CONSEILS DE DIRECTION

1. Redoutez la suffisance, c’est notre premier ennemi. Notre bonne conduite devant Dieu n’est encore qu’intention, et voilà déjà qu’elle fait naître en nous la pensée d’une certaine supériorité par rapport aux autres et à notre propre passé, surtout si nous avons déjà réalisé quelque bien au point de vue spirituel. Dès que nous nous sommes arrêtés un peu sur ce bien réalisé, il devient à nos yeux admirable, et nous commençons à rêver que nous sommes parfaits et que nous accomplissons des choses remarquables. C’est l’ennemi qui inspire tout cela pour exciter en nous la présomption. Celui qui cède et succombe à cette estime de soi-même est immédiatement privé de la grâce et reste tout seul. Alors l’ennemi s’empare de lui comme d’une proie sans défense.

2. Que la crainte ne vous quitte pas. Nous cheminons au milieu de pièges tendus. L’ennemi ne nous tente jamais de prime abord par ce qui est mauvais de toute évidence. Il trompe plutôt par des apparences du bien. L’homme inexpérimenté va vers l’appât et tombe dans les mains de l’ennemi comme le fauve, en marchant à son aise dans la forêt, tombe dans la fosse couverte de branches. Mais, tout en craignant Dieu, ne perdez pas courage, car le Seigneur est proche.

3. Que la peur de la mort et du jugement, avec ce qui le suit ne vous quitte point. Dès le matin en pensant à Dieu en votre cœur, fixez votre pensée sur les fins dernières. Ne vous séparez pas de cette pensée durant toute la journée, comme vous ne vous séparez pas de Dieu, et le soir en vous couchant dites : « Un cercueil m’attend, la mort est devant moi ! » Et vous verrez quelle sauvegarde vous avez dans ces pensées.

4. Vous ne pouvez pas vous éloigner complètement de la société. Mais il dépend de vous de fréquenter les milieux où l’on trouve moins de distractions… La vie dans le monde a cela de mauvais qu’elle remplit trop l’âme d’objets, de personnes, d’affaires, dont le souvenir nous trouble. Cela empêche de prier comme il faut. Contre ce mal il n’y a qu’un remède : autant que possible, garder le cœur à l’abri des impressions. Que tout passe à côté de vous, sans entrer dans votre cœur.

5. Mais ne fuyez pas les hommes, ne soyez pas maussade. Cela ne convient pas à votre situation, et ce n’est d’aucune profit. Pourtant restez de préférence parmi les vôtres…

6. Les exercices spirituels – prière, lecture, méditation – doivent avoir lieu tous les jours sans omission. Ce qu’il faut faire et à quel moment, voyez-le vous-même. Levez-vous assez tôt et, avant d’aller voir les vôtres, faites tous ces exercices spirituels autant que vous le pourrez. Surtout, donnez du temps à la prière. Avec une confiance d’enfant, dites à Dieu tout ce que vous avez sur le cœur. Intercalez des métanies entre les prières lues, en y ajoutant des oraisons jaculatoires. Après la prière, lisez en méditant, appliquez-vous à la lecture, voyez comment la réaliser dans votre vie. Je l’ai écrit et je le répète : il vous est très utile de noter chaque matin les pensées qui se sont dégagées de la méditation, à la lecture de l’Evangile et des épîtres. Faites ce travail très simplement, sans belles phrases.

7. En travaillant de toutes vos forces, confiez au Seigneur votre souci d’un bon succès. La confiance en Dieu est la racine de la Qu’est-ce que la vie spirituelle et comment s’y disposer ? Moscou, 5e éd. 1904; [Qu’est-ce que la vie spirituelle et comment s’y disposer ? Moscou, 5e éd. 1904; p. 168-171]