Mais si avant que la divinité nous pénètre et nous traverse dans sa splendeur et dans sa gloire, il faut qu’elle nous traverse dans son ignominie et dans sa douleur, il est nécessaire aussi qu’elle fasse en nous une première opération, et cette opération, c’est de nous faire annoncer par l’ange que l’esprit saint doit survenir en nous, que la vertu du très haut nous couvrira de son ombre, et que c’est pour cela que le saint qui naîtra de nous sera appelé le fils de Dieu ; or pour que cette annonce puisse nous être faite, il faut que nous soyons renouvelés dans la véritable innocence, et que trois vierges plus anciennes que Marie nous aient purifiés dans notre corps, notre âme et notre esprit ; c’est-à-dire qu’elles nous aient rendus vierges comme elles. Lorsque par notre constance et nos efforts nous avons recouvré cette triple virginité, l’annonciation se fait en nous, et nous ne tardons pas à nous apercevoir que la conception sainte s’y est faite aussi, ce qui nous met dans le cas de chanter le cantique de Marie, lorsque nos proches nous saluent et nous bénissent sur le fruit de nos entrailles, comme Marie fut saluée et bénie par Élisabeth. Nouvel Homme 6
Dès que cette conception est formée en nous, il n’y a pas de soins que nous ne devions prendre pour la conduire heureusement à son terme, comme dans l’ordre matériel nous veillons sur les jours et la santé d’une épouse chérie qui nous donne l’espoir qu’elle deviendra mère. Nous devons épier avec attention tous les mouvements qui se font en nous, et jusqu’aux moindres affections spirituelles et vraies qui nous sont suggérées ; nous devons n’en négliger aucune, et tout sacrifier pour les satisfaire, afin que par nos négligences, ou notre parcimonie qui n’est autre chose que notre paresse, nous ne soyons pas dans le cas de nuire à la croissance de notre fils ; mais défendons-nous aussi soigneusement de tous les mouvements faux qui ne tiennent qu’à la fantaisie ; car nous prêterions par là des puissances à notre ennemi qui ne manquerait pas de s’en servir pour poser ensuite son sceau et son caractère sur quelques parties du corps de notre reproduction. Imitons donc en tout la nature qui emploie tous nos efforts pour faire fructifier ses productions, quand par notre faute nous ne gênons pas ses opérations. Nouvel Homme 6
Ce n’est qu’une seule et même puissance, qu’un seul et même amour qui opère notre reproduction corporelle, et qui prend soin de l’entretenir et de la conserver. Faisons en sorte qu’à son image la puissance et l’amour divin qui opèrent en nous la conception spirituelle nourrissent eux-mêmes leur propre fruit ; que la même main qui aura semé cette plante en nous, l’arrose journellement, et en écarte tout ce qui peut lui être préjudiciable ; ne craignons ni les inquiétudes, ni les dégoûts ni les vomissements, ni les insomnies ; ce sont toutes ces souffrances qui facilitent l’accroissement de notre fils, et il est impossible qu’il acquiert sans cela une juste et solide conformation. Nouvel Homme 6
La sagesse ne nous découvre ce grand combat que le dernier, afin qu’étant préparés d’avance par les douceurs qui nous sont promises dans le Dieu bienfaisant, et par les moyens qui nous sont offerts dans le Dieu souffrant, nous puissions nous lancer plus courageusement dans le champ de bataille, et nous flatter de remporter la victoire ; car ce n’est qu’après cette victoire que se tracent en nous les plans du temple et les différentes divisions qu’il renferme, parmi lesquelles il en est une par où le Saint des Saints se communique à nous, comme il se communiquait au grand prêtre dans le temple de Jérusalem ; ce n’est qu’alors que se confirme en nous, et l’annonciation de la part de l’ange, et la conception par l’opération de l’Esprit-Saint, d’où nous pouvons espérer un heureux enfantement Divin, si nous remplissons toutes les conditions dont nous avons déjà parlé à ce sujet, et qui nous sont imposées à la fois par la sagesse, et par le besoin de notre propre régénération. Nouvel Homme 7
Disons-nous sans cesse les uns aux autres : le médicament spirituel veut nous rendre la santé, et la vie ; le Dieu universel veut passer tout entier par notre être afin de parvenir jusqu’à l’ami qui nous accompagne ; il veut y passer souffrant, avant d’y passer dans sa gloire, il veut rompre les liens qui nous enchaînent dans la caverne des lions et des bêtes féroces et venimeuses, il veut régénérer notre parole par l’impression de sa propre parole, il veut fonder sur notre âme son église, afin que les portes de l’enfer ne prévalent jamais contre elle, il veut s’unir à nous pour opérer avec nous une génération spirituelle dont les fruits soient aussi nombreux que les étoiles du firmament, et puissent comme elles faire briller universellement sa lumière ; et tous ces biens qu’il veut nous procurer, il veut les réaliser en nous par l’annonciation de son ange, et par la sainte conception de son esprit, puisque c’est là le terme final de tous ses desseins et de toutes ses manifestations : louons-le dans la magnificence de ses merveilles, et dans l’abondance de ses trésors ; mais que ce soit dans le chemin et en faisant notre route que nous occupions ainsi notre pensée ; afin que ces saintes méditations nous servent à adoucir les fatigues du voyage, et non pas à nous arrêter. Nouvel Homme 8
