esprit (Orígenes)

Je sais que certains essaieront de dire que Dieu est un corps, et même en invoquant les Écritures, car ils lisent chez Moïse : Notre Dieu est un feu qui consume, et dans l’évangile de Jean : Dieu est souffle (esprit) et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit (souffle) et en vérité. Le feu et le souffle (esprit), ils ne les prennent que comme des corps. Je veux leur demander ce qu’ils disent de cette affirmation scripturaire : Dieu est lumière. En effet Jean écrit dans son épître : Dieu est lumière et il n’y a pas en lui de ténèbres. C’est assurément cette lumière qui illumine toute l’intelligence de ceux qui peuvent saisir la vérité, comme le dit le Psaume 35 : Dans ta lumière nous verrons la lumière. Que faut-il appeler lumière de Dieu, dans laquelle on voit la lumière, sinon la Puissance de Dieu qui fait voir à celui qu’elle illumine la vérité de toutes choses ou lui fait connaître Dieu lui-même, qui est nommé Vérité ? C’est cela que signifie la phrase : Dans ta lumière nous verrons la lumière ; c’est-à-dire dans ta Parole et ta Sagesse, à savoir dans ton Fils, nous te verrons, toi, le Père. Faut-il, puisqu’il est appelé Lumière, le juger semblable à la lumière de ce soleil-ci ? Et comment nous en sera-t-il donné quelque intelligence, même faible, pour concevoir, à partir de cette lumière corporelle, la cause de la connaissance, et trouver la compréhension de la vérité ? Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section

Quant à ceux qui, parce que Dieu est appelé souffle (esprit), jugent qu’il est corps, il faut leur répondre ainsi : L’Écriture sainte a l’habitude, lorsqu’elle veut désigner quelque chose de contraire à ce corps que voici plus épais et plus solide, de le nommer esprit (souffle). Elle dit ainsi : La lettre tue, mais l’esprit vivifie. Sans aucun doute, la lettre désigne les réalités corporelles, l’esprit les intellectuelles, que nous disons aussi spirituelles. L’Apôtre écrit en outre : Jusqu’à aujourd’hui, lorsqu’ils lisent Moïse, un voile est posé sur leur coeur; mais lorsqu’on se sera tourné vers le Seigneur, le voile sera ôté ; là où est l’Esprit du Seigneur se trouve la liberté. Tant qu’on ne se convertit pas à l’intelligence spirituelle, un voile est posé sur le coeur : par ce voile, c’est-à-dire par une intelligence plus grossière, l’Écriture, selon ce que l’on dit et pense, est elle-même voilée ; tel était le voile posé sur le visage de Moïse lorsqu’il parlait au peuple, c’est-à-dire lorsque la loi est lue à la foule. Si nous nous tournons vers le Seigneur, là où est aussi la Parole de Dieu, là où l’Esprit Saint révèle la science spirituelle, alors le voile est ôté, et alors, la face dévoilée, nous contemplons dans les Écritures saintes la gloire du Seigneur. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section

Mais passons à la parole de l’Évangile : Dieu est esprit (souffle), et montrons comment il faut la comprendre d’après ce que nous avons dit. Demandons-nous quand le Sauveur l’a prononcée, et près de qui, et ce qu’il cherchait. Nous trouvons sans aucun doute qu’il parlait à une Samaritaine, celle qui pensait qu’il fallait adorer Dieu sur le mont Garizim selon l’avis des Samaritains ; c’est alors qu’il dit : Dieu est esprit. La Samaritaine, pensant qu’il était un Juif ordinaire, lui demandait s’il fallait adorer Dieu à Jérusalem ou sur cette montagne : Tous nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous dites que c’est à Jérusalem qu’il faut adorer. A cette opinion de la Samaritaine, pensant à un privilège possédé par des lieux corporels, suivant lequel on adore Dieu à tort ou à raison si on le fait avec les Juifs à Jérusalem ou avec les Samaritains sur le mont Garizim, le Sauveur répondit qu’il ne faut pas se préoccuper de lieux corporels pour suivre Dieu : L’heure vient où ce n’est pas à Jérusalem ni sur cette montagne que les vrais adorateurs adoreront le Père. Dieu est esprit et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit et en vérité. Constatons le rapport qu’il a mis entre vérité et esprit : il a opposé l’esprit aux corps, la vérité à l’ombre et à l’image. Ceux qui adoraient à Jérusalem adoraient Dieu en se consacrant à l’ombre et à l’image des réalités célestes, mais non à la vérité ni à l’esprit; pareillement ceux qui adoraient sur le mont Garizim. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section

Quelques-uns de nos prédécesseurs ont observé à propos du Nouveau Testament que partout où l’esprit est nommé sans un adjectif désignant quel est cet esprit, il faut entendre l’Esprit Saint. Ainsi : Le fruit de l’Esprit est la charité, la joie, la paix, etc. De même : Alors que vous avez commencé dans l’Esprit, vous achevez maintenant dans la chair. Nous pensons que cette distinction peut être aussi appliquée à l’Ancien Testament. Par exemple : Celui qui donne l’Esprit au peuple qui est sur terre et l’Esprit à ceux qui la foulent. Sans aucun doute celui qui foule aux pieds la terre, c’est-à-dire le terrestre et le corporel, participe à l’Esprit Saint, le recevant de Dieu. Un savant hébreu disait qu’il fallait entendre du Fils unique et de l’Esprit Saint les deux Séraphins qu’Isaïe décrit avec six ailes et qui se crient l’un à l’autre : Saint, Saint, Saint, le Seigneur Sabaoth. Nous pensons qu’il faut de même appliquer au Christ et à l’Esprit Saint ce qui est dit dans le cantique d’Habacuc : Au milieu des deux vivants – ou des deux vies -, lu seras connu. Toute la science venant du Père, par la révélation du Fils, est connue dans l’Esprit Saint, de sorte que l’un et l’autre, appelés par le prophète des vivants ou des vies, sont causes de la science de Dieu le Père. Comme il est dit du Fils que personne ne connaît le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils aura voulu le révéler, l’Apôtre parle de même du Saint Esprit : Dieu nous a révélé par son Esprit : car l’Esprit scrute tout, même les profondeurs de Dieu. Mais de même dans l’Évangile, le Sauveur, mentionnant les doctrines divines les plus profondes que ne pouvaient encore saisir ses disciples, dit aux apôtres : J’ai encore beaucoup à vous dire mais vous ne pouvez pas encore le comprendre; lorsque sera venu le Paraclet, l’Esprit Saint, qui procède du Père, il vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. Il faut donc penser que comme le Fils, qui seul connaît le Père, le révèle à qui il veut, le Saint Esprit, qui est seul à scruter jusqu’aux profondeurs de Dieu, révèle Dieu à qui il veut. Car l’Esprit souffle où il veut. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section

