combat (Orígenes)

Après avoir discuté brièvement, dans la mesure de nos forces, du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, il convient de parler ensuite un peu des natures raisonnables et de leurs espèces, des différents ordres et offices des puissances saintes et des puissances mauvaises, et aussi de ceux qui sont en quelque sorte intermédiaires entre les bonnes et les mauvaises puissances et se trouvent encore en situation de lutte et de combat. Nous lisons dans les saintes Écritures de nombreux noms pour désigner certains ordres et offices, tant des puissances saintes que des puissances contraires : nous les énumérerons et nous chercherons dans la mesure du possible à discuter leur signification. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Première section

Les noms de Diable, de Satan, de Malin, sont employés en de nombreux passages de l’Écriture pour désigner celui qui est décrit comme l’ennemi de Dieu. On y parle aussi des anges du Diable et du Prince de ce monde, terme dont on ne peut dire encore clairement s’il s’applique au Diable ou à un autre. Il y a des Princes de ce monde, possédant une certaine sagesse qui sera détruite : ces Princes sont-ils les mêmes que les Principautés contre lesquelles nous avons à lutter ou d’autres, il ne me paraît pas facile de se prononcer. Après ces Principautés, on nomme encore certaines Puissances contre qui nous avons à lutter et à porter le combat, mais nous avons aussi à le faire contre les Princes de ce monde et les Dirigeants de ces ténèbres : Paul nomme encore des esprits de malice dans les deux. Que dire des esprits malins et des démons impurs cités dans les évangiles ? Ensuite des êtres sont appelés d’un nom semblable, les Célestes – mais ils sont dits fléchir ou devoir fléchir le genou au nom de Jésus -, d’autres les Terrestres et les Infernaux que Paul énumère dans cet ordre. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Première section

Mais l’animal raisonnable, outre la nature imaginative, possède la raison qui juge les représentations, refuse les unes et accepte les autres, pour que le vivant se conduise selon elles. C’est pourquoi, puisque la raison possède dans sa nature les moyens de voir le bien et le mal, que nous utilisons pour voir le bien et le mal et ainsi choisir le bien et refuser le mal, nous sommes dignes de louange si nous nous mettons à pratiquer le bien, dignes de blâme dans le cas contraire. Il ne faut pas ignorer cependant que l’on trouve chez les animaux, en quelque manière, à un degré supérieur une nature ordonnée à toute espèce d’activité, plus ou moins : ainsi, pour parler de la sorte, l’action des chiens qui suivent à la trace ou des chevaux de combat est proche de l’action raisonnable. Qu’une incitation vienne du dehors, provoquant telle ou telle représentation, cela, de l’aveu de tous, ne dépend pas de notre libre arbitre. Mais quant à juger si on doit se servir de cette façon ou de cette autre de ce qui s’est produit, c’est l’oeuvre seulement de la raison qui est en nous et qui, à partir de ces occasions, fortifie en nous les impulsions qui nous entraînent vers le bien et le convenable, ou au contraire nous en détournent. Traité des Principes: Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21:

Voyons aussi dans le Nouveau Testament le passage où Satan s’approche du Seigneur pour le tenter. Des esprits malins et des démons impurs qui possédaient d’assez nombreuses personnes ont été mis en fuite par le Seigneur et chassés des corps de ces malades, que l’Écriture dit libérés par lui. Mais Judas, alors que le diable avait mis dans son coeur l’intention de livrer le Christ, reçut ensuite Satan tout entier en lui : il est écrit en effet que après la bouchée Satan entra en lui. Quant à l’apôtre Paul, il nous enseigne à ne pas donner de place au diable, mais revêtez, dit-il, les armes de Dieu, pour que vous puissiez résister aux astuces du diable, signifiant que les saints ont à lutter non contre la chair et le sang, mais contre les principautés, les puissances, les chefs de ce monde de ténèbres, les esprits de méchanceté dans les deux. Il dit que le Sauveur a été crucifié par les princes de ce monde qui seront détruits et il affirme qu’il ne parle pas selon leur sagesse. Par tout cela, l’Écriture divine nous enseigne qu’il existe des ennemis invisibles en lutte contre nous et elle nous enjoint de nous armer contre eux. A cause de cela, les plus simples de ceux qui croient au Seigneur Christ pensent que tous les péchés commis par les hommes se font à cause de ces puissances contraires qui harcèlent l’intelligence des pécheurs, parce que, dans ce combat invisible, ces puissances se trouvent les plus fortes. Si par exemple le diable n’existait pas, aucun homme ne pécherait. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section

