Un examen approfondi de la question fera dire : suivant le terme de l’Écriture, il existe une sorte de genre, un sens divin, que le bienheureux seul trouve à présent, au dire de Salomon « Tu trouveras un sens divin » Et ce sens comporte des espèces, la vue, qui peut fixer les réalités supérieures aux corps, dont font partie les Chérubins et les Séraphins , l’ouïe, percevant des sons dont la réalité n’est pas dans l’air , le goût, pour savourer le pain vivant descendu du ciel et donnant la vie au monde ; de même encore l’odorat, qui sent ces parfums dont parle Paul qui se dit être « pour Dieu la bonne odeur du Christ » , le toucher, grâce auquel Jean affirme avoir touche de ses mains « le Logos de vie ». Ayant trouvé le sens divin, les bienheureux prophètes regardaient divinement, écoutaient divinement, goûtaient et sentaient de même façon, pour ainsi dire d’un sens qui n’est pas sensible , et ils touchaient le Logos par la foi, si bien qu’une émanation leur arrivait de lui pour les guérir. Ainsi voyaient-ils ce qu’ils écrivent avoir vu, entendaient-ils ce qu’ils disent avoir entendu, éprouvaient-ils des sensations de même ordre lorsqu’ils mangeaient, comme ils le notèrent, « le rouleau » d’un livre qui leur était donné. Ainsi encore Isaac « sentit l’odeur des vêtements » divins de son fils et put ajouter à sa bénédiction spirituelle : « Voici l’odeur de mon fils, pareille à l’odeur d’un champ fertile béni par le Seigneur. » De la même manière que dans ces exemples et de façon plus intelligible que sensible, Jésus « toucha » le lépreux pour le guérir doublement, à mon avis, en le délivrant non seulement, comme l’entend la foule, de la lèpre sensible par son toucher sensible, mais encore de l’autre lèpre par son toucher véritablement divin. C’est donc ainsi que « Jean rendit témoignage en disant : J’ai vu l’Esprit, tel une colombe, descendre du ciel et demeurer sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’avait dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint. Oui, j’ai vu et j’atteste que c’est Lui le Fils de Dieu. » De plus, c’est bien pour Jésus que le ciel s’est ouvert ; et à ce moment là, de nul autre que Jean il n’est écrit qu’il vit le ciel ouvert. Mais le Sauveur prédit à ses disciples que de cette ouverture du ciel ils seront plus tard les témoins, et dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l’homme. » Ainsi encore Paul fut ravi au troisième ciel, après l’avoir vu d’abord ouvert, puisqu’il était disciple de Jésus. Mais expliquer maintenant pourquoi Paul dit : ” Etait-ce en son corps ? Je ne sais ; était-ce hors de son corps ? Je ne sais. Dieu le sait “, est hors de propos. LIVRE I
J’ai cru bon de citer, entre bien d’autres, ces idées que les saints personnages ont eues sur Dieu, pour révéler à ceux qui ont des yeux capables de percevoir le sérieux des Écritures que les écrits sacrés des prophètes ont quelque chose de plus noble que les paroles de Platon admirées par Celse. Voici le passage de Platon cité par Celse : « Autour du Roi de l’univers gravitent toutes choses ; c’est pour lui qu’elles sont toutes, c’est lui qui est la cause de toute beauté. Autour du Second sont les choses de second rang; autour du Troisième, celles de troisième rang. Or, l’âme humaine aspire à connaître ce qu’elles sont, fixant le regard sur les choses qui lui sont apparentées, dont aucune n’est parfaite. Certes, quand il s’agit du Roi et des principes dont j’ai parlé, il n’y a rien de tel. » J’aurais pu citer des passages sur les « Séraphins » des Hébreux, décrits dans Isaïe, qui voilent « la face » et « les pieds » de Dieu, sur les « Chérubins » décrits par Ézéchiel, sur les formes qu’on leur donne, et sur la manière dont on dit que Dieu est porté par les Chérubins. Mais les expressions sont fort mystérieuses et, à cause des gens indignes et irréligieux, impuissants à suivre de près la sublimité et la majesté de la théologie, j’ai jugé qu’il ne convenait pas de débattre ces questions dans ce traité. LIVRE VI
Il proclame ensuite que le récit scripturaire sur l’origine des hommes est une belle naïveté, mais sans citer les textes ni les combattre ; c’est, je pense, qu’il n’avait pas d’arguments capables de réfuter l’affirmation que « l’homme a été créé à l’image de Dieu ». Il ne comprend pas davantage le jardin planté par Dieu, la vie que l’homme y mena d’abord et celle qui suivit par la force des circonstances quand il en fut banni par son péché et fut établi à l’opposé du jardin de délices. Pour affirmer que ce sont là de belles naïvetés, il faudrait d’abord examiner chaque point, en particulier cette parole : « Il plaça les Chérubins et la flamme tournoyante de l’épée pour garder le chemin de l’arbre de vie. » Peut-être, ajoute-t-il, Moïse a-t-il écrit cela sans rien comprendre mais pour composer un poème analogue à ceux qu’en badinant avaient écrits les auteurs de l’ancienne comédie : Proétos donna sa fille à Bellérophon, Pégase était d’Arcadie. Mais ces auteurs les ont composés dans le dessein de faire rire, tandis qu’il est incroyable que Celui qui a laissé pour un peuple entier les Écritures, en voulant persuader tous ceux à qui il donnait sa loi qu’elles venaient de Dieu, ait écrit des extravagances et qu’il n’ait donné aucun sens à l’affirmation : « Il plaça les Chérubins et la flamme tournoyante de l’épée pour garder le chemin de l’arbre de la vie », ni à toute autre de celles qui traitent de l’origine des hommes et furent interprétées philosophiquement par les sages du peuple hébreu. LIVRE VI