Le troisième ordre de la création raisonnable est formé de ces esprits qui ont été jugés par Dieu aptes à remplir le genre humain, c’est-à-dire les âmes des hommes ; parmi eux nous en voyons que leurs progrès ont haussé jusqu’à l’ordre des anges, ceux qui sont devenus fils de Dieu ou de la résurrection, ou ceux qui, laissant les ténèbres, ont préféré la lumière et sont devenus fils de lumière, ou ceux qui, ayant surpassé toute lutte et devenus pacifiques, sont faits fils de la paix et fils de Dieu, ou ceux qui, mortifiant leurs membres terrestres et transcendant non seulement la nature corporelle, mais encore les mouvements ambigus et fragiles de l’âme, se sont attachés au Seigneur, devenus entièrement esprits, pour être toujours avec lui un seul esprit, jugeant avec lui de toutes choses, jusqu’à ce qu’ils parviennent au degré des spirituels parfaits qui discernent tout et que, leur intelligence étant éclairée dans la plénitude de la sainteté par la Parole et la Sagesse de Dieu, ils ne puissent plus du tout être jugés par personne. Nous pensons, certes, qu’on ne doit en aucune façon accepter les questions ou les affirmations de certains, qui pensent que les âmes peuvent atteindre un tel degré de déchéance qu’oublieuses de leur nature raisonnable et de leur dignité, elles vont même jusqu’à se précipiter dans la classe des êtres animés déraisonnables, des animaux et des bestiaux. Ils tirent des Écritures des arguments mensongers, s’appuyant par exemple sur le précepte d’inculper et de lapider avec la femme l’animal auquel elle se serait unie contre nature et de lapider aussi le taureau qui donne des coups de corne; ou sur l’histoire de l’ânesse de Balaam qui parla, Dieu lui ouvrant la bouche, lorsque une bête de somme répondant avec une voix humaine, bien qu’elle fût muette, dénonça la folie du prophète. Tout cela, non seulement nous ne l’acceptons pas, mais encore nous réfutons et rejetons ces assertions contraires à notre foi. Cependant, lorsque nous aurons, au moment et à l’endroit convenables, confondu et réfuté cette doctrine perverse, nous montrerons comment il faut comprendre les passages des Écritures saintes qu’ils ont invoqués. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Deuxième section

Mais Dieu, avec l’art ineffable de sa sagesse, transforme et restaure toutes choses, de quelque façon qu’elles se produisent, pour l’utilité et le profit commun du tout : ces créatures elles-mêmes, si éloignées les unes des autres par la diversité de leurs mentalités, il les ramène d’une certaine façon à un unique accord, dans leur activité et leurs intentions, pour consommer, malgré la diversité des mouvements des intelligences, l’accomplissement et la perfection d’un monde unique et diriger la variété des intelligences elles-mêmes vers une seule fin parfaite. Il est en effet l’unique puissance qui embrasse et maintient en lui toute la diversité du monde, ramène à l’unité ses mouvements variés, pour empêcher que son ouvrage si immense, le monde, ne soit brisé par les divisions des intelligences. Et c’est pourquoi nous pensons que Dieu, père de l’univers, pour sauver toutes ses créatures, par le moyen ineffable de sa Parole et Sagesse, a disposé chaque chose de telle manière qu’aucun esprit, intelligence, ou être rationnel subsistant, de quelque manière qu’on l’appelle, ne soit contraint par force, malgré la liberté de sa volonté, à faire autre chose que ce que lui commande le mouvement de son intelligence, car autrement lui serait enlevée, semble-t-il, la faculté du libre arbitre et la qualité de sa nature en serait tout à fait modifiée ; mais il a agencé les mouvements divers de leurs intentions avec à-propos et utilité pour assurer l’accord d’un monde unique ; et c’est ainsi que parmi ces êtres raisonnables, les uns ont besoin d’aide, les autres peuvent aider, d’autres encore soulèvent devant ceux qui progressent des luttes et des combats pour éprouver davantage leur diligence, pour rendre plus stable après la victoire l’état de la dignité qu’ils ont récupéré, affermi par leurs difficultés et leurs peines. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 1-3): « Le monde et les créatures qui s’y trouvent »

Nous avons esquissé comme nous avons pu les comprendre ces trois opinions sur la fin de toutes choses et la béatitude suprême : que chaque lecteur juge en lui-même avec diligence et minutie, s’il veut en approuver et en choisir une. Il est dit qu’on pense pouvoir mener une vie incorporelle quand tout aura été soumis au Christ et par le Christ à Dieu le Père, lorsque Dieu sera tout en tous ; ou bien cependant que lorsque tout sera soumis au Christ et par le Christ à Dieu, avec qui les natures raisonnables formeront un seul esprit, puisqu’elles sont des esprits, la substance corporelle elle-même associée à des esprits excellents et très purs brillera, changée dans un état éthéré selon la qualité ou les mérites de ceux qui l’assument, d’après cette parole de l’Apôtre : Nous aussi nous serons changés ; ou encore que, lorsque la condition des choses qui se voient aura passé, toute corruptibilité ayant été rejetée et purifiée et tout l’état de ce monde, où l’on dit que se trouvent les sphères des planètes, ayant été dépassé et transcendé, c’est au-dessus de la sphère dite des étoiles fixes que la demeure des pieux et des bienheureux sera établie, comme dans la bonne terre, la terre des vivants, que recevront les paisibles et les doux. A cette terre correspond le ciel qui l’entoure et l’enferme comme dans une enceinte plus magnifique, le ciel au sens strict et premier. Dans ce ciel et dans cette terre trouveront place l’achèvement et la perfection de toutes choses d’une manière stable, sûre et très durable. C’est là que ceux qui auront été corrigés par les peines subies pour être purifiés de leurs péchés, lorsque tout aura été accompli et payé, mériteront d’habiter cette terre, et ceux qui ont obéi à la Parole de Dieu, se sont montrés capables de recevoir sa Sagesse et l’ont suivie, mériteront, selon l’Écriture, les royaumes de ce ciel ou de ces cieux. Ainsi s’accompliront ces paroles : Bienheureux les doux car ils recevront en héritage la terre. Bienheureux les pauvres par l’esprit car ils auront l’héritage du royaume des cieux, et ce que dit le Psaume : Il t’élèvera pour que tu hérites la terre. Pour cette terre-ci on emploie l’expression descendre, pour cette terre-là, qui est en haut, celle d’être élevé. Il semble ainsi que soit ouvert par les progrès des saints comme un chemin de cette terre-là à ces cieux-là : ils ne paraissent pas tant devoir rester dans cette terre que l’habiter, pour passer ensuite, lorsqu’ils auront fait quelque progrès, à l’héritage du royaume des cieux. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 1-3): Le commencement de ce monde et ses causes

