Edith Stein: Comparaison Husserl-Saint-Thomas

« C’est sur le terrain de l’analyse objective de l’essence que me semble se situer la communion la plus forte entre Phénoménologie et Thomisme. Le processus de la réduction eidétique, — abstrayant de l’être en fait, et de tout ce qui est accidentel, pour rendre visible l’essence, me semble justifié — d’un point de vue thomiste, — par la distinction d’essence et d’existence en tout être créé. La question de savoir si le processus d’analyse essentielle est le même chez saint Thomas que dans la phénoménologie, exigerait au préalable une large analyse de l’abstraction et de l’intuition. L’intuition phénoménologique n’est pas simplement une contemplation de l’essence « uno intuitu ». Elle comporte une œuvre le dégagement des quiddités (Wesenheiten) par l’opération cognitive de l’intellectus agens : abstraction, au sens d’omission du fortuit et de mise en valeur positive de l’essentiel. Le but de ce travail est assurément la vision pacifiante (ruhendes Schauen), mais saint Thomas connaît aussi cette lecture intérieure, et dit à son propos que l’intellect humain au sommet de sa performance confine au mode de connaissance des esprits purs. Sans doute semble-t-il vouloir restreindre cette suprême performance au regard jeté sur les principes (intuition dans les principes). Le problème serait donc alors de savoir ce qu’il faut entendre par « principes » et dans quelles mesure diffère chez Husserl et saint Thomas la portée de ce qui est accessible à la connaissance intuitive. » (« Phénoménologie », Le Saulchoir, Kain, Belgique, éd. du Cerf, P. 109)