Cassiano: vertus

Cependant, frères très saints, les hommes sublimes de qui nous recûmes d’abord les principes de la vie anachorétique, vous enflamment l’un et l’autre d’un irrésistible enthousiasme. Honorat souhaiterait de faire profiter de leurs leçons le monastère immense qu’il gouverne, et pour lequel le spectacle de votre sainte vie est déjà un enseignement quotidien. Eucher a formé le dessein plus ambitieux de les aller voir de ses yeux, afin de s’édifier encore au spectacle de leurs vertus. Il rêve de pénétrer jusqu’au fond de l’Égypte. Laissant notre province, qui lui semble roidie dans sa torpeur sous le ciel froid des Gaules, il voudrait s’envoler, très chaste tourterelle, vers ces terres fameuses que le soleil de justice regarde de si près, et où les vertus à profusion donnent leurs fruits mûrs. Les Conférences: PRÉFACE 1

Vous le méritiez. L’un de vous, Théodore, a établi dans nos provinces gauloises la discipline cénobitique, si sainte et si belle, avec toute la rigueur des antiques vertus; les autres ont su, par leurs leçons, faire naître dans les âmes, non seulement un vif amour de la profession cénobitique, mais encore la soif des grandeurs sublimes de la solitude. Les Conférences: PRÉFACE 2

Il y a trois choses, dit alors le bienheureux Cheremon, qui retiennent l’homme de s’abandonner au vice : la crainte de l’enfer ou des lois terrestres, l’espérance et le désir du royaume des cieux, l’affection du bien pour lui-même et l’amour des vertus. Nous lisons, en effet, que la crainte exècre la souillure du mal : «La crainte du Seigneur hait le mal.» (Pro 8,13). L’espérance aussi ferme l’entrée du coeur au vice, quel qu’il soit : «Ceux qui espèrent en Lui ne pécheront point.» (Ps 33,23). L’amour enfin n’a pas à redouter la ruine du péché, parce que «la charité ne passe point», (1 Cor 13,8) «elle couvre la multitude des péchés». (1 Pi 4,8). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 6

Aussi le bienheureux Apôtre a-t-il renfermé toute la somme du salut dans la perfection de ces trois vertus : «Maintenant, dit-il, ces trois choses demeurent, la foi, l’espérance et l’amour.» (1 Cor 13,13). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 6

De vrai, c’est la foi qui fait éviter la souillure du vice par crainte du jugement futur et des éternels supplices; c’est l’espérance qui rappelle notre esprit des choses présentes et, dans l’attente des célestes récompenses, méprise tous les plaisirs du corps; c’est la charité qui, nous enflammant d’une sainte ardeur à l’amour du Christ et à cueillir le fruit des vertus spirituelles, nous inspire une aversion suprême pour tout ce qui leur est contraire. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 6

Mais, pour une que soit la fin où tendent ces trois vertus, puisque toutes elles nous appellent à nous abstenir des choses illicites, elles diffèrent beaucoup d’une de l’autre quant à leur degré d’excellence. Les deux premières sont proprement humaines; elles se voient en ceux qui cherchent le progrès, mais n’ont pas encore conçu une affection véritable pour les vertus. La troisième est particulière à Dieu et à quiconque a reçu en soi l’image et la ressemblance divine. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 6

Efforçons-nous donc avec une ardeur entière de monter de la crainte à l’espérance, de l’espérance à la charité de Dieu et à l’amour des vertus. Allons nous établir dans l’affection du bien pour lui-même, et demeurons-y attachés immuablement, autant qu’il est possible à l’humaine nature. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 7

