Que doit-ce donc être si l’on pénètre dans l’homme intérieur et spirituel, et si l’on réfléchit aux dangers qui le menacent et qui sont incomparablement plus effrayants que ceux qu’il a à craindre de la part des hommes, et des désordres de ce monde ? C’est alors qu’il sent la nécessité d’être jeté d’abord dans le désert par l’esprit, c’est-à-dire, de rectifier en lui toutes les difformités que la maladresse des hommes, et ses propres écarts ont semées dans son être ; afin qu’étant devenu totalement étranger au régime de l’illusion, il puisse s’adonner tout entier au combat de l’esprit, lequel combat ne commence point ici-bas pour ceux qui sont livrés au torrent, parce qu’étant entraînés loin du désert, ils ne savent pas même qu’il y ait un combat à livrer ; aussi voit-on sur cet article combien d’hommes passent leurs jours dans la tranquillité ! Nouvel Homme 9
Mais celui qui a senti l’aiguillon du désir se lance courageusement dans cette carrière où les dangers et les puissances ennemies vont l’environner, et l’assaillir jour et nuit ; l’ardeur de la victoire lui cache la grandeur du péril et des fatigues ; il est déterminé à tout, parce qu’il sait que les récompenses qui l’attendent embrassent tout. Il doit donc compter qu’en entrant dans ce désert toutes les facultés de son être vont être éprouvées, et qu’il n’y en a pas une non seulement dans son corps, mais encore plus dans son âme et dans son esprit, qui ne doive verser des sueurs de sang, et en imbiber les différentes terres auxquelles appartiennent ces différentes facultés ; et cela continuellement jusqu’au jour de sa sépulture, parce que tant qu’il demeure sur cette terre de douleur, il est dans le règne du mensonge, et que celui qui y domine n’oublie rien pour faire prospérer son empire. Nouvel Homme 9
Mais cependant après être avertis sur cela comme nous le sommes, ouvrons aussi nos coeurs à l’espérance et à la joie, et ayons la confiance que la même main qui nous aura poussés dans le désert, la même main qui nous aura choisis pour servir de fondement à son église, la même main qui aura fait opérer en nous une conception spirituelle daignera nous accompagner dans l’épreuve, et ne permettra pas que notre ennemi altère et souille en aucune manière les jouissances qu’elle nous réserve. Car ces jouissances doivent être aussi incalculables, que le sont pour nous les dangers et les fatigues de l’épreuve que nous avons à subir ; et même elles doivent en faire plus que la compensation, parce que la miséricorde l’emporte toujours sur la justice. Nouvel Homme 9
Fais donc tomber à grands flots ce sang de la douleur sur ton fils, plonge-le dans cette mer de douleur qui seule peut lui donner et lui conserver le sentiment ; qu’il y séjourne plus longtemps que Jonas dans la baleine, plus longtemps que Moïse sur la montagne, plus longtemps que l’arche sur les eaux du déluge, plus longtemps que les Hébreux dans le désert, plus longtemps que ces mêmes Hébreux dans toutes les captivités, qu’il y séjourne pendant toute sa vie terrestre, parce que ce n’est que par ce moyen que ce sang déposera dans son coeur, dans ses os, dans sa moëlle, dans ses veines, dans toutes les fibres de son être le vrai élément sacerdotal d’où doivent naître pour lui la lance et l’épée. Qu’il mange chaque jour de ce pain sacerdotal, et qu’il s’enivre du vin de la colère du Seigneur. Nouvel Homme 10
Si tu as aperçu précédemment que l’annonciation de l’ange peut se répéter pour toi, ainsi que la conception et la naissance du fils de la promesse, tu ne seras pas surprise que la résurrection de Lazare puisse se répéter pour toi également ; mais aussi par la même raison, tu sens que cette opération préliminaire te devient indispensable, puisque tu es morte depuis quatre jours ; c’est-à-dire, dans tes quatre grandes institutions primitives que tu ne saurais plus remplir, et puisque tu répands partout l’infection. La voix du Réparateur s’approche de ta tombe et te crie : Lazare, levez-vous ; ne fais pas comme les Juifs dans le désert ; n’endurcis pas ton coeur à cette voix, et jette-toi promptement hors de ton cercueil ; il ne manquera pas de gens serviables pour délier tes bandelettes. Souviens-toi ensuite qu’il ne t’a été dit : Lazare, levez-vous ; qu’afin que tu répètes à ton tour librement à toutes tes facultés endormies : Lazare, levez-vous ; et qu’afin que cette parole circule continuellement dans toutes les parties de ton être. C’est alors que tu pourras espérer être à table avec le Seigneur. Nouvel Homme 13
