Egypte (Orígenes)

Vous trouverez donc écrit que ce sont les descendants d’Abraham qui « descendirent » en Egypte et, par contre, que ce sont les fils d’Israël qui « montèrent » de l’Egypte. D’Abraham lui-même il est dit : « Abraham monta de l’Egypte dans le désert avec son épouse et tout ce qui lui appartenait, et Lot avec lui ». Et, dans la suite, il est dit d’Isaac : « Le Seigneur lui apparut et lui dit : Ne descends pas en Egypte ». Mais les Ismaélites, eux aussi descendants d’Abraham, qui portaient « des parfums, de la résine et du baume », « descendirent » en Egypte, et c’est avec eux que l’Écriture dit de Joseph : « qu’il descendit en Egypte. » Après quoi l’Écriture dit : « Jacob, voyant qu’on vendait du blé en Egypte, dit à ses fils : Pourquoi restez-vous sans rien faire ? Voici que j’apprends qu’il y a du blé en Egypte ; descendez-y, achetez-nous de quoi manger pour que nous vivions et que nous ne mourions pas. » Et un peu plus loin : « Les frères de Joseph descendirent en Egypte pour se procurer du blé. » Homélies sur la Genèse: XV – LES FRÈRES DE JOSEPH REMONTENT DE L’EGYPTE – JACOB APPREND QUE JOSEPH EST VIVANT Le premier jour.

D’ailleurs, lorsque Siméon fut retenu prisonnier en Egypte et que ses neuf frères, une fois relâchés, revinrent, chez leur père, il n’est pas écrit qu’ils « montèrent » d’Egypte, mais qu’ « ils mirent le blé sur leurs ânes et s’en allèrent ». Il ne convenait pas de dire qu’ils « montèrent », puisque leur frère était retenu captif en Egypte et qu’eux, l’esprit et le coeur anxieux, lui restaient pour ainsi dire douloureusement attachés par les liens de l’amour. Mais quand ils ont recouvré leur frère, quand Joseph s’est fait connaître et que Benjamin lui a été présenté, quand ils repartent dans la joie, c’est alors qu’il est dit « qu’ils montèrent d’Egypte et vinrent dans la terre de Canaan chez leur père Jacob ». C’est le moment où ils disent à leur père : « Ton fils est vivant et c’est lui qui commande à toute la terre d’Egypte. » On ne peut en effet éviter de dire que ceux qui annoncent que Joseph est vivant et qu’il commande à toute l’Egypte montent de préoccupations bien humbles et bien basses à d’autres extrêmement élevées. Homélies sur la Genèse: XV – LES FRÈRES DE JOSEPH REMONTENT DE L’EGYPTE – JACOB APPREND QUE JOSEPH EST VIVANT Le premier jour.

Dans la lecture d’aujourd’hui, donc, ce n’est pas Jacob, mais Israël qui dit : « C’est une grande chose pour moi que mon fils Joseph soit encore vivant. » – Et quand il arrive au puits du serment et « qu’il offre un sacrifice au Dieu de son père Isaac », il n’est pas appelé Jacob, mais Israël. – Si vous demandez pourquoi Dieu, lui parlant en songe la nuit, ne lui dit pas « Israël, Israël », mais « Jacob, Jacob », c’est sans doute parce qu’il faisait nuit et qu’il en était toujours à mériter d’entendre la voix de Dieu en songe et non pas encore directement. – Quand il se rend en Egypte, l’Ecriture ne dit pas Israël, mais Jacob « et ses fils avec lui ». – Quand il est en présence de Pharaon pour le bénir, il est appelé Jacob et non Israël. – C’est Jacob et non pas Israël qui dit à Pharaon que « les jours de sa vie ont été courts et mauvais », ce que ne dirait certes jamais Israël. – Ensuite, au contraire, ce n’est pas de Jacob mais d’Israël qu’il est dit : « Il appela son fils Joseph et il lui dit : si j’ai trouvé grâce à tes yeux, mets la main sous ma cuisse et use envers moi de bonté et de fidélité ». – Celui qui se prosterna vers le sommet du bâton de Joseph, n’était pas Jacob, mais Israël. – Puis, quand il bénit les fils de Joseph, il est appelé Israël. – Quand il réunit ses fils autour de lui, il dit : « Rassemblez-vous, que je vous annonce ce qui vous arrivera à la fin des jours. Rassemblez-vous, fils de Jacob, et écoutez Israël votre père. » Homélies sur la Genèse: XV – LES FRÈRES DE JOSEPH REMONTENT DE L’EGYPTE – JACOB APPREND QUE JOSEPH EST VIVANT Le premier jour.