Qu’ils disent alors, en examinant les Écritures divines, ce qu’est chaque vertu, et qu’ils ne cherchent pas à s’esquiver en disant que le Dieu qui rétribue chacun selon ses mérites, leur rend le mal pour le mal par haine des méchants et que ce n’est pas parce que ceux qui ont péché ont besoin d’être soignés par des remèdes plus pénibles qu’il leur applique un traitement qui, en vue de leur amendement, semble présentement les faire souffrir. Il ne lisent pas ce qui est écrit de l’espérance de ceux qui ont péri par le déluge, espérance dont Pierre dit dans sa Première Épître : Le Christ est mort selon la chair, mais a été vivifié selon l’esprit. Dans cet esprit il est allé prêcher aux esprits maintenus en prison, ceux qui avaient été autrefois incrédules, lorsque Dieu attendait avec patience quand Noé construisait l’arche; dans l’arche un petit nombre, c’est-à-dire huit personnes, ont été sauvées par le moyen de l’eau; vous aussi, de façon semblable, il vous sauve aujourd’hui par le baptême. Au sujet de Sodome et de Gomorrhe, qu’ils nous disent s’ils croient que les paroles prophétiques viennent du Dieu dont on rapporte qu’il fit pleuvoir sur eux une pluie de feu et de soufre! Que dit de ces villes le prophète Ézéchiel ? Sodome sera restaurée dans son état ancien. En punissant ceux qui méritaient le châtiment, ne l’a-t-il pas fait pour leur bien ? Il a dit à la Chaldée : Tu as des charbons de feu, assieds-toi dessus et ils te seront utiles. A propos de ceux qui sont tombés dans le désert, que les hérétiques écoutent ce qui est rapporté dans le Psaume 77, attribué par son titre à Asaph : Lorsqu’il les tuait, alors ils le cherchaient. Il n’a pas dit que, les uns étant tués, les autres le recherchaient, mais que ceux qui étaient tués l’étaient de telle sorte que, mis à mort, ils recherchaient Dieu. Tout cela montre que le Dieu juste et bon, le Dieu de la loi et des Évangiles, est un seul et même Dieu, qu’il fait le bien avec justice et punit avec bonté, puisque ni la bonté sans la justice, ni la justice sans la bonté, ne sont le signe de la dignité de la nature divine. Ajoutons encore ce qui suit, forcés par leurs artifices. Si la justice est autre chose que le bien, puisque le mal est contraire au bien et l’injuste au juste, sans aucun doute l’injuste sera autre que le mal ; et puisque, selon vous, celui qui est juste n’est pas bon, celui qui est injuste ne sera pas mauvais ; de même, puisque celui qui est bon n’est pas juste, celui qui est mauvais ne sera pas injuste. Ne sera-t-il pas absurde, à ce qu’il semble, que celui qui est mauvais soit le contraire du Dieu bon, mais que personne ne soit le contraire du Dieu juste qu’ils présentent comme inférieur au bon ? A Satan qui est appelé le Malin ne correspond donc pas quelqu’un autre qui serait dit l’Injuste. Qu’en est-il donc ? Remontons au point d’où nous sommes descendus. Ils ne pourront pas dire que le mauvais n’est pas en même temps injuste, ni l’injuste mauvais. Mais si, dans ces contraires, il y a une liaison indissociable entre l’injustice et le mal et entre le mal et l’injustice, le bon sera certainement indissociable du juste et le juste du bon : de même que nous disons que la malice et l’injustice sont un seul et même mal, de même nous tenons que la bonté et la justice sont une seule et même vertu. Traité des Principes: Livre II: Premier traité (II, 4-5): Deuxième section

