(Ceci, pour le dire en passant, expliquerait pourquoi le lien conjugal emporte partout avec lui-même un caractère respectable, excepté aux yeux de ceux qui sont dépravés, et pourquoi ce même lien, malgré notre dégradation, est la base de l’association politique, celle de toutes les lois morales, l’objet de tant de grands et de petits événements sur la terre, en même temps que le sujet de presque tous les ouvrages de littérature, soit de l’Épopée, soit des pièces de théâtre, soit des romans ; enfin, pourquoi le respect porté à ce lien, ainsi que les atteintes qui lui sont faites, deviennent, sous tous les rapports civils et religieux, une source d’harmonie ou de désordres, de bénédictions ou d’anathèmes, et semblent lier au mariage de l’homme le ciel, la terre et les enfers ; car il serait étonnant qu’il résultât de là de si grands effets, si cette unité conjugale n’avait pas eu primitivement, par son importance, le pouvoir de décider du bonheur ou du malheur du cercle des choses et de tout ce qui peut avoir des rapports avec l’homme. Aussi ce mariage, le péché l’a rendu sujet à des conséquences bien fâcheuses pour l’homme et la femme. Ces conséquences consistent à ce que tout étant dévoyé pour l’être spirituel de l’un et de l’autre, cela oblige leur esprit à sortir de lui-même, s’ils veulent parvenir mutuellement à cette unité sainte qui leur est destinée par leur alliance. Aussi il n’y a pas jusqu’aux entretiens, encouragements et exemples qu’ils ne se doivent respectivement pour se soutenir, et pour que par ce moyen-là la femme rentre dans l’homme dont elle est sortie, que l’homme étaye la femme de la force dont elle a été séparée, et pour que lui-même puisse retrouver cette portion d’amour qu’il a laissée sortir de lui. Oh ! si le genre humain savait ce que c’est que le mariage, il en aurait à la fois un désir extrême et une frayeur épouvantable ; car il est possible aux hommes de se rediviniser par là, ou de finir par se perdre tout à fait. En effet, si les époux priaient, ils se rétabliraient dans le jardin d’Eden ; et s’ils ne prient pas, je ne sais comment ils pourraient se supporter, tant est grande l’infection et la corruptibilité qui nous constituent tous aujourd’hui, soit au moral, soit au physique ; surtout si à leurs propres imperfections et fragilités morales et physiques, ils joignent les néants corrosifs et destructeurs de l’atmosphère du monde frivole qui attire continuellement tout en dehors, puisqu’il ne sait pas vivre en lui-même et de lui-même). PREMIÈRE PARTIE – De la Nature
Nous ne voyons pas non plus que dans nos guerres, les terrains où nous enfouissons des monceaux de cadavres, soient frappés de stérilité. Au contraire, ils se font remarquer par leur étonnante abondance. Ainsi, tandis que le sang humain, versé injustement, crie vengeance jusqu’au ciel, nous ne nous apercevons pas que les lois terrestres de la végétation du globe soient interverties ni suspendues par les suites des homicides, soit généraux, soit particuliers. PREMIÈRE PARTIE – De la Nature
Qu’on se rappelle la prévarication du premier homme, dont les suites ont été un changement absolu pour lui, et l’ont fait passer de la région de la lumière, à la demeure ténébreuse que nous habitons ; qu’on se rappelle les abominations de sa postérité jusqu’au déluge, et qu’on juge par l’immensité des coupables que ce déluge a engloutis, combien de crimes énormes ont été dérobés par là à notre connaissance ; qu’on se rappelle les abominations des Égyptiens et des peuples de la Palestine, qui ont attiré sur ces régions la colère de Dieu, au point de le forcer d’armer contre elles tous les éléments, toutes les puissances de la nature, et jusqu’au feu du ciel pour les exterminer. SECONDE PARTIE. De l’Homme.
Voyez quelle a été l’économie divine dans toutes ces époques. Lors du règne lévitique, ou des sacrifices sanglants, le prêtre n’étant encore que dans les régions naturelles, recevait sa subsistance du peuple, et la loi lui décernait des villes et des dîmes pour suppléer à son indigence spirituelle. Sous le règne prophétique, Dieu nourrit ses serviteurs par des voies particulières, quoique prises dans l’ordre des agents naturels, comme on le voit pour Elie et Daniel. Sous le règne de la loi de grâce, l’intention du fondateur est que les prêtres n’aient plus à s’embarrasser de rien ; et la nourriture doit leur être donnée du ciel comme à Saint Pierre, et comme le témoigne le tableau et la promesse des avantages attachés aux eaux vives. SECONDE PARTIE. De l’Homme.