Certains péchés donc ne viennent pas des puissances contraires, mais ont pour origine les mouvements naturels du corps. L’apôtre Paul l’assure très clairement quand il dit : La chair convoite contre l’esprit et l’esprit contre la chair ; ces deux réalités s’opposent l’une à l’autre, de telle sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez. Si en effet la chair convoite contre l’esprit et l’esprit contre la chair, il y a pour nous parfois une lutte contre la chair et le sang, c’est-à-dire tant que nous sommes hommes et marchons selon la chair et tant que nous ne pouvons éprouver des tentations plus fortes que les tentations humaines, puisqu’il est dit de nous : que la tentation ne vous atteigne pas, si ce n’est une tentation humaine ! Car Dieu est fidèle, lui qui ne permettra pas que vous soyez tentés plus que vous ne pouvez le supporter. Ceux qui président aux luttes ne laissent pas ceux qui viennent au combat se mettre à lutter les uns contre les autres de n’importe quelle manière, ou par suite du hasard, mais après un examen attentif des corps et des âges, les ayant comparés de la façon la plus équitable, ils associent celui-ci avec celui-là, cet homme avec cet autre, mettant par exemple des enfants avec des enfants, des hommes avec des hommes, de manière qu’ils se correspondent par la similitude de leur âge et de leur force. Il faut penser de même de la providence divine : tous ceux qui descendent dans les luttes de la vie humaine, elle les gouverne dans sa très juste administration selon la mesure de la vertu de chacun, que connaît seul celui qui voit seul les coeurs des hommes. Ainsi l’un combat contre telle chair, l’autre contre telle autre, celui-ci pendant un tel espace de temps, celui-là pendant tel autre, cet homme sera soumis à telle excitation charnelle qui le pousse dans tel ou tel sens, celui-là à telle autre ; parmi les puissances ennemies l’un aura à résister à celle-ci ou à celle-là, l’autre à deux ou trois à la fois et tantôt contre l’une, tantôt de nouveau contre l’autre, à un certain temps contre celle-ci et à un certain temps contre celle-là, après tels actes il luttera contre les unes, après tels autres contre les autres. Vois si l’Apôtre n’indique pas quelque chose de semblable lorsqu’il dit : Dieu est fidèle, au point de ne pas permettre que vous soyez tentés plus que vous ne pouvez le supporter, c’est-à-dire que chacun est tenté selon son degré ou ses possibilités de vertu. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section

Nous avons donc dit que, par un juste jugement de Dieu, chacun est tenté selon son degré de vertu, mais il ne faut pas croire pour cela que de toute façon celui qui est tenté doit vaincre : il en est de même du lutteur qui, malgré le soin qu’on a mis à lui donner un adversaire d’égale force, ne pourra vaincre de toute façon. En effet si la force des lutteurs n’était pas égale, la palme du vainqueur ne serait pas juste, ni la faute du vaincu : c’est pourquoi Dieu permet que nous soyons tentés, mais pas plus que nous ne pouvons le supporter ; nous sommes tentés selon nos forces. Cependant il n’est pas écrit que Dieu fera en sorte que nous réussissions à supporter la tentation, mais que nous puissions la supporter, autrement dit : il nous donne de pouvoir la supporter. Il nous appartient d’employer avec diligence ou avec négligence ce pouvoir qu’il nous a donné lui-même. Il n’est pas douteux que, dans toute tentation, nous avons la force de la supporter, si cependant nous usons convenablement du pouvoir donné. Ce n’est pas pareil d’avoir la possibilité de vaincre et de vaincre, comme l’Apôtre lui-même avec beaucoup de précautions l’indique en ces termes : Dieu vous donnera les moyens pour pouvoir supporter, et non : pour supporter. Car beaucoup ne supportent pas, mais sont vaincus dans la tentation. Dieu donne, non de supporter – autrement, semble-t-il, il n’y aurait aucun combat -, mais de pouvoir supporter. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section

