus épais et plus solide, et par là sont distinguées les espèces visibles et variées du monde ; mais quand elle est utilisée par les êtres parfaits et bienheureux, elle brille dans la splendeur des corps célestes, et orne du vêtement du corps spirituel les anges de Dieu et les fils de la Résurrection : c’est avec tous ces derniers que parvient à sa perfection l’état divers et varié du monde unique. Traité des Principes: Troisième traité (II, 1-3)

Mais si on veut discuter cela plus complètement il faudra scruter les Écritures saintes avec plus d’attention et de diligence, avec crainte de Dieu et révérence, pour voir si on peut y trouver à ce sujet un sens secret et caché concernant ces problèmes difficiles et obscurs ? le Saint Esprit le manifeste à ceux qui en sont dignes ?, lorsqu’on aura réuni plusieurs témoignages de ce genre. Traité des Principes: Troisième traité (II, 1-3)

Mais de nouveau ils nous ramènent aux paroles de l’Écriture en posant leur fameuse question. Il est écrit, disent-ils, qu’un arbre bon ne peut pas produire de mauvais fruits ni un arbre mauvais de bons fruits : par son fruit on reconnaît l’arbre. Qu’en est-il donc, disent-ils ? De quelle nature est l’arbre de la loi, cela est manifesté par ses fruits, c’est-à-dire par les paroles de ses préceptes. Si on trouve la loi bonne, sans aucun doute on peut croire que celui qui l’a donnée est aussi le Dieu bon ; mais si elle est plus juste que bonne, on pensera que son Dieu est un législateur juste. L’apôtre Paul n’a employé aucune circonlocution pour dire : Donc la loi est bonne, le commandement saint, juste et bon. De là il est clair que Paul ne s’était pas instruit dans les écrits de ceux qui séparent le juste du bon, mais avait été enseigné par ce Dieu et illuminé par l’Esprit de ce Dieu qui est à la fois saint, bon et juste : parlant par son Esprit, il disait que le commandement de la loi est saint, juste et bon. Pour montrer avec plus d’évidence qu’il y a dans le commandement plus de bonté encore que de sainteté et de justice, il répète sa parole en parlant seulement de la bonté au lieu des trois : Ce qui est donc bon serait mort pour moi ? Qu’il n’en soit pas ainsi. Parce qu’il savait que, parmi les vertus, la bonté représente le genre, la justice et la sainteté les espèces du genre, voilà pourquoi, alors que plus haut il avait nommé le genre et les espèces, en redisant cette parole il a répété seulement le genre. Mais dans ce qui suit il dit : Le péché, par le bien, a opéré en moi la mort. Là il conclut par le genre ce qu’il avait exposé auparavant par les espèces. Il faut comprendre aussi de la même manière ces paroles : L’homme bon, du bon trésor de son coeur, profère le bien et l’homme mauvais, de son mauvais trésor, le mal. Ici aussi l’auteur a pris le genre, bien ou mal, montrant sans aucun doute qu’il y a dans l’homme bon la justice, la tempérance, la prudence, la piété (ou miséricorde) et tout ce qui peut être dit ou compris bon. Pareillement il a parlé de l’homme mauvais, qui serait certainement injuste, impur, impie et tout ce qui forme l’homme mauvais dans ses divers éléments. De même que sans ces malices on ne peut penser qu’un homme est mauvais et qu’il ne peut être mauvais, de même sans ces vertus il est certain que personne ne peut être jugé bon. Traité des Principes: Premier traité (II, 4-5)

Après les exposés que nous avons faits au début du livre sur le Père, le Fils et le Saint Esprit, selon que le demandait le sujet, il nous a paru bon de revenir sur ces points et de montrer que le même Dieu est le créateur et artisan du monde et le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, c’est-à-dire que le Dieu de la loi et des prophètes et celui des l’Évangiles sont un seul et même Dieu ; ensuite il a fallu indiquer au sujet du Christ que celui qui avait été désigné plus haut comme la Parole et la Sagesse de Dieu a été fait dans la suite comme un homme ; il nous reste à revenir, le plus brièvement possible, sur le Saint Esprit. Traité des Principes: Troisième traité (II, 7)