Considérez, au contraire, celui qui s’est mis au-dessus des attaques du vice et jouit désormais de la sécurité de la paix, entièrement transformé en l’amour de la vertu. Il demeurera constant dans le bien auquel il appartient sans partage, parce qu’il n’existe pas, à ses yeux, de plus sensible dommage qu’une atteinte portée à la chasteté intime de son âme. La pureté qu’il a présente fait son plus cher et plus précieux trésor, comme le plus grave des châtiments serait de voir les vertus malheureusement blessées, ou d’éprouver la souillure empoisonnée du vice. La présence des hommes et la retenue qu’elle commande n’ajouteront rien à sa modestie, la solitude ne lui ôtera rien. Partout et toujours, il porte avec soi l’arbitre suprême de ses actes et de ses pensées mêmes, sa conscience; et toute son étude n’est que de plaire à ce juge, qu’il sait que l’on ne peut circonvenir, ni tromper, ni éviter. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 8

Telle est la crainte des parfaits dont fat rempli l’homme-Dieu qui n’était pas venu seulement pour nous racheter, mais devait aussi nous donner dans sa personne le type de la perfection et l’exemplaire des vertus. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 13

Si quelqu’un mérite, par l’extinction des passions charnelles, d’atteindre à cette demeure de paix, poursuivant ses progrès il deviendra une Sion spirituelle, ce qui signifie tour d’observation de Dieu, et il sera aussi la demeure de Dieu. Car le Seigneur ne se trouve point parmi les batailles de la continence, mais il réside dans l’observatoire indéfectible des vertus. C’est là qu’il ne se contente plus d’émousser ou de contenir, mais qu’il a pour jamais brisé la puissances des ares, de ces ares d’où partaient jadis contre nous les traits enflammés de la volupté. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 11

Non, vous le voyez, la demeure du Seigneur n’est pas dans les combats de la continence, mais dans la paix de la chasteté; c’est dans l’observatoire des vertus qu’il fait son séjour, dans la contemplation. Le psalmiste avait bien sujet de mettre les portes de Sion au-dessus de toutes les tentes de Jacob : «Le Seigneur, dit-il, aime les portes de Sion plus que toutes les tentes de Jacob.» (Ps 86,2). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 11

GERMAIN. — Il ne nous est pas possible d’improuver absolument votre opinion comme contraire à la piété. Pourtant, elle semble avoir contre soi, qu’elle tend à la destruction de notre liberté. D’autant que nous voyons briller chez nombre de païens, qui certes ne méritent pas la grâce du secours divin, des vertus comme la frugalité, la patience et, ce qui est plus merveilleux encore, la chasteté. Et comment croire que ces vertus leur aient été accordées par un don de Dieu qui aurait rendu captif le libre arbitre de leur volonté ? Ne dit-on pas que les sectateurs de la sagesse mondaine, ignorants comme ils étaient, non seulement de la grâce, mais du vrai Dieu lui-même, ont possédé la pure fleur de la chasteté par la vertu de leurs propres efforts, ainsi que nos lectures nous l’ont appris et les récits d’autrui ? Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 4

On ne peut douter par conséquent que toute âme possède naturellement les semences des vertus, déposées en elle par le bienfait du Créateur. Mais, si le secours divin ne les éveille, elles ne parviendront pas à la parfaite croissance, parce que, selon le bienheureux Apôtre, «ni celui qui plante n’est quelque chose, ni celui qui arrose; mais Dieu, qui donne la croissance, est tout» (1 Co 3,7). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 12

Tantôt il inspire le commencement du salut et met en chacun l’ardeur de la bonne volonté; tantôt il donne de passer aux actes et de parvenir à la consommation des vertus. Il nous sauve d’une ruine prochaine, d’une chute rapide, à notre insu et sans notre aveu; il ménage les occasions de salut et les circonstances favorables ; il empêche les efforts les plus violents et les plus emportés d’aboutir, les desseins de mort de se réaliser. Les uns courent vers lui d’un volontaire élan : il les accueille. Les autres lui résistent : il les tire malgré eux, et les amène de force à la bonne volonté. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 18

Deuxièmement, c’est également un effet de la grâce que nous pratiquions les vertus, mais sans que le pouvoir du libre arbitre soit étouffé; Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 18