– Après cela, il convient d’examiner attentivement ce que Dieu dit en songe à cet Israël et comment il le fortifie et l’encourage en l’envoyant en Egypte, comme s’il partait au combat. Homélies sur la Genèse: XV – LES FRÈRES DE JOSEPH REMONTENT DE L’EGYPTE – JACOB APPREND QUE JOSEPH EST VIVANT Le premier jour.

Il lui dit : « Ne crains pas de descendre en Egypte », ce qui revient à dire : au moment où tu vas rencontrer « les princes, les puissants et les dominateurs de ce monde de ténèbres » – lequel en figure s’appelle l’Egypte – ne crains pas, ne tremble pas. Et si tu veux savoir pourquoi il ne faut pas avoir peur, écoute ma promesse : « Là, je te ferai devenir une grande nation ; je descendrai avec toi en Egypte et moi-même à la fin je t’en ferai revenir. » Homélies sur la Genèse: XV – LES FRÈRES DE JOSEPH REMONTENT DE L’EGYPTE – JACOB APPREND QUE JOSEPH EST VIVANT Le premier jour.

Aussi ne doit-il pas craindre de « descendre en Egypte », ne doit-il pas craindre d’affronter les luttes de ce monde ni les combats avec les dénions ennemis, celui avec qui Dieu descend au combat. Écoutez l’Apôtre Paul : « J’ai travaillé plus qu’eux tous, dit-il, non pas moi pourtant, mais la grâce de Dieu qui est avec moi. » A Jérusalem, alors qu’une sédition s’était élevée contre lui et qu’il soutenait péniblement un magnifique combat pour la parole et la prédication du Seigneur, le Seigneur lui apparut et lui dit, en termes semblables à ceux qui sont adressés maintenant à Israël : « Ne crains pas, Paul ; de même que tu as rendu témoignage de moi dans Jérusalem, il faut aussi que tu me rendes témoignage dans Rome. » Homélies sur la Genèse: XV – LES FRÈRES DE JOSEPH REMONTENT DE L’EGYPTE – JACOB APPREND QUE JOSEPH EST VIVANT Le premier jour.

Mais je crois qu’il se cache un mystère encore plus profond dans ce texte. Car elle me frappe, cette parole de l’Écriture : « Je ferai de toi une grande nation ; je descendrai avec toi en Egypte et moi-même à la fin je t’en ferai revenir. » Quel est en effet celui qui est devenu une grande nation en Egypte et qui à la fin en a été rappelé ? On pense qu’il s’agit de Jacob, et pourtant ce n’est pas vrai. Car, à la fin, Jacob n’est pas revenu d’Egypte, puisqu’il y est mort. Et il serait sot de dire que Dieu a fait revenir Jacob, du fait que son corps a été ramené. Sinon, il serait faux que « Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants ». Il ne faut donc pas entendre ce retour d’un mort, mais bien reconnaître qu’il concerne des hommes vivants et valides. Homélies sur la Genèse: XV – LES FRÈRES DE JOSEPH REMONTENT DE L’EGYPTE – JACOB APPREND QUE JOSEPH EST VIVANT Le premier jour.

Demandons-nous alors si cela ne serait pas la figure de la descente du Seigneur en ce monde, de son accroissement en « une grande nation », c’est-à-dire en l’Église qui réunit les nations, et de son retour au Père à la consommation de toutes choses ; – ou bien encore la figure du premier homme qui descendit en Egypte au milieu des combats, quand, chassé des douceurs du paradis, il aborda les souffrances et les misères de ce monde et qu’on lui fit entrevoir le combat contre le serpent, par ces paroles : « Tu le guetteras à la tête et il te guettera au talon », et par ces paroles, également, dites à la femme : « Je mettrai une inimitié entre toi et lui, entre ta postérité et sa postérité. » Homélies sur la Genèse: XV – LES FRÈRES DE JOSEPH REMONTENT DE L’EGYPTE – JACOB APPREND QUE JOSEPH EST VIVANT Le premier jour.