C’est donc le moment de disserter un peu dans la mesure de nos forces sur l’Esprit Saint que notre Seigneur et Sauveur dans l’Évangile selon Jean a nommé le Paraclet. De même qu’il y a un seul et même Dieu et un seul et même Christ, de même il y a un seul et même Saint Esprit qui fut aussi bien chez les prophètes que chez les apôtres, chez ceux qui ont cru en Dieu avant la venue du Christ et chez ceux qui par le Christ ont pris refuge en Dieu. Si, comme nous l’avons entendu, les hérétiques ont osé parler de deux Dieux et de deux Christs, nous n’avons jamais appris que quelqu’un ait prêché deux Saints Esprits. Comment pourraient-ils affirmer cela à partir des Écritures ou quelle distinction pouvaient-ils faire entre un Saint Esprit et un autre Saint Esprit, en supposant qu’on puisse définir en quelque façon ou décrire le Saint Esprit ? Car même si on accorde à Marcion et à Valentin qu’on puisse introduire des distinctions dans la divinité et décrire différemment la nature du bon et celle du juste, comment imaginer et inventer des distinctions à l’intérieur de l’Esprit Saint ? Je pense qu’ils n’ont rien pu trouver qui indique une distinction quelconque. Traité des Principes: Troisième traité (II, 7)

Nous, de notre côté, nous pensons que toute créature raisonnable peut participer à lui comme à la Sagesse de Dieu et à la Parole de Dieu, sans qu’on puisse faire de différence. Je vois cependant que la principale descente du Saint Esprit sur les hommes s’est produite, selon l’Écriture, plutôt après l’ascension du Christ au ciel qu’avant la venue de ce dernier. Auparavant, l’Esprit Saint était donné aux seuls prophètes et au petit nombre de ceux du peuple saint qui l’avaient mérité. Après la venue du Sauveur fut accompli selon l’Écriture ce qui avait été dit par le prophète Joël : Il arrivera dans les derniers jours que je répandrai de mon Esprit sur toute chair et qu’ils prophétiseront; dans le même sens il est écrit : Toutes les nations le serviront. Donc par la grâce de l’Esprit Saint, avec bien d’autres vérités très nombreuses, on a vu se manifester de la façon la plus magnifique le fait suivant : ce qui est écrit dans les prophètes et dans la loi de Moïse, autrefois un petit nombre, les prophètes eux-mêmes et à peine quelques personnages de tout le peuple, pouvaient en dépasser la compréhension corporelle et en percevoir une signification plus haute, c’est-à-dire comprendre un peu spirituellement la loi et les prophètes ; mais maintenant il y a des foules innombrables de croyants qui, sans pouvoir cependant tous expliquer de façon ordonnée et claire la logique de la compréhension spirituelle, sont cependant tous à peu près persuadés qu’on ne doit pas prendre au sens corporel la circoncision, ni le repos du sabbat, ni l’effusion du sang des bestiaux, et que ce n’est pas à ce sujet que Dieu a répondu à Moïse. Il n’est pas douteux que ce sens est suggéré à tous par la puissance du Saint-Esprit. Traité des Principes: Troisième traité (II, 7)

