corps animal (Orígenes)

Mais à propos de l’âme du Christ, la nature de l’incarnation, quand on la considère, supprime tout problème. Car de même qu’il a eu vraiment un corps, il a eu vraiment une âme. Mais il est difficile de penser et d’exposer comment on doit comprendre le fait qu’il soit question d’une âme de Dieu dans les Écritures : en effet nous reconnaissons une fois pour toutes que sa nature est simple, sans mélange ni addition. Cependant, de quelque façon qu’il faille l’entendre, il semble qu’on parle parfois de l’âme de Dieu. A propos de l’âme du Christ, il n’y a pas de doute. Et c’est pourquoi il ne me paraît pas absurde de dire ou de penser de même des saints anges et des autres puissances célestes, si toutefois la définition de l’âme donnée plus haut semble leur convenir. Qui pourra nier qu’ils possèdent une sensibilité raisonnable et le mouvement ? Si donc cette définition qui fait de l’âme une substance dotée de sensibilité raisonnable et de mouvement paraît juste, il semble qu’elle s’applique aussi aux anges. Qu’y a-t-il d’autre en eux qu’une sensibilité raisonnable et du mouvement ? Les êtres à qui conviennent une définition unique sont sans aucun doute d’une même substance. Certes, l’apôtre Paul parle d’un homme animal qui, selon lui, ne peut percevoir ce qui concerne l’Esprit de Dieu et il dit de même que l’enseignement de l’Esprit Saint paraît à cet homme absurde et qu’il ne peut comprendre ce qui est l’objet d’un discernement spirituel. Mais dans un autre passage, selon lui, est semé un corps animal et ressuscite un corps spirituel : il montre ainsi que dans la résurrection des justes il n’y aura rien d’animal dans ceux qui mériteront la vie des bienheureux. Et c’est pourquoi nous recherchons s’il y aurait une substance qui serait imparfaite parce qu’elle est âme. Mais nous nous demanderons, quand nous nous mettrons à discuter cela dans le détail, si elle est imparfaite parce qu’elle est tombée de la perfection ou si elle a été faite ainsi par Dieu. Si en effet l’homme animal ne perçoit pas ce qui concerne l’Esprit de Dieu et si, parce qu’il est animal, il ne peut recevoir la compréhension d’une nature supérieure, c’est-à-dire divine, c’est pour cela que Paul, voulant nous enseigner plus clairement quelle est la faculté qui nous permet de comprendre les réalités de l’Esprit, les réalités spirituelles, unit et associe à un esprit saint plutôt l’intelligence que l’âme. A mon avis il le montre, lorsqu’il dit : Je prierai par l’esprit, je prierai aussi par l’intelligence; je psalmodierai par l’esprit, je psalmodierai aussi par l’intelligence. Il ne dit pas : je prierai par l’âme, mais : par l’esprit et l’intelligence ; et non plus : je psalmodierai par l’âme, mais : par l’esprit et l’intelligence. Traité des Principes: Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Première section

Mais pour y arriver selon un ordre convenable, il faut parler, ce me semble, de la résurrection afin de savoir la nature de ce qui ira soit au châtiment, soit au repos et à la béatitude : de tout cela nous avons discuté plus complètement dans d’autres livres, ceux que nous avons écrits sur la résurrection et nous y avons exprimé notre opinion. Mais maintenant il ne paraîtra pas absurde de revenir un peu sur le sujet à cause de la suite des idées, surtout parce que certains, des hérétiques principalement, trouvent dans la foi de l’Église occasion de scandale, pensant que notre foi dans la résurrection est stupide et complètement insensée. A mon avis il faut leur répondre ainsi : S’ils reconnaissent eux-mêmes qu’il y a une résurrection des morts, qu’ils nous répondent : Qu’est-ce qui est mort, sinon le corps ? Il y a donc une résurrection du corps. Qu’ils nous disent ensuite si nous utiliserons alors des corps ou non. Je pense que, puisque l’apôtre Paul a dit : Un corps animal est semé, un corps spirituel ressuscitera, ils ne peuvent refuser la résurrection du corps et que dans la résurrection nous nous servirons de corps. Qu’en est-il donc ? S’il est certain que nous utiliserons des corps et que ce sont les corps tombés qui se relèveront, selon la prédication apostolique – car on ne peut pas à proprement parler se relever si on n’est pas tombé auparavant -, il n’y a aucun doute que ce sont ces corps qui se relèveront pour que nous les revêtions à nouveau dans la résurrection. Les deux affirmations sont liées. Car si les corps ressuscitent c’est sans aucun doute pour nous revêtir, et s’il est nécessaire que nous soyons dans des corps – c’est effectivement nécessaire -, nous ne devons pas être dans d’autres corps que dans les nôtres. S’il est vrai que les corps ressusciteront et ressusciteront spirituels, il est clair qu’ils le feront après avoir rejeté la corruption et déposé la mortalité ; autrement il semblerait vain et superflu que quelqu’un ressuscite des morts pour mourir à nouveau. On peut assurément comprendre cela avec plus d’évidence si on considère soigneusement quelle est la qualité du corps animal, qui, semée en terre, se renouvelle dans la qualité du corps spirituel. Car du corps animal la puissance même de la résurrection et sa grâce tirent le corps spirituel, quand elles le font passer de l’indignité à la gloire. Traité des Principes: Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Première section