Mais ne te livre point à l’impatience, comme les Hébreux dans le désert, si tes succès ne sont pas aussi rapides que tes désirs seront ardents ; souviens-toi « de tout le chemin par où le Seigneur, leur Dieu, les a conduits pendant quarante ans, pour les punir et pour les éprouver, afin que ce qui était caché dans leur coeur, fût découvert, et que l’on connût s’ils seraient fidèles ou infidèles à observer ses commandements ; souviens-toi qu’il les a affligés de la faim, et qu’il leur a donné pour nourriture la manne qui était inconnue à leurs pères, pour leur faire voir que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ; souviens-toi enfin que le Seigneur, leur Dieu, s’est appliqué à les instruire et à les régler, comme un homme s’applique à instruire et à corriger son fils. » Nouvel Homme 26
Le nouvel homme ne connaît le besoin de ces secours indispensables, et c’est parce qu’il les a reçus, qu’il se remplit d’indulgence et de pitié pour ses malheureux concitoyens qui sont encore dans l’attente. Il sait que nous ne connaissons Dieu ici-bas que par les objets sensibles ; qu’à notre mort nous commençons à le connaître par les centres spirituels, mais que ce n’est qu’à notre entière réintégration que nous le connaîtrons par lui-même. Il voit que c’est une attente qui décourage les mortels, et qui les mène dans le désert par les sentiers de l’impatience. Il frissonne de douleur de savoir que la voie du retour n’est pas, à beaucoup près, si large que la font les hommes, avec toutes leurs doctrines qui semblent n’être que des recettes empiriques et de charlatans. Nouvel Homme 29
Veille donc sans cesse, ô homme de paix, ô homme de désir, pour que le trône soit ferme et inébranlable, puisque si ce trône n’est pas en état, tu peux par ta négligence, retarder l’oeuvre et la manifestation des merveilles et des grâces du Seigneur. Que serait-ce donc si ce trône n’était pas érigé au nom de la vérité ? Dieu vous dirait, comme dans Amos (5:20, etc.) : « Je hais vos fêtes et je les abhorre ; je ne puis souffrir nos assemblées ; en vain vous m’offrirez des holocaustes et des présents, je ne les recevrai point, et quand vous me sacrifierez les hosties les plus grasses pour vous acquitter de vos voeux, je ne daignerai pas les regarder. Otez-moi le bruit tumultueux de vos cantiques ; je n’écouterai point les airs que vous chantez sur la lyre ; mes jugements fondront sur vous comme une eau qui se déborde, et ma justice comme un torrent impétueux. Maison d’Israël, m’avez-vous offert des hosties et des sacrifices dans le désert, pendant quarante ans ? Vous y avez porté le tabernacle de Moloch, l’image de vos idoles, et l’étoile de votre Dieu qui n’étaient que des ouvrages de vos mains. C’est pour cela que je vous ferai transporter au-delà de Damas, dit le Seigneur qui a pour nom le Dieu des Armées. » Nouvel Homme 30
C’est pour cela qu’il va se jeter dans le désert ; non pas seulement dans le désert matériel des circonscriptions locales et terrestres, mais dans le désert de l’esprit, et dans le désert de bleu ; c’est-à-dire que, sentant combien il est peu digne de s’approcher encore de cet esprit, et de ce Dieu dont il a été rejeté si loin par le crime, il va se replier dans lui-même pour rassembler ses forces, et ses lumières dispersées, afin que quand il aura eu le bonheur de leur faire reprendre leur unité, il puisse s’offrir dans de plus justes mesures à celui qui est la mesure même. Nouvel Homme 32
C’est donc par cet esprit d’humilité, de justice, et de courage que le nouvel homme va être poussé dans le désert ; là, avec la lumière qu’il vient de recevoir, il va parcourir les plus profondes retraites de son être, et il ne se reposera ni jour ni nuit, qu’il n’en ait éloigné toutes les immondices, tous les malfaiteurs et tous les animaux nuisibles. Nouvel Homme 32
De profondes doctrines nous ont déjà appris que dans ce désert il sera tenté en réalité de la manière dont le premier homme le fut dans le domaine primitif qui lui fut confié ; elles nous ont appris qu’il le sera dans son corps, dans son âme et dans son esprit en raison des trois principes qui nous constituent ; elles nous ont appris qu’il ne pourra jamais mieux se défendre qu’en opposant à son ennemi la parole qui sort de la bouche de Dieu, comme le Réparateur nous en a donné l’exemple, en ne répondant au tentateur que par des passages de l’Ecriture ; elles nous ont appris que cet homme, en épreuve doit passer quarante jours et quarante nuits dans le désert pour accomplir la rectification de ce quaternaire qui caractérise l’âme humaine, et qui a été défiguré par le péché ; ainsi nous n’appuierons point sur ces grands objets. Nouvel Homme 32