Il y a de nombreuses manières de comprendre le Christ, car, bien qu’il soit, certes, la Sagesse, il n’opère pas ni n’accomplit en tous les effets de la Sagesse, mais seulement en ceux qui s’adonnent en lui à la sagesse ; s’il est appelé médecin, il n’agit pas envers tous comme médecin, mais seulement envers ceux qui, ayant compris qu’ils sont malades, se réfugient dans sa miséricorde pour obtenir la santé. Je pense de même du Saint Esprit en qui se trouve toute la nature des dons. Aux uns en effet est fournie par l’Esprit la parole de sagesse, aux autres la parole de connaissance, à d’autres la foi; et ainsi, en chacun de ceux qui peuvent le recevoir, l’Esprit lui-même prend la forme dont a besoin celui qui a mérité de participer à lui et se fait comprendre de cette façon15. Mais, sans remarquer ces distinctions et ces différences, certains, entendant qu’il est nommé Paraclet dans l’Évangile, ne réfléchissant pas à l’activité et au rôle qui le font appeler Paraclet, l’ont comparé à je ne sais quels esprits vils et ont tenté de troubler par là les Églises du Christ, au point d’engendrer des dissensions non négligeables parmi les frères. Mais l’Évangile lui confère une si grande puissance et majesté que, selon lui, les apôtres ne pouvaient encore comprendre ce que voulait leur enseigner le Sauveur, avant la venue de l’Esprit Saint qui, se répandant dans leurs âmes, les éclairerait sur la nature de la Trinité et sur la foi en elle. Mais ces hérétiques, à cause de l’incapacité de leur intelligence qui les empêche non seulement d’exposer avec logique ce qui est exact, mais encore de prêter l’oreille à ce que nous disons, pensent de la divinité de l’Esprit Saint des choses inférieures à sa dignité et se sont livrés à l’erreur et à la tromperie, déformés par des esprits erronés plutôt qu’instruits par les enseignements du Saint Esprit, selon cette parole de l’apôtre : Suivant la doctrine des esprits démoniaques qui défendent de se marier, pour la perte et la ruine de beaucoup, et obligent à contretemps de s’abstenir des nourritures, pour séduire les âmes des innocents en faisant montre d’une observance plus stricte. Traité des Principes: Troisième traité (II, 7)

Il nous faut donc savoir que l’Esprit Saint est Paraclet et qu’il enseigne des vérités trop grandes pour être exprimées, des vérités, pour ainsi dire, ineffables et qu’il n’est pas permis à l’homme de dire, c’est-à-dire qui ne peuvent être dévoilées par une parole humaine. Cette expression : il n’est pas permis, nous pensons qu’elle est employée par Paul au lieu de : il n’est pas possible, comme quand il dit : Tout est permis, mais tout ne convient pas; tout est permis, mais tout n’édifie pas. Ce dont nous avons la possibilité, parce que nous pouvons l’avoir, il dit que c’est permis. Le Paraclet, terme appliqué au Saint Esprit, vient du mot consolation ? paraclèsis en effet se dit en latin consolatio ? : celui en effet qui aura mérité de participer au Saint Esprit par la connaissance des mystères ineffables, reçoit sans aucun doute consolation et joie du coeur. Lorsqu’il aura connu en effet la nature de tout ce qui se fait, qu’il saura, sur l’indication de l’Esprit, pourquoi et comment cela se fait, son âme ne pourra absolument plus être troublée ni accueillir aucun sentiment de peine : il ne sera plus terrifié par rien, lorsque, adhérant à la Parole de Dieu et à sa Sagesse, il dit dans l’Esprit Saint que Jésus est Seigneur. Traité des Principes: Troisième traité (II, 7)

