17. Ainsi, que celui qui entre dans la vie religieuse dans l’intention de pleurer et de gémir sur ses péchés imite les personnes qui sortent des villes pour aller s’asseoir et pleurer sur le tombeau de leurs proches. Qu’il ne laisse jamais tarir la source de ses larmes amères, ni affaiblir la ferveur de son repentir, et qu’il arrache sans cesse à son coeur déchiré de longs gémissements et de profonds soupirs, afin de mériter de voir Jésus Christ venir vers lui pour ôter de dessus son coeur la funeste pierre de l’endurcissement, et d’entendre ce divin Sauveur commander à ses anges de le délivrer des liens qui le retenaient sous l’esclavage de Satan; pour qu’affranchi des troubles et des reproches d’une conscience justement alarmée, il parvienne à cette paix précieuse de l’âme qui donne le vrai bonheur. Hélas ! s’il agit autrement, quels avantages retirera-t-il de son renoncement au monde ? L’Échelle Sainte: PREMIER DEGRÉ
19. Les enfants de Jacob eurent Moise pour les faire sortir de la terre d’Égypte; la famille de Loth eut un ange pour sortir de Sodome. Ceux qui sortirent de l’Égypte nous représentent les pécheurs qui, pour guérir leurs âmes, et les purifier de leurs péchés, ont besoin des soins et des lumières des médecins spirituels. Ceux qui s’enfuirent de Sodome, sont la figure des personnes qui désirent se voir délivrées des penchants de leur misérable corps; c’est pourquoi elles ont besoin d’un ange pour les secourir, ou du moins d’un homme qui, pour m’exprimer ainsi, ne soit pas inférieur à un ange; car d’après la grandeur et la corruption des plaies qu’elles ont réelles, il leur faut un chirurgien et un médecin doués l’un et l’autre d’une science et d’une expérience peu communes. L’Échelle Sainte: PREMIER DEGRÉ
22. Que tous ceux qui veulent entrer dans cette carrière qui est belle, mais incommode, qui est rude et étroite, mais adoucie et élargie par la grâce de Dieu, se précipitent avec courage au milieu des flammes des mortifications et des travaux spirituels, si du moins c’est l’amour de Dieu qui les enflamme et qui les anime. Mais que chacun s’éprouve soi-même auparavant, et qu’ensuite seulement il mange le pain salutaire de la vie religieuse avec les laitues amères, qu’il boive ce breuvage mêlé avec ses larmes; et qu’il prenne bien garde que ce ne soit pas pour sa condamnation qu’il s’engage dans cette milice sainte. Il est aisé de voir pour quelles raisons tout ceux qui sont baptisés, ne parviennent pas au salut; je ne le dirai donc pas. L’Échelle Sainte: PREMIER DEGRÉ
38. Courons avec une joie mêlée de crainte au combat remarquable auquel Dieu nous appelle. C’est aux démons que nous devons faire la guerre; ne les redoutons pas, car, quoique nous ne puissions pas les voir, ils nous connaissent et ils pénètrent dans le fond de notre âme; mais s’ils la voient troublée et craintive, ne nous croiront-ils pas vaincus ? ne se précipiteront-ils pas sur nous avec un acharnement terrible, afin de nous rendre leurs misérables esclaves ? Or, puisque nous connaissons leurs ruses, armons-nous donc contre eux avec courage; car on hésite d’en venir aux mains, quand on voit une armée qui ne compte que des soldats vaillants et courageux, et qui brûle de se mesurer avec l’ennemi. L’Échelle Sainte: PREMIER DEGRÉ
11. Celui donc qui hait l’esprit du monde, se délivre heureusement de tout ce qui peut lui causer des peines et des chagrins; mais celui qui se laisse conduire par cet esprit et qui conserve encore de l’affection pour les choses de la terre, n’est sûrement pas exempt de tristesse et d’ennui. EH! Comment pourrait-il sans peine se voir privé des choses qu’il aime ? L’Échelle Sainte: DEUXIÈME DEGRÉ
12. Ah ! si nous avons besoin en toute chose de beaucoup de prudence et de circonspection, c’est ici surtout que nous devons être sages et discrets; car il n’est pas rare de voir un grand nombre de personnes qui, tandis qu’agitées dans le monde par des soins et des inquiétudes, surchargées d’affaires et d’occupations, affaiblies par des veilles profanes, s’étaient préservées de la folie et de la contagion des plaisirs charnels, devenir les tristes victimes de la plus honteuse des passions, lorsqu’elles sont entrées dans le repos et dans la tranquillité de la vie religieuse, ou dans le silence de la solitude. L’Échelle Sainte: DEUXIÈME DEGRÉ
18. Les personnes qui, dans leur jeunesse, ont eu le malheur de se laisser aller à l’amour et à la jouissance des plaisirs sensuels, et qui néanmoins dans la suite forment le dessein et prennent la résolution d’entrer dans une communauté religieuse, doivent s’exercer avec le plus grand soin dans les règles austères de la sobriété et de la tempérance, se donner entièrement aux exercices sacrés de la prière, refuser sévèrement à leurs corps tout plaisir et tout ce qui pourrait leur procurer des jouissances et de la joie, et s’abstenir de toute sorte de dérèglements et de sensualités, dans la crainte que leur dernier état ne devint plus mauvais que le premier (cf. Mt 12,45). Car la religion est un port où l’on trouve le salut; mais on peut aussi y trouver le naufrage, et ceux qui voyagent sur cette mer spirituelle, peuvent attester cette vérité. Ah ! Que c’est un déchirant spectacle de voir des gens qui, après avoir traversé la mer orageuse du monde, viennent misérablement faire naufrage et périr dans le port. Voilà donc le second degré; si vous y montez, que votre fuite vous fasse imiter Loth, et non sa femme. L’Échelle Sainte: DEUXIÈME DEGRÉ
19. En cela, comme en toute chose, c’est le Seigneur que nous écoutons, et dont nous suivons les traces; car nous savons qu’il a Lui-même plusieurs fois abandonné ses parents selon la chair. En effet quelqu’un l’ayant un jour averti que sa mère et ses frères Le cherchaient, ce divin Maître, pour nous faire voir qu’il est des occasions où nous devons fuir saintement nos parents, lui fit cette admirable réponse : “Ma mère et mes frères sont ceux qui accomplissent la Volonté de mon Père qui est dans les cieux (Mt 12,49). L’Échelle Sainte: TROISIÈME DEGRÉ
35. Ce serait en vain que je voudrais cacher combien j’ai l’esprit peu subtil et pénétrant, et combien mes connaissances sont bornées et mon ignorance profonde. Comme le palais de la bouche juge du genre et de la nature des mets, que les oreilles délicates des auditeurs jugent de la beauté des pensées de l’orateur, et que l’éclat du soleil fait connaître la faiblesse des yeux, de même mes paroles font bien voir mon peu de capacité; mais souvent l’amour nous porte à entreprendre des choses réellement au dessus de nos forces. Je pense donc, sans oser l’assurer, qu’après avoir parlé, ou plutôt en parlant de la fuite du monde, il convient de dire quelque chose des songes, afin que nous sachions que les démons s’en servent comme d’un piège pour perdre les âmes. L’Échelle Sainte: TROISIÈME DEGRÉ
43. Voici la marque à laquelle vous pourrez reconnaître la fraude et les artifices des démons, d’avec les soins que nos anges prennent de nous. Ces derniers ne nous font jamais voir dans les songes, dont ils sont les auteurs, que les supplices éternels, le jugement dernier, la séparation effrayante des méchants d’avec les gens de bien, et nous inspirent à notre réveil une crainte et une tristesse salutaires. L’Échelle Sainte: TROISIÈME DEGRÉ