Ce sont nos propres affections qui servent de substances à l’esprit, quel que soit celui qui nous dirige. L’esprit pur, quand il veut nous instruire, prend lui-même la couleur de ces affections pour nous communiquer sa pensée. Saint Pierre avait faim lorsque l’esprit lui annonça figurativement qu’il ne devait pas se refuser à commercer avec les Gentils. Aussi l’ange prit pour emblème une nappe remplie de toutes sortes d’animaux terrestres à quatre pieds, de bêtes sauvages, de reptiles et d’oiseaux du ciel. TROISIÈME PARTIE. De la Parole.
Lors donc que je vois notre éloquent écrivain vanter la grande adresse de Milton à s’être emparé de ce premier mystère des Écritures, où le Très-Haut s’étant laissé fléchir, accorde le salut du genre humain ; quand je le vois nous parler des grandes machines du christianisme, et nous dire que le Tasse a manqué de hardiesse, et n’a touché qu’en tremblant aux choses sacrées ; quand je le vois nous faire observer que les poètes chrétiens ont tous échoué dans la peinture du ciel ; que les uns ont péché par timidité, comme le Tasse et Milton ; les autres par fatigue, comme le Dante ; par philosophie, comme Voltaire ; ou par abondance, comme Klopstok, je ne puis pas m’empêcher à lui dire à mon tour : Est-ce que la vérité a besoin d’adresse ? Est-ce que la vérité peut échouer ? Est-ce que la vérité se trompe ? Est-ce que si c’était le christianisme qui eût animé tous ces poètes, vous auriez de pareils reproches à leur faire ? Car tous ces reproches je les leur fais comme vous ; mais aussi j’en conclus qu’ils n’ont eu aucune expérience positive de tous les sublimes objets qu’ils ont essayé de nous peindre ; j’en conclus que leur pensée leur a fourni sur ces objets au moins autant de choses fausses que de vraies ; j’en conclus que le christianisme ne les a pas dirigés, ou au moins qu’ils n’ont pas écouté ses leçons et qu’ils en ont même mal copié la lettre, parce qu’il ne connaît point de mélange ; parce qu’il n’annonce rien que d’après des faits réels, et une science expérimentale à l’abri de tout mensonge et de tous les fantômes de l’imagination humaine ; et parce que les machines qu’il posséda il ne les confie qu’à ceux qui croient réellement qu’elles existent, et qui sont jugés par lui en état de les évaluer et de les faire mouvoir. TROISIÈME PARTIE. De la Parole.
Quant à ce que les poètes chrétiens ont tous échoué dans la peinture du ciel, et qu’en général les tableaux du malheur sont pour nous bien plus faciles à peindre, je conviens que vous en donnez d’assez bonnes raisons ; mais S. Paul en donne une bien meilleure en nous parlant de ces choses ineffables qu’il a entendues dans le troisième ciel, et en se taisant sur leur compte, parce que les langues humaines ne pourraient les exprimer. TROISIÈME PARTIE. De la Parole.
C’est sans doute aussi ce besoin secret de la vérité qui a fait dire à Boileau au commencement de son Art Poétique : C’est en vain qu’au Parnasse un téméraire auteur, etc. S’il ne sent point du ciel l’influence secrète, Si son astre en naissant ne l’a formé poète. TROISIÈME PARTIE. De la Parole.
Mais l’auteur allemand dont j’ai parlé apprendra à ceux qui le liront, quel ciel il faut entendre dans les paroles de Boileau, en nous montrant le pouvoir universel du règne astral sous lequel l’espèce humaine est tombée depuis le péché, et qu’il nous faut traverser et soumettre si nous voulons vaincre : ce qui est d’autant plus difficile que l’ennemi s’est emparé de tous les postes et qu’il domine sur tous les royaumes de ce monde, comme il le dit lui-même au Réparateur dans l’Évangile. TROISIÈME PARTIE. De la Parole.
Or, Milton nous fait assez voir combien il a pu être souvent lui-même dans la dépendance de l’influence de ce ciel astral, puisqu’il ne pouvait travailler à ses poèmes que dans certaines saisons de l’année. Or, si ce poète qui, à côté de cette influence astrale, a peut-être aussi reçu directement quelques clartés supérieures, comme quelques endroits de ses écrits pourraient l’indiquer, si cet auteur, dis-je, a été souvent aussi la victime de cette influence astrale et inférieure, qui est toujours aveugle et quelquefois fausse et corrompue, que doit-on penser de ceux de ses collègues qui auraient été comme lui sous l’influence astrale, et qui n’auraient pas eu les mêmes compensations que lui ? TROISIÈME PARTIE. De la Parole.