Puisqu’il n’est pas douteux qu’au jour du Jugement les bons seront séparés des mauvais et les justes des injustes et que chacun sera réparti selon son mérite par le juge-ment de Dieu dans les lieux dont il est digne ? nous le montrerons dans la suite, si Dieu le veut ?, je pense que quelque chose de semblable a déjà été fait. Il faut croire que Dieu opère et gouverne toujours toutes choses avec jugement. Ce qu’enseigne l’Apôtre en disant que : Dans une grande maison se trouvent non seulement des vases d’or et d’argent, mais aussi de bois et de terre, les uns pour un usage honorable, les autres pour un usage méprisable; et ce qu’il ajoute : Si quelqu’un s’est purifié il sera un vase sanctifié pour un usage honorable, utile au Seigneur et prêt à toute tâche bonne, montre sans aucun doute que celui qui s’est purifié dans cette vie sera préparé à toute oeuvre bonne dans la future, mais que celui qui ne s’est pas purifié sera, en proportion de son impureté, un vase destiné à un usage méprisable, c’est-à-dire un vase indigne. On peut donc comprendre que ces vases raisonnables aient été auparavant purifiés ou non purifiés, c’est-à-dire qu’ils se soient purifiés ou non purifiés eux-mêmes, et que pour cette raison chacun de ces vases ait obtenu, dans la mesure de sa pureté ou de son impureté, tel lieu, telle région, telle condition pour naître ou pour faire quelque chose dans ce monde. Le Dieu qui pourvoit à tout jusque dans le détail par la puissance de sa Sagesse, qui discerne tout quand il gouverne par son jugement, a disposé toutes choses suivant une rétribution très équitable, afin que chacun soit secouru et qu’il soit veillé sur lui selon son mérite. Là se manifeste assurément le point de vue de l’équité, car l’inégalité des conditions observe l’équité dans la rétribution des mérites. Dieu seul avec la Parole, son Fils unique, qui est sa Sagesse, et le Saint Esprit, connaît de façon véritable et claire la mesure des mérites pour chaque créature. Traité des Principes: Quatrième traité (II, 8-9)

Tel était le désir, je pense, qu’exprimait comme sien celui qui disait : Je suis pris dans une alternative, ayant le désir de mourir pour être avec le Christ, ce qui serait de beaucoup préférable. Il savait qu’alors, quand il serait retourné au Christ, il connaîtrait les raisons de tout ce qui se passe sur la terre, concernant l’homme, son âme et son intelligence, les éléments dont l’homme est composé, la nature de l’esprit principal, de l’esprit qui opère, de l’esprit vital, de la grâce du Saint Esprit donnée aux fidèles. Alors il comprendra la signification d’Israël, de la diversité des nations, des douze tribus en Israël et de chaque clan dans chaque tribu. Il comprendra encore alors la raison des prêtres, des lévites et des différentes classes sacerdotales, il verra ce qui était symbolisé dans Moïse, il saura même quelle est auprès de Dieu la vérité des jubilés et les semaines d’années. Il verra aussi la raison des jours de fêtes et des fériés, les causes des sacrifices et des purifications. Il constatera la raison de la purification de la lèpre et de la lèpre colorée, et la purification de ceux qui souffrent de pertes séminales. Il connaîtra l’identité, la quantité et la nature des puissances bonnes et des puissances contraires, l’affection des premières pour les hommes, la jalousie combattante des secondes. Il verra encore la nature des âmes, la diversité des êtres animés, que ce soit les animaux aquatiques, les oiseaux ou les bêtes sauvages, la cause qui divise chaque genre en des espèces si nombreuses, le but du créateur, la signification cachée que sa sagesse donne à tous ces êtres. Il connaîtra aussi la raison qui attache certaines vertus à des racines et à des herbes et qui les refuse au contraire à d’autres herbes ou racines; de même la raison des anges apostats et la cause pour laquelle, par ceux qui ne les méprisent pas de toute leur foi, ils peuvent être flattés d’une certaine façon et être pour eux cause d’égarement et de tromperie. Il apprendra les jugements de la divine providence sur chacun de ces êtres, sur les accidents qui se produisent chez les hommes et ne sont pas l’effet du sort ou du hasard, mais d’une raison si bien pesée et si difficile qu’elle ne perd pas de vue même le nombre des cheveux, non seulement des saints, mais encore de tous les hommes : cette raison de la providence s’étend jusqu’aux deux passereaux qui sont vendus pour un denier, que l’on entende ces deux passereaux au sens spirituel ou même selon la lettre. Maintenant on se pose encore des questions à ces sujets, mais alors là-haut on en aura la vision claire. Traité des Principes: Cinquième traité (II, 10-11)