La perfection active consiste en deux points. Le premier est de connaître la nature des vices et la méthode pour les guérir; le second, de discerner l’ordre des vertus, et de conformer si heureusement notre âme à leur perfection, qu’elle cesse dorénavant de les servir en esclave, comme si elle souffrait violence et se voyait soumise à un tyrannique empire, mais qu’elle s’y délecte et s’en nourrisse comme d’un bien connaturel, trouvant des délices à gravir la voie rude et étroite. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 3

Le moyen, en effet, d’atteindre aux vertus, qui forment le second degré de cette discipline active, ou bien aux mystères des choses spirituelles et célestes, où consiste le degré plus sublime encore de la théorie, si l’on n’a pu comprendre la nature de ses vices, si l’on ne s’est point efforcé de les extirper ? La logique le dit : Qui n’a pas su vaincre les difficultés moindres, ne doit pas songer à poursuivre plus haut; qui n’a pu concevoir ce qui lui est inné, saisira beaucoup moins encore ce qui lui est étranger. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 3

Sachons-le pourtant, il nous coûtera deux fois plus de labeur et de peine pour expulser les vices que pour acquérir les vertus. Je ne parle point ici par conjecture personnelle. C’est une vérité qui nous est mise en tout son jour par le propre jugement de Celui qui seul connaît les forces et la condition de la créature qu’il a faite : «Voici, dit-il, que je t’ai établi aujourd’hui sur les nations et les royaumes, afin que tu arraches et que tu détruises, que tu perdes et que tu dissipes, que tu édifies et que tu plantes.» (Jer 1,10). Pour ôter ce qui est mauvais, il a marqué quatre choses nécessaires, qui sont d’arracher et de détruire, de perdre et de dissiper: mais deux seulement, édifier et planter, pour se rendre parfait dans les vertus et acquérir tout ce qui regarde la justice. D’où il ressort évidemment qu’il est plus difficile d’arracher et déraciner les vices invétérés du corps et de l’âme, que d’édifier et planter les vertus spirituelles. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 3

Mais il est utile et séant à chacun, selon l’état de vie qu’il a choisi ou la grâce qu’il a reçue, de se hâter en toute ardeur et diligence vers l’achèvement de l’oeuvre entreprise. Il pourra bien louer et admirer les vertus des autres. Mais qu’il ne sorte point pour cela de la profession qu’il a lui-même une fois embrassée, sachant que, suivant l’Apôtre, le corps de l’Église est un, mais les membres plusieurs, et qu’elle a «des dons différents, selon la grâce qui nous a été donnée : soit de prophétie, pour l’exercer conformément à la règle de la foi; soit de ministère, pour l’exercer dans les fonctions du ministère. Si quelqu’un a reçu le don d’enseigner, qu’il enseigne ! d’exhorter, qu’il exhorte ! Que celui qui donne, le fasse en simplicité; celui qui préside, en diligence; celui qui pratique la miséricorde, avec une aimable gaieté !» (Rom 12,6-8). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 5

Le fait est coutumier à ceux qui ne sont pas encore bien affermis dans la profession qu’ils ont embrassée : entendent-ils célébrer tel et tel, qui vivent en des états différents du leur et pratiquent d’autres vertus, ils prennent feu; c’est de l’enthousiasme; et ils font voir une grande impatience d’imiter sur-le-champ leur conduite. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 6

Mais c’est trop demander à l’humaine fragilité. Les efforts dépensés en pareille rencontre demeurent nécessairement vains. Il est impossible, en effet, qu’un seul homme brille à la fois dans toutes les vertus énumérées plus haut. Avec une pareille ambition, voici ce qui arrive : tandis que l’on court après toutes, on n’en atteint parfaitement aucune; et de ce changement et de cette inconstance, on a plus de dommage que de profit. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 6