6. Ainsi, lorsque nous avons enfin pris la résolution de porter le joug de Jésus Christ, et de confier à un père spirituel le soin et la conduite de notre âme, nous devons, s’il nous reste tant soit peu de jugement et de sagesse, bien voir et bien peser quelles sont les lumières et la prudence de celui à qui nous allons confier une affaire d’une aussi haute importance; et, si j’ose m’exprimer ainsi, il nous faut tout employer pour connaître le directeur que nous choisissons, afin que nous n’ayons pas le malheur de tomber entre les mains d’un mauvais matelot, au lien d’un pilote expérimenté; d’un homme ignorant et malade lui-même, au lieu d’un médecin sage et prudent; d’une personne remplie de vices, au lieu d’une personne d’une vertu consommée, et d’un esclave de ses passions, au lieu de quelqu’un qui en serait parfaitement délivré : et qu’ainsi, en voulant éviter Scylla, nous ne tombions dans Charybde, et que nous ne fassions un déplorable naufrage. Au reste, une fois que nous serons entrés dans la carrière de la piété et de l’obéissance, nous devons absolument nous interdire tout jugement sur le vertueux directeur que nous aurons choisi, et ne censurer en aucune façon sa conduite, ni ses actions, quand même nous remarquerions en lui certaines imperfections et certaines chutes : hélas, nul homme sur la terre n’en est exempt ! En agissant autrement, nous ne retirerions aucun fruit de notre obéissance. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
9. Nos anciens nous ont appris que nous trouvons des armes spirituelles dans le chant des psaumes, que les exercices de la prière sont les remparts pour nous défendre, que les larmes de la pénitence sont un bain où notre âme se purifie de ses souillures, et que, sans l’obéissance, qui est la confession du Seigneur, personne, s’il est chargé de péchés, ne pourra voir Dieu. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
17. Parmi ces respectables moines, j’ai vu des choses qui peuvent également nous être utiles et nous frapper d’admiration : par exemple, je remarquai une société de frères, formée par l’esprit de Dieu, et fortifiée par la plus parfaite charité. Ils avaient en partage, ce qu’il y a de plus excellent, soit dans l’action, soit dans la contemplation; ils se livraient avec tant d’ardeur aux exercices de la vie religieuse, qu’ils n’avaient presque plus besoin des avis ni des conseils de leur supérieur : tant ils s’excitaient les uns les autres à une ferveur, à une diligence presque divines. Ils avaient concerté, réglé et déterminé certaines pratiques de piété, toutes particulières; ainsi par exemple, si pendant l’absence de l’abbé, il arrivait à quelqu’un d’eux de parler d’un autre d’une manière peu convenable, ou de le condamner par un jugement inconsidéré, ou de dire quelques paroles inutiles, aussitôt un frère, par un signe secret, l’avertissait de sa faute, et le faisait rentrer dans le devoir; et si ce moine paraissait ne pas comprendre, ou ne pas voir ce signe, alors celui qui l’avertissait, devait se prosterner et se retirer. Dans les moments de récréation, la pensée de la mort et du jugement était le sujet ordinaire et habituel de leurs conversations. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
24. Parmi ces hommes respectables et dignes d’une éternelle mémoire, j’ai encore remarqué certains vieillards dont la tête était blanchie par les années, et qui ressemblaient plutôt à des anges qu’à des hommes. Or, ces vieillards, conduits et dirigés par l’esprit de Dieu, sanctifiés par les efforts continuels de leur bonne volonté, étaient arrivés au plus haut degré d’innocence, de simplicité et de sagesse; car, alors que les fourbes présentent deux faces : une qui paraît et qu’on peut voir, et une autre qui est cachée et invisible, l’homme ami de la simplicité ne présente, lui, qu’une seule et même face, et se manifeste tel qu’il est. Ces vieillards étaient encore bien loin d’annoncer l’affaiblissement de la raison et de montrer la moindre chose qui portât le caractère de cette puérile légèreté qui fait que, dans le siècle, les vieillards se font si souvent mépriser. Aussi ne voyait-on en eux qu’une douceur charmante, une bonté ravissante et une gaieté pleine de gravité; on ne remarquait rien dans leur conduite ni dans leurs conversations, qui soit dissimulé, étudié, faux, ou peu sincère; chose qu’il est bien rare de trouver parmi les hommes. Leur sainte âme n’avait qu’une seule ambition, c’était de se reposer en Dieu et d’obéir à leur supérieur; c’est pourquoi, tandis qu’à l’égard de leur abbé, ils étaient comme de petits enfants sans malice et sans fraude, ils étaient pleins de vigueur et de courage contre les démons et les vices, et les poursuivaient les uns et les autres avec une espèce de fureur. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
28. Un jour que j’étais à table auprès du supérieur, il se pencha tout doucement vers moi et me dit à l’oreille : “Voulez- vous que dans un vieillard d’une extrême vieillesse je vous fasse voir une raison et une sagesse toute célestes ?” Comme je lui fis signe que je le désirais et le lui demandais, il appela un bon père nommé Laurent; il était placé à une autre table. Ce respectable moine avait déjà passé quarante-huit ans dans le monastère; c’était le second prêtre en dignité dans l’église de la communauté. Il se rendit aussitôt auprès de son supérieur, se mit à genoux, selon la coutume de la maison, pour recevoir sa bénédiction; puis il se leva pour prendre ses ordres, mais l’abbé ne lui dit rien, et le laissa debout devant la table, sans lui rien donner à manger. Or tout cela se faisait au commencement du repas. Enfin il demeura près d’une heure au moins, immobile et sans mouvement; ce qui me causait une telle confusion, que je n’osais regarder ce bon père tout blanc de vieillesse : car il avait quatre-vingts ans. Il resta donc en cet état jusqu’à la fin du repas, sans que l’abbé lui dit un seul mot. Quand le repas fut fini, son supérieur lui commanda d’aller trouver Isidore, ce grand pénitent dont nous avons parlé, et de lui réciter ce paroles du psalmiste : “J’ai attendu longtemps le Seigneur, et je ne me suis point lassé de l’attendre.” (Ps 39). L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
45. Ce lieu était à peu près à un mille du monastère; on l’appelait communément la Prison. Toutes les consolations humaines en étaient bannies : on n’y voyait jamais du feu; l’huile et le vin n’entraient point dans la nourriture qu’on y prenait; la nourriture des pénitents était du pain et quelques légumes insipides. L’abbé envoyait dans cette triste maison tous les moines qui, après leur profession religieuse, étaient tombés dans quelque faute considérable, et ils y étaient tellement renfermés, qu’il ne leur était pas libre d’aller ailleurs ni de vivre ensemble, mais seul à seul, et le plus souvent deux à deux. Ils y demeuraient jusqu’à ce qu’il eût plu au Seigneur de faire connaître à l’abbé que leurs péchés étaient pardonnés, et qu’ils étaient réconciliés avec Dieu. Le supérieur général leur avait donné, pour supérieur particulier, un excellent homme appelé Isaïe, lequel exigeait d’eux une prière presque continuelle, et ne leur donnait presque point de relâche. Cependant, pour les empêcher de tomber dans l’abattement et l’ennui, il leur faisait distribuer une certaine quantité de feuilles de palmier, avec lesquelles ils faisaient de petites corbeilles. Telle était la vie, l’état et la discipline de ces pénitents, qui cherchaient avec ardeur à voir la face du Dieu de Jacob. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
53. Quiconque, dans une discussion quelle qu’elle soit, soutient avec opiniâtreté une opinion même vraie et un sentiment fondé, fait voir qu’il est malade de la maladie du démon, qui est l’orgueil. Si c’est vis-à-vis de ses égaux qu’il en agit de la sorte, il pourra peut-être encore en guérir par la correction qu’il recevra de ses supérieurs; mais si c’est vis-à-vis de ses supérieurs, nous croyons, humainement parlant, que sa maladie est incurable. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