Mais si l’utilité de cette législation apparaissait d’elle-même clairement dans tous les passa-ges, ainsi que la logique et l’habileté du récit historique, nous ne croirions pas qu’on puisse comprendre dans les Écritures quelque chose d’autre que le sens obvie. C’est pourquoi la Parole de Dieu a fait en sorte d’insérer au milieu de la loi et du récit comme des pierres d’achoppement, des passages choquants et des impossibilités, de peur que, complètement entraînés par le charme sans défaut du texte, soit nous ne nous écartions finalement des doctrines comme n’y apprenant rien qui soit digne de Dieu, soit ne trouvant aucune incitation dans la lettre, nous n’apprenions rien de plus divin. Il faut savoir aussi que, puisque le but principal est de présenter la logique qui est dans les réalités spirituelles à travers les événements qui se sont produits et les actions qu’on doit faire, là où la Parole a trouvé que les faits historiques pouvaient s’harmoniser aux réalités mystiques, elle s’en est servi pour cacher à la plupart le sens plus profond. Là où, pour l’exposition de la logique des réalités intelligibles, l’action de tel ou de tel, décrite auparavant, ne s’accordait pas avec elle à cause des significations plus mystiques, l’Écriture a tissé dans le récit ce qui ne s’est pas passé, tantôt parce que cela ne pouvait pas se passer, tantôt parce que cela pouvait se passer, mais ne s’est pas passé. Parfois il y a peu de phrases qui sont ainsi ajoutées bien qu’elles ne soient pas vraies selon le sens corporel, parfois il y en a davantage. Il faut traiter de façon semblable la législation : on y trouve fréquemment des préceptes qui d’eux-mêmes sont utiles et adaptés de façon opportune à la législation, mais parfois cette utilité n’apparaît pas. D’autres fois même, ce sont des choses impossibles qui sont prescrites, à cause de ceux qui sont le plus diligents et aiment le plus la recherche, pour qu’ils s’adonnent à l’étude et à la recherche de ce qui est écrit et qu’ils deviennent suffisamment persuadés de la nécessité de chercher là un sens digne de Dieu. Ce n’est pas seulement pour les livres antérieurs à la venue du Christ que l’Esprit s’est ainsi comporté, mais, comme il est le même Esprit et provient d’un même Dieu, il a agi de même pour les Évangiles et les apôtres : car chez eux aussi le récit est quelquefois mêlé d’ajouts qui y ont été tissés selon le sens corporel, mais qui ne correspondent pas à des événements réels, et pareillement la législation et les préceptes ne manifestent pas toujours des exigences raisonnables. Traité des Principes: Neuvième traité (IV, 1-3)

De même que la participation du Fils de Dieu fait de nous des fils adoptifs et que la participation de la Sagesse nous rend sages en Dieu, de même la participation du Saint Esprit nous rend saints et spirituels. C’est une seule et même chose de participer au Saint Esprit et de participer au Père et au Fils, puisqu’une et incorporelle est la nature de la Trinité. Ce que nous avons dit de la participation de l’âme, il faut l’entendre de même des anges et des puissances célestes, puisque toute créature raisonnable a besoin de participer à la Trinité. Traité des Principes: Neuvième traité (IV, 1-3)

Nous avons ensuite montré, comme nous l’avons pu, dans les pages précédentes, que tout ce qui est a été fait par Dieu et que rien n’existe qui n’ait été fait excepté la nature du Père, du Fils et de l’Esprit Saint ; en outre que Dieu, qui est bon par nature, voulant avoir des êtres à qui manifester ses bienfaits, des êtres qui se réjouiraient de les avoir reçus, a fait des créatures dignes de lui, c’est-à-dire qui puissent le comprendre dignement : il dit d’elles qu’il a engendré des fils. Il a fait ainsi toutes choses avec nombre et mesure : rien en effet n’est pour Dieu sans limite et sans mesure. Par sa puissance, Dieu comprend toutes choses et lui-même n’est compris par aucune intelligence créée. Sa nature est connue de lui seul. Seul en effet le Père connaît le Fils et seul le Fils connaît le Père et seul le Saint Esprit scrute même les profondeurs de Dieu. Traité des Principes: Neuvième traité (IV, 1-3)

