Maintenant il dit : « Ils sont morts ». En premier lieu, qu’ils sont morts veut dire que tout ce que l’on pâtit dans ce monde et dans ce corps, cela à une fin. Saint Augustin dit : Toute peine et labeurs, cela a une fin, mais la récompense que Dieu donne pour cela est éternelle. En second lieu, que nous devons considérer que toute cette vie est mortelle, que nous ne devons pas craindre toute peine et tous les labeurs qui nous reviennent, car cela a une fin. En troisième lieu, que nous nous tenions comme si nous étions morts, que ne nous touche ni joie ni souffrance. Un maître dit : Rien ne peut toucher le ciel, et il veut dire que l’homme est un homme céleste pour qui toutes choses ne sont pas de telle importance qu’elles puissent le toucher. Un maître dit : Puisque toutes créatures sont si misérables, d’où vient donc qu’elle détournent l’homme si facilement de Dieu ; l’âme n’est-elle pas pourtant, dans ce qu’elle a de plis misérable, meilleure que le ciel et toutes créatures ? Il dit : cela vient de ce qu’il prête peu d’attention à Dieu. L’homme prêterait-il attention à Dieu comme il devrait qu’il serait presque impossible que jamais il tombe. Et c’est là un bon enseignement, que l’homme se tienne en ce monde comme s’il était mort. Saint Grégoire dit que de Dieu personne ne peut posséder beaucoup à moins que d’être fondamentalement mort à ce monde. Eckhart: Sermon 8
J’ai pensé parfois, tandis que je venais ici, que l’homme dans le temps peut en venir à pouvoir contraindre Dieu. Si j’étais ici en haut et disais à quelqu’un : « Monte ! », cela serait difficile. Si je disais plutôt : « Assieds-toi ! », cela serait facile. Ainsi fait Dieu. Lorsque l’homme s’humilie, Dieu ne peut pas se retenir, de par sa bonté propre, il lui faut s’abaisser et s’épancher dans l’homme humble, et là celui qui est le plus petit il se donne le plus et se donne à lui pleinement. Ce que Dieu donne, c’est son être, et son être fait sa bonté, et sa bonté fait son amour. Toute souffrance et toute joie proviennent d’amour. J’ai pensé en chemin, lorsque je devais venir ici, que je ne voulais pas venir ici, car je serais inondé ( de larmes ) par amour. Quand avez-vous été inondés ( de larmes ) par amour, laissons cela. Joie et souffrance proviennent d’amour. L’homme ne doit pas craindre Dieu, car celui qui le craint celui-là le fuit. Cette crainte est une crainte dommageable. ( Mais ) c’est une crainte comme il faut ( qu’éprouve ) celui qui craint de perdre Dieu. L’homme ne doit pas le craindre, il doit l’aimer, car Dieu aime l’homme avec toute sa perfection la plus haute. Les maîtres disent que toutes choses opèrent selon qu’elles veulent engendrer et veulent s’égaler au Père, et disent : La terre fuit le ciel ; si elle fuit vers le bas, elle parvient au ciel vers le bas ; fuit-elle vers le haut, elle parvient à ce qui du ciel est le plus bas. La terre ne peut fuir si bas que la terre ne se déverse en elle et ne la rende fertile, que ce lui soit agréable ou non. Ainsi fait l’homme qui s’imagine fuir Dieu et ne peut pourtant pas le fuir ; tous les recoins lui sont une révélation. Il s’imagine fuir Dieu et s’engouffre ( pourtant ) dans son sein. Dieu engendre son Fils unique en toi, que ce te soit agrément ou souffrance, que tu dormes ou que tu veilles, il fait ce qui est sien. Je disais récemment, qu’est-ce ( donc ) qui serait responsable de ce que l’homme ne le goûte pas, et dis ( que ) serait responsable le fait que sa langue serait chargée d’autre impureté, c’est-à-dire des créatures. De même façon que chez un homme à qui toute nourriture est amère et n’a pas de goût pour lui. Qu’est-ce qui est responsable de ce que la nourriture n’a pas de goût pour nous ? Responsable le fait que nous n’avons pas de sel. Le sel est l’amour divin. Aurions-nous l’amour divin, nous goûterions Dieu et toutes les oeuvres que Dieu a jamais opérées, et nous recevrions toutes choses de Dieu, et opérerions toutes les mêmes oeuvres qu’il opère. Dans cette égalité nous sommes tous un Fils unique. Eckhart: Sermon 22