54. Comment en effet observera-t-il les règles et les devoirs de l’obéissance dans ses actions, celui qui les viole avec tant d’insolence dans ses paroles ? et ne sera-t-il pas, dans toutes les autres choses plus nécessaires et plus importantes, tel qu’on le trouve dans celles qui sont moins grandes et moins nécessaires ? Aussi devons-nous voir qu’il travaille en vain, et qu’il ne recueillera, de sa prétendue obéissance, qu’un jugement terrible et une sentence de mort. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
63. Le démon ne cesse de tenter de mille manières différentes ceux qui font profession d’obéissance : tantôt il cherche à troubler et à salir leur imagination par des pensées et des images impures, afin de faire révolter la chair contre l’esprit; tantôt il remplit leurs coeurs de peines, de chagrins et de tristesse; ici il les pousse à l’emportement et à la mauvaise humeur, et cherche toutes les voies capables de paralyser leur volonté et de rendre leur vertu stérile et vaine; là il les porte à l’intempérance dans les repas, à la négligence dans la prière, à la mollesse dans le sommeil; enfin il enveloppe leur intelligence dans des nuages et des ténèbres épaisses, afin qu’en les fatiguant de la sorte, il leur mette dans l’idée et leur fasse croire que c’est inutile pour eux de pratiquer l’obéissance, qu’ils ne tirent aucun avantage spirituel des efforts et des sacrifices qu’ils font, qu’au lieu d’avancer dans la perfection, ils marchent en arrière. C’est ainsi que peu à peu il les décourage et les dégoûte des saintes occupations commandées par l’obéissance, et leur fait misérablement abandonner le champ de bataille; souvent même il ne leur laisse pas le temps de voir et de reconnaître que Dieu, pour fournir à ses serviteurs une occasion favorable de pratiquer d’une manière plus parfaite l’humilité et il obéissance, permet que le trésor de leurs vertus leur soit soustrait; mais ici c’est un effet de la Bonté de Dieu, il nous le rendra, ce trésor, plus riche et plus précieux. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
84. Consultez donc votre conscience pour voir les taches de votre âme, comme vous consultez un miroir pour connaître celles de votre visage. Si vous en agissez de la sorte, cela vous suffira. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
88. Il m’est arrivé un jour de voir un moine interrompre son supérieur. Or je vous déclare que je désespérai de le voir jamais sous le joug de la véritable obéissance, parce qu’il se servait des paroles de son père spirituel, non pour s’humilier, mais pour s’élever. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
108. Dieu, par une faveur singulière, accorde à ceux qui sont vraiment enfants de l’obéissance de voir et de contempler les vertus de leur supérieur, et leur cache adroitement ses mauvaises qualités et ses mauvaises actions. Le démon, qui est l’ennemi déclaré de la vertu, fait tout le contraire. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
120. Je me rendrais également coupable de malice et de cruauté, si je passais sous silence des choses qu’il n’est pas permis de taire. Or c’est Jean Sabaïte, qui ne m’est pas peu cher, lequel m’a raconté ces choses merveilleuses; et vous savez par votre propre expérience, mon respectable père, combien ce grand homme est exempt de passions et d’exaltation; vous savez aussi combien il abhorre la vaine gloire dans ses paroles. Voici donc ce qu’il m’a dit : “Il y avait dans un monastère de l’Asie où je demeurais alors, un vieillard très négligent et d’une conduite très mauvaise; je vous le dis, non pour juger des intentions secrètes de cet homme, mais pour l’honneur de la vérité. Or il arriva, je ne sais comment, que ce vieillard eut pour disciple Acace, jeune homme d’une admirable simplicité et d’une prudence étonnante. Ce jeune moine souffrit de la part de son maître tant et de si mauvais traitements, que bien des personnes refuseront de les croire; car il ne se contentait pas de le couvrir et de l’accabler d’injures, d’outrages et d’humiliations, mais il le déchirait et lui sillonnait le corps de blessures et de plaies par les coups redoublés qu’il déchargeait sur lui tous les jours. Acace souffrait toutes ces indignités et ces cruautés avec une patience et une sagesse vraiment étonnantes. Or comme chaque jour je voyais que ce saint jeune homme était plus cruellement traité qu’un vil esclave, je lui adressais quelques paroles de consolation, lorsque je le rencontrais : EH bien, mon cher Acace, lui disais-je, comment vous trouvez-vous aujourd’hui ? Qu’y a-t-il de nouveau pour vous ? Et pour toute réponse, ce bon moine me montrait des yeux tout ternes et sans vivacité, un cou tout meurtri et une tête remplie de plaies et de contusions; et comme je savais combien sa patience était grande et généreuse, je me contentais de lui dire pour l’encourager : Courage, mon cher frère, tout va bien; oui, tout va bien : souffrez toujours avec douceur et résignation, et vous recueillerez bientôt les fruits abondants de la patience. Or après avoir ainsi passé neuf ans sous la férule de cet impitoyable vieillard, son âme sainte s’envola vers le ciel. Cinq jours après la mort d’Acace, son maître alla voir un ancien solitaire, homme très recommandable par ses vertus, et, après l’avoir salué, lui raconta la mort de son saint et fervent disciple. Mais ce bon vieillard lui répondit qu’en vérité il ne pouvait le croire. Alors le maître d’Acace ajouta : “Venez donc avec moi, et vous verrez si je vous trompe. Le solitaire se leva, et vint avec ce père sur la tombe de ce grand et vaillant athlète de Jésus Christ. Quand il y fut arrivé, comme si Acace eût été encore en vie, et en effet il n’était pas mort, puisqu’il n’était que dans le sommeil des justes, il lui adressa ces paroles : Frère Acace, est-ce bien vrai que vous êtes mort ? Alors ce noble enfant de l’obéissance donna, même après sa mort, un illustre exemple de soumission; car il obéit à celui qui l’interrogeait, et lui répondit : Comment pourrait-il arriver, mon Père, qu’un disciple sincère de l’obéissance puisse mourir ? Ces mots frappèrent le maître de ce jeune moine d’une terreur si forte, que, fondant en larmes, il tomba le visage contre terre, et s’empressa de demander au supérieur de la Laure de lui permettre de fixer sa demeure auprès du tombeau de son disciple. Il obtint cette permission, et passa dans ce lieu le reste de sa vie, en pratiquant une modestie, une patience et une soumission parfaites. Il ne cessait pas de répéter aux pères de cette communauté : Hélas, mes pères, j’ai commis un homicide. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
16. Ah ! Au milieu de ces hommes, pouvait-on y voir le moindre signe de joie ? Y entendait-on la moindre parole inutile ? Y était-on témoin de quelque impatience et de quelque colère ? Ils avaient même oublié que les hommes fussent capables de se livrer aux emportements, tant leur grande affliction avait éteint dans leur coeur tout mouvement déréglé. Voyait-on parmi eux la plus légère apparence de querelle, le moindre relâche, la plus petite licence dans les conversations, le soin le plus ordinaire pour leur corps, le vestige le moins apparent de vaine gloire, la plus faible inclination pour les aises et les commodités de la vie ? Pensaient-ils au vin, aux fruits, aux mets assaisonnés et aux viandes préparées ? La nourriture qu’ils prenaient, avait-elle pour eux quelque saveur ? Mais ils avaient perdu tout sentiment pour toutes ces choses. S’occupaient-ils quelquefois des affaires du monde ? Avaient-ils du penchant à faire des jugements téméraires, ou fondés, sur quelqu’un de leurs frères ? Jamais. L’Échelle Sainte: CINQUIÈME DEGRÉ