Or, quel est le vrai spécifique pour opérer cette oeuvre merveilleuse, ou pour atténuer les mondes faux qui nous environnent, ou que nous nous formons nous-mêmes tous les jours, et pour ouvrir le monde divin qui ne tendrait qu’à prendre leur place ? Je ne craindrai point de le répéter, n’était-ce pas à vous, ministres des choses saintes, à nous faire connaître ce spécifique ? N’était-ce pas à vous à nous enseigner et à nous prouver qu’il consiste dans les vertus de la parole ? Oui, l’éternelle parole n’agit et n’élève sa voix que pour exterminer les mondes de ‘illusion, ou ces Titans qui escaladent journellement le ciel, et pour faire régner partout, le monde divin et réel dont elle est à la fois l’organe et le principe. TROISIÈME PARTIE. De la Parole.
D’ailleurs ceux qui enseignent hautement le retour final de cet être coupable, ne font pas attention à l’impossibilité où ils sont d’avoir dans ce monde une notion positive sur ces grands objets. En effet, quelque profondes et quelque merveilleuses que soient les connaissances qu’ils puissent acquérir sur la région divine et sur la région infernale, cependant, tant qu’ils sont dans leur enveloppe matérielle, ils ne peuvent atteindre, ni jusqu’au Dieu principe, ou à ce que nous appelons le ciel des cieux, ni jusqu’au chef pervers, ou à ce que nous appelons l’enfer démoniaque complet. Aussi n’avons-nous ici dans ces deux genres que des résultats de ces deux principes, parce que notre corps a à la fois pour objet de nous tenir dans la privation de Dieu, et de nous servir de rempart contre le démon. TROISIÈME PARTIE. De la Parole.
Il lance la foudre contre les géants qui veulent assaillir le ciel, et s’en rendre maîtres : Ô mon peuple, qu’est-ce que ton Dieu t’a fait, pour que tu te sois irrité contre lui ! Qu’est-ce que vos pères (Jérémie, 2: 5) ont trouvé d’iniquité en moi, pour qu’ils se soient éloignés de moi, qu’ils aient marché après des illusions, et qu’ils se soient rendus la vanité et le néant ! TROISIÈME PARTIE. De la Parole.
A mesure que nous nous élevons sur cette montagne, nous nous revêtons du manteau d’Élie, dont nous pouvons hériter dès notre vivant, et par l’organe duquel nous pouvons faire tomber le feu du ciel, diviser les eaux du fleuve, guérir les maladies, ressusciter les morts ; car il n’y a que ce manteau d’Élie, ou notre vêtement pur et primitif, qui puisse conserver la parole en nous, comme un manteau terrestre conserve notre chaleur corporelle. L’être animal ne peut point contenir en soi cette parole vive : il n’y a que notre corps virginal qui puisse la fixer. TROISIÈME PARTIE. De la Parole.
Je ne le suis pas des fureurs du doux Jean voulant faire descendre le feu du ciel sur un village samaritain où son maître n’avait pu être reçu, parce qu’il paraissait qu’il allait à Jérusalem. TROISIÈME PARTIE. De la Parole.
Homme, ta dégradation même ne te dispense pas de cette permanence de ta prière ; tes mains devaient autrefois être perpétuellement élevées vers le ciel. Le décret divin te condamne à les baisser laborieusement jusqu’à terre pour en faire sortir ta subsistance ; mais pendant que tu remplis cette pénible tâche, tu peux élever encore les mains de ton âme vers la source universelle de la lumière ; ce ne sont que les mains de ton corps qui sont condamnées au travail terrestre. Garde-toi surtout de les employer à l’injustice. L’homme du torrent, non seulement n’élève plus ses mains vers le ciel, non seulement il ne les abaisse plus jusqu’à terre pour subir le décret ; mais il dérobe, afin de se soustraire à ce décret souverain, et par ce crime social, il viole à la fois la loi céleste, la loi terrestre et la loi de famille, ou celle de la fraternité. TROISIÈME PARTIE. De la Parole.
Ô cupidité ! quels maux ne fais-tu pas au ciel, à l’homme et à la terre ! Au ciel, parce qu’elle t’ôte la confiance dans le suprême principe, le seul puissant, et de qui tu puisses attendre la richesse vivante, au lieu de ces trésors morts et sans vertu que tu dérobes et que tu entasses avec soin. A l’homme, parce qu’indépendamment de ce qu’elle lui ôte la confiance en son principe, elle lui ôte aussi l’industrie et l’activité, pour accomplir le grand décret, qui condamne au travail et à la sueur l’espèce humaine. A la terre, parce que tu lui retiens par là sa culture. TROISIÈME PARTIE. De la Parole.
Fais que les vertus vivifiantes des hommes de Dieu de toutes les époques ouvrent un sentier libre à la voix dominante et souveraine du chef divin et réparateur qui commande dans le ciel, sur la terre et dans les enfers ; car tu es un membre mort et bientôt mortifère, s’il cesse un seul instant de faire parvenir réellement ses ordres par sa parole dans tout ton être. TROISIÈME PARTIE. De la Parole.