Mais après toutes ces merveilles et magnificences, la capacité d’étonnement de l’intelligence humaine est complètement dépassée et la fragilité d’un entendement mortel ne voit pas comment elle pourrait penser et comprendre que cette Puissance si grande de la majesté divine, cette Parole du Père lui-même, cette Sagesse de Dieu dans laquelle ont été créés tout le visible et tout l’invisible, ait pu, comme il faut le croire, exister dans les étroites limites d’un homme qui s’est montré en Judée, et bien mieux que la Sagesse de Dieu ait pénétré dans la matrice d’une femme, soit née comme un petit enfant, ait émis des vagissements à la manière des nourrissons qui pleurent; et ensuite qu’elle ait été troublée par sa mort, comme on le rapporte et comme Jésus le reconnaît lui-même : Mon âme est triste jusqu’à la mort; et enfin qu’elle ait été conduite à la mort que les hommes jugent la plus indigne, bien qu’elle soit ressuscitée le troisième jour après. Tantôt nous voyons en lui certains traits humains qui paraissent ne différer en rien de la fragilité commune des mortels, tantôt des traits si divins qu’ils ne conviennent à personne d’autre qu’à la nature première et ineffable de la divinité : aussi l’entendement humain reste immobile par suite de son étroitesse et frappé d’une telle stupéfaction qu’il ignore où aller, que tenir, vers où se tourner. Pense-t-il le Dieu, il voit le mortel. Pense-t-il l’homme, il l’aperçoit, ayant vaincu le règne de la mort, revenir des morts avec ses dépouilles. C’est pourquoi ce mystère doit être contemplé en toute crainte et révérence pour montrer en un seul et même être la vérité de chaque nature, afin de ne rien penser d’indigne et d’indécent sur cet être substantiel divin et ineffable, ni juger au contraire que ce qu’il a fait soit l’illusion d’une imagination fausse. Exposer cela à des oreilles humaines et l’expliquer par des paroles excède de beaucoup les possibilités de notre mérite, de notre talent et de notre discours. Je juge que cela dépasse même la mesure des saints apôtres : bien mieux l’explication de ce mystère est peut-être au-dessus des puissances célestes de toute la création. Ce n’est pas cependant par témérité, mais parce que la suite du développement le demande, que nous exposerons en peu de mots, plutôt ce que notre foi contient que ce que les assertions de la raison humaine pourraient revendiquer, en présentant davantage ce que nous supposons que des affirmations manifestes. Donc le Fils unique de Dieu, par qui tout a été fait, le visible et l’invisible, comme nous l’a appris plus haut cette discussion, a fait toute chose, selon l’attestation de l’Écriture, et aime tout ce qu’il a fait. Car, alors que du Dieu invisible il est lui-même l’image invisible, il a donné à toutes les créatures raisonnables de participer à lui de telle sorte que chaque créature adhère à lui par le sentiment de l’amour dans la mesure où elle participe davantage à lui. Mais puisque la faculté du libre arbitre a mis une variété et une diversité parmi les intelligences, les unes ayant un amour plus ardent envers leur créateur, les autres un amour plus faible et plus chétif, cette âme, dont Jésus dit : Personne ne m’ôte mon âme, adhérant à lui depuis sa création et dans la suite d’une manière inséparable et indissociable, comme à la Sagesse et à la Parole de Dieu, à la Vérité et à la Vraie Lumière, le recevant tout entier en elle tout entière et se changeant en sa lumière et en sa splendeur, est devenue avec lui dans son principe un seul esprit, de même que l’apôtre a promis à ceux qui devaient imiter cette âme que : Celui qui se joint au Seigneur est un seul esprit avec lui. De cette substance de l’âme servant d’intermédiaire entre un Dieu et la chair – car il n’était pas possible que la nature d’un Dieu se mêlât à la chair sans médiateur – naît, comme nous l’avons dit, le Dieu-Homme : cette substance était l’intermédiaire, car il n’était pas contre nature pour elle d’assumer un corps. Et de même il n’était pas contre nature que cette âme, substance raisonnable, puisse contenir Dieu, puisque, nous l’avons dit plus haut, elle s’était déjà toute changée en lui, comme en la Parole, la Sagesse et la Vérité. C’est pourquoi, à bon droit, parce qu’elle était tout entière dans le Fils de Dieu ou qu’elle contenait tout entier en elle le Fils de Dieu, elle est appelée elle-même, avec la chair qu’elle a assumée, Fils de Dieu et Puissance de Dieu, Christ et Sagesse de Dieu ; et réciproquement, le Fils de Dieu par qui tout a été créé est nommé Jésus-Christ et Fils de l’homme. Car on dit que le Fils de Dieu est mort, à savoir à cause de cette nature qui pouvait parfaitement recevoir la mort ; et il est appelé Fils de l’homme, celui que l’on prêche comme devant venir dans la gloire de Dieu le Père avec les saints anges. Pour cette raison, dans toute l’Écriture la divine nature est appelée par des vocables humains et la nature humaine est ornée des titres réservés à Dieu. Dans ce cas plus que dans tout autre, on peut dire ce qui est écrit : Ils seront les deux dans une chair une: désormais ils ne sont plus deux, mais une chair une. Car la Parole de Dieu est bien plus avec son âme dans une chair une que ce que l’on pense du mari avec son épouse. Mais à qui convient-il mieux d’être un seul esprit avec Dieu qu’à cette âme qui s’est si bien jointe à Dieu par l’amour qu’elle peut être dite à bon droit un seul esprit avec lui. La perfection de l’amour et la sincérité d’une affection pure ont fait l’unité inséparable de cette âme avec un Dieu, tellement que l’assomption de cette âme n’est pas le produit du hasard ni le résultat d’une partialité envers une personne, mais vient du mérite de ses vertus. C’est ce que dit le prophète s’adressant à elle : Tu as aimé la justice et haï l’iniquité: c’est pourquoi Dieu, ton Dieu, t’a ointe de l’huile de joie plus que tes participants. A cause du mérite de son amour elle est ointe de l’huile de joie, c’est-à-dire l’âme avec la Parole de Dieu devient le Christ. Etre oint de l’huile de joie ne veut pas dire autre chose qu’être rempli de l’Esprit Saint. Ce qui est dit : plus que tes participants, indique que la grâce de l’Esprit ne lui a pas été donnée comme aux prophètes, mais qu’elle avait en elle la plénitude substantielle de la Parole de Dieu, selon l’Apôtre : En qui habite corporellement la plénitude de la divinité. Et enfin il n’est pas dit seulement : Tu as aimé la justice, mais : Et tu as haï l’iniquité. Haïr l’iniquité revient à ce que l’Écriture dit du Christ : Il n’a pas commis de péché et on n’a pas trouvé de ruse dans sa bouche, et : Il a été éprouvé en tout de manière semblable sans péché. Mais le Seigneur lui-même dit : Qui de vous me convainc de péché ? De nouveau il dit de lui-même : Voici que vient le prince de ce monde et en moi il ne trouve rien. Tout cela montre qu’il n’y a en lui aucune pensée de péché. Le prophète exprime avec plus de clarté encore que jamais aucune pensée d’iniquité n’est entrée en lui quand il dit : Avant que l’enfant ait su appeler son père ou sa mère, il s’est détourné de l’iniquité. Traité des Principes: Livre II: Deuxième traité (II, 6): Deuxième section

Voici ce qui s’est maintenant présenté, à notre esprit en traitant de questions si difficiles, de l’incarnation et de la divinité du Christ. Certes, si quelqu’un peut trouver mieux et confirmer ce qu’il dit par des affirmations plus évidentes prises aux saintes Écritures, que l’on reçoive ses paroles plutôt que les miennes. Traité des Principes: Livre II: Deuxième traité (II, 6): Deuxième section

Troisième traité (II, 7) : Que le même esprit était en Moïse et dans les autres prophètes et dans les saints apôtres Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 7): Deuxième section

Mais à propos de l’âme du Christ, la nature de l’incarnation, quand on la considère, supprime tout problème. Car de même qu’il a eu vraiment un corps, il a eu vraiment une âme. Mais il est difficile de penser et d’exposer comment on doit comprendre le fait qu’il soit question d’une âme de Dieu dans les Écritures : en effet nous reconnaissons une fois pour toutes que sa nature est simple, sans mélange ni addition. Cependant, de quelque façon qu’il faille l’entendre, il semble qu’on parle parfois de l’âme de Dieu. A propos de l’âme du Christ, il n’y a pas de doute. Et c’est pourquoi il ne me paraît pas absurde de dire ou de penser de même des saints anges et des autres puissances célestes, si toutefois la définition de l’âme donnée plus haut semble leur convenir. Qui pourra nier qu’ils possèdent une sensibilité raisonnable et le mouvement ? Si donc cette définition qui fait de l’âme une substance dotée de sensibilité raisonnable et de mouvement paraît juste, il semble qu’elle s’applique aussi aux anges. Qu’y a-t-il d’autre en eux qu’une sensibilité raisonnable et du mouvement ? Les êtres à qui conviennent une définition unique sont sans aucun doute d’une même substance. Certes, l’apôtre Paul parle d’un homme animal qui, selon lui, ne peut percevoir ce qui concerne l’Esprit de Dieu et il dit de même que l’enseignement de l’Esprit Saint paraît à cet homme absurde et qu’il ne peut comprendre ce qui est l’objet d’un discernement spirituel. Mais dans un autre passage, selon lui, est semé un corps animal et ressuscite un corps spirituel : il montre ainsi que dans la résurrection des justes il n’y aura rien d’animal dans ceux qui mériteront la vie des bienheureux. Et c’est pourquoi nous recherchons s’il y aurait une substance qui serait imparfaite parce qu’elle est âme. Mais nous nous demanderons, quand nous nous mettrons à discuter cela dans le détail, si elle est imparfaite parce qu’elle est tombée de la perfection ou si elle a été faite ainsi par Dieu. Si en effet l’homme animal ne perçoit pas ce qui concerne l’Esprit de Dieu et si, parce qu’il est animal, il ne peut recevoir la compréhension d’une nature supérieure, c’est-à-dire divine, c’est pour cela que Paul, voulant nous enseigner plus clairement quelle est la faculté qui nous permet de comprendre les réalités de l’Esprit, les réalités spirituelles, unit et associe à un esprit saint plutôt l’intelligence que l’âme. A mon avis il le montre, lorsqu’il dit : Je prierai par l’esprit, je prierai aussi par l’intelligence; je psalmodierai par l’esprit, je psalmodierai aussi par l’intelligence. Il ne dit pas : je prierai par l’âme, mais : par l’esprit et l’intelligence ; et non plus : je psalmodierai par l’âme, mais : par l’esprit et l’intelligence. Traité des Principes: Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Première section

