diffuse (Eckhart)

J’ai parlé récemment de la porte d’où Dieu se diffuse, c’est bonté. Mais l’être est ce qui se tient en soi-même et ne se diffuse pas, plutôt : il s’in-fuse. Mais unité est ce qui se tient Un dans soi-même et Un par rapport à toutes choses, et ne se communique pas à l’extérieur. Mais bonté, c’est là où Dieu se diffuse et se communique à toutes créatures. Etre est le Père, unité est le Fils avec le Père, bonté est le Saint Esprit. Or le Saint Esprit prend l’âme, la ville sanctifiée, dans le plus limpide et le plus élevé, et l’entraîne vers le haut dans son origine, c’est-à-dire le Fils, le Fils l’entraîne plus avant dans son origine, c’est-à-dire dans le Père, dans le fond, dans le principe, là où le Fils a son être, là où la Sagesse éternelle repose de façon égale « dans la ( ville ) consacrée et dans la ville sanctifiée », dans le plus intérieur. Eckhart: Sermon 18

Maintenant « tiens-toi à la porte dans la maison de Dieu ». La maison de Dieu est l’unité de son être ! Ce qui est un, cela se garde le plus volontiers seul. C’est pourquoi l’unité se tient auprès de Dieu et tient Dieu dans sa totalité et ne lui ajoute rien. Là il réside dans l’extrême de lui-même, dans son esse, tout en lui, nulle part hors de lui. Mais, quand il se diffuse, il se diffuse à l’extérieur. Son acte de se diffuser, c’est sa bonté, comme j’ai dit maintenant à propos de connaissance et d’amour. La connaissance délie, car la connaissance est meilleure que l’amour. Mais deux sont meilleurs qu’un, car la connaissance porte l’amour en elle. L’amour s’éprend follement de la bonté et s’y attache, et dans l’amour je suis ainsi attaché à la porte, et l’amour serait aveugle s’il n’y avait connaissance. Une pierre aussi a de l’amour, et son amour recherche le fond. Si je suis attaché à la bonté, dans le premier acte de diffuser, et si je le ( = Dieu ) prends là où il est bon, alors je prends la porte, je ne prends pas Dieu. C’est pourquoi la connaissance est meilleure, car elle dirige l’amour. Mais amour veut désir, appropriation. Quant à la connaissance, elle n’ajoute pas une seule pensée, plutôt : elle délie et se sépare et court de l’avant et touche Dieu nu et le saisit uniquement dans son être. Eckhart: Sermon 19