25. C’était ainsi que ces généreux pénitents rappelaient à leur mémoire les sentiments qu’ils éprouvaient dans le temps qu’ils marchaient dans les voies de la vertu et de la perfection; et, semblables à de petit enfants qui ont perdu ce qu’ils chérissaient éperdument, ils étaient inondés de larmes, et faisaient entendre des cris capables de fendre le coeur. “Où est, s’écriaient-ils, cette admirable pureté qui ornait nos prières ? Que sont devenues cette tendresse et cette confiance que nous avions en Dieu, en Lui présentant nos voeux ? Où sont à présent, ces larmes si douces que nous répandions avec tant d’abondance ? Hélas, elles se sont changées en des larmes bien amères. Qu’est devenue cette belle espérance que nous avions de voir nos corps dans une chasteté parfaite, nos consciences dans une pureté céleste, et nos coeurs dans une tranquillité inaltérable ? Où trouver cette confiance si rassurante que nous avions en notre directeur ? Que sont devenues la vertu et l’efficacité de ses prières pour nous ? Ah, tous ces riches avantages sont comme si nous n’en avions jamais joui, et qu’ils n’eussent jamais existé; car ils sont dispersés, perdus, détruits et anéantis.” L’Échelle Sainte: CINQUIÈME DEGRÉ
20. Je ne peux pas non plus ne pas vous raconter ce qui est arrivé à un solitaire, du nom d’Hésychius, de la montagne de l’Horeb. Ce pauvre solitaire eut le malheur de passer les trois premières années de sa retraite dans l’oubli entier de son salut, et de négliger tous les exercices de la vie religieuse. Enfin Dieu le frappa d’une maladie si grave, que pendant une heure entière, on crut qu’il était mort. Mais revenu à lui-même, il nous conjura tous avec instance de nous retirer, et de le laisser seul. Nous lui obéîmes, et aussitôt il ferma sur lui la porte de sa cellule, et y demeura tellement reclus, que pendant l’espace de douze ans qu’il vécut encore, il n’échangea jamais aucune parole avec personne, et ne se nourrit que d’un peu de pain et d’eau qu’on lui apportait; il était toujours assis à la même place et n’en changea jamais; il repassait si fortement dans son esprit les choses terribles qu’il avait vues dans la vision qu’il avait eue, que son corps fut toujours dans la même position et la même attitude, et que toujours frappé de la même terreur et hors de lui-même, il gardait le silence le plus parfait, et pleurait à chaudes larmes. Enfin comme, nous connûmes qu’il touchait à sa dernière fin, nous enfonçâmes la porte de sa cellule, pour entrer et lui demander plusieurs choses que nous désirions savoir. Mais ce fut en vain : nous ne pûmes avoir de lui que cette seule parole : Pardonnez-moi, mes frères; je ne peux rien vous dire, sinon qu’il est impossible qu’il ose pécher celui qui aura la pensée de la mort fortement gravée dans l’esprit. Cette réponse nous frappa d’étonnement, et nous ne pouvions pas assez admirer comment un homme dont nous avions dans le temps tous connu la paresse et la négligence, eût été si promptement changé et transformé en un autre homme, et qu’il eût acquis une si grande perfection et une sainteté si prodigieuse. Il mourut, et nous l’ensevelîmes dans le cimetière qui était auprès du monastère. Le lendemain nous allâmes visiter son tombeau, pour voir le saint corps de ce solitaire; mais il n’y était plus. C’est sans doute pour donner aux hommes une excellente leçon, que Dieu permit cette merveille : il voulut faire comprendre à ceux qui, après avoir abandonné la vertu et négligé leur salut, se convertissent avec sincérité et embrassent une nouvelle vie, combien la pénitence de ce solitaire lui avait été précieuse et agréable, et par conséquent, combien il agréerait le repentir et la pénitence de tous les pécheurs. L’Échelle Sainte: SIXIÈME DEGRÉ
26. Dans nos pleurs et dans notre pénitence, comme dans toute autre chose, Dieu, qui est un juge plein de clémence et d’équité, aura égard à notre faiblesse. Il m’est arrivé plus d’une fois de voir des personnes qui, ne versant que très peu de larmes, les répandaient avec une si grande douleur, qu’on les aurait prises pour des gouttes de sang, et d’en voir d’autres qui pleuraient abondamment et sans effort. Or j’estime plus la violence de la douleur que l’abondance des larmes; et je crois que Dieu même n’en juge pas autrement. L’Échelle Sainte: SEPTIÈME DEGRÉ
38. Gardons-nous d’être surpris et étonnés, si quelquefois des larmes produites par une douleur sincère du péché et par une autre cause bonne et non suspecte deviennent cependant mauvaises et condamnables; mais ce qui doit nous frapper d’étonnement, c’est de voir que des larmes qui, dès le commencement, n’ont eu qu’un mauvais principe et une source empoisonnée, aient pu devenir saintes et surnaturelles. Les personnes portées à la vaine gloire, ne manqueront pas de comprendre ce que nous voulons dire. L’Échelle Sainte: SEPTIÈME DEGRÉ
49. N’oublions pas ici que Dieu n’a pas besoin de nos larmes, et qu’Il n’aime pas à voir que les inquiétudes et la tristesse dévorent et consument nos coeurs; mais qu’Il désire qu’embrasés du feu sacré de son Amour, nous goûtions et savourions les délices d’une joie toute pure et toute spirituelle. L’Échelle Sainte: SEPTIÈME DEGRÉ
53. En observant attentivement les divers artifices du démon, nous verrons que très souvent il nous fait tomber dans une illusion bien funeste et bien propre à nous faire de la peine, et qu’il nous joue d’une manière bien fâcheuse. En effet est-il rare que, lorsque nous nous rassasions bien, et que nous contentons notre sensualité, il nous attendrisse lui-même, et nous fasse répandre des larmes en abondance; et que, lorsque nous avons fidèlement observé le jeûne et les règles de la tempérance, il nous endurcisse et fasse tarir la source de nos pleurs ? Or qui pourrait ne pas voir que, par les fausses larmes qu’il arrache à nos yeux, il veut que nous nous abandonnions à l’intempérance et à la sensualité, deux sources fécondes de vices ? Mais, au lieu de nous laisser prendre à ses pièges, ayons soin de faire le contraire de ce qu’il nous suggère. L’Échelle Sainte: SEPTIÈME DEGRÉ
60. Mais, si une âme profondément pénitente et sincèrement affligée de ses péchés reçoit de Dieu des consolations ineffables, une âme pure et sainte reçoit de Lui des lumières extraordinaires. Or cette illumination divine est une impression douce et forte, qu’on ne peut ni exprimer, ni comprendre, ni voir : c’est la foi seule qui la fait comprendre, voir et sentir. Quant aux consolations d’une âme pénitente, c’est un certain rafraîchissement doux et agréable qui rend en quelque sorte cette âme semblable à un enfant qui pleure et rie presqu’en même temps. Ce rafraîchissement, par un effet admirable, renouvelle cette âme affligée, et fait que ses larmes, d’amères qu’elles étaient, deviennent douces et agréables. L’Échelle Sainte: SEPTIÈME DEGRÉ
73. Les larmes que la crainte de Dieu nous fait répandre, produisent en nous la crainte de les voir tarir et la vigilance nécessaire pour les conserver. Ceux qui ne pleurent leurs péchés que par un mouvement d’une charité peu enflammée et qui n’a pas la perfection requise, les auront bientôt vues disparaître. Il ne faut pas en dire autant de ceux qui pleurent leurs fautes, parce que leur coeur est embrasé dans le temps d’un feu digne d’une éternelle mémoire; et disons ici, pleins d’admiration, que dans notre pénitence c’est ce qu’il y a de plus humble et de plus abject, qui nous donne réellement et plus d’assurance et plus de certitude qu’elle plaît à Dieu. L’Échelle Sainte: SEPTIÈME DEGRÉ