Mais cependant après être avertis sur cela comme nous le sommes, ouvrons aussi nos coeurs à l’espérance et à la joie, et ayons la confiance que la même main qui nous aura poussés dans le désert, la même main qui nous aura choisis pour servir de fondement à son église, la même main qui aura fait opérer en nous une conception spirituelle daignera nous accompagner dans l’épreuve, et ne permettra pas que notre ennemi altère et souille en aucune manière les jouissances qu’elle nous réserve. Car ces jouissances doivent être aussi incalculables, que le sont pour nous les dangers et les fatigues de l’épreuve que nous avons à subir ; et même elles doivent en faire plus que la compensation, parce que la miséricorde l’emporte toujours sur la justice. Nouvel Homme 9
10. Le moment de la naissance est arrivé. Les puissances supérieures après avoir formé en nous par l’esprit la conception de notre fils spirituel, ont décrété selon leur sagesse que le moment est venu de lui donner le jour. Nous allons donc sortir de ces abîmes dans lesquels nous avons séjourné, dans lesquels, le saint par excellence n’a pas craint de descendre lui-même, et dans lesquels il ne craint pas de descendre tous les jours pour en arracher les victimes, et pour libérer les esclaves ; nous allons recevoir dans la nouvelle atmosphère où nous arrivons, des affections plus vives et plus douces que celles de cette région ténébreuse d’où nous sortons et qui dès lors est censée morte pour nous. Nouvel Homme 10
Si tu as aperçu précédemment que l’annonciation de l’ange peut se répéter pour toi, ainsi que la conception et la naissance du fils de la promesse, tu ne seras pas surprise que la résurrection de Lazare puisse se répéter pour toi également ; mais aussi par la même raison, tu sens que cette opération préliminaire te devient indispensable, puisque tu es morte depuis quatre jours ; c’est-à-dire, dans tes quatre grandes institutions primitives que tu ne saurais plus remplir, et puisque tu répands partout l’infection. La voix du Réparateur s’approche de ta tombe et te crie : Lazare, levez-vous ; ne fais pas comme les Juifs dans le désert ; n’endurcis pas ton coeur à cette voix, et jette-toi promptement hors de ton cercueil ; il ne manquera pas de gens serviables pour délier tes bandelettes. Souviens-toi ensuite qu’il ne t’a été dit : Lazare, levez-vous ; qu’afin que tu répètes à ton tour librement à toutes tes facultés endormies : Lazare, levez-vous ; et qu’afin que cette parole circule continuellement dans toutes les parties de ton être. C’est alors que tu pourras espérer être à table avec le Seigneur. Nouvel Homme 13
Rappelle-toi cette loi des Hébreux, Lévitique 27-28. Tout ce qui est consacré une fois au Seigneur, sera pour lui comme étant une chose très sainte. Ce fils chéri pouvait-il n’être pas consacré au Seigneur puisque sa conception avait été annoncée par l’ordre du Seigneur, puisqu’il avait été conçu par l’obombration et l’opération de l’esprit du Seigneur, puisqu’enfin il était né sous les auspices et par la puissance du Seigneur ? Ce fils n’était-il pas naturellement consacré au Seigneur, comme un fils est naturellement consacré à son père ? Car le réparateur ne fut offert au temple et consacré au Seigneur que comme fils de l’homme, et comme revêtu de l’habit de l’esclave qui venait réclamer sa délivrance. Ton fils au contraire est le fils de la femme libre ; il est l’homme régénéré ; il est l’enfant spirituel né dans la région de l’esprit et de la vie ; comme tel il est présenté au temple, et consacré au Seigneur par le droit même de sa naissance, comme le verbe éternel est consacré à l’ancien des jours avant la formation des siècles, puisque c’est ce verbe qui a formé les siècles. Nouvel Homme 17
Ainsi ce fils chéri qui t’est accordé n’est point présenté aux temples qui ne sont bâtis que de la main des hommes, il n’est point consacré sur les autels figuratifs, et sous les yeux des prêtres qui ne reçoivent leur caractère que dans le temps ; mais étant consacré à son père Divin, et sous les yeux du prêtre éternel qui, en opérant sa conception même, lui a imposé les mains de l’esprit, il n’est pas étonnant qu’il n’ait eu d’autre nourriture que l’esprit et le verbe ; il n’est pas étonnant qu’il croisse en sagesse, en âge et en grâce devant Dieu et devant les hommes ; il n’est pas étonnant que ceux qui l’entendent soient ravis en admiration de sa sagesse et de ses réponses. Nouvel Homme 17
Il lui dira : Je ne doute point que vous ne mettiez en consécration l’opération et les oeuvres de mes mains, et que mes mains ne deviennent comme gonflées par l’abondance de la justice, et par le zèle de votre service ; je ne doute point que vous ne mettiez en consécration l’opération intérieure de mon désir et de mon amour, et qu’ils ne deviennent semblables à votre désir et à votre amour. Je ne doute point que vous ne mettiez en consécration mon intelligence, et ma conception, et que vous ne les rendiez propres à recevoir dans leur pureté les vifs rayons de votre lumière, et de votre vérité, parce que vous avez fait l’âme de l’homme pour être votre voie et votre organe ; et que toute souillée, et tout impure qu’elle puisse être, vous ne dédaignez pas de vous plonger dans ses souillures pour la purifier, et afin qu’après avoir passé en elle dans votre humiliation et votre souffrance, vous y passiez dans votre joie et dans votre gloire. Nouvel Homme 55