D’ailleurs c’est dans lui, c’est dans son âme que ce nouvel homme fera la découverte de tous ces principes ; et il ne serait pas un nouvel homme s’il n’apprenait ces hautes vérités que par tradition, et s’il n’en acquérait pas la connaissance intime par expérience, et par sentiment. Tâchons donc seulement de ne point perdre de vue le chemin qu’il va suivre dans ce désert. Nouvel Homme 32
Voyez donc ce nouvel homme au milieu de sa solitude, tantôt errer dans les sentiers écartés, tantôt s’asseoir accablé d’amertume, et verser des torrents de larmes, tantôt s’absorber dans la profondeur de ses pensées, toujours gémir, toujours désirer, toujours attendre les moments de consolation, et de triomphe qui lui sont annoncés, toujours prier pour que son espérance ne défaille point malgré l’austérité de son désert, malgré l’âpreté de sa nourriture, et malgré les rudes épreuves qu’il doit subir à chaque instant ; voyez-le en même temps se défendre toujours par des moyens simples, et toujours puisés dans l’amour et le respect qu’il a pour son Dieu. Nouvel Homme 32
Songe qu’ici-bas tu n’es encore que dans le désert. Songe que tu es encore au milieu des lions dévorants ; songe que tu es suspendue, comme par un fil, au-dessus de l’abîme ; songe que tu es ici pour gémir, pour agir, et non pas pour jouir ; ainsi, tiens-toi en garde même contre les délices de ces jonctions divines qui, étant trop anticipées, pourraient t’abuser sur ton oeuvre, si tu les écoutais trop longtemps et avec trop de complaisance. Tempère-les plutôt par le sentiment de ton infirmité ; tiens-toi toujours prête à en faire le sacrifice, afin de te mieux préparer à les recevoir un jour, d’une manière qui ne soit nullement dangereuse pour toi, et qui te soit entièrement profitable ; enfin, reçois-les avec une joie mêlée de crainte et de tremblement que tu aies le malheur de ne pas les faire échapper, en entier, aux dangers dont sont menacés tous les trésors sacrés qui descendent dans ce bas monde ; ne t’occupe que de les faire arriver à leur terme sans accident et sans avarie, et ne consume pas à la jouissance de tes propres satisfactions, le temps que tu dois employer à l’avancement de l’oeuvre de ton maître, et à veiller contre les déprédateurs de ses richesses. Nouvel Homme 33
Voilà en effet quelle est l’oeuvre du nouvel homme pendant son séjour dans le désert, c’est d’obtenir d’en haut une clef puissante pour lier l’ennemi dans ses cavernes ténébreuses, c’est de séparer le pur de l’impur, comme il avait été recommandé aux Hébreux, c’est de rendre la respiration de l’air céleste et divin à cet ami fidèle, à qui le premier homme fait continuellement respirer un air infect depuis le crime ; enfin, c’est d’arracher des mains de l’ennemi les portions des trésors divins, et les étincelles de la vérité même que nous lui avons laissé quelquefois dérober, en ouvrant si imprudemment notre porte supérieure, sans avoir pris la précaution de chasser l’ennemi dans ses abîmes, et de fermer soigneusement sur lui la porte inférieure. Nouvel Homme 33
34. Ces occupations et ces soins du nouvel homme sont si urgents et si importants qu’il va rester encore un temps dans le désert pour assurer les fondements de l’oeuvre. S’il a reçu la naissance spirituelle, s’il a été nourri du verbe jusqu’à l’âge de sa mission, c’était pour son propre avantage, et pour sa délivrance personnelle ; actuellement, il lui faut songer à l’oeuvre de son maître. Il lui faut tellement fermer la porte inférieure du coeur de l’homme, après en avoir chassé l’ennemi, que la porte supérieure et divine puisse s’ouvrir sans inconvénients, et sans craindre ces horribles prostitutions que cet ennemi ne cesse de projeter, et de machiner selon tous les moyens qui sont en lui. Nouvel Homme 34
Mais il aurait dû faire cette citation, non pas comme la fit Eve en disant au serpent, en chancelant et déjà troublée : Dieu nous a commandé de ne point manger du fruit de l’arbre qui est au milieu du paradis, et de n’y point toucher, de peur que nous ne fussions en danger de mourir ; mais avec la ferme résolution de rester fidèle au précepte, et de s’opposer par une suite de cette fidélité à toutes les tentatives du prévaricateur. Voilà donc encore un des fruits que le nouvel homme peut communiquer à ses frères, en attendant les nombreuses récoltes qui sortiront de lui lorsqu’il aura terminé le cours de ses épreuves et de ses combats dans le désert. Nouvel Homme 34
