Egypte (Orígenes)

Ils pensent en effet que la bonté est un sentiment qui désire pour tous le bien, même si le bénéficiaire en est indigne et ne mérite pas d’obtenir le bien ; à ce qu’il me semble, ils n’ont pas utilisé correctement une telle définition, pensant que celui à qui arrive quelque chose de pénible et de triste ne reçoit pas le bien. Ils ont considéré la justice comme un sentiment qui veut rendre à chacun selon son mérite. Mais là aussi, ils n’interprètent pas correctement le sens de leur définition. Ils pensent en effet qu’il est juste de faire le mal aux mauvais, le bien aux bons, c’est-à-dire que, selon leur signification, le juste ne paraîtrait pas vouloir le bien aux mauvais, mais être animé d’une certaine façon de haine à leur égard : et ils recueillent ainsi tout ce qu’ils trouvent comme récits dans les écrits de l’Ancien Testament, par exemple le châtiment du déluge et de ceux qui y furent noyés, la dévastation de Sodome et de Gomorrhe par une pluie de feu et de soufre, la mort dans le désert à cause de leurs péchés de tous ceux qui avaient quitté l’Egypte, de telle sorte qu’aucun ne put entrer dans la terre des promesses sinon Josué et Caleb. Du Nouveau Testament ils rassemblent les paroles de miséricorde et de pitié que le Sauveur a dites à ses disciples pour les former, celles qui semblent déclarer que Personne n’est bon si ce n’est un seul, Dieu le Père; et ainsi ils ont osé, tout en proclamant bon le Dieu Père du Sauveur Jésus-Christ, dire que le Dieu du monde est autre et l’appeler juste, mais non bon. Livre II: Premier traité (II, 4-5): Deuxième section

De ce qu’ils disent, il faut d’abord examiner s’ils peuvent, selon leur définition, montrer juste le créateur quand il punit selon leurs démérites soit ceux qui ont péri au temps du déluge, soit les Sodomites, soit ceux qui avaient quitté l’Egypte, alors que nous voyons parfois commis des forfaits bien plus révoltants et criminels que ceux pour lesquels les gens dont nous avons parlé plus haut ont été supprimés, sans que nous ayons encore vu chacun de ces pécheurs expier ses méfaits. Diront-ils alors qu’il est devenu bon, celui qui auparavant était juste ? Ou penseront-ils plutôt qu’il est encore juste maintenant, mais qu’il supporte patiemment les fautes des hommes, et aussi qu’il n’était pas juste celui qui anéantissait des tout-petits innocents et des nourrissons en même temps que les géants cruels et impies ? Mais ils pensent ainsi parce qu’ils ne veulent rien comprendre au delà de la lettre. D’ailleurs qu’ils montrent comment il est juste selon la lettre d’imputer les péchés des parents jusqu’à la troisième et la quatrième génération à leurs fils et aux enfants de leurs fils après eux. Nous, nous ne comprenons pas ces paroles selon la lettre, mais puisque Ézéchiel nous a appris que c’était une parabole, nous cherchons ce que signifie en elle-même cette parabole. Ils doivent montrer comment ce Dieu est juste, rétribuant chacun selon ses mérites, lui qui punit les terrestres et le diable, alors qu’ils n’ont rien commis qui soit digne de peine ; en effet ils ne pouvaient rien faire de bon, puisque, selon ces hérétiques, ils avaient une nature mauvaise et perdue d’avance. Car, quand ils le disent juge, il paraît être chez eux juge non tant des actes que des natures, puisque une nature mauvaise ne peut pas faire le bien, ni une bonne le mal. Livre II: Premier traité (II, 4-5): Deuxième section