14. Une pierre qui est aiguë, à force de se heurter contre d’autres pierres, perd ses pointes et s’arrondit; de même une personne d’un tempérament bilieux et colère, si elle vit avec des gens de la même complexion, éprouvera nécessairement un de ces deux effets : ou elle corrigera par la patience son humeur emportée et violente; ou bien, vaincue par les injures qu’elle reçoit, elle se retirera de leur société, et fera voir par cette retraite combien elle a peu de force et de courage. L’Échelle Sainte: HUITIÈME DEGRÉ
24. Comme un jour j’étais allé voir des anachorètes pour des affaires particulières, je m’arrêtai quelque temps en dehors de leurs cellules, et je les entendis faire grand bruit, et se quereller ensemble comme des perdrix dans leur cage : tant était grande la fureur qui les animait. Enfin elle était telle que, quoique celui qui les avait si fort irrités, fût absent, ils agissaient comme s’il eut été présent, et semblaient lui sauter au visage. Je leur conseillai de quitter leurs cellules et de se retirer tout simplement dans un monastère; car vraiment je craignais que d’hommes qu’ils étaient, ils ne devinssent d’abominables démons. Dans d’autres communautés j’en ai vu d’une espèce toute différente : c’étaient des gens mous et efféminés, sujets à l’intempérance et à la sensualité, trop affectionnés et trop flatteurs vis-à-vis de leurs frères, et prenant les soins les plus minutieux pour la propreté et la beauté de leurs corps. Or à ceux-ci, je leur conseillai de se retirer dans le désert, parce que la solitude est l’ennemi irréconciliable de la luxure et de la sensualité; car je redoutais que d’hommes raisonnables qu’ils étaient, ils ne devinssent semblable aux bêtes privées de raison. L’Échelle Sainte: HUITIÈME DEGRÉ
Lorsqu’il m’arrivait de trouver des gens qui se plaignaient amèrement de se voir tentés et de colère et de mollesse, je les pressais fortement de ne se conduire jamais eux-mêmes, mais de vivre sous le joug de l’obéissance. C’est pourquoi il m’arrivait souvent de prier charitablement leur supérieur de leur permettre de vivre tantôt dans la solitude, tantôt dans l’intérieur du monastère, de manière néanmoins que, dans l’un ou l’autre de ces deux états, ils fussent toujours sous la dépendance et l’autorité de leur supérieur. L’Échelle Sainte: HUITIÈME DEGRÉ
13. Tous ceux qui critiquent si facilement et avec tant d’amertume la vie et les défauts des autres, sont ordinairement des gens qui ne se rappellent pas leurs propres imperfections, qui ont perdu de vue le souvenir de leurs péchés, et qui ne prennent aucun soin pour se corriger. En effet les personnes qui, sans amour-propre, considèrent les fautes qui souillent leur conscience, pourront-elles ne pas voir qu’aucun espace de temps, dussent-elles encore vivre cent ans, ne serait suffisant pour pleurer, comme il faut, les péchés qu’elles ont commis, et que ce serait même inutilement qu’elles répandraient autant de larmes qu’il y a de gouttes d’eau dans le Jourdain ? L’Échelle Sainte: DIXIÈME DEGRÉ
1. Nous venons de faire voir en peu de mots combien il est dangereux et funeste pour ceux mêmes qui vivent dans la religion, de juger les autres, puisqu’ils s’exposent eux-mêmes à être jugés sévèrement et punis rigoureusement. Il nous reste à présent à rechercher quelle est la cause de ce défaut, et quelle est la porte par laquelle il entre misérablement dans une âme, on plutôt par quelle porte on doit l’en faire sortir. L’Échelle Sainte: ONZIÈME DEGRÉ
2. Or nous disons sans balancer que la démangeaison de parler est comme un trône sur lequel la vaine gloire s’assied pour se faire voir avec pompe et ostentation, et se donner en spectacle. Cette intempérance de paroles est une preuve non équivoque d’une grande ignorance; elle est vraiment la porte de la médisance, la maîtresse des amusements folâtres, l’instrument du mensonge, la dissipatrice de la componction, l’inventrice et l’ouvrière de la paresse et de l’insouciance, l’avant-coureur du sommeil, l’ennemie de la méditation, la ruine de la vigilance; c’est elle qui glace et gèle la dévotion et la ferveur du coeur, qui fait languir et éteint la piété et l’ardeur dans les saints exercices de la prière. L’Échelle Sainte: ONZIÈME DEGRÉ
9. Un ami, ou même un étranger arrive-t-il chez un esclave de son ventre, vous le voyez, conduit par sa passion, se réjouir de cette circonstance, parce que, sous prétexte de remplir à son égard les devoirs de la charité, il trouve une occasion favorable pour se livrer à l’intempérance et se contenter, faire passer sa sensualité pour un soulagement et une consolation qu’il doit procurer à son frère. C’est ainsi qu’on s’imagine qu’avec des hôtes on peut se livrer un peu plus à la boisson; mais combien on se fait illusion en se comportant de la sorte ! Hélas ! on a beau vouloir cacher la passion, elle perce et fait voir qu’on en est misérablement esclave. L’Échelle Sainte: QUATORZIÈME DEGRÉ
13. Évagre, agité par l’esprit des ténèbres, s’était imaginé, à cause de son éloquence et de la perspicacité de son esprit, qu’il était plus sage que les sages; mais combien il s’est horriblement trompé, puisque dans ce que je vais rapporter, comme dans plusieurs autres choses, il a fait voir à tout le monde qu’il était plus fou que les fous. Voici donc une de ces maximes : “Lorsque notre âme soupire après les délices que procure la variété des mets, il faut la punir sévèrement en nous condamnant impitoyablement au pain et à l’eau.” Or, parler de la sorte, n’est-ce pas vouloir exiger que d’un seul saut, un petit enfant monte tous les échelons d’une échelle ? Je pense donc que pour rendre cette maxime saine et praticable, il faut dire : “Notre âme désire plusieurs mets pour contenter ses appétits ; ce désir étant conforme aux inclinations de la nature, nous devons user de beaucoup de prudence et d’industrie pour combattre la plus rusée et la plus artificieuse des passions; car en agissant autrement nous nous engagerions imprudemment dans une guerre très dangereuse, et nous nous exposerions au péril d’une perte éminente. Privons-nous d’abord des mets capables de nous donner trop d’embonpoint, ensuite de ceux qui peuvent enflammer les humeurs, enfin de ceux qui sont doux et agréables. L’Échelle Sainte: QUATORZIÈME DEGRÉ
31. Si notre chair est une mort, nous pouvons donc dire qu’il ne mourra pas celui qui l’aura vaincue. Mais où prendre un homme qui, en se préservant entièrement des souillures de la chair, mérite de vivre et de ne jamais voir les horreurs de la mort ? L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
37. J’ai quelquefois observé que, par un heureux contrecoup, l’orgueil a produit la vertu d’humilité. Lorsque j’ai vu cette merveille étonnante, je me suis rappelé ces paroles : “Qui peut pénétrer dans les Desseins et dans les Pensées du Seigneur ?” (Rom 11,34) Car nous pouvons voir que la gourmandise et l’enflure du coeur, le faste et l’orgueil, enfantent des fautes honteuses, et que ces fautes auxquelles on s’est volontairement livré, sont souvent des occasions d’humilité. L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
40. Lorsqu’on est enclin à quelque vice particulier, c’est contre ce vide qu’il faut diriger ses efforts d’une manière spéciale; c’est ce vice qu’il faut attaquer et vaincre avant tous les autres; mais c’est surtout lorsque nous voyons qu’il règne en nous et que nous le portons avec nous, que nous devons le combattre avec force et constance; car agir autrement, c’est ne vouloir pas faire la guerre aux autres défauts, c’est vouloir les nourrir et les conserver. Rappelons que ce ne sera qu’en exterminant ce cruel Égyptien, que nous mériterons de voir Dieu avec Moïse dans un nouveau buisson ardent, je veux dire l’humilité. L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