Que le lecteur ajoute ce qui suit à notre discussion : on peut observer que, quand l’Évangile parle de l’âme du Sauveur, autre est ce qui lui est attribué avec le mot âme, autre est ce qui lui est attribué avec le mot esprit. Lorsque l’Évangile mentionne quelque passion ou trouble, il emploie le mot âme, comme dans : Maintenant mon âme est troublée; Mon âme est triste jusqu’à la mort et : Personne ne m’ôte mon âme, mais c’est moi qui la dépose. Mais ce qu’il confie aux mains du Père, ce n’est pas son âme, mais son esprit, et, lorsqu’il dit que la chair est infirme, il ne dit pas que l’âme est prompte, mais que l’esprit est prompt : d’où il semble que l’âme soit quelque chose d’intermédiaire entre la chair infirme et l’esprit prompt. Traité des Principes: Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Première section

Mais l’Écriture sainte ne me paraît pas s’être tue complètement sur la raison de ce mystère. L’apôtre Paul discutant Ésaü et de Jacob dit : Alors qu’ils n’étaient pas encore nés et qu’ils n’avaient rien fait de bien ni de mal, pour que soit maintenue la décision concernant leur élection par Dieu, ce n’est pas par suite de leurs oeuvres, mais par la volonté de celui qui les a appelés qu’il fut dit: L’aîné servira le plus jeune. Il est écrit en effet: J’ai aimé Jacob, j’ai pris en haine Elsa. Et Paul ensuite s’est répondu à lui-même en ces termes :Que dirons-nous donc ? Y a-t-il injustice de la part de Dieu ? Pour nous fournir à ce sujet une occasion de recherche et d’examen, pour savoir comment cela s’est passé d’une manière non déraisonnable, il s’est répondu à lui-même : Qu’il n’en soit pas ainsi! Les mêmes questions qui se posent à propos d’Ésaü et de Jacob, à ce qu’il me semble, peuvent s’étendre à tous les êtres célestes, aux créatures terrestres et infernales : Alors qu’ils n’étaient pas encore nés et qu’ils n’avaient rien fait de bien ni de mal; cela peut se dire pareillement de tous les autres êtres. Alors qu’ils n’avaient pas encore été créés et qu’ils n’avaient rien fait de bien ni de mal, afin que soit maintenue la décision de Dieu concernant leur élection, comme certains le pensent, les uns ont été faits êtres célestes, d’autres terrestres et d’autres infernaux, non par suite de leurs oeuvres, selon l’opinion de ces héré-tiques, mais par la volonté de celui qui les a appelés. Que dirons-nous donc si les choses sont ainsi ? Il y a donc injustice de la part de Dieu ? Qu’il n’en soit pas ainsi! Alors, en scrutant les Écritures avec plus de soin au sujet d’Ésaü et de Jacob, on trouve qu’il n’y a pas d’injustice de la part de Dieu, quand, avant leur naissance et avant qu’ils aient fait quoi que ce soit, dans cette vie évidemment, il est dit que l’aîné servira le plus jeune, et on trouve de même qu’il n’y a pas d’injustice dans le fait que Jacob ait supplanté son frère dans le sein de sa mère, si on pense qu’il a été aimé de Dieu avec raison jusqu’à être préposé à son frère à cause des mérites d’une vie précédente, bien entendu. Ainsi peut-on penser des créatures célestes, si nous remarquons que cette diversité n’est pas l’état initial de la créature, mais que, à la suite de causes antécédentes, le Créateur prépare à chacune une fonction et un service différents selon la dignité de son mérite : cela vient assu-rément du fait que chacun, parce qu’il a été créé par Dieu comme intelligence ou comme esprit raisonnable, s’est acquis plus ou moins de mérite par suite des mouvements de l’intelligence et des affections de l’entendement et s’est rendu ainsi pour Dieu aimable ou même haïssable. Cepen-dant quelques-uns de ceux qui ont le mieux mérité ont reçu pour l’ordonnance du monde la fonction de souffrir avec les autres et de prêter service aux êtres inférieurs, afin de participer ainsi à la patience du créateur, selon ces paroles de l’Apôtre : La création a été en effet soumise à la vanité, contre son gré, mais à cause de celui qui l’a soumise, dans l’espérance. Traité des Principes: Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Deuxième section

De cela on trouve aussi des images dans les Écritures saintes. Ainsi, dans le Deutéronome la parole divine menace les pécheurs de les punir par des fièvres, le froid, la jaunisse et de les torturer par des infirmités oculaires, l’aliénation mentale, la paraplégie, la cécité, les affections rénales. Si quelqu’un collectionne à loisir, à travers toute l’Écriture, toutes les mentions qui sont faites des maux dont les pécheurs sont menacés sous des appellations de maladies corporelles, il trouvera indiqués par là, de façon figurée, les vices et les supplices des âmes. Pour nous faire com-prendre que Dieu agit envers ceux qui sont tombés et ont péché de la même façon que les médecins appliquent des remèdes aux malades pour leur rendre la santé par leurs soins, on peut invoquer, d’après le prophète Jérémie, l’ordre d’abreuver toutes les nations du calice de la fureur de Dieu, pour qu’elles en boivent, qu’elles en deviennent folles et qu’elles le vomissent. Et le prophète les menace en disant que celui qui ne voudra pas en boire ne sera pas purifié. Il faut donc comprendre que la fureur de la vengeance divine sert à la purification des âmes. Isaïe enseigne aussi que le châtiment infligé par le feu est à comprendre comme appliqué en tant que remède, lorsqu’il dit d’Israël : Le Seigneur lavera les souillures des fils et des filles de Sion, il nettoiera le sang qui est au milieu d’eux avec un esprit (souffle) de jugement et avec un esprit (souffle) de combustion. Il parle ainsi des Chaldéens : Tu as des charbons de feu, assieds-toi sur eux, ils te seront en aide. Et ailleurs : Le Seigneur les sanctifiera dans le feu ardent. Le prophète Malachie dit ce qui suit : De son trône le Seigneur fera fondre son peuple comme l’or et l’argent, il fera fondre, il purifiera et, une fois purifiés il affinera les fils de Juda. Traité des Principes: Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Seconde section