Voilà ce que signifie, quand il s’agit de Dieu, « être avec eux » en Egypte. Homélies sur la Genèse: XV – LES FRÈRES DE JOSEPH REMONTENT DE L’EGYPTE – JACOB APPREND QUE JOSEPH EST VIVANT Le premier jour.

– Mais aussi chacun de nous, de la même façon et par le même chemin, entre en Egypte et au milieu des combats. S’il mérite que Dieu ne s’éloigne pas de lui, il deviendra « une grande nation ». Cette grande nation, c’est le nombre des vertus et l’abondance de la justice en laquelle l’Écriture dit que les saints croissent et multiplient. Homélies sur la Genèse: XV – LES FRÈRES DE JOSEPH REMONTENT DE L’EGYPTE – JACOB APPREND QUE JOSEPH EST VIVANT Le premier jour.

– Au témoignage de l’Écriture, il n’y a pas d’Egyptien libre. Car Pharaon «réduisit son peuple en servitude », ne laissant personne de libre en Egypte, supprimant même la liberté dans tout le pays. Sans doute est-ce à cause de cela qu’il est écrit : « Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison de servitude ». L’Egypte devint donc la maison de la servitude, et, ce qui est plus regrettable, de la servitude volontaire. Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.

Quoi qu’il en soit, il est écrit qu’à l’époque d’Abraham « il y eut une famine dans le pays et Abraham descendit habiter en Egypte, car la famine s’était appesantie sur le pays». Si l’Écriture divine s’exprimait en une langue maladroite et qui ne se surveille pas, comme le veulent quelques-uns, elle aurait dû dire qu’Abraham descendit habiter en Egypte parce que la famine s’était appesantie sur lui. Or, regardez plutôt la précision et la prudence du langage divin. Quand il s’agit des saints, l’Écriture dit que la famine « s’appesantit sur le pays » ; quand il s’agit des méchants, elle dit que ce sont eux qui sont pressés par la famine. Or, ni Abraham, ni Jacob, ni ses fils ne sont pressés par la famine ; mais si la famine « s’appesantit », il est dit que c’est sur le pays qu’elle le fait. – A l’époque d’Isaac, aussi, est-il écrit, «il y eut une famine dans le pays, outre la première famine qui avait eu lieu du temps d’Abraham ». Et cette famine presse si peu Isaac que le Seigneur lui dit : « Ne va pas en Egypte, mais habite le pays que je te montrerai. Séjourne dans ce pays et je serai avec toi ». Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.

– Voyons maintenant ce que dit Moïse : « Et Israël, dit l’Écriture, habita en Egypte dans le pays de Gessen. » Gessen veut dire : proximité, voisinage. Ce qui montre que, s’il habite l’Egypte, Israël n’est cependant pas loin de Dieu, mais tout proche de lui et en rapport intime avec lui, selon qu’il dit lui-même : « Je descendrai avec toi en Egypte et je serai avec toi. » Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.

Pour nous, il se peut que nous ayons l’air d’être des-cendus en Egypte, il se peut qu’en vertu de notre condi-tion charnelle nous soutenions les luttes et les combats de ce monde, il se peut que nous habitions au milieu des esclaves de Pharaon ; en tout cas, si nous restons près de Dieu, si nous nous appliquons à la méditation de ses commandements, si nous recherchons avec soin « ses préceptes et ses ordonnances », – car c’est cela que signifie : « être toujours près de Dieu, penser aux choses de Dieu », « chercher les choses de Dieu », – Dieu de son côté sera toujours avec nous, par le Christ Jésus notre Seigneur, « à qui est la gloire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il ». Homélies sur la Genèse: XVI – JOSEPH ACQUIERT POUR PHARAON LES TERRES DE L’EGYPTE Le premier jour.