65. Évitons donc de tout notre possible, non seulement de voir et de considérer ce fruit de mort, mais d’en entendre parler, puisque dans notre profession religieuse nous avons fait solennellement la promesse de n’en jamais goûter. Ne devrions-nous pas être saisis d’une sainte indignation, si nous en trouvions parmi nous qui fussent assez insensés pour se croire aussi forts et fermes que David ? la chose est-elle possible ? L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
72. En effet je n’aperçois rien de surprenant, si des esprits exempts de toute matière, comme les anges bons ou mauvais, combattent d’autres esprits immatériels comme eux; mais ce qui me surprend et m’étonne, c’est de voir des hommes pétris d’une chair de terre et de boue, faible et chancelante, infidèle et corrompue, mais, que dis-je ? d’une chair ennemie, en venir aux prises avec les démons qui sont des esprits délivrés du poids et de l’embarras d’un corps, les vaincre et les mettre en fuite. L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
75. Ceux d’entre les Pères qui ont le plus de lumières et de discernement, remarquent encore une autre espèce de pensée beaucoup plus subtile. Ils l’appellent une insinuation doucereuse et subreptice. Or cette pensée pénètre dans l’âme d’une manière si douce, si insinuante et si soudaine, que l’âme n’a, pour ainsi dire, ni le temps, ni les moyens de s’en apercevoir. On ne peut rien voir de plus précipité dans les mouvements les plus agiles des corps, rien de plus prompt et de plus subtil dans les agitations des esprits, c’est une action presque imperceptible dont à peine l’âme conserve le souvenir, qui existe sans durée de temps, qui ne laisse faire aucune réflexion, et que quelquefois même on éprouve sans qu’on s’en aperçoive. Si quelqu’un a été assez heureux pour obtenir de Dieu de pénétrer et de comprendre cette espèce de mystère, il pourra nous dire comment il arrive que, par un simple coup d’oeil, par un regard, par un innocent attouchement de mains et par quelques paroles qu’on chante, sans même qu’on y laisse arrêter ni l’imagination ni la pensée, l’âme s’en trouve comme emportée, et que la passion impure s’empare d’elle et la corrompe tout de suite. L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
79. C’est surtout le malheur qui arrive communément à ceux qui obéissent à l’esprit de l’orgueil, en effet, tandis qu’ils ne cessent de s’applaudir de se voir délivrés des mauvaises pensées, ils tombent dans les pièges que leur a tendus la vanité; et pour nous convaincre de cette triste vérité, voyons et examinons attentivement, mais avec simplicité de coeur, pour quelles raisons ces personnes se trouvent exemptes des pensées déshonnêtes. N’est-ce pas sûrement parce que le démon, plein de ruse et de malice, s’est caché dans les plis les plus secrets de leur coeur, et que là il leur suggère que c’est par leurs soins, leur prudence et leurs travaux, qu’elles ont pratiqué la chasteté et acquis cette belle et parfaite pureté qu’elles possèdent ? Les malheureux ! ils ont oublié cette parole : “Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu ?” (1 Cor 4,7) L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
Cette méchante et tyrannique maîtresse m’a donc parlé ainsi : “Lorsque ceux qui ont fait alliance avec moi, ont des cadavres sous les yeux, ils ne laissent pas de rire; dans la prière ils sont durs comme des rochers, et leur esprit est enveloppé des ténèbres épaisses qui les empêchent absolument de rien voir. Quand ils se présentent à la table eucharistique, ils y sont sans aucun sentiment de piété, reçoivent et mangent le pain divin comme un pain commun et ordinaire. Si je vois des personnes touchées de componction, je me moque d’elles. J’ai appris de mon père l’art de faire périr toutes les bonnes oeuvres produites par le courage et les efforts d’un coeur généreux et bon. Je suis la mère de la légèreté et des ris, la nourrice du sommeil, l’amie des sociétés et de la compagnie, la compagne fidèle de la fausse piété; et en cette dernière qualité, je méprise les reproches qu’on me fait.” L’Échelle Sainte: DIX-SEPTIÈME DEGRÉ
27. Il m’est arrivé de voir ce cruel démon de la vanité vexer et tourmenter extraordinairement un malheureux qui en était esclave; voici comment : Un pauvre religieux avait une dispute avec d’autres religieux; un étranger survint et voulut charitablement rétablir la paix et l’union fraternelle. Mais ce misérable religieux passa tout d’un coup des chaînes de la colère dans celles de la vaine gloire, ne pouvant pas en même temps servir deux maîtres; je veux dire, la colère et la vanité. 28. Celui donc qui est esclave de ce mauvais démon, et qui vit dans un monastère, mène deux sortes de vie; car il lui faut extérieurement suivre les exercices de la communauté, et son esprit et ses pensées, son coeur et ses affections sont entièrement selon les maximes du siècle. L’Échelle Sainte: VINGT-UNIÈME DEGRÉ
15. Il est donc pour ceux qui sont sujets à l’orgueil, d’une extrême importance d’avoir un sage et prudent directeur, de choisir le genre de vie le plus commun et le plus méprisable, de lire assidûment et de méditer souvent les beaux exemples des saints, et d’avoir sans cesse sous les yeux les actions qu’ils ont faites, quand même elles sembleraient être au dessus des forces de la nature humaine; c’est du moins, en se servant de ces différents moyens, que les malheureux esclaves de l’orgueil pourront avoir quelque espérance de se voir délivrés de ce vice. L’Échelle Sainte: VINGT-DEUXIÈME DEGRÉ
Mais la sainte humilité et l’aveu sincère des péchés se moqueront et du cheval et du chevalier, et chanteront délicieusement un cantique d’actions de grâces, en disant avec Moïse : “Chantons un hymne à la louange du Seigneur; car Il a fait voir la magnificence et l’éclat de sa Gloire, en précipitant dans la mer le cheval et celui qui le montait.” (Ex 15,1) L’Échelle Sainte: VINGT-DEUXIÈME DEGRÉ
29. S’il est vrai que la science enfle le cœur de la plupart des hommes, il est également vrai qu’une heureuse ignorance et l’inexpérience servent sauvent à les rendre doux, timides et humbles. Saint Paul, surnommé le Simple, peut nous servir d’exemple, nous donner une idée exacte et un modèle parfait de la sainte et bienheureuse simplicité ; car vit-on jamais, a-t-on jamais entendu dire qu’on ait vu, et même qu’on ait pu voir un homme devenir en si peu de temps aussi parfait dans la simplicité du cœur ? L’Échelle Sainte: VINGT-QUATRIÈME DEGRÉ
4. L’humilité est une vigne toute sainte et toute spirituelle; mais elle se présente sous des formes différentes, selon les circonstances et les saisons. Ainsi elle ne paraît pas pendant l’hiver, c’est-à-dire dans le temps que les passions agitent et tourmentent le coeur, comme dans le printemps, c’est-à-dire lorsque l’âme est embaumée du parfum des vertus; ni pendant cette dernière saison, comme en été, c’est-à-dire quand les vertus sont parvenues à une heureuse et parfaite maturité. Mais ces différents points de vue sous lesquels nous pouvons considérer que l’humilité, tendent tous à nous faire voir et comprendre que, dans cette admirable vertu, tout est propre à procurer à notre âme la joie et l’abondance des autres vertus, et qu’ils sont tous des signes, des symboles, des marques et des preuves des fruits précieux et salutaires qu’elle produit en nous. En effet, lorsque les raisins de cette vigne spirituelle commencent à fleurir dans notre coeur, nous commençons nous-mêmes, non pas sans quelque peine à détester les louanges et la gloire qui nous viennent des créatures, à chasser et à rejeter loin de nous tout mouvement de colère et d’emportement; mais quand cette reine des vertus a pris de fortes et profondes racines dans notre âme, qu’elle y a grandi, qu’elle s’y est fortifiée, et qu’elle y a fait les progrès convenables, non seulement nous n’avons plus que du mépris pour nos bonnes oeuvres; mais elles nous paraissent encore si viles et si méprisables, que nous en avons horreur : nous sommes persuadés que par la dissipation des dons de Dieu, nous augmentons tous les jours en nous le poids et le nombre de nos prévarications, et que cette surabondance de grâces, dont nous nous sentons si indignes, ne nous servira peut-être, à cause du mauvais usage que nous en faisons, qu’à nous faire condamner à des châtiments plus sévères. C’est pour cela que notre âme demeure invulnérable sous les coups mêmes de nos ennemis, et que, retirée, dans, le retranchement inexpugnable de sa faiblesse, elle est tranquille et en paix, entend, sans se troubler, les cris furieux et menaçants des voleurs, regarde leurs efforts et leurs tentations comme des jeux impuissants, et connaît qu’ils ne peuvent ni la blesser ni l’atteindre; car cet humble sentiment de nous-mêmes est une trésorerie dans laquelle sont renfermées toutes les vertus, et qui est défendue par des citadelles imprenables. L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
