Eckhart : Dieu, son Fils et l’âme (Sermon IV)

J’ai dit une fois : Ce qui à proprement parler est à même de se trouver exprimé en mots, il faut que cela provienne de l’intérieur et se meuve de par la forme intérieure, et ne pénètre pas de l’extérieur, plutôt : c’est de l’intérieur qu’il doit procéder. Cela vit à proprement parler dans le plus intime de {{l’âme}}. C’est là que toutes choses te sont présentes et intérieurement vivantes et en recherche et sont au mieux et sont au plus élevé. Pourquoi n’en trouves-tu rien ? Parce que tu n’es pas là chez toi. Plus noble est la chose, plus elle est commune. Le sens, je l’ai en commun avec les animaux, et la vie m’est commune avec les arbres. L’être m’est encore plus intérieur, je l’ai en commun avec toutes les créatures. Le ciel est plus vaste que tout ce qui est au-dessous de lui ; c’est pourquoi aussi il est plus noble. Plus nobles sont les choses, plus vastes et plus communes elles sont. L’amour est noble, parce qu’il est commun. [Sermon 4->http://sophia.hyperlogos.info/tiki-index.php?page_id=1547]
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Et bien notez maintenant un mot vrai ! Un homme donnerait-il mille marks d’or, pour qu’avec cela on fasse églises et cloîtres, ce serait une grande chose. Néanmoins, il aurait donné beaucoup plus celui qui pourrait tenir mille marks d’or pour rien ; il aurait de loin fait plus que l’autre. Lorsque Dieu créa toutes les créatures, elles étaient si pitoyables et si étroites qu’il ne pouvait se mouvoir en elles. Pourtant il fit {{l’âme}} si égale à lui et si semblable de mesure, afin qu’il pût se donner à {{l’âme}} ; car quoi qu’il lui donnerait d’autre, elle l’estimerait néant. Il faut que Dieu se donne lui-même à moi en propre, tel qu’il est à soi-même, ou bien rien ne m’est imparti ni n’a de saveur pour moi. Celui donc qui doit le recevoir pleinement, il lui faut pleinement s’être donné soi-même et être sorti de soi-même ; celui-là reçoit de Dieu dans l’égalité tout ce qu’il a, autant en propre qu’il le possède lui-même et Notre Dame et tous ceux qui sont dans le royaume des cieux : cela leur appartient de façon aussi égale et autant en propre. Ceux donc qui dans l’égalité sont sortis et se sont livrés eux-mêmes, ceux-là doivent aussi recevoir dans l’égalité, et non pas moins. [Sermon 4->http://sophia.hyperlogos.info/tiki-index.php?page_id=1547]
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La troisième parole est « du Père des lumières ». Par le mot « Père », on entend filiation, et le mort « Père » dénote un engendrer limpide et est une vie de toutes choses. Le Père engendre son Fils dans l’entendement éternel, et donc le Père engendre son Fils dans {{l’âme}} comme dans sa nature propre et ( l’ ) engendre dans {{l’âme}} en propre, et son être dépend de ce qu’il engendre son Fils dans {{l’âme}}, que ce lui soit doux ou amer. On me demanda une fois, que fait le Père dans le Ciel ? Je dis alors : Il engendre son Fils, et cette oeuvre lui est si agréable et lui plaît tellement que jamais il ne fait autre chose que d’engendrer son Fils, et tous deux font fleurir le Saint Esprit. Là où le Père engendre son Fils en moi, là je suis le même Fils et non un autre ; nous sommes certes un autre en humanité, mais là je suis le même Fils et non un autre. « Là où nous sommes fils, là nous sommes de véritables héritiers. » Qui connaît la vérité sait bien que le mot « Père » porte en soi un engendrer limpide et le fait d’avoir de fils. C’est pourquoi nous sommes ici dans ce Fils et sommes de même Fils. [Sermon 4->http://sophia.hyperlogos.info/tiki-index.php?page_id=1547]
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Or notez cette parole : « Il viennent d’en haut. » Or je viens de vous le dire : Qui veut recevoir d’en haut, il lui faut de nécessité être en bas, en véritable humilité. Et sachez-le dans la vérité : qui n’est pas totalement en bas, il ne lui adviendra rien de rien et il ne reçoit rien non plus, si petit que cela puisse être jamais. Si tu portes le regard en quoi que ce soit sur toi ou sur aucune chose ou sur quiconque, tu n’es pas en bas et ne reçois rien non plus ; plutôt : si tu es totalement en bas, tu reçois pleinement et parfaitement. Nature de Dieu est de donner, et son être tient en ce qu’il nous donne, si nous sommes en bas. Si nous ne le sommes pas et ne recevons rien, nous lui faisons violence et le tuons. Si nous ne pouvons le faire à son encontre à lui, nous le faisons à l’encontre de nous, et aussi loin que cela est en nous. Pour que tu lui donnes tout en propre, fais en sorte que tu te places en véritable humilité au-dessous de Dieu et que tu élèves Dieu dans ton coeur et dans ta connaissance. « Dieu Notre Seigneur envoya son Fils dans le monde. » J’ai dit une fois ici même : Dieu envoya son Fils à {{l’âme}} dans la plénitude du temps, lorsqu’elle a dépassé tout temps. Lorsque {{l’âme}} est déprise du temps et de l’espace, alors le Père envoie son Fils dans {{l’âme}}. Or telle est la parole : « Le don le meilleur et ( la ) perfection descendent d’en haut du Père des lumière. » Pour que nous soyons prêts à recevoir le don le meilleur, qu’à cela nous aide Dieu le Père des lumières. Amen. [Sermon 4->http://sophia.hyperlogos.info/tiki-index.php?page_id=1547]