13. Prenons donc garde avec un soin tout particulier que, tout en croyant et en disant que nous marchons par la voie étroite et difficile, nous ne marchions en effet par la voie large et spacieuse. Or les marques par lesquelles nous connaîtrons que nous sommes dans le chemin qui conduit au ciel, sont la mortification dans le manger, les veilles, la privation même de l’eau pour boire, et du pain pour manger, l’amour des humiliations, la patience dans les injures, les railleries et les outrages, le renoncement à sa propre volonté, la douceur dans les reproches et les affronts, le silence de la bouche et du coeur dans les mépris qu’on fait de nous, la parfaite tranquillité au milieu des traitements les plus mauvais, le courage constant à supporter, avec bonté ceux qui nous font des choses injustes, qui nous noircissent par la médisance, qui nous couvrent d’ignominies, et nous condamnent injustement. Heureux ceux qui, étant entrés dans la vie religieuse, suivent cette voie ! Car “le royaume des cieux leur appartient.” (Mt 5,9-12). L’Échelle Sainte: DEUXIÈME DEGRÉ
51. Ce n’est sûrement pas une petite marque de confiance en son supérieur, que de lui découvrir toutes les tentations qu’on éprouve : on suit assurément la voie du salut; mais on s’en éloigne terriblement, quand on cache dans les ténèbres intérieures du coeur, ces serpents cruels et funestes. 52. Voulez-vous savoir si vous avez pour vos frères un amour solide et véritable, et une affection tendre et sincère, considérez si les péchés dont vous les voyez coupables, vous attristent et vous désolent, et si les grâces abondantes qu’ils reçoivent de Dieu, et les progrès qu’ils font dans la vertu, vous remplissent de joie et de plaisir. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
129. Quoique nous soyons bien loin de pouvoir pratiquer des vertus rares et sublimes, le démon, pour nous faire briser le joug de l’obéissance sous lequel nous avons le bonheur de vivre, ne laisse pas de nous en suggérer la pensée et de nous en inspirer le désir insensé. Pénétrez en effet dans l’intérieur des moines imparfaits et téméraires, et vous verrez qu’ils soupirent après la vie solitaire, qu’ils désirent avec ardeur les jeûnes les plus rigoureux, la prière la plus continuelle et la plus recueillie, l’humilité la plus profonde, la méditation de la mort la plus constante, la componction la plus vive, la victoire la plus complète sur leurs passions, le silence le plus absolu et une pureté d’ange. Mais comme, par une conduite secrète de la divine Providence, ils n’ont pu, dès le commencement de leur noviciat, pratiquer selon leur désir ces belles et excellentes vertus, on les a vus ensuite tout découragés, abandonner les pratiques les plus ordinaires, et se retirer du monastère. Le démon les a trompés, en leur faisant désirer à contretemps la pratique de ces vertus, afin qu’ils ne pussent pas par la persévérance, les acquérir dans le temps convenable. Mais ce ne sont pas seulement les moines cénobites qu’il cherche à tromper, il attaque aussi les anachorètes. C’est ainsi que pour décourager et faire tomber les solitaires, cet ennemi rusé et trompeur leur prêche et leur exalte le bonheur des moines qui vivent en communauté; il leur vante l’hospitalité qu’ils exercent, les services de charité qu’ils se rendent les uns aux autres, leur affection et leur union fraternelles, les soins affectueux et assidus qu’ils ont pour les malades, et mille autres avantages afin de les dégoûter du genre de vie qu’ils ont embrassé, et de les faire égarer dans une fausse voie. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
