En second lieu, Jésus se révèle dans l’âme avec une sagesse sans mesure, qui est lui-même, dans cette sagesse le Père se connaît soi-même avec toute sa seigneurie paternelle et cette même Parole qui est aussi la sagesse même et toute ce qui est dedans comme étant le même un. Lorsque cette sagesse se trouve unie à l’âme, alors tout doute et toute erreur et toutes ténèbres lui sont pleinement ôtés et ( elle ) est posée dans une lumière claire limpide qui est Dieu même, ainsi que dit le prophète : « Seigneur, dans ta lumière on connaîtra la lumière. » Alors c’est Dieu avec Dieu qui se trouve connu dans l’âme ; alors elle connaît avec cette sagesse soi-même et toute chose, et cette même sagesse elle la connaît avec lui-même, et c’est avec la même sagesse qu’elle connaît la seigneurie paternelle dans sa puissance génératrice féconde, et l’étantité essentielle selon la simple unicité sans aucune différence. Eckhart: Sermon 1
Or tu pourrais peut-être dire : Comment est-ce que je sais si c’est la volonté de Dieu ou non ? Sachez-le : si ce n’était volonté de Dieu, ce ne serait pas non plus. Tu n’as ni maladie ni rien de rien que Dieu ne le veuille. Et lorsque que tu sais que c’est volonté de Dieu, tu devrais avoir en cela tant de plaisir et de satisfaction que tu n’estimerais aucune peine comme peine ; même si cela en venait au plus extrême de la peine, éprouverais-tu la moindre peine ou souffrance, alors ce n’est pas du tout dans l’ordre ; car tu dois le recevoir de Dieu comme ce qu’il y a de meilleur, car il faut de nécessité que ce te soit ce qu’il y a de meilleur. Car l’être de Dieu tient en ce qu’il veut le meilleur. C’est pourquoi je dois le vouloir aussi et aucune chose ne doit m’agréer davantage. Y aurait-il un homme auquel en tout zèle je voudrais plaire, saurais-je alors pour de vrai que je plairais davantage à cet homme dans un vêtement gris qu’en un autre, si bon qu’il soit pourtant, aucun doute que ce vêtement me serait plus plaisant et plus agréable qu’aucun autre, si bon qu’il soit pourtant. Serait-ce que je veuille plaire à quelqu’un, si je savais alors qu’il prendrait plaisir que ce soit à des paroles ou à des oeuvres, c’est cela que je ferais et pas autre chose. EH bien, éprouvez-vous vous-mêmes ce qu’il en va de votre amour ! Si vous aimiez Dieu, aucune chose ne pourrait vous être plus plaisante que ce qui lui plairait le mieux et que sa volonté accomplie le plus complètement en nous. Si lourds paraissent la peine ou le préjudice, si tu n’as pas en cela aussi grand plaisir, alors ce n’est pas dans l’ordre. Eckhart: Sermon 4
Je dis quelque chose d’autre et dis quelque chose de plus difficile : Celui qui doit se tenir dans la nudité de cette nature sans intermédiaire, il lui faut être sorti de tout ce qui tient à la personne, donc qu’à l’homme qui est de l’autre côté de la mer, qu’il n’a jamais vu de ses yeux, qu’il lui veuille autant de bien qu’à l’homme qui est près de lui et est son ami intime. Tout le temps que tu veux plus de bien à ta personne qu’à l’homme que tu n’as jamais vu, tu n’es vraiment pas comme il faut, et tu n’as jamais porté un instant le regard dans ce fond simple. Mais tu as sans doute vu la vérité dans une image décalquée, dans une ressemblance : mais ce n’était pas le mieux. Eckhart: Sermon 5 b