Maintenant nous nous adres-sons à quelques-uns des nôtres qui, par suite de l’étroitesse de leur compréhension et par pauvreté d’expli-cation, donnent de la résurrection des corps une signification tout à fait basse et abjecte. Nous leur demandons comment ils entendent le changement que subira le corps animal, grâce à la résurrection, et la nature du corps spirituel futur : comment pensent-ils que ce qui est semé dans l’infirmité ressuscitera dans la force, que ce qui est semé dans l’obscurité ressuscitera dans la gloire, que ce qui est semé dans la corruption passera à l’incorruption ? S’ils croient ce que dit l’Apôtre, que le corps ressuscitant dans la gloire, la force et l’incorruptibilité sera désormais devenu spirituel, il paraît donc absurde, contraire à la pensée de l’Apôtre, qu’il soit de nouveau empêtré dans les passions de la chair et du sang, alors que l’Apôtre dit clairement : La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu et la corruption ne possédera pas l’incorruption. Comment conçoivent-ils aussi cette autre parole de l’Apôtre : Tous nous serons changés. Ce changement est à attendre selon la norme que nous avons exposée plus haut, qui nous permet sans aucun doute d’espérer une solution digne de la grâce divine. Nous pensons que cela se passera de la même manière que le simple grain de blé, ou celui d’autres plantes, qui, semé en terre, suivant la description de l’Apôtre, reçoit de Dieu le corps que Dieu veut, après la mort en terre de ce même grain de blé. Il faut en effet penser que nos corps aussi tomberont en terre comme le grain. Mais il y a en eux une raison qui maintient unie la substance corporelle ; bien que les corps soient morts, corrompus et dispersés, cette raison elle-même qui est toujours intacte dans la substance du corps, par l’action de la Parole de Dieu, relèvera ces corps de la terre, les reconstituera, les restaurera, de même que la force qui est dans le grain de blé, après sa corruption et sa mort, restaure et reconstitue le grain dans le corps de la paille et de l’épi. Et ainsi, pour ceux qui mériteront d’obtenir l’héritage du royaume des cieux, cette raison qui se trouve dans le corps à réparer, celle dont nous avons parlé plus haut, refait sur l’ordre de Dieu un corps terrestre et animal en un corps spirituel qui puisse habiter dans les cieux. Mais ceux qui auront été inférieurs ou même assez bas en mérite, bien mieux ceux qui auront été les derniers et les rejetés, recevront la gloire et la dignité du corps en proportion de la dignité de l’âme et de la vie de chacun, de telle sorte cependant que le corps de ceux qui sont destinés au feu éternel et aux supplices sera, certes, incorrompu par suite de la transformation opérée par la résurrection, mais pour que les supplices ne puissent le corrompre ni le détruire. Traité des Principes: Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Première section

En effet la foi de l’Église ne reçoit pas ce que disent certains philosophes grecs, que, outre ce corps-ci qui est composé des quatre éléments, il y a un cinquième corps, entièrement différent et distinct de notre corps : on ne peut trouver dans les Écritures saintes le moindre soupçon de cela et la logique même des choses ne permet pas de l’accepter, principalement parce que le saint Apôtre affirme clairement que ce ne sont pas des corps nouveaux qui seront donnés à ceux qui ressuscitent des morts, mais ils recevront les mêmes corps qu’ils ont eus de leur vivant, transformés du pire au meilleur. Il dit en effet : Un corps animal est semé, un corps spirituel ressuscitera, et : Il est semé dans la corruption, il ressuscitera dans l’incorruption ; il est semé dans l’infirmité, il ressuscitera dans la force; il est semé dans l’obscurité, il ressuscitera dans la gloire. De même qu’un homme peut progresser d’un état antérieur d’homme animal, incapable d’entendre ce qui est de l’Esprit de Dieu, jusqu’à arriver, grâce à l’éducation, à devenir spirituel et à juger de toutes choses sans être lui-même jugé par personne, de même faut-il penser, à propos de la condition du corps, que le même corps qui maintenant en tant qu’instrument de l’âme est appelé animal, à la suite d’un progrès, lorsque l’âme jointe à Dieu sera devenue avec lui un seul esprit, progressera, en tant qu’instrument de l’esprit, pour atteindre une condition et une qualité spirituelles : cela est d’autant plus possible, nous l’avons souvent montré, que la nature corporelle a été faite par le créateur de telle sorte qu’elle puisse prendre successivement de manière aisée n’importe quelle qualité, selon la volonté de Dieu ou ce que demandent les circonstances. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section