Le premier homme avait laissé dévaster ces sept domaines par le crime, et nous a exposés tous à la nécessité de travailler, comme lui, à les réhabiliter dans nous, avant de travailler à les réhabiliter autour de nous. L’agent suprême prêta son secours au premier homme, dès l’instant du crime, pour l’aider à entreprendre avec succès le grand oeuvre de sa réhabilitation. Ce même agent suprême ne cesse de prêter son secours au nouvel homme, pour l’aider à se régénérer dans ses lois, et dans ses mesures particulières ; c’est pour cela qu’il a vu renaître en lui les sept canaux qui devaient primitivement le rendre l’instrument actif de la Divinité, c’est pour cela qu’il s’est retiré dans le désert, afin de se séparer totalement de ce qui n’avait point de rapport avec ses éléments primitifs. Enfin, c’est pour cela que, rempli de confiance en celui qui ne l’a point perdu de vue, et dans tous les germes de régularité, de force, de justesse, de lumières, de sagesse, de puissances et de vérités que cette main suprême a semés en lui, il va abandonner son désert, et répandre au-dehors les fruits que, grâce à la toute puissance, il a su leur faire produire par sa culture soigneuse et vigilante. Nouvel Homme 34
Lisons ici une seconde raison pour laquelle le nouvel homme a acquis tant de droits et de propriétés si puissantes, et si merveilleuses. C’est que pendant le séjour qu’il a fait dans le désert, il a appris à connaître le nom de l’ennemi qui était attaché à sa poursuite ; il a connu sa région, ses facultés, sa puissance, les causes éloignées ou prochaines qui l’ont placé près de lui, le nom et l’autorité des chefs sous lesquels il agit, ses rapports, ses correspondances, les plans généraux et particuliers qui lui sont tracés, et les moyens qu’il emploie chaque jour pour tâcher de parvenir à ses fins désastreuses ; plus le nouvel homme a fait de profondes découvertes sur le mobile, et la marche de ce malfaiteur, plus il a été en état de déranger ses plans et de faire manquer tous ses pièges, parce que comme l’esprit de l’homme ne peut rester dans le néant, et dans le vide d’action, il ne peut non plus éloigner de lui l’influence fausse, sans que l’influence vraie ne le remplisse. Nouvel Homme 35
Le nouvel homme a donc reçu aussi dans le désert la connaissance du nom de celui qui le protège et l’accompagne dans sa carrière d’épreuves et de combats ; il a connu non seulement le nom de celui qui le protège, mais le rang qu’il occupe dans la hiérarchie céleste, ses rapports, ses correspondances, les vastes desseins que la sagesse lui a confiés pour la direction de son élève, et les motifs sacrés pour lesquels cette sagesse l’a envoyé près de lui. Nouvel Homme 35
41. Il se trouvera peut-être en vous quelques êtres de désir qui, comme saint Jean, ayant appris dans sa prison les oeuvres que vous faites, enverra vous demander si vous êtes celui qui doit venir en vous, où si l’on doit en attendre un autre ; vous leur répondrez donc comme le Réparateur répondit à saint Jean : « Allez dire à Jean ce que vous entendez, et ce que vous voyez. Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, l’Evangile est annoncé aux pauvres, et heureux celui qui ne prendra point de moi un sujet de scandale et de chute ! » Mais vous direz à votre tour en parlant à cet être de désir qui sera envoyé vers vous : « Qu’êtes-vous allé voir dans le désert ? Un roseau agité par le vent ? Un homme vêtu avec luxe et avec mollesse ? Un prophète ? Oui, certes, je vous le dis et plus qu’un prophète, car c’est de lui qu’il a été écrit, j’envoie devant vous mon ange qui vous préparera la voie ; je vous le dis en vérité qu’entre tous ceux qui sont nés des femmes, il n’y en a point de plus grand que Jean-Baptiste, mais celui qui est le plus petit dans le royaume du ciel est plus grand que lui. » Nouvel Homme 41
Oui, vous pourrez dire : voilà cet ami fidèle qui ne m’a point quitté dans ma détresse et dans ma douleur, et qui a été mis en prison à cause de moi ; voilà celui dont le baptême spirituel et physique m’a rendu un nouvel homme, voilà le précurseur qui a crié dans le désert à tout mon peuple : rendez droites les voies du Seigneur. Il est plus qu’un prophète, puisque les prophètes n’ont annoncé la lumière que sous des voiles et des images qui n’en étaient que comme des ombres, au lieu qu’il a montré et indiqué lui-même cette lumière, et l’a fait toucher au doigt, comme saint Jean découvrit au monde le Réparateur, lorsqu’il dit en le voyant venir : Voici l’agneau de Dieu. Voici celui qui ôte les péchés du monde. Il est plus qu’un prophète en ce que, comme saint Jean, c’est par sa bouche qu’a passé l’annonce et le signalement du salut des nations. Nouvel Homme 41