L’Évangile dit des intendants déshonnêtes qu’ils seront coupés en deux et qu’une partie d’eux sera mise parmi les infidèles, comme si cette partie qui ne leur serait pas propre serait à mettre ailleurs : il indique sans aucun doute la manière dont sont châtiés ceux dont, à ce qu’il me semble, l’esprit est représenté comme devant être séparé de l’âme. Si cet esprit est à comprendre comme étant de nature divine, c’est-à-dire l’Esprit Saint, nous penserons que cela est dit du don de l’Esprit Saint : donné soit par le baptême, soit par la grâce de l’Esprit – puisqu’à quelqu’un est donnée la parole de sagesse ou la parole de connaissance ou d’un autre don quel qu’il soit -, s’il n’a pas été bien administré, qu’il ait été enfoui dans la terre ou enfermé dans un mouchoir, le don de l’Esprit sera assurément ôté à l’âme, et la partie qui restera, c’est-à-dire la substance de l’âme, est mise avec les infidèles, coupée et séparée de cet esprit avec lequel elle aurait dû se joindre au Seigneur pour être un seul esprit avec lui. Si cela n’est pas à entendre de l’Esprit de Dieu, mais de la nature de l’âme elle-même, ce qui est dit sa partie supérieure est ce qui a été fait à l’image de Dieu et à sa ressemblance, et l’autre partie est celle qu’elle a assumée dans la suite à cause de la chute du libre arbitre, contrairement à la nature de sa création première et de sa pureté première : c’est cette partie en tant qu’elle est amie de la matière corporelle et aimée d’elle qui sera punie en recevant le sort des infidèles. On peut enfin comprendre en un troisième sens cette division : chacun des fidèles, même le plus petit dans l’Église, est assisté par un ange selon l’Écriture, et le Sauveur rapporte que cet ange voit toujours la face de Dieu le Père; cet ange, qui ne faisait en quelque sorte qu’un avec celui qu’il gouvernait, lui est ôté par Dieu d’après ce qui est dit, si son pupille s’en rend indigne par sa désobéissance; et alors la partie, c’est-à-dire la partie de nature humaine, arrachée de sa partie divine, est envoyée avec les infidèles, parce qu’elle n’a pas gardé fidèlement les avertissements de l’ange qui lui avait été attribué par Dieu. Traité des Principes: Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Seconde section

Il faut voir maintenant selon les Écritures comment les puissances contraires et le diable lui-même combattent le genre humain, le provoquant et l’incitant au péché. D’abord le Livre de la Genèse rapporte que le serpent séduisit Eve ; dans l’Ascension de Moïse, livre que mentionne dans son épître l’apôtre Jude, l’archange Michel se disputant avec le diable au sujet du corps de Moïse dit que ce serpent, inspiré par le diable, fut cause de la prévarication d’Adam et d’Eve. Mais certains se demandent aussi quel est l’ange qui du ciel parle à Abraham en ces termes : Maintenant je sais que tu crains Dieu et que tu n’as pas épargné ton fils bien-aimé, que tu aimais, à cause de moi. Il est écrit clairement qu’il s’agit d’un ange, qui dit savoir alors qu’Abraham craignait Dieu et n’avait pas épargné son fils bien-aimé, comme l’Écriture le dit, mais il n’a pas déclaré (qu’Abraham avait fait cela) pour Dieu, mais pour lui, c’est-à-dire pour celui qui parlait ainsi. Il faut se demander aussi de qui parle l’Exode quand il est dit que ce personnage voulut tuer Moïse parce qu’il partait pour l’Egypte. Mais ensuite quel est l’ange dit exterminateur et celui qui est appelé dans le Lévitique apopompaeus, c’est-à-dire celui qui emporte, et dont l’Écriture dit : Un sort pour le Seigneur et un sort pour l’apopompaeus – c’est-à-dire pour celui qui emporte. Mais dans le premier Livre des Rois il est écrit qu’un esprit très mauvais suffoquait Saul. Dans le troisième Livre des Bois, le prophète Michée dit : J’ai vu le Dieu d’Israël siégeant sur son trône et toute la milice du ciel se tenait autour de lui à sa droite et à sa gauche. Et le Seigneur dit: Qui trompera Achab, roi d’Israël, pour qu’il monte et tombe à Ramot de Galaad. Et celui-ci parla ainsi et celui-là parla ainsi. Mais un esprit sortit (de la foule), se tint devant le Seigneur et dit: Je le tromperai. Et le Seigneur lui dit: Comment ? Il répondit: J’irai et je serai un esprit menteur dans la bouche de tous ses prophètes. Le Seigneur lui dit: Tu le tromperas, certainement tu le pourras ; va donc et agis ainsi. Et maintenant le Seigneur a mis un esprit menteur dans la bouche de tous tes prophètes ; et le Seigneur a appelé sur toi le mal. Cela montre clairement qu’un esprit a choisi avec toute sa volonté et son propos de tromper et d’opérer le mensonge, et que Dieu s’est servi de cet esprit pour la mort d’Achab qui méritait de souffrir tout cela. Dans le premier Livre des Paralipomènes : Le diable suscita un Satan en Israël et il poussa David à recenser le peuple. D’après les Psaumes, un ange malin écrase certaines personnes. Dans l’Ecclésiaste, Salomon dit : Si l’esprit de celui qui a le pouvoir monte sur toi, ne quitte pas ta place, parce que la guérison arrêtera des péchés nombreux. Nous lisons dans Zacharie que le diable se tenait à la droite de Jésus et lui résistait. Isaïe dit que le glaive de Dieu se lève sur le dragon, le serpent pervers. Que dirai-je d’Ézéchiel prophétisant très clairement dans sa seconde vision au prince de Tyr au sujet d’une puissance contraire, lui qui dit aussi que le dragon habite dans les fleuves d’Egypte ? Tout le livre qui parle de Job parle-t-il d’autre chose que du diable, demandant que lui soit donné pouvoir sur tout ce que possède Job, y compris ses fils, et même sur son corps. Et cependant, il est vaincu par la patience de Job. Dans ce livre, le Seigneur par ses réponses nous a instruits abondamment sur la puissance de ce dragon qui nous est hostile. Voici les textes de l’Ancien Testament qui ont pu pour le moment se présenter à notre mémoire : ils affirment que des puissances contraires sont mentionnées dans les Écritures, s’opposent au genre humain et seront finalement punies. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section