Recueillie avec empressement, soigneusement déposée dans les retraites de l’âme, munie du cachet du silence, il en sera de la doctrine comme de vins au parfum suave, qui réjouissent le coeur de l’homme. Ainsi que la vieillesse fait le vin, la sagesse, qui tient lieu à l’homme de cheveux blancs, et la longanimité de la patience la mûriront. Lorsqu’ensuite elle paraîtra sur vos lèvres, ce sera en exhalant des flots de senteurs embaumées. Il en sera d’elle encore comme d’une fontaine sans cesse jaillissante. Ses eaux bienfaisantes, multipliées par l’expérience et la pratique des vertus, iront se débordant; et du fond de votre coeur, d’où elle sourdra comme d’un secret abîme, elle se répandra en fleuves intarissables. Il arrivera de vous ce qui est dit dans les Proverbes à l’homme pour qui toutes ces choses sont devenues des réalités : «Bois l’eau de tes citernes et de la source de tes puits. Que les eaux de ta source débordent, que tes eaux se répandent sur tes places !» (Pro 5,15-16).Selon la parole du prophète Isaïe, «vous serez comme un jardin bien arrosé, comme une source d’eau qui jamais ne tarit. Les lieux déserts depuis des siècles seront par vous bâtis; vous relèverez les fondements posés de génération en génération; et l’on dira de vous : c’est le réparateur des haies, le restaurateur de la sûreté des chemins.» (Is 58,11-12). La béatitude promise par le même prophète vous sera donnée en partage : «Le Seigneur ne fera plus s’éloigner de toi ton maître, et tes yeux verront ton précepteur. Tes oreilles entendront la voix de celui qui t’avertira, criant derrière toi : Voici le chemin; marchez-y; ne vous en détournez ni à droite ni à gauche.» Et vous verrez cette merveille, que non seulement toute la direction de votre coeur et son étude, mais les écarts mêmes de vos pensées et leur vagabondage incertain ne seront plus qu’une sainte et incessante méditation de la loi divine. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 13

Nul autre moyen de parvenir à la science spirituelle, que de se conformer à l’ordre suivant, si heureusement exprimé par l’un des prophètes : «Semez pour vous en vue de la justice, moissonnez l’espérance de la vie, allumez en vous la lumière de la science.» (Os 10,12). Premièrement, il faut semer en vue de la justice, c’est-à-dire propager en quelque sorte notre perfection active par les oeuvres de la justice; nous devons ensuite moissonner l’espérance de la vie, c’est-à-dire recueillir les fruits des vertus spirituelles, en expulsant les vices de la chair. Par cette méthode, nous pourrons allumer en nous la lumière de la science. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 16

Le bienheureux Apôtre aussi nous enseigne, pour parvenir à la science, l’ordre que nous avons dit. Voulant un jour dresser la liste complète de ses vertus, et tout à la fois en expliquer la suite, c’est-à-dire marquer l’origine et la descendance de chacune d’elles, il ajoute après quelques mots : «Dans les veilles et les jeûnes, par la chasteté, par la science, par la longanimité, par la bonté, par l’Esprit saint, par une charité sincère.» (2 Cor 6,5-6). Cette manière de rattacher l’une à l’autre les vertus, prétend évidemment nous apprendre que l’on va des veilles et des jeûnes à la chasteté, de la chasteté à la science, de la science à la longanimité, de la longanimité à la bonté, de la bonté à l’Esprit saint, de l’Esprit saint à la récompense d’une charité sincère. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 16

Personne, à leur sens, ne devait être loué pour les dons et les merveilles de Dieu, mais bien plutôt pour le fruit qu’il avait fait dans les vertus. Car ceci est un effet du zèle et des bonnes oeuvres. Mais il arrive quelquefois, nous l’avons dit plus haut, que des hommes d’esprit pervers, condamnables sur le sujet de la foi, chassent les démons et opèrent les plus grands miracles au nom du Seigneur. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 6

