{{De la patience et du discernement. — 13.}} L’homme qui aime la vertu doit user d’un grand discernement pour reconnaître la différence du bon et du mauvais, et pour examiner et comprendre les ruses variées du méchant, qui a coutume par des imaginations spécieuses de pervertir bien des gens. D’ailleurs la sûreté est utile en toutes choses. Donc ne vous livrez pas trop vite, par légèreté d’esprit, aux impulsions des êtres spirituels qui pourraient vous tromper, même si ce sont les anges du ciel ; mais restez pondéré, et instituez un examen très soigneux, acceptant ce qui est bon, rejetant ce qui est mauvais. Car les effets de la grâce, que le péché, même s’il se cache sous le voile du bien, ne peut pas produire, sont clairs. Bien que, selon l’apôtre, « Satan sache se transfigurer en ange de lumière » ( 2 Cor 11, 14 ) pour tromper, et quand même il s’entourerait de visions splendides, il ne pourra pas, comme il a été dit, offrir une action bonne : là se trouve un indice certain. Il ne peut pas donner l’amour de Dieu ou du prochain, la douceur, l’humilité, la joie, la paix, la haine du monde, le repos spirituel, le désir des opérations célestes, il ne peut apaiser les passions et les voluptés, toutes choses qui sont clairement les effets de la grâce. Car, est-il dit, « les fruits de l’Esprit sont la charité, la joie, la paix » ( Gal 5, 22 ), et le reste; et c’est bien plutôt à produire l’orgueil et l’arrogance que le méchant est le plus apte et le plus fort. Donc d’après les résultats vous reconnaîtrez si la lumière intellectuelle qui brille en votre âme vient de Dieu ou de Satan. D’ailleurs, l’âme elle-même, si elle est habituée au discernement, verra la différence avec évidence, dès qu’elle percevra les choses intellectuellement. De même en effet que le vinaigre et le vin sont identiques pour la vue, mais que la gorge les distingue l’un et l’autre par le goût, ainsi l’âme, par la perception intellectuelle et par les effets, est capable de juger ce qui est charisme de l’Esprit et ce qui est illusion de l’ennemi.