133. Si donc vous êtes dans la volonté sincère de vous dévouer tout entier à l’obéissance, ne perdez jamais de vue l’exemple que nous a donné Abbacyre; comme ce grand serviteur de Dieu, dites-vous souvent à vous-même : “Ton supérieur veut éprouver et connaître ta fidélité; c’est pour cette fin qu’il te met à cette épreuve.” Cette pensée vous empêchera de vous tromper, vous ne vous éloignerez pas de la voie que vous devez suivre; et si vous avez pour lui une confiance d’autant plus entière et un amour d’autant plus affectueux, qu’il vous reprend avec plus de rigueur et de sévérité, c’est une marque certaine et indubitable que l’Esprit saint a daigné vous visiter, et qu’il habite invisiblement dans votre coeur. Au reste remarquez bien que, si vous souffrez avec une patience courageuse et constante les reproches et les humiliations de votre supérieur, loin d’avoir sujet de vous en glorifier et de vous en réjouir, vous avez mille raisons d’en gémir et d’en pleurer; car c’est votre conduite qui vous a mérité ces réprimandes ou ces corrections humiliantes, et qui a été cause que votre père spirituel s’est mis de mauvaise humeur contre vous. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
51. J’ai vu deux religieux dans un monastère, qui allaient à Dieu dans le même temps et par la même voie. L’un était un vieillard exercé depuis de longues années dans les travaux de la pénitence; l’autre était un jeune novice dans les voies de la vie religieuse. Cependant ce dernier courait plus vite que le premier; aussi mérita-t-il la première place dans le tombeau de l’humilité. L’Échelle Sainte: CINQUIÈME DEGRÉ
8. C’est pourquoi, si vous vous trouvez dans la compagnie des médisants, gardez-vous de vous laisser dominer par le respect humain, et de craindre de leur imposer silence, en leur disant, par exemple : “Taisez-vous, je vous prie; car, hélas, je fais tous les jours des fautes plus considérables. Pour quelles raisons pourrai-je donc condamner mon frère ?” C’est ainsi que vous obtiendrez deux avantages bien précieux : vous vous préserverez vous-même du péché, et vous procurerez la guérison de votre prochain. Et remarquez ici que la voie la plus courte et la plus sûre pour parvenir à la rémission de nos péchés, consiste à ne jamais juger ni condamner nos frères. C’est ce que nous enseigne Jésus Christ par ces paroles : Ne jugez pas et vous ne serez pas jugé.” (Lc 6,37). L’Échelle Sainte: DIXIÈME DEGRÉ
4. Si par une forte ligature faite dans une violente hémorragie, vous arrêtez le sang sur un endroit, il trouvera une issue ailleurs; si encore là vous êtes assez heureux pour vous en rendre maître, il s’échappera par une autre voie. L’Échelle Sainte: QUATORZIÈME DEGRÉ
32. Si vous avez promis de vous attacher au Christ, et de suivre la voie rude et étroite dont il vous parle dans l’Évangile, réprimez victorieusement la passion de la gourmandise; car si vous traitez délicatement votre corps, et que vous lui accordiez tout ce qu’il vous demandera, vous violez la promesse que vous avez faite au divin Sauveur. Mais écoutez les paroles qu’il vous adresse : La voie, dit-il, qui mène à la perdition, est large et spacieuse, et il y en a beaucoup qui y entrent. (Mt 7,13-14). Or cette voie large, c’est l’intempérance; et cette perdition, c’est l’impureté. Celle, continue-t-Il, qui mène à la vie, est étroite et difficile, et il y en a peu qui la suivent. L’Échelle Sainte: QUATORZIÈME DEGRÉ
40. C’est donc pour nous faire marcher vers cette victoire, que nous ne devons rien cacher de ce qui est capable de nous humilier : la crainte même d’offenser la délicatesse de la conscience des autres ne peut pas être un motif suffisant pour nous détourner de cette voie. Au reste nous userons de ce moyen avec sagesse et prudence, et selon la nature et les circonstances des fautes que nous pouvons laisser connaître, ou que nous pouvons tenir cachées; de manière que, lorsque nous les ferons paraître, cette manifestation soit utile et à nous et à nos frères. L’Échelle Sainte: VINGT-UNIÈME DEGRÉ
31. Ayant autrefois découvert que ce séducteur était entré dans mon coeur par le moyen de la vaine gloire, qui s’y était nichée, je les liai tous les deux avec les chaînes de l’obéissance, et les frappai avec les verges de l’humilité, afin de leur faire avouer comment et par quelle voie ils étaient entrés dans mon âme. Ce qu’ils firent malgré leur résistance, et dans ces termes : ” Nous ne connaissons point de cause qui nous ait donné la naissance, mais nous sommes nous-mêmes la cause de tous les vices; c’est nous qui les produisons tous, et qui sommes à leur tête. Le brisement de coeur, né de l’obéissance, nous contrarie beaucoup, s’oppose fortement à nos projets, et nous n’avons pas coutume d’obéir à rien. C’est pour cette raison que nous nous révoltâmes jadis contre Dieu même; car nous voulions régner dans les cieux. L’Échelle Sainte: VINGT-DEUXIÈME DEGRÉ