C’est donc l’humilité qui est la maîtresse de toutes les vertus, le fondement inébranlable de l’édifice céleste, le don propre et magnifique du Sauveur. Celui-là pourra faire sans péril d’élèvement tous les miracles que le Christ a opérés, qui cherche à imiter le doux Seigneur, non dans la sublimité de ses prodiges, mais dans la vertu de patience et d’humilité. Pour celui qu’agite le désir impatient de commander aux esprits immondes, de rendre la santé aux malades, de montrer aux foules quelque signe merveilleux, il peut bien invoquer le Nom du Christ au milieu de toute son ostentation; mais il est étranger au Christ, parce que son âme superbe ne suit pas le Maître de l’humilité. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 7

Mais pour la charité d’affection, nous ne la rendons qu’à un très petit nombre, à ceux-là seulement qui nous sont unis par la ressemblance des moeurs ou la société des vertus. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 14

Mais examinons les choses avec plus d’attention, et retraçons par le détail les gloires des vertus apostoliques. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH CHAPITRE 20

Quant à l’observance des commandements principaux, il faut des résolutions très constantes, jusqu’à ne pas reculer devant la mort même, s’il est nécessaire; et c’est à leur sujet qu’il convient de dire : «J’ai juré, j’ai résolu.» Tel est en particulier notre devoir, lorsqu’il s’agit de la charité. Il faut que tout nous soit à mépris pour elle, pour qu’elle demeure immaculée dans sa tranquillité et dans sa perfection. Mêmes serments pour la pure chasteté; même conduite aussi pour ce qui est de la foi, de la sobriété, de la justice. Ces vertus doivent être gardées avec une persévérance qui jamais ne se démente. S’en éloigner, si peu que ce soit, est damnable. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH CHAPITRE 28

Pour les autres vertus du désert, je les passerai sous silence. Notre dessein n’est pas d’en considérer le nombre infini, mais d’examiner quelle est la fin de l’ermite et celle du cénobite. Je vous expliquerai donc brièvement les raisons qui m’ont déterminé à quitter la solitude, puisque c’est aussi ce que vous désirez savoir, et quelles vertus plus sublimes j’ai cru devoir préférer à tout le fruit que l’on y fait. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 4

GERMAIN. — Nous sommes justement de ceux qui ont recherché la solitude avec une formation cénobitique insuffisante, et avant d’avoir expulsé tous leurs vices. Quel remède nous secourra, nous, et nos pareils pour la fragilité comme pour le flegré médiocre de l’avancement ? Le moyen d’obtenir la constance d’une âme qui ne connaît plus le trouble, et l’inébranlable fermeté de la patience, maintenant que nous avons prématurément abandonné, avec notre monastère, l’école même et le lieu authentique de ces exercices ? C’est là que nous aurions dû parfaire notre première éducation et la conduire à son terme. Solitaires aujourd’hui, comment acquérir la perfection de la longanimité et de la patience ? Comment le regard de notre conscience, qui explore les mouvements intérieurs de l’âme, discernera-t-il en nous la présence ou l’absence de ces vertus ? N’est-il pas a craindre que, séparés du commerce des hommes et n’ayant jamais rien à souffrir de leur part, une fausse persuasion ne nous abuse, et ne nous fasse croire que nous sommes parvenus à l’inébranlable tranquillité de l’âme ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 11

Question : Faut-il éprouver la chasteté comme les autres vertus ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 15

Pinufe gouvernait, avec la qualité d’abbé et de prêtre, un monastère considérable, non loin de Panephysis, qui est, comme je l’expliquai alors, une ville d’Égypte. Or, par toute la province, ses vertus et ses miracles l’avaient élevé dans un si haut degré de gloire, qu’il lui semblait avoir reçu, dans les louanges des hommes, le prix de ses labeurs. Craignant donc, que la vaine faveur des peuples, spécialement fâcheuse à son endroit, ne le privât du fruit de l’éternelle récompense, il s’enfuit secrètement de son monastère, et gagna la retraite profonde où demeurent les moines de Tabenne. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 1

Mais là non plus, ses vertus ni son mérite ne purent longtemps rester cachés. Découvert de la même façon que la première fois, il fut ramené à son monastère avec les plus grandes marques d’honneur, au milieu d’un concert de louanges. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 1