Toute intelligence qui participe à la lumière intellectuelle doit être sans aucun doute d’une seule nature avec toute autre intelligence qui participe également à la lumière intellectuelle. Si donc les puissances célestes ont participation à la lumière intellectuelle, c’est-à-dire à la nature divine, parce qu’elles participent à la sagesse et à la sanctification, et si l’âme humaine a participation à cette même lumière et à cette même sagesse, les unes et les autres seront d’une seule nature et d’une seule substance. Or les puissances célestes sont incorrompues et immortelles : sans aucun doute la substance de l’âme humaine sera incorrompue et immortelle. Il ne faut pas s’arrêter là, mais, puisque la nature même du Père, du Fils et du Saint Esprit, qui est la seule lumière intellectuelle dont toute la création tire sa participation, est incorrompue et éternelle, il est très logique et nécessaire que toute substance qui tire sa participation de cette nature éternelle demeure elle-même toujours incorruptible et éternelle, de sorte que l’éternité de la bonté divine soit perçue aussi dans le fait que sont éternels ceux-là mêmes qui reçoivent ses bienfaits. Mais de même qu’on a vu par des exemples que la lumière est perçue de façon diverse, selon que la vue de celui qui regarde est qualifiée de plus émoussée ou de plus aiguë, de même, quand il s’agit du Père, du Fils et du Saint Esprit, il faut respecter la diversité dans la manière de participer à eux selon l’intention de la pensée et la capacité de l’intelligence. Traité des Principes: Neuvième traité (IV, 1-3)

Si quelqu’un ose attribuer une corruption atteignant la substance même à celui qui a été fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, il étend, à ce que je pense, le motif de son impiété jusqu’au Fils de Dieu lui-même : car le Fils est aussi appelé image de Dieu dans les Écritures. Ou certainement celui qui veut qu’il en soit ainsi, qu’il accuse l’autorité de l’Écriture qui dit que l’homme a été fait à l’image de Dieu. Il est clair que les signes de cette image divine en l’homme peuvent être reconnus, non dans la forme du corps qui se corrompt, mais dans la prudence de l’intelligence, dans la justice, la modération, le courage, la sagesse, l’instruction, bref dans tout le ch?ur des vertus, présentes en Dieu de façon substantielle, en l’homme par son activité et l’imitation de Dieu, selon ce que dit le Seigneur dans l’Évangile : Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux, et : Soyez parfaits comme votre Père est parfait. Cela montre avec évidence qu’en Dieu toutes ces vertus existent toujours, sans pouvoir progresser ni régresser, mais que dans les hommes chacune d’elle est acquise peu à peu. Par là les hommes semblent avoir une certaine parenté avec Dieu ; puisque Dieu connaît tout et qu’aucune réalité intellectuelle ne lui est cachée ? en effet Dieu seul, Père, Fils Unique et Saint Esprit, non seulement connaît ce qu’il a créé, mais encore possède la connaissance de lui-même ?, l’intelligence raisonnable peut cependant, en progressant du petit jusqu’au plus grand et du visible jusqu’à l’invisible, parvenir à une compréhension plus parfaite. Elle est en effet placée dans un corps et doit progresser des réalités sensibles qui sont corporelles à celles qui ne sont pas sensibles, mais incorporelles et intellectuelles. Mais de peur qu’il ne paraisse pas convenable d’appeler non sensibles les réalités intellectuelles, nous utiliserons comme exemple une affirmation de Salomon : Tu trouveras aussi une sensibilité divine. Gela montre que les réalités intellectuelles sont cherchées non avec un sens corporel, mais avec un autre sens appelé divin. Traité des Principes: Neuvième traité (IV, 1-3)