Pour montrer cette dégradation et cette chute causées par la négligence, nous pouvons sans absurdité utiliser une comparaison. Supposons que quelqu’un ait acquis peu à peu une compétence ou un art, comme la géométrie ou la médecine, jusqu’à parvenir à la perfection, en se formant longtemps par l’enseignement reçu et par des exercices, pour posséder entièrement la discipline susdite : il ne pourra jamais lui arriver d’être savant au moment de s’endormir et ignorant à son réveil. Ce n’est pas le moment d’évoquer ou de rappeler les accidents qui peuvent survenir par suite d’une lésion ou de faiblesse physique, car ils ne conviennent pas à la comparaison ou à l’exemple pris. Conformément à ce que nous avons proposé, ce géomètre ou ce médecin, tant qu’il pratique son art et s’instruit raisonnablement à son sujet, garde en lui la connaissance de sa discipline ; mais s’il ne l’exerce pas et s’il néglige de l’appliquer, il ne se souvient plus de quelques éléments, puis d’autres plus nombreux, et ainsi, après un long temps, tout s’en va dans l’oubli et disparaît complètement de sa mémoire. Il peut, certes, se faire, lorsque la déchéance commence et que la négligence est encore faible, qu’il se reprenne, revienne vite en lui-même, récupère ce qu’il a perdu et rappelle ce qu’il s’était ôté par des oublis encore restreints. Appliquons maintenant cela à ceux qui se sont adonnés à la connaissance et à la sagesse de Dieu, dont la science et la pratique dépassent incomparablement toutes les autres disciplines, et, conformément à la comparaison proposée, voyons ce qu’est l’acquisition de cette connaissance et ce qu’est sa perte, surtout lorsque nous entendons ce que l’Apôtre dit des parfaits, que face à face ils contempleront la gloire de Dieu, les mystères ayant été dévoilés. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
S’il en est ainsi, on ne doit pas penser, me semble-t-il, que cette chute et cette dégradation de l’intelligence soient égales pour tous, mais que ce changement en âme comporte du plus et du moins, et que certaines intelligences conservent quelque chose de leur vigueur première, d’autres rien ou très peu. C’est pourquoi on en trouve qui ont, dès le jeune âge, une pénétration plus ardente, d’autres une pénétration plus lente, d’autres enfin naissent tout à fait obtus et complè-tement rebelles à l’éducation. Cependant ce que nous avons dit du changement de l’intelligence en âme et de tout ce qui se rapporte à ce sujet, que le lecteur le discute avec soin et l’étudié en lui-même : tout cela n’est pas présenté par nous comme des dogmes, mais discuté par manière d’étude et de recherche. Traité des Principes: Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Première section