35. Savons-nous pourquoi certaines personnes ont conservé jusqu’à leur dernière heure le souvenir de leurs fautes, lesquelles cependant leur avaient été pardonnées ? c’était afin de nourrir et d’augmenter en elles l’esprit d’humilité, et de détruire de plus en plus l’orgueil et la vaine gloire. Nous en voyons d’autres méditer continuellement sur la Passion du Christ, afin de se reconnaître toujours pour être les infortunés débiteurs de la Justice de Dieu; d’autres, ne pas perdre de vue les fautes journalières dans lesquelles elles tombent, afin de s’humilier sans cesse, et de se regarder comme les plus méprisables des hommes; d’autres encore, se servir des tentations qui leur arrivent, des chutes et des péchés qu’ils font, afin de se procurer l’humilité, cette admirable mère des vertus; d’autres enfin, considérer et croire que s’ils existent encore, ce ne doit être que pour s’humilier davantage devant Dieu, et cette pensée ne les abandonne jamais : ils se répètent continuellement qu’ayant reçu du Seigneur des dons plus abondants, ils doivent se juger indignes d’une si grande libéralité, et ne voir dans les nouvelles faveurs dont Dieu les favorise, que de nouvelles dettes ajoutées aux premières. Or, c’est dans une conduite pareille que consiste le vrai bonheur, et où se trouve la véritable récompense des efforts et des violences qu’on se fait. L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
36. Si donc il vous arrive de voir, ou d’entendre dire que des personnes sont parvenues en peu de temps à la paix souveraine de l’âme, sachez bien qu’elles ne sont arrivées à cette perfection qu’en suivant cette conduite, qui est la voie la plus sûre, la plus heureuse et la plus courte. L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
42. Soyez donc dans la volonté sincère de déplaire aux hommes plutôt qu’à Dieu; car il prend plaisir de nous voir rechercher avec empressement les mépris et les humiliations, afin de tourmenter, de persécuter et d’exterminer en nous la vraie estime que nous avons de nous-mêmes, et la vaine gloire que nous recevons des applaudissements des hommes. L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
14. Ceux qui sont des hommes consommés dans les sciences, connaissent très bien les choses convenables d’abord à ceux qui commencent leurs études; celles qui conviennent à ceux qui ont fait quelques progrès; enfin celles qui sont propres à ceux qui sont devenus capables de donner des leçons aux autres. Prenons bien garde qu’après avoir longtemps étudié, on ne nous trouve toujours qu’aux premiers éléments de la science spirituelle et religieuse. N’est-il pas honteux pour un vieillard de ne se voir qu’aux écoles de l’enfance. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
16. J’ai même vu quelquefois que le démon de l’incontinence augmentait les douleurs de certains malades, au point de leur donner des mouvements par lesquels leur conscience pouvait être troublée. Or je ne pouvais me rendre raison comment, au milieu d’aussi grandes souffrances, la chair fût encore capable de se révolter contre l’esprit; mais comme je retournai ensuite pour les visiter, je les trouvai sur leur lit de douleur tellement soulagés par les secours spirituels que Dieu leur avait accordés et par les sentiments de componction qu’il leur avait inspirés, que la consolation qu’ils avaient ainsi reçue, leur ôtait le sentiment de leurs souffrances, et leur faisait désirer de ne jamais en être délivrés. Enfin je retournai encore les voir, et je les trouvai toujours malades; mais je remarquai que leurs douleurs et leurs souffrances avaient été des remèdes salutaires et efficaces pour les guérir de leurs maladies spirituelles. J’adorai Dieu et le remerciai de la grâce qu’il faisait aux hommes en se servant de leur corps de boue pour les purifier et les sanctifier. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
17. Il y a dans le fond de notre âme un sentiment tout spirituel, lequel nous porte sans cesse à le chercher dans nous, quand même il ne s’y trouve pas et lorsque nous avons le bonheur de le trouver, nous ne tardons pas de voir les ténèbres produites par les passions déréglées se dissiper et disparaître de notre esprit. C’est ce qui a fait dire à un homme sage cette parole remarquable : Vous trouverez en vous un sentiment tout divin. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
66. Gardez-vous bien d’estimer et de vouloir imiter certaines personnes qui doivent totalement vous être étrangères, je veux dire ces gens curieux qui veulent témérairement pénétrer les secrets de la divine Providence, approfondir les illuminations que Dieu répand dans quelques âmes privilégiées, et prononcer dans eux-mêmes que Dieu fait acception des personnes. Toutes ces sortes de personnes font bien voir que réellement elles sont les tristes enfants et les malheureuses esclaves de l’orgueil. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
73. Il est une chose fort extraordinaire et très surprenante, et qui néanmoins ne doit étonner personne, c’est d’entendre les gens tenir les discours les plus édifiants et de les voir tomber dans les fautes les plus effrayantes. L’orgueil dans le ciel a dénaturé et perdu les anges. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
86. Les personnes peu fermes et peu constantes dans la pratique de la vertu, ne doivent pas ignorer que c’est parce que Dieu prend un soin particulier de leur salut, qu’il permet qu’elles se trouvent exposées à des indispositions corporelles, à des dangers et à des accidents fâcheux et les gens parfaits dans le bien doivent voir dans calamités sensibles, une preuve bien consolante de la présence du saint Esprit, et une marque assurée de l’augmentation des dons célestes dans leur âme. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
119. La chose qui doit vous frapper d’un étonnement extraordinaire, c’est de voir Dieu, qui peut tout, nous aider de sa grâce, les anges et les saints nous secourir de leur protection dans la pratique de la vertu; et le démon, qui ne nous peut rien, être tout seul pour nous engager dans le vice, et cependant nous laisser entraîner plus facilement au mal qu’au bien. Mais ici je ne peux ni ne veux approfondir cela. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
150. Je vois dans la sainte Écriture que Dieu donne des louanges au saint patriarche Joseph, non pas d’avoir préservé son cœur de toute affection déréglée, mais avoir fui l’occasion de pécher. Or c’est à nous de voir dans quelles circonstances et combien de foi nous avons, nous-mêmes, mérité la récompense réservée à ceux qui fuient l’occasion du péché. Il est une grande différence entre éviter, jusqu’à l’ombre du péché, et courir après le Soleil de Justice. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
