Climacus: affranchissement

74. Que dans toutes vos actions et dans tous vos exercices, votre règle soit de bien examiner, si vos démarches et vos opérations corporelles, ainsi que celles qui, tout purement spirituelles, sont conformes à la loi de Dieu; et cette règle regarde aussi bien ceux qui sont soumis au joug de l’obéissance, que ceux qui ne reconnaissent point de supérieur. Ainsi par exemple, si dès le commencement de notre carrière religieuse nous nous livrons a quelque exercice, qu’il soit peu ou qu’il soit beaucoup important, et qu’après nous y être appliqués, nous n’en soyons pas devenus plus humbles, il est bien à craindre que cet exercice n’ait pas été fait de manière à pouvoir être agréable à Dieu et conforme à sa sainte Volonté. En effet, étant si novices dans les voies de la vie religieuse, c’est assurément l’humilité qui peut nous faire connaître si nos actions sont selon Dieu; comme dans ceux qui sont fort avancés dans la perfection, ce sont le repos de l’âme et l’affranchissement des passions, qui leur donnent cette connaissance; et dans ceux qui sont enfin parvenus à cette perfection, c’est une surabondance de lumière céleste. VINGT-SIXIÈME DEGRÉ

39. Les qualités, les occupations et les raisonnements des personnes qui, pour des raisons suffisantes, ont embrassé la vie solitaire, consistent dans le calme parfait de l’âme qui s’est mise à l’abri de toutes les tempêtes excitées par les vents des passions, dans des pensées saintes et pures, dans une intime union avec Dieu, dans un souvenir constant des supplices éternels, dans la pensée de la mort qui menace de près, dans un amour insatiable de la prière, dans la vigilance constante sur les sens, dans la ruine entière des affections déshonnêtes, dans l’affranchissement des appétits charnels, dans la mort à l’esprit et aux maximes du monde, dans l’indifférence pour le manger, dans la méditation des vérités surnaturelles dans les lumières d’un discernement sage et prudent dans le don des larmes d’une pénitence sincère, dans le retranchement absolu des discours vains et inutiles, et dans tout ce qui n’est pas agréable aux personnes qui ont coutume de vivre sans ordre et sans règle. VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ

41. Mais, puisque nous en sommes venus là, il me semble qu’il convient de dire quelque chose des personnes qui vivent sous l’obéissance et la direction d’un supérieur, d’autant plus que c’est à elles que nous adressons ce petit ouvrage. Nous dirons donc quelles sont les marques qui distinguent ceux qui réellement, sincèrement et avec une grande pureté d’intention, ont embrassé cette sainte et honorée vertu d’obéissance. Or ce sont nos pères, ces hommes si vertueux et si remplis de l’esprit de Dieu, qui nous les ont enseignées; et quoique les qualités des heureux enfants de l’obéissance ne doivent recevoir leur perfection qu’au temps que le Seigneur a fixé, ils ne laisseront pas chaque jour de les augmenter et de les faire croître en eux. Elles consistent donc, ces marques et ces qualités de la véritable obéissance, dans une augmentation continuelle d’humilité, dans une diminution progressive de la colère, dans l’extinction du fiel et de la bile, dans la dissipation sensible des ténèbres de l’esprit, dans l’accroissement de la charité, dans l’affranchissement des passions et des penchants vicieux, dans un renoncement généreux à toute haine et à toute aversion, dans la mortification de la chair conformément aux avis que l’on reçoit, dans la fuite de toute paresse et de toute négligence, dans une exacte diligence à remplir ses devoirs, dans une tendre, et efficace compassion pour ses frères, et dans la destruction parfaite de l’orgueil. Mais cette dernière qualité de l’obéissance, nous devons tous chercher avec les plus grands soins à nous la procurer; et cependant bien peu la possèdent : à une fontaine sans eau peut-on donner le nom de fontaine ? Il me comprendra facilement celui, qui sera doux d’intelligence. VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ

11. La pauvreté religieuse est un désaveu formel de tous les soins de la vie et un affranchissement de toutes les inquiétudes temporelles; c’est une voyageuse débarrassée de tout embarras, une observatrice scrupuleuse des préceptes du Seigneur; c’est une heureuse délivrance de toute sorte de chagrins et de peines. SEIZIÈME DEGRÉ