Il faut voir maintenant selon les Écritures comment les puissances contraires et le diable lui-même combattent le genre humain, le provoquant et l’incitant au péché. D’abord le Livre de la Genèse rapporte que le serpent séduisit Eve ; dans l’Ascension de Moïse, livre que mentionne dans son épître l’apôtre Jude, l’archange Michel se disputant avec le diable au sujet du corps de Moïse dit que ce serpent, inspiré par le diable, fut cause de la prévarication d’Adam et d’Eve. Mais certains se demandent aussi quel est l’ange qui du ciel parle à Abraham en ces termes : Maintenant je sais que tu crains Dieu et que tu n’as pas épargné ton fils bien-aimé, que tu aimais, à cause de moi. Il est écrit clairement qu’il s’agit d’un ange, qui dit savoir alors qu’Abraham craignait Dieu et n’avait pas épargné son fils bien-aimé, comme l’Écriture le dit, mais il n’a pas déclaré (qu’Abraham avait fait cela) pour Dieu, mais pour lui, c’est-à-dire pour celui qui parlait ainsi. Il faut se demander aussi de qui parle l’Exode quand il est dit que ce personnage voulut tuer Moïse parce qu’il partait pour l’Egypte. Mais ensuite quel est l’ange dit exterminateur et celui qui est appelé dans le Lévitique apopompaeus, c’est-à-dire celui qui emporte, et dont l’Écriture dit : Un sort pour le Seigneur et un sort pour l’apopompaeus – c’est-à-dire pour celui qui emporte. Mais dans le premier Livre des Rois il est écrit qu’un esprit très mauvais suffoquait Saul. Dans le troisième Livre des Bois, le prophète Michée dit : J’ai vu le Dieu d’Israël siégeant sur son trône et toute la milice du ciel se tenait autour de lui à sa droite et à sa gauche. Et le Seigneur dit: Qui trompera Achab, roi d’Israël, pour qu’il monte et tombe à Ramot de Galaad. Et celui-ci parla ainsi et celui-là parla ainsi. Mais un esprit sortit (de la foule), se tint devant le Seigneur et dit: Je le tromperai. Et le Seigneur lui dit: Comment ? Il répondit: J’irai et je serai un esprit menteur dans la bouche de tous ses prophètes. Le Seigneur lui dit: Tu le tromperas, certainement tu le pourras ; va donc et agis ainsi. Et maintenant le Seigneur a mis un esprit menteur dans la bouche de tous tes prophètes ; et le Seigneur a appelé sur toi le mal. Cela montre clairement qu’un esprit a choisi avec toute sa volonté et son propos de tromper et d’opérer le mensonge, et que Dieu s’est servi de cet esprit pour la mort d’Achab qui méritait de souffrir tout cela. Dans le premier Livre des Paralipomènes : Le diable suscita un Satan en Israël et il poussa David à recenser le peuple. D’après les Psaumes, un ange malin écrase certaines personnes. Dans l’Ecclésiaste, Salomon dit : Si l’esprit de celui qui a le pouvoir monte sur toi, ne quitte pas ta place, parce que la guérison arrêtera des péchés nombreux. Nous lisons dans Zacharie que le diable se tenait à la droite de Jésus et lui résistait. Isaïe dit que le glaive de Dieu se lève sur le dragon, le serpent pervers. Que dirai-je d’Ézéchiel prophétisant très clairement dans sa seconde vision au prince de Tyr au sujet d’une puissance contraire, lui qui dit aussi que le dragon habite dans les fleuves d’Egypte ? Tout le livre qui parle de Job parle-t-il d’autre chose que du diable, demandant que lui soit donné pouvoir sur tout ce que possède Job, y compris ses fils, et même sur son corps. Et cependant, il est vaincu par la patience de Job. Dans ce livre, le Seigneur par ses réponses nous a instruits abondamment sur la puissance de ce dragon qui nous est hostile. Voici les textes de l’Ancien Testament qui ont pu pour le moment se présenter à notre mémoire : ils affirment que des puissances contraires sont mentionnées dans les Écritures, s’opposent au genre humain et seront finalement punies. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section

Si donc les prophéties sur la Judée, Jérusalem, Israël, Juda, Jacob, quand nous ne les comprenons pas charnellement, supposent tel ou tel mystère caché, il s’ensuivrait que celles qui concernent l’Egypte et les Égyptiens, Babylone et les Babyloniens, Tyr et les Tyriens, Sidon et les Sidoniens, ainsi que les autres nations, ne prophétisent pas seulement au sujet des Égyptiens, Babyloniens, Tyriens et Sidoniens corporels. S’il y a des Israélites intelligibles, il s’ensuit qu’il y a des Égyptiens et des Babyloniens intelligibles. Car ce que dit Ézéchiel de Pharaon roi d’Egypte ne s’accorde pas si c’est dit d’un homme qui a gouverné ou gouvernera l’Egypte, comme cela sera clair quand on y fera attention. De même ce qui concerne le Prince de Tyr ne peut être compris d’un homme qui commandera à Tyr. Et ce qui est dit fréquemment de Nabuchodonosor, surtout dans Isaïe, comment est-il possible de le comprendre de cet homme ? Car il n’est pas tombé du ciel, il n’était pas le porte-aurore, il ne s’est pas levé au matin au-dessus de la terre comme un astre, l’homme Nabuchodonosor. Pas davantage ce qui est dit dans Ézéchiel de l’Egypte, qu’elle sera désertée quarante ans, de telle sorte qu’on n’y trouvera plus la trace d’un pied d’homme et qu’on lui fera tellement la guerre que sur toute son étendue on s’enfoncera dans le sang jusqu’au genou. Quel homme intelligent comprendra cela de l’Egypte voisine des Ethiopiens au corps noirci par le soleil ? Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Mais tout cela est caché, pensons-nous, dans ces récits. Car le royaume de Dieu est semblable à un trésor caché dans un champ. Celui qui le trouve le recache et, plein de joie, s’en va vendre tout ce qu’il a pour acheter ce champ. Demandons-nous si l’ensemble du champ plein de toutes sortes de plantes ne serait pas ce qui dans l’Écriture est visible, superficiel et obvie, et si ce qu’il contient, qui n’est pas vu de tous, mais est en quelque sorte enfoui sous les plantes visibles, ne serait pas les trésors cachés de la sagesse et de la connaissance que l’Esprit, par l’intermédiaire d’Isaïe, appelle ténébreux, invisibles et cachés. Pour les trouver on a besoin de Dieu, le seul qui puisse briser les portes d’airain qui les cachent et casser les verrous de fer apposés à ces portes, afin de trouver ce qui est écrit dans la Genèse au sujet des différentes races ou, pour ainsi dire, semences véritables des âmes, proches ou éloignées d’Israël, et la descente en Egypte des soixante-dix âmes pour devenir aussi nombreuses que les astres du ciel. Mais puisque tous ceux qui sortent d’elles ne sont pas lumière du monde – car tous ceux qui viennent d’Israël ne sont pas Israël -, les descendants des soixante-dix deviennent comme le sable qui est le long du rivage de la mer et est impossible à compter. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section