Cependant il ne faut pas penser que chaque homme ait à lutter contre tout cela. Il est impossible, à mon avis, qu’un homme, aussi saint qu’il soit, puisse mener le combat contre tout cela à la fois. Si cela arrivait en quelque façon – mais certainement cela ne peut arriver -, il est impossible que la nature humaine puisse le supporter directement sans se détruire presque complètement elle-même. Prenons un exemple : si cinquante soldats disent qu’ils vont lutter contre cinquante autres soldats, il ne faut pas comprendre que chacun d’entre eux soit sur le point de combattre les cinquante autres, mais chacun s’exprimera justement en disant : nous avons cinquante soldats à combattre, tous cependant contre tous. Il faut comprendre dans le même sens l’affirmation de l’Apôtre : tous les athlètes et soldats du Christ ont à lutter et à combattre contre toutes les puissances énumérées plus haut ; le combat aura lieu pour tous, mais cependant un contre un, et certainement comme le décidera le juste arbitre de cette lutte, Dieu. Je pense en effet que la nature humaine a des limites certaines, même s’il s’agit de Paul dont il est dit : Celui-ci est pour moi un vase d’élection, de Pierre contre qui ne l’emportent pas les portes de l’Hadès, ou de Moïse, l’ami de Dieu, car aucun d’eux ne pourrait supporter à la fois tout le bataillon des puissances adverses sans se ruiner lui-même en quelque façon, à moins que n’opère en lui la puissance de celui-là seul qui a dit : Confiance ! c’est moi qui ai vaincu le monde. C’est à cause de lui que Paul disait en toute confiance : Je puis tout en celui qui me fortifie, le Christ; et de même : J’ai travaillé plus qu’eux tous, non moi, mais la grâce de Dieu avec moi. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section

C’est pourquoi je pense que jamais peut-être l’homme ne peut vaincre par lui-même une puissance contraire sans utiliser l’aide divine. C’est pourquoi on dit qu’un ange lutta avec Jacob. Ce n’est pas pareil de dire, d’après la compréhension que nous en avons, qu’un ange lutta avec Jacob et qu’un ange lutta contre Jacob ; mais cet ange qui était à ses côtés pour son salut, qui, connaissant ses progrès, lui donna aussi le nom d’Israël, lutte avec lui, c’est-à-dire : il est avec lui dans la lutte et il l’aide dans le combat, alors qu’il y en avait sans aucun doute un autre, contre lequel Jacob luttait, contre lequel il menait le combat. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section

Ainsi, Paul ne nous dit pas que nous avons à lutter avec les princes et les puissances, mais contre les principautés et les puissances. En conséquence, si Jacob a lutté, c’est sans aucun doute contre l’une de ces puissances qui, d’après l’énumération de Paul, s’opposent au genre humain et principalement aux saints et mènent contre eux le combat. C’est pourquoi enfin l’Écriture dit de Jacob qu’il a lutté avec l’ange et qu’il a pris de la force en allant vers Dieu, afin de signifier que son combat et sa lutte furent menés avec l’aide de l’ange et que la palme de la perfection a conduit le vainqueur à Dieu. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section

Certes, il ne faut pas penser que de tels combats sont menés par le moyen de la force corporelle et des exercices de la palestre, mais c’est un esprit qui se bat contre un esprit, puisque Paul nous indique qu’un combat nous attend contre les principautés et les puissances, les chefs de ce monde de ténèbres. Le genre de lutte qu’il faut entendre par là, c’est que lorsqu’on nous cause toute sorte de dommages, de périls, d’opprobres, d’accusations, l’intention des puissances adverses qui les suscitent n’est pas seulement de nous faire souffrir, mais de nous exciter à de grandes colères, à des tristesses excessives, jusqu’aux limites du désespoir, et aussi, ce qui est plus grave, de nous pousser, accablés de fatigue et vaincus par le dégoût, à nous plaindre de Dieu, comme s’il ne gouvernait pas la vie des hommes d’une manière équitable et juste ; leur but est d’affaiblir notre foi, de nous faire déchoir de l’espérance, de nous forcer à abandonner la vérité de nos doctrines et de nous persuader à avoir de Dieu des pensées impies. L’Écriture rapporte de pareilles choses au sujet de Job, lorsque le diable eut demandé à Dieu de lui donner pouvoir sur ses biens. Elle nous enseigne que nous ne sommes pas l’objet d’attaques fortuites, lorsque nous sommes atteints dans nos biens par des dommages semblables, et que ce n’est pas par hasard que l’un des nôtres est emmené en captivité ou que des maisons s’écroulent, écrasant des personnes chères ; en tout cela chaque fidèle doit dire : Tu n’aurais pas de pouvoir contre moi, s’il ne t’avait pas été donné d’en haut. Tu peux constater que la maison de Job ne serait pas tombée sur ses fils, si auparavant le diable n’avait pas reçu pouvoir contre eux ; que les cavaliers n’auraient pas fait irruption en trois bandes pour enlever ses chameaux, ses boeufs et le reste de son bétail, s’ils n’avaient pas été poussés par cet esprit dont ils s’étaient faits les serviteurs en lui obéissant par leur volonté. Même ce qui paraissait du feu ou que l’on prenait pour la foudre ne serait pas tombé sur les brebis de Job avant que le diable n’ait dit à Dieu : N’as-tu pas entouré de fortifications tout ce qu’il a au-dehors et tout ce qu’il a au-dedans, etc. ? Mais maintenant, étends la main et touche à tous ses biens, lu verras s’il te bénira en face. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section