156. On pourrait ici examiner pourquoi notre âme, qui est un pur esprit, ne peut pas voir les esprits qui sont de la même nature qu’elle, ni connaître de quelle manière ils reçoivent les impressions des objets. Mais ne pourrait-on pas prononcer qu’elle ne voit pas les autres esprits, à cause de son union avec le corps qui lui sert de voile ? Au reste il connaît seul ce mystère, Celui qui a créé et l’âme et le corps, et qui les a unis ensemble. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
158. Un moine qui visite des étrangers ou qui les reçoit lui-même dans sa cellule, et qui, après s’être entretenu des heures entières et peut-être tout un jour avec eux, ressent de la tristesse lorsqu’il faut s’en séparer, au lieu d’éprouver un sentiment intérieur de joie, comme étant délivré d’une compagnie qui l’empêche de remplir ses devoirs, fait évidemment voir qu’il est le triste jouet du démon de la vanité ou du démon de l’incontinence. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
39. Comme les rayons du soleil, en pénétrant dans un appartement, l’éclairent et y font distinguer les plus petits objets; de même la crainte de Dieu dans un cœur, tout en l’éclairant, lui fait voir les taches que les péchés y ont faites. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
48. Comme un aveugle n’y voit pas marcher, ainsi le paresseux ne peut ni voir le bien, ni le faire. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
23. Ayez soin de vous tenir sur la partie la plus élevée de vous-même pour voir comment, quand, et d’où viennent les voleurs qui désirent ravager la vigne spirituelle de votre âme, et pour connaître combien ils sont nombreux. L’Échelle Sainte: VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ
8. Avez-vous jamais comparu devant un juge de la terre ? rappelez-vous de quelle manière vous en avez agi pour gagner votre procès, et conduisez-vous de même en vous présentant devant Dieu. Si au contraire vous n’avez point paru en présence d’un juge mortel ou que vous n’ayez pas eu occasion de voir les autres à son tribunal, que les malades à qui l’on va faire une opération par le fer et par le feu, vous apprennent à prier Dieu. Voyez avec quelle ardeur, et quelles paroles ils conjurent leur médecin de prendre soin d’eux et de ne pas trop les faire souffrir. L’Échelle Sainte: VINGT-HUITIÈME DEGRÉ
18. Si vous avez jamais considéré Dieu, qui est le soleil de justice, vous pourrez vous entretenir avec Lui selon le respect qui Lui est dû; mais si vous n’avez pas encore eu le bonheur de Le voir et de Le connaître, comment vous sera-t-il donné de pouvoir traiter avec Lui ? L’Échelle Sainte: VINGT-HUITIÈME DEGRÉ
32. Ne dites pas que, quoique vous ayez fait de longues prières, vous n’avez cependant fait aucun progrès, ne devez-vous pas voir que cette constance, fut-elle toute seule, serait déjà pour vous un très grand avantage ? En effet peut-il y avoir pour vous rien de plus précieux que cette union que vous avez avec Dieu et que cette persévérance dans le saint exercice de la prière ? L’Échelle Sainte: VINGT-HUITIÈME DEGRÉ
51. Il est bien pénible pour une personne dévorée par les ardeurs d’une soif brûlante, de se voir enlever l’eau dont elle allait se désaltérer; mais il est bien plus cruel pour une âme qui prie avec de grands sentiments de componction, être obligée d’interrompre son union et sa conversation avec Dieu, lesquelles lui faisaient goûter tant de douceurs et de consolations et qu’elle avait désirées avec une si grande ardeur. 52. Ne mettez pas fin à votre prière, pendant que vous éprouverez en vous-même les ardeurs du feu que Dieu y a mis, et qu’il ne fera pas tarir Lui-même la source des larmes que sa grâce vous fait répandre; car peut-être dans toute votre vie vous ne rencontrerez pas une occasion aussi favorable pour vous faire mériter et pour obtenir le pardon de vos fautes. L’Échelle Sainte: VINGT-HUITIÈME DEGRÉ
67. Ayez donc toujours une ferme confiance en Dieu, et Il sera Lui-même le maître qui vous apprendra l’art salutaire de bien prier. Nous ne pouvons absolument pas nous donner la faculté de voir; c’est Dieu qui nous l’a donnée en nous créant, mais tous les hommes ensemble seront-ils capables de nous faire discerner et connaître quelle est l’excellence de l’oraison ? Ah ! c’est Dieu seul qui peut, dans l’exercice même de la prière, nous faire comprendre et son excellence et les avantages qu’elle nous procure; oui, c’est Dieu qui donne à l’homme toute la science dont il est doué, qui accorde à celui qui prie la grâce de bien prier, et qui répand les bénédictions de sa Tendresse sur les âmes justes et saintes. L’Échelle Sainte: VINGT-HUITIÈME DEGRÉ
13. Une personne qui en aime ardemment une autre, s’imagine voir toujours l’objet de son ardent amour, le couvre dans elle-même des baisers les plus tendres et les plus affectueux, et le sommeil même n’est pas capable de détourner son esprit ni son cœur de cet objet chéri : l’amour qu’elle a pour cette personne, la lui représente dans des songes. Or ce qui arrive ordinairement dans l’ordre naturel, arrive aussi dans les choses d’un ordre surnaturel. C’est ce qu’a merveilleusement bien exprimé une âme qui avait été blessée de la flèche de l’amour de Dieu : Je dors, disait-elle, parce que je suis obligée de céder aux besoins de mon corps; mais mon cœur veille toujours à cause de la grandeur de mon amour (Cant 5,2). L’Échelle Sainte: TRENTIÈME DEGRÉ
15. Il n’est pas toujours facile de reconnaître quelle est la cause et quel est le principe de la faim qu’on éprouve; mais on ne peut pas en dire autant de la soif : elle paraît ouvertement, et fait assez voir au dehors les ardeurs dont elle tourmente intérieurement la personne qui la souffre. C’est pourquoi un grand serviteur de Dieu a dit : Mon âme est toute brûlante de soif pour Dieu, qui est le Dieu fort et vivant (Ps 118) . L’Échelle Sainte: TRENTIÈME DEGRÉ
Ah ! aimable charité, daigne te rendre favorable à ma prière — apprends-moi, s’il te plaît, dans quel état je dois être pour pouvoir monter sur cette échelle et arriver jusqu’à toi ? quel est le moyen qu’il me faut employer pour cela, quel est le prix et quelle est la récompense que mérite la personne qui t’aime, et qui, pour monter cette échelle dont les échelons sont autant de vertus, les arrange et les dispose dans son cœur avec une grande activité ? Je désirerais encore savoir quel est le nombre de ces échelons, et combien de temps il faut pour parvenir au dernier. Jacob, qui lutta autrefois avec un ange et qui mérita de voir cette échelle, nous a bien dit quels sont ceux qui doivent nous conduire pour y monter; mais il n’a pas voulu, ou plutôt pour parler plus correctement, n’a pas pu nous apprendre quelque chose de plus sur ce mystère. L’Échelle Sainte: TRENTIÈME DEGRÉ
Après donc que j’eus parlé de la sorte, il me sembla que la charité se montra à moi du haut des cieux et fit entendre ces paroles à mon âme : Tant que tu ne seras pas délivré de la prison de ton corps, il ne te sera pas possible, malgré ton amour pour Dieu, de voir et de contempler les traits de ma beauté : contente-toi donc de savoir que cette échelle, au haut de laquelle tu me vois appuyée, te marque par ses échelons l’ordre et l’enchaînement des vertus, ainsi que vous l’a dit ce grand homme qui, dès son vivant même, fut initié dans les mystères de Dieu; car c’est lui qui t’apprend qu’à présent ces trois vertus, la foi, l’espérance et la charité demeurent et sont nécessaires; mais que la charité est la plus excellente des trois. (1 Co 13,13). L’Échelle Sainte: TRENTIÈME DEGRÉ