Vous voudriez voir que l’Écriture divine connaît bien des bois qui sont raisonnables ? Rappelez-vous ce qui est écrit dans le prophète Ézéchiel : « La onzième année, au troisième mois, le premier jour du mois, la parole de Dieu me fut adressée en ces termes : Fils de l’homme, dis à Pharaon, roi d’Egypte et à sa multitude : A qui te compares-tu dans ta grandeur ? Voilà qu’Assur était un cyprès sur le Liban, à la belle ramure, à l’ombrage épais, ayant sa cime dans les nues. Les eaux l’avaient fait croître, l’abîme l’avait fait grandir, en faisant couler ses fleuves autour de lui et en envoyant ses ruisseaux à tous les arbres des champs. C’est pourquoi sa taille s’élevait plus haute que tous les arbres des champs. » Et peu après : « Les cyprès nombreux dans le jardin de Dieu et les pins n’égalaient pas ses branches, et les sapins ne leur ressemblaient pas. Aucun arbre dans le jardin de Dieu ne l’égalait en beauté, et tous les arbres du jardin des délices de Dieu lui portaient envie. » Homélies sur la Genèse: II – L’ARCHE DE NOÉ Le premier jour.

Il ne pouvait pas en effet, au sortir de Sodome, monter sur la montagne. Cependant il est écrit de Sodome qu’« elle était comme le jardin de Dieu et la terre d’Egypte », avant d’être détruite, à l’époque où Lot choisit d’y habiter. Si ce n’est pas forcer quelque peu, demandons-nous quel rapprochement l’on peut faire entre le jardin de Dieu et la terre d’Egypte pour, que tous deux soient également objet de comparaison pour Sodome. – Voici ma pensée : avant que Sodome eût péché, tant qu’elle gardait la simplicité d’une vie pure, elle était «comme le jardin de Dieu » ; mais quand elle commença de s’avilir et de se noircir dans la salissure de ses péchés, elle devint « comme la terre d’Egypte ». Homélies sur la Genèse: V – LES FILLES DE LOT Le premier jour.

Cependant le prophète dit encore : « Ta soeur Sodome sera rétablie dans son ancien état » ; cherchons si ce rétablissement comporte que Sodome redevienne comme le jardin de Dieu ou seulement comme la terre d’Egypte. – Je doute, pour ma part, que Sodome détruise ses péchés et expie ses crimes si complètement, qu’on puisse la comparer, une fois rétablie, avec le jardin de Dieu plutôt qu’avec la terre d’Egypte. Pourtant, ceux qui y tiennent viendront faire valoir l’expression qui s’ajoute, en quelque sorte, à la promesse – car l’Écriture n’a pas dit que « Sodome serait rétablie » tout court, mais « que Sodome serait rétablie dans son ancien état », – et ils assureront que son ancien état n’était pas d’être « comme la terre d’Egypte », mais « comme le jardin de Dieu ». Homélies sur la Genèse: V – LES FILLES DE LOT Le premier jour.

– Quant à son épouse, nous disons qu’elle représente le peuple qui est sorti d’Egypte, qui a traversé la Mer Rouge et qui a échappé aux poursuites de Pharaon comme à l’embrasement de Sodome ; mais, regrettant les viandes, « la cuisine, les oignons et les concombres d’Egypte », il regarda en arrière et tomba dans le désert, « pris lui-même de convoitise dans la solitude ». C’est donc bien la Loi qui perdit et abandonna ce peuple, comme Lot fit pour sa femme qui avait regardé en arrière. Homélies sur la Genèse: V – LES FILLES DE LOT Le premier jour.

Par ailleurs, ce troisième jour est, comme de juste, plein de mystères : lorsque le peuple sortit d’Egypte, c’est le troisième jour qu’il offre un sacrifice à Dieu et qu’il se purifie ; la résurrection du Seigneur a lieu le troisième jour ; et beaucoup d’autres mystères sont enfermés en ce troisième jour. Homélies sur la Genèse: VIII – LE SACRIFICE D’ABRAHAM Le premier jour.

Quand Moïse parvient à l’endroit que Dieu lui a montré, il n’a pas la permission de monter, mais on lui dit d’abord : « Détache la courroie des sandales à tes pieds. » Pour Abraham et Isaac, rien de pareil : ils montent sans quitter leurs chaussures. La raison en est sans doute que Moïse, tout « grand » qu’il était, venait d’Egypte et avait des liens de mortalité noués à ses pieds. Chez Abraham et Isaac, pas de ces liens : aussi arrivent-ils au lieu fixé. Homélies sur la Genèse: VIII – LE SACRIFICE D’ABRAHAM Le premier jour.