Vous voyez combien d’ouvertures la Clémence du Sauveur nous a ménagées vers sa Miséricorde, afin que personne de ceux qui désirent le salut, ne se laisse abattre par le découragement, lorsque tant de remèdes l’appellent à la vie. Vous alléguez votre faiblesse, qui vous empêche d’effacer vos péchés par l’affliction du jeûne ? Vous ne pouvez dire : «Mes genoux se sont affaiblis par le jeûne, et ma chair s’est changée par le manque d’huile; car j’ai mangé la cendre comme du pain et mêlé mes pleurs à mon breuvage »? (Ps 108,24). Rachetez-les par vos largesses et vos aumônes. Vous n’avez rien à donner aux indigents ? — Quoique les sévérités de la détresse pécuniaire et de la pauvreté n’interdisent cette bonne oeuvre à personne : les deux menues pièces de la veuve ont été préférées aux dons magnifiques des riches, (cf. Lc 21,1-2) et le Seigneur promet de récompenser un verre d’eau froide.— (cf. Mt 10,42). Mais il est, certes, en votre pouvoir de vous purifier par la correction de votre vie.— Acquérir la perfection des vertus par l’extinction de tous les vices vous paraît chose impossible ? Dépensez au salut d’autrui vos soins pieux. — Vous vous plaignez d’être impropre à ce ministère ? Couvrez vos péchés par la charité. — Il y a en vous une certaine mollesse qui vous rend fragile aussi sur ce point ? Abaissez-vous, et, dans les sentiments de l’humilité, implorez le remède à vos blessures de la prière et de l’intercession des saints. Enfin, qui est-ce qui ne peut dire sur le ton de la supplication ardente : «J’ai fait connaître mon péché, et je n’ai point couvert mon injustice,» (Ps 31,5) afin de mériter par cette profession d’ajouter ensuite : «Et vous avez remis l’impiété de mon coeur.» (Ibid.) —La honte vous retient ? Vous rougissez de révéler vos péchés en présence des hommes ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 8

C’est ce glaive dont les salutaires blessures répandent le sang corrompu, sève vivante du péché. Toutes végétations charnelles et terrestres qu’il rencontre en notre âme il les coupe et retranche, nous faisant mourir au vice, afin de vivre à Dieu, dans la vigueur des vertus spirituelles. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 8

Alors, ce n’est plus, chez le moine, le souvenir des péchés commis qui fait couler ses larmes, mais l’espérance des joies futures. L’esprit plus occupé des joies à venir que du mal passé, il répand des pleurs, non par le chagrin de ses fautes, mais dans l’allégresse des joies éternelles. «Oubliant ce qui est derrière lui,» c’est-à-dire les vices charnels, il se porte de tout lui-même «vers ce qui est en avant», (Phil 3,13) c’est-à-dire les dons et les vertus spirituelles. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 8

Pour ce que vous avez dit tout à l’heure, que vous rappeliez à dessein la mémoire de vos péchés passés, c’est une chose qu’il faut absolument éviter. Bien plus, si ce souvenir se glisse en vous malgré vous, chassez-le à l’instant. C’est que, principalement chez le solitaire, il a beaucoup de force, pour retirer l’âme de la contemplation, en l’engageant, comme il fait, dans les souillures du monde, où l’infection des vices lui ôte la respiration. Nous prétendez repasser dans votre esprit les fautes que vous avez commises par ignorance ou intempérance, en suivant le prince de ce siècle ? Je veux bien vous accorder que vous ne serez point touché de la délectation mauvaise, à l’occasion d’une telle pensée. Mais assurez-vous que la seule contagion de votre gangrène d’antan infectera nécessairement votre âme de senteurs repoussantes, et chassera le parfum spirituel des vertus, je veux dire la suavité de la bonne odeur. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 9