36. Si donc il vous arrive de voir, ou d’entendre dire que des personnes sont parvenues en peu de temps à la paix souveraine de l’âme, sachez bien qu’elles ne sont arrivées à cette perfection qu’en suivant cette conduite, qui est la voie la plus sûre, la plus heureuse et la plus courte. L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
3. Personne, soit qu’il voie par lui-même, soit qu’il entende raconter aux autres que dans l’état religieux il arrive des choses extraordinaires et surnaturelles, ne peut, parce qu’il n’en connaît pas la nature, les révoquer en doute; car où habite Dieu, qui est au dessus de la nature, là il peut bien se trouver des choses au dessus de la nature et de ses lois ordinaires. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
95. Ainsi comme ce sont nos yeux qui éclairent tous les membres de notre corps, nous pouvons de même assurer que c’est la discrétion qui est la lumière de toutes les vertus que nous devons pratiquer. C’est pourquoi un cerf pressé par la soif ne cherche pas avec plus d’ardeur les eaux rafraîchissantes d’une fontaine, que les âmes vraiment religieuses ne cherchent à connaître et à comprendre quelle est la Volonté du Seigneur sur elles, et surtout à discerner, non seulement les choses qui lui seraient directement contraires ou directement conformes, mais encore celles qui lui seraient contraires sous un rapport et conformes sous un autre. Or nous aurions beaucoup à dire surtout cela; mais la matière n’est pas facile. En effet il nous faudrait examiner ce que nous avons à faire sans retard et avec promptitude, d’après ces paroles de l’Écriture : Ne différez pas d’un jour à un autre, ni d’un moment à un autre, (Si 5,7-8), et ce que nous ne devons faire qu’avec retenue, sagesse et réflexion, ainsi que nous en avertit Salomon : La guerre, nous dit-il, ne doit s’entreprendre qu’après qu’on a pris les précautions nécessaires et qu’on a tout disposé; (Pro 24,6) et saint Paul, en nous disant que tout doit être fait avec décence et selon l’ordre. (1 Cor 14,40). Mais il n’est pas donné à tous; non, il n’est pas donné à tous de discerner sur-le-champ et avec clarté les choses dont le discernement est très difficile; car David, qui était rempli de l’esprit de Dieu et qui, par son inspiration, nous a dit tant et de si belles choses, ne cessait dans ses ferventes prières de lui demander ce don précieux de discernement : Enseignez-moi, Seigneur, à faire votre sainte Volonté, car vous êtes mon Dieu; et ailleurs : Conduisez-moi, ô mon Dieu, dans la voie de votre Vérité, et instruisez-moi, parce que vous êtes mon Dieu et mon Sauveur; (Ps 142,10) et encore: Faites-moi connaître la voie par laquelle je dois marcher, parce que j’ai élevé mon âme vers vous. (Ps 142,8). L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
120. Si donc toutes les créatures sont disposées et arrangées conformément à leur nature, comment se fait-il, s’écrie ici notre grand saint Grégoire, que moi qui suis l’image de Dieu, sois mêlé avec de la boue et formé, en quelque sorte, de cette ignoble matière ? S’il est certain qu’un être qui ne se trouve pas dans l’état convenable à la nature, fait tous ses efforts pour y arriver, quels soins ne devons-nous pas prendre et quelles violences ne devons-nous pas nous faire pour nous élever jusqu’à Dieu, qui est notre centre, et mériter de nous asseoir sur le trône éternel que nous a préparé sa Tendresse. Que personne donc,ne s’excuse sur la difficulté de monter si haut ! car la voie qui nous y mène et la porte qui nous y introduit, sont ouvertes à tout le monde. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