Certes, il ne faut pas penser que de tels combats sont menés par le moyen de la force corporelle et des exercices de la palestre, mais c’est un esprit qui se bat contre un esprit, puisque Paul nous indique qu’un combat nous attend contre les principautés et les puissances, les chefs de ce monde de ténèbres. Le genre de lutte qu’il faut entendre par là, c’est que lorsqu’on nous cause toute sorte de dommages, de périls, d’opprobres, d’accusations, l’intention des puissances adverses qui les suscitent n’est pas seulement de nous faire souffrir, mais de nous exciter à de grandes colères, à des tristesses excessives, jusqu’aux limites du désespoir, et aussi, ce qui est plus grave, de nous pousser, accablés de fatigue et vaincus par le dégoût, à nous plaindre de Dieu, comme s’il ne gouvernait pas la vie des hommes d’une manière équitable et juste ; leur but est d’affaiblir notre foi, de nous faire déchoir de l’espérance, de nous forcer à abandonner la vérité de nos doctrines et de nous persuader à avoir de Dieu des pensées impies. L’Écriture rapporte de pareilles choses au sujet de Job, lorsque le diable eut demandé à Dieu de lui donner pouvoir sur ses biens. Elle nous enseigne que nous ne sommes pas l’objet d’attaques fortuites, lorsque nous sommes atteints dans nos biens par des dommages semblables, et que ce n’est pas par hasard que l’un des nôtres est emmené en captivité ou que des maisons s’écroulent, écrasant des personnes chères ; en tout cela chaque fidèle doit dire : Tu n’aurais pas de pouvoir contre moi, s’il ne t’avait pas été donné d’en haut. Tu peux constater que la maison de Job ne serait pas tombée sur ses fils, si auparavant le diable n’avait pas reçu pouvoir contre eux ; que les cavaliers n’auraient pas fait irruption en trois bandes pour enlever ses chameaux, ses boeufs et le reste de son bétail, s’ils n’avaient pas été poussés par cet esprit dont ils s’étaient faits les serviteurs en lui obéissant par leur volonté. Même ce qui paraissait du feu ou que l’on prenait pour la foudre ne serait pas tombé sur les brebis de Job avant que le diable n’ait dit à Dieu : N’as-tu pas entouré de fortifications tout ce qu’il a au-dehors et tout ce qu’il a au-dedans, etc. ? Mais maintenant, étends la main et touche à tous ses biens, lu verras s’il te bénira en face. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section

Il y a aussi, outre ces princes, certaines forces de ce monde, c’est-à-dire des puissances spirituelles, consacrées à un certain genre d’action, qu’elles ont choisi elles-mêmes conformément à leur libre arbitre et parmi elles se trouvent ces esprits qui agissent sur la sagesse de ce monde : par exemple une force ou puissance particulière inspire la poésie, une autre la géométrie, et ainsi animent-elles chaque art ou discipline de ce genre. Aussi de nombreux Grecs ont pensé qu’il ne pouvait y avoir de poésie sans folie ; et leurs histoires rapportent que parfois ceux qu’ils appellent vates sont soudain envahis par un esprit de folie. Que dire encore de ceux qu’ils nomment devins et qui, par l’opération des démons qui les gouvernent, profèrent des oracles dans des vers modulés avec art. Mais ceux qu’ils disent magiciens ou auteurs de maléfices, parfois après avoir invoqué les démons sur des enfants encore petits, leur ont fait dire des poèmes dignes de plonger tout le monde dans l’étonnement et la stupéfaction. Tout se passe de la même façon que lorsque des âmes saintes et sans tache, qui se sont vouées à Dieu de toute leur volonté et en toute pureté, qui se sont tenues à l’écart de toute contagion démoniaque, qui se sont purifiées par une grande abstinence et se sont instruites des doctrines pieuses et religieuses, ont acquis par là une participation à la divinité et ont mérité de recevoir la grâce de la prophétie et de tous les autres dons divins ; de même, il faut le penser, ceux qui se sont livrés aux puissances contraires, et cela par leur activité, leur vie et un zèle en leur faveur qui leur est agréable, reçoivent leur inspiration et deviennent participants à leur sagesse et à leur doctrine. Il s’ensuit qu’ils deviennent les sujets de leurs opérations, puisqu’ils se sont d’abord assujettis à leur esclavage. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Deuxième section

Il est montré clairement et par de multiples indices que l’âme humaine, tant qu’elle se trouve dans le corps, peut être sujette à diverses actions ou opérations d’esprits divers, mauvais ou bons. Et les mauvais agissent de deux façons : ou bien en possédant complètement et entièrement l’intelligence, au point de ne pas laisser ceux qu’ils obsèdent comprendre ou penser quoi que ce soit, comme c’est le cas de ceux qu’on appelle vulgairement énergumènes et que nous voyons dans un état de démence et de folie, pareils à ceux qui d’après l’Évangile furent guéris par le Sauveur ; ou bien en dépravant par des suggestions hostiles, à l’aide d’idées diverses et de persuasions funestes, une intelligence qui pense et qui comprend, comme ce fut le cas de Judas, poussé au crime de trahison par l’action du diable, selon le témoignage de l’Écriture : Alors que le diable avait déjà mis dans le coeur de Judas l’Iscariote l’intention de le livrer. On reçoit l’action ou l’opération du bon esprit lorsqu’on est mû et poussé au bien et lorsque l’inspiration porte sur les réalités célestes et divines : comme les saints anges, Dieu lui-même a agi dans les prophètes, les invitant et les exhortant à progresser par de saintes suggestions, mais en laissant, certes, à l’homme la liberté de juger s’il consent ou non à suivre l’invitation qui l’attire vers les réalités célestes et divines. C’est pourquoi il est possible de distinguer clairement quand l’âme est mue par la présence d’un esprit meilleur : c’est le cas lorsque l’inspiration qui la presse ne lui fait subir absolument aucun trouble ni aliénation de l’intelligence et qu’elle ne perd pas le jugement de son libre arbitre ; tels étaient tous les prophètes et les apôtres qui collaboraient aux oracles divins sans aucun trouble de l’intelligence. Nous avons déjà enseigné plus haut par des exemples comment la mémoire de l’homme peut être invitée par les suggestions du bon esprit à se souvenir des biens meilleurs, quand nous avons mentionné Mardochée et Artaxerxès. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Deuxième section