Pour clore cette conférence, c’est peu à qui souhaite d’atteindre la cime de la perfection, d’être parvenu jusqu’à la fin de la pénitence, c’est-à-dire de s’abstenir des choses défendues. Infatigable dans sa course, il doit tendre toutes ses énergies vers la pratique des vertus qui conduisent à la pleine satisfaction. Se garder des souillures graves, qui sont abominables au Seigneur, ne suffit pas, si l’on n’acquiert, par la pureté du coeur et la perfection de la charité apostolique, la bonne odeur des vertus, qui fait ses délices. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 12

Il vivait avec son épouse depuis l’espace d’un lustre, lorsqu’un jour il se rendit auprès de l’abbé Jean, que le mérite d’une sainteté merveilleuse avait fait élire en ce temps-là pour le diacre et le dispensateur des biens de son monastère. Car ce n’est point là une dignité abandonnée à l’initiative personnelle ou à l’ambition du premier venu; mais on a coutume d’y promouvoir celui que la prérogative de l’âge, jointe au témoignage de sa foi et de ses vertus, ont désigné à l’assemblée des anciens comme le meilleur et le plus distingué. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 1

Le Christ ne contraint donc personne, par la nécessité du précepte, à s’élever sur le faîte sublime des vertus, mais il y provoque notre libre choix, nous excite par la bonté de son conseil, nous enflamme par le désir de la perfection. Où il y a précepte, en effet, il y a nécessité, et par suite, châtiment en cas de faute. Mais aussi, ceux qui observent seulement le minimum auquel les force la sévérité d’une loi catégorique, évitent plutôt la peine dont elle les menaçait, qu’ils ne gagnent une récompense. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 5

Il répondait en alléguant la condition de l’humaine nature, combien fragile, combien incertaine ! Quel péril à s’engager dans les désirs et les oeuvres de la chair ! Il ajoutait qu’il n’était loisible à personne, de mettre comme une frontière entre soi et le bien que l’on avait reconnu infiniment digne d’être embrassé. Puis, il y avait plus de danger à mépriser le bien connu, qu’à ne pas l’aimer inconnu. Lui-même, n’était-il pas déjà sous la prévarication, dès là qu’ayant découvert des biens si magnifiques et si célestes, il leur en avait préféré de terrestres et de sordides ? Les grandeurs de la perfection convenaient à tout âge, à tout sexe; tous les membres de l’Église étaient invités à gravir les hauteurs des vertus les plus sublimes : Courez, avait dit l’Apôtre, afin de remporter le prix. (1 Cor 9,24). Les retards des apathiques et des lâches ne devaient point retenir la prompte ardeur des enthousiastes. N’était-ce pas le droit, que l’avant-garde entraînât les paresseux, plutôt que de voir sa course entravée par leur poids mort ? Au surplus, sa résolution était prise, de renoncer au siècle et de mourir au monde, afin de vivre à Dieu; et s’il ne pouvait obtenir ce bonheur, de passer avec sa compagne dans la société du Christ, il aimait mieux être sauvé avec un membre de moins, et entrer mutilé dans le royaume des cieux, plutôt que d’être damné avec son corps entier. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 9

Il n’y a d’exception que pour ce qui est bon on mauvais en soi et essentiellement, et ne peut se tourner en sens contraire. Telles la justice, la prudence, la force, la tempérance et les autres vertus; tels aussi, à l’opposé, les vices. Ce sont là des choses qui, par nature, ne peuvent devenir contraire à elles-mêmes, et demeurent formellement rebelles à tout changement. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 12

Si nous le comptons pour l’une des vertus, et plaçons l’abstinence des aliments entre les biens essentiels, il sera donc mauvais et criminel de se nourrir : car tout ce qui est contraire à un bien essentiel, doit être réputé un mal essentiel. Mais l’autorité des Écritures ne nous permet pas ce langage; et si nous jeûnons dans la pensée que c’est pécher d’user des aliments, non seulement nous n’obtenons aucun fruit de notre abstinence, