Ce qu’est la vision de Dieu

Vie de Moïse:

Plus l’esprit, dans sa marche en avant, parvient, par une application toujours plus grande et plus parfaite, à comprendre ce qu’est la connaissance des réalités et s’approche davantage de la contemplation, plus il voit que la nature divine est invisible. Ayant laissé toutes les apparences, non seulement ce que perçoivent les sens, mais ce que l’intelligence croit voir, il va toujours plus à l’intérieur jusqu’à ce qu’il pénètre, par l’activité de l’esprit, jusqu’à l’invisible et à l’inconnaissable, et que là il voie Dieu. En effet la vraie connaissance de celui qu’il cherche et sa vraie vision consiste à ne pas le voir, parce qu’il transcende toute connaissance, séparé de toute part par son incompréhensibilité comme par une ténèbre. C’est pourquoi Jean le mystique, qui a pénétré dans cette ténèbre lumineuse, dit que «personne n’a jamais vu Dieu» [Jn 1, 18], définissant par cette négation que la connaissance de l’essence divine est inaccessible non seulement aux hommes, mais à toute nature intellectuelle. Donc lorsque Moïse a progressé dans la connaissance, il déclare qu’il voit Dieu dans la ténèbre, c’est-à-dire qu’il connaît que la divinité est essentiellement ce qui transcende toute connaissance et qui échappe aux prises de l’esprit. Moïse, est-il dit, entra dans la ténèbre où Dieu se trouvait [cf. Ex 10, 21]. Quel Dieu? Celui qui a fait de l’obscurité sa retraite, comme dit David [cf. Ps 17, 10], lui aussi initié dans ce sanctuaire secret aux mystères cachés. Arrivé là, il reçoit du Verbe le même enseignement qui lui avait été déjà donné auparavant par la ténèbre, cela, je pense, afin d’affermir notre foi en cette doctrine par le témoignage de la parole divine. Ce que défend avant tout le Verbe divin, c’est en effet que les hommes assimilent Dieu à rien de ce qu’ils connaissent ; nous apprenons par là que tout concept formé par l’entendement pour essayer d’atteindre et de cerner la nature divine ne réussit qu’à façonner une idole de Dieu, non à le faire connaître. Mais la vertu chrétienne se divise en deux parties : l’une qui concerne Dieu, l’autre la rectitude morale. la pureté des mœurs est en effet une part de la religion. Or nous venons d’apprendre ce qu’il faut connaître de Dieu, connaissance qui consiste, nous l’avons vu, à ne nous former aucune idée de lui à partir du mode de connaissance humain. C’est maintenant l’autre aspect de la vertu qui nous est enseigné par l’exposé des œuvres que la vie vertueuse doit accomplir. Et ensuite on arrive au tabernacle qui n’est pas fait de main d’homme.