Discutons d’abord l’opinion, habituelle chez certains, qu’il y a en nous une âme bonne et céleste et une autre plus basse et terrestre, et que la meilleure est mise en nous venant du ciel, comme celle qui donna à Jacob luttant contre Ésaü encore dans le sein maternel la palme de la victoire sur son frère qu’il supplantait ainsi, comme celle qui dans Jérémie fut sanctifiée dès la matrice, et celle qui fut remplie de l’Esprit Saint dans Jean dès le sein de sa mère. L’âme qu’ils appellent inférieure, ils affirment qu’elle a été semée avec le corps à partir de la semence corporelle et ils nient en conséquence qu’elle puisse vivre et subsister sans le corps : c’est pourquoi fréquemment ils l’appellent la chair. Cette phrase de l’Écriture : La chair convoite contre l’esprit, ils ne l’entendent pas de la chair proprement dite, mais de l’âme qui est à proprement parler l’âme de la chair. Mais ils essaient cependant de confirmer cela par ce passage du Lévitique: L’âme de toute chair c’est le sang. Puisque c’est le sang répandu dans toute la chair qui lui fournit la vie, ils disent que cette âme, qui est appelée l’âme de toute chair, se trouve dans le sang. Par eux ces paroles : La chair combat contre l’esprit et l’esprit contre la chair, et : L’âme de toute chair c’est son sang, désignent en d’autres termes la sagesse de la chair, une sorte d’esprit matériel, qui n’est pas soumis à la loi de Dieu et ne peut lui être soumis, parce qu’il possède des volontés terrestres et des désirs corporels. Ils pensent que l’Apôtre a parlé de cela dans ces termes : Je vois une autre loi dans mes membres, qui combat la loi de mon intelligence et me rend captif de la loi du péché, qui est dans mes membres. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Troisième section

souffrir ni subir en quoi que ce soit aucun malaise, qu’il vienne de l’abondance ou de la pénurie. Mais les partisans de la doctrine des deux âmes essaieront de résoudre cette objection et de la combattre en montrant qu’il y a en l’âme de nombreuses passions qui ne tirent nullement de la chair leur origine et que cependant l’esprit s’y oppose : ainsi l’ambition, l’avarice, la jalousie, l’envie, l’orgueil et tout ce qui leur est semblable. Voyant que l’intelligence ou l’esprit de l’homme ont à les combattre, ils n’assignent pas à tous ces maux d’autres causes que celle dont nous avons parlé plus haut, une âme corporelle engendrée par l’intermédiaire de la semence. Ils trouvent d’ordinaire une confirmation à cela dans ce témoignage de l’Apôtre : Il est facile de savoir ce que sont les oeuvres de la chair, la fornication, l’impureté, l’impudicité, l’idolâtrie, les sortilèges, les inimitiés, les disputes, les jalousies, les colères, les rixes, les dissensions, les divergences d’opinions, les envies, les ivrogneries, les orgies et tout ce qui leur est semblable. Pour eux ce ne sont pas tous ces maux, mais une partie d’entre eux, qui tirent leur origine de l’usage et de la délectation de la chair, de sorte qu’on puisse penser qu’ils existent à cause d’une substance que l’âme ne possède pas, c’est-à-dire la chair. Mais cette autre phrase de l’Apôtre : Voyez, frères, d’où vous avez été appelés, car il n’y a pas parmi vous beaucoup de sages selon la chair, semble tendre vers cette solution qu’il paraît y avoir à proprement parler une sagesse charnelle et matérielle, autre que la sagesse selon l’esprit, et l’on ne pourrait l’appeler sagesse s’il n’y avait pas une âme de la chair qui puisse être sage de cette sagesse dite de la chair. Ils ajoutent encore ceci : Si la chair combat contre l’esprit et l’esprit contre la chair, de telle sorte que nous ne faisions pas ce que nous voulons, qui sont ceux dont il est dit : de telle sorte que nous ne faisions pas ce que nous voulons ? Il est certain, disent-ils, qu’il ne s’agit pas de l’esprit, car ce n’est pas la volonté de l’esprit qui est empêchée ; ni de la chair, car si elle n’a pas une âme propre, sans aucun doute elle n’aura pas de volonté. Il ne reste qu’une solution, que cela soit dit de la volonté de cette âme, qui peut avoir une volonté propre s’opposant à la volonté de l’esprit. S’il en est ainsi il est clair que la volonté de cette âme est comme un intermédiaire entre la chair et l’esprit, servant sans aucun doute l’un des deux et obéissant à celui à qui elle a choisi d’obéir : et lorsque cette âme s’est soumise aux délectations de la chair elle rend les hommes charnels ; mais lorsqu’elle s’est jointe à l’esprit, elle fait vivre l’homme dans l’esprit et pour cela il est appelé spirituel. L’Apôtre semble indiquer cela lorsqu’il dit : Mais vous, vous n’êtes pas dans la chair, mais dans l’esprit. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Troisième section