Maintenant je pense qu’il ne faut pas passer sous silence les tentations qui naissent parfois de la chair et du sang ou de la prudence de la chair et du sang, dite ennemie de Dieu, puisque nous avons déjà parlé de ces tentations qui sont traitées de plus qu’humaines, les luttes que nous menons contre principautés et puissances, les chefs de ce monde de ténèbres et les esprits de méchanceté qui sont aux deux et celles que nous poursuivons contre les esprits malins ou les démons immondes. En cela il faut se demander, je crois, s’il y a en nous, hommes, qui sommes composés d’une âme et d’un corps et aussi d’un esprit de vie, quelque chose d’autre qui possède un stimulant qui lui est propre et un mouvement nous poussant au mal. C’est ainsi que certains se posent habituellement la question suivante : ne faut-il pas parler de deux âmes en nous, l’une plus divine et céleste et l’autre inférieure ; ou bien est-ce, parce que nous sommes attachés à des corps – des corps qui selon leur nature propre sont morts et tout à fait inanimés puisque c’est par nous, c’est-à-dire par nos âmes que le corps matériel est vivifié, alors qu’il est assurément en opposition et en inimitié avec l’esprit – que nous sommes attirés et poussés vers ces maux qui sont agréables au corps ; ou bien encore, troisième solution, suivant l’opinion de quelques Grecs, est-ce que notre âme, une par sa substance, est composée de plusieurs éléments, une partie dite rationnelle et une partie irrationnelle, cette partie dite irrationnelle se divisant de nouveau en deux tendances, la convoitise et la colère. Ces trois opinions susdites concernant l’âme ont été tenues, nous le savons, par certains. De ces trois, celle qui professe selon quelques philosophes grecs, avons-nous dit, le tripartisme de l’âme, je ne la vois guère confirmée par le témoignage de la divine Écriture ; quant aux deux autres qui restent, on peut trouver certaines affirmations dans les lettres divines qui paraissent pouvoir s’y adapter. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Troisième section

En effet la foi de l’Église ne reçoit pas ce que disent certains philosophes grecs, que, outre ce corps-ci qui est composé des quatre éléments, il y a un cinquième corps, entièrement différent et distinct de notre corps : on ne peut trouver dans les Écritures saintes le moindre soupçon de cela et la logique même des choses ne permet pas de l’accepter, principalement parce que le saint Apôtre affirme clairement que ce ne sont pas des corps nouveaux qui seront donnés à ceux qui ressuscitent des morts, mais ils recevront les mêmes corps qu’ils ont eus de leur vivant, transformés du pire au meilleur. Il dit en effet : Un corps animal est semé, un corps spirituel ressuscitera, et : Il est semé dans la corruption, il ressuscitera dans l’incorruption ; il est semé dans l’infirmité, il ressuscitera dans la force; il est semé dans l’obscurité, il ressuscitera dans la gloire. De même qu’un homme peut progresser d’un état antérieur d’homme animal, incapable d’entendre ce qui est de l’Esprit de Dieu, jusqu’à arriver, grâce à l’éducation, à devenir spirituel et à juger de toutes choses sans être lui-même jugé par personne, de même faut-il penser, à propos de la condition du corps, que le même corps qui maintenant en tant qu’instrument de l’âme est appelé animal, à la suite d’un progrès, lorsque l’âme jointe à Dieu sera devenue avec lui un seul esprit, progressera, en tant qu’instrument de l’esprit, pour atteindre une condition et une qualité spirituelles : cela est d’autant plus possible, nous l’avons souvent montré, que la nature corporelle a été faite par le créateur de telle sorte qu’elle puisse prendre successivement de manière aisée n’importe quelle qualité, selon la volonté de Dieu ou ce que demandent les circonstances. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section

Après avoir indiqué succinctement que les Écritures divines sont inspirées par Dieu, il faut discourir sur la manière de les lire et de les comprendre, car beaucoup de faux pas sont commis parce que beaucoup n’ont pas trouvé la voie par laquelle il faut parcourir les divines lectures. Ceux de la circoncision à cause de leur dureté de coeur et de leur peu de compréhension n’ont pas cru en notre Sauveur, parce qu’ils pensent qu’il faut suivre la lettre des prophéties le concernant et qu’ils ne le voient pas de façon sensible prêcher aux prisonniers la rémission, ni bâtir celle qu’ils croient être vraiment la ville de Dieu, ni détruire les chars d’Éphraïm et les chevaux de Jérusalem, ni manger le beurre et le miel et avant de connaître et de choisir le mal élire le bien. Ils ont pensé encore que, selon la prophétie, un loup, l’animal quadrupède, devait paître avec un agneau, et une panthère se reposer avec un chevreau, qu’un veau, un taureau et un lion devaient paître ensemble et être menés par un petit enfant, qu’une vache et une ourse devaient paître ensemble et leurs petits être élevés les uns avec les autres, qu’un lion mangerait de la paille comme un boeuf et, n’ayant vu rien de cela se réaliser sensiblement à la venue de celui que nous croyons le Christ, ils n’ont pas accepté notre Seigneur Jésus, mais ils l’ont crucifié parce qu’il affirmait qu’il était le Christ, contrairement à la loi. Quant aux hérétiques, quand ils lisent : Un feu est allumé par ma colère ; je suis un Dieu jaloux, punissant les péchés des pères sur les fils jusqu’à la troisième et quatrième génération; je me suis repenti d’avoir oint Saul comme roi ; Je suis un Dieu qui fais la paix et qui produis le mal ; et ailleurs : Il n’y a pas dans la ville de mal que le Seigneur n’ait pas produit; et encore : Le mal descendit d’auprès du Seigneur sur les portes de Jérusalem ; Un esprit mauvais venant de Dieu étouffait Saul; et bien d’autres choses semblables, n’ont pas osé cependant ne pas croire que les Écritures étaient d’un Dieu, mais ils ont cru qu’elles étaient du créateur adoré par les Juifs et ils ont pensé que, puisque ce créateur était imparfait et non bon, le Sauveur était venu annoncer un Dieu plus parfait, qu’ils disent différent du créateur, ayant des sentiments divers à son égard. Une fois qu’ils se sont éloignés du créateur, qui est le seul Dieu inengendré, ils se sont adonnés à des inventions, fabriquant eux-mêmes des suppositions mythiques sur la création des réalités visibles et sur celle d’autres non visibles que leur âme a représentées en figures. Mais, certes, les plus simples aussi de ceux qui sont fiers d’appartenir à l’Église n’ont pas accepté d’autre Dieu plus grand que le Créateur, agissant en cela sainement ; cependant ils acceptent à son sujet ce qu’ils ne supporteraient pas du plus cruel et du plus injuste des hommes. Pour tous ceux dont nous venons de parler, la cause de ces fausses opinions, de ces impiétés et de ces paroles stupides au sujet de Dieu ne semble pas être autre chose que le fait de ne pas comprendre l’Écriture dans son sens spirituel, mais de l’interpréter selon la lettre seule. C’est pourquoi, à ceux qui sont persuadés que les livres saints ne sont pas des écrits d’hommes, mais qu’ils ont été rédigés par l’inspiration de l’Esprit Saint d’après la volonté du Père de l’univers par le moyen de Jésus Christ et qu’ainsi ils sont venus jusqu’à nous, il faut montrer ce qui nous paraît la méthode convenable pour les comprendre, pour ceux qui tiennent à la règle de l’Église céleste de Jésus-Christ transmise par la succession des apôtres. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section