démiurge (Orígenes)

Après cela, Celse déclare : Pour moi, des hypothèses sur l’origine du monde et sa destruction: qu’il soit incréé et incorruptible, ou créé mais incorruptible, ou l’inverse, je ne dis rien maintenant. Moi non plus je n’en parle pas maintenant, car ce traité ne l’exige pas. Mais on ne veut pas dire que l’Esprit du Dieu suprême soit venu aux hommes d’ici-bas comme à des étrangers, en disant que « l’Esprit de Dieu planait sur les eaux » ; on ne dit pas non plus qu’il y ait eu des choses créées par la ruse d’un démiurge distinct du Grand Dieu, contre son Esprit, que le Dieu d’en haut le supportait et qu’elles aient dû être détruites. Bonne chance donc aux auteurs de tels propos et à Celse qui les critique sans compétence ! Il aurait dû, en effet, ou bien n’en faire aucune mention, ou bien, dans la mesure où il croyait rendre service aux hommes, en faire un exposé consciencieux et combattre ce que leurs propos ont d’impie. Jamais non plus je n’ai ouï dire que le Grand Dieu, après avoir donné son Esprit au démiurge, le lui ait redemandé. LIVRE VI

Ensuite, à ces paroles impies : Quel Dieu donne-t-il une chose pour la redemander? il objecte sottement : Redemande qui a besoin. Dieu n’a besoin de rien. A quoi il ajoute cette finesse contre certains : Lorsqu’il prêtait, pourquoi ignorait-il qu’il prêtait à un être mauvais ? Ou encore : Quelle raison avait-il de laisser s’opposer à lui le méchant démiurge ? LIVRE VI

Ensuite il mélange les sectes, je pense, et ne précise pas les doctrines d’une secte et celles d’une autre. Ce sont nos propres critiques à Marcion qu’il nous oppose ; peut-être les a-t-il mal comprises de la bouche de certains qui s’en prennent à la doctrine d’une manière vulgaire et triviale, et assurément sans aucune intelligence. Il cite donc les attaques faites à Marcion et, omettant d’indiquer qu’il parle contre lui, il déclare : Pourquoi envoyer secrètement détruire les oeuvres du démiurge ? Pourquoi l’irruption clandestine, la séduction, la tromperie? Pourquoi ramener les âmes que, d’après vous, le démiurge a condamnées ou maudites, et les dérober comme un marchand d’esclave ? Pourquoi leur enseigner à se soustraire à leur Seigneur ? Pourquoi, à fuir leur Père ? Pourquoi les adopter contre la volonté du Père? Pourquoi se proclamer le Père d’enfants étrangers ? A quoi il ajoute, feignant la surprise : Le beau dieu, en vérité, qui désire être le père de pécheurs condamnés par un autre, d’indigents ou, comme ils disent eux-mêmes, de déchets ! Le dieu incapable de reprendre et de punir celui qu’il a envoyé pour les dérober ! Après quoi, comme s’il s’adressait à nous qui confessons que ce monde n’est pas l’oeuvre d’un dieu étranger ou hostile, il déclare : Si ces oeuvres sont de Dieu, comment pouvait-il créer le mal ? Comment est-il incapable de persuader, de réprimander ? Comment peut-il, quand les hommes sont devenus ingrats et pervers, se repentir, blâmer et haïr son oeuvre, menacer et détruire ses propres enfants ? Sinon, où donc peut-il les reléguer hors de ce monde qu’il a lui-même créé ? Là encore, faute d’élucider la question du mal, alors que même parmi les Grecs il y a plusieurs écoles sur le bien et le mal, il me semble bien faire une pétition de principe : de notre affirmation que même ce monde est l’oeuvre du Dieu suprême, il conclut que, d’après nous, Dieu serait l’auteur du mal. LIVRE VI

Alors, de nouveau il badine et raille à son habitude, introduisant deux fils de dieux: l’un, fils du démiurge, l’autre, de Dieu, d’après Marcion. Il décrit leurs combats singuliers et les dit combats de cailles, comme l’étaient ceux des dieux leurs pères: rendus par la vieillesse inutiles et radoteurs, incapables d’animosité réciproque, ils laissent combattre leurs enfants. Il nous faut donc lui appliquer ce qu’il a dit plus haut : quelle vieille femme, fredonnant pour endormir un bébé, n’aurait honte de sornettes pareilles aux siennes dans ce qu’il intitule ” Discours véritable “. Il aurait dû s’opposer sérieusement aux doctrines. Mais laissant la question, il badine et bouffonne, croyant écrire des mimes ou autres satires, sans voir qu’une telle méthode d’argumenter contredit son propos de nous faire abandonner le christianisme pour adopter ses doctrines. Présentées avec plus de sérieux, elles eussent peut-être été plus plausibles ; mais puisqu’il se fait railleur, badin et bouffon, on doit dire : c’est faute d’arguments sérieux – et de fait il n’en avait pas et n’en connaissait pas – qu’il est tombé dans cette profonde niaiserie. LIVRE VI