Il faut nous demander ce qu’est cette volonté située entre la chair et l’esprit et autre que la volonté qui est de la chair ou de l’esprit. II est certain que tout ce qui est dit appartenir à l’esprit est volonté de l’esprit et que tout ce qui est dit oeuvre de la chair est volonté de la chair. Qu’est donc, outre ces deux volontés, cette volonté de l’âme qui est mentionnée en plus, cette volonté à laquelle l’Apôtre ne veut pas que nous obéissions lorsqu’il dit : Afin que vous ne fassiez pas ce que vous voulez. Cela semble indiquer que cette volonté ne doit adhérer à aucun des deux, à savoir ni à la chair ni à l’esprit. Mais on dira que, s’il est meilleur à l’âme de faire sa propre volonté que celle de la chair, de même il est meilleur à l’âme de faire la volonté de l’esprit que la sienne propre. Comment donc l’Apôtre dit-il : Pour que vous ne fassiez pas ce que vous voulez ? Parce que dans le combat qui se mène entre la chair et l’esprit il n’est pas sûr que de toute façon la victoire revienne à l’esprit ; il est clair que très souvent c’est la chair qui l’obtient. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Troisième section

Quand on dit que la chair combat contre l’esprit, les partisans de cette dernière explication comprennent par là que l’usage, les besoins ou le plaisir de la chair, quand ils excitent l’homme, le distraient et le détournent des réalités divines et spirituelles. Lorsque nous sommes attirés par les besoins du corps, nous n’avons plus le moyen de vaquer aux réalités divines qui nous seront utiles pour l’éternité, et en revanche l’âme qui s’adonne au divin et est unie à l’Esprit de Dieu combat la chair, comme on dit, car elle ne la laisse pas s’amollir dans les délices et nager dans les plaisirs qui sont sa délectation naturelle. Ceux dont nous rapportons l’opinion expliqueront l’affirmation : La sagesse de la chair est ennemie de Dieu, sans penser que la chair ait vraiment une âme ou une sagesse propre, mais par une signification impropre, comme lorsque nous disons couramment que la terre a soif ou qu’elle veut boire de l’eau – le mot vouloir, nous ne l’employons pas au sens propre mais au sens large, comme lorsque nous disons de même qu’une maison veut être restaurée et d’autres expressions semblables – ; c’est donc ainsi qu’il faut entendre la sagesse de la chair et l’expression : La chair convoite contre l’esprit. Ils y ajoutent d’ordinaire cette expression : La voix du sang de ion frère crie vers moi de la terre. Ce qui crie vers Dieu, ce n’est pas à proprement parler le sang répandu, mais on dit au sens large que le sang crie, car il est demandé à Dieu de tirer vengeance de celui qui a répandu le sang. La phrase de l’Apôtre : Je vois une autre loi dans mes membres, ils l’entendent ainsi : celui qui veut vaquer à la parole de Dieu est distrait, dissipé et gêné par les besoins et l’usage du corps, présents en lui comme une sorte de loi : il ne peut s’adonner à la sagesse de Dieu et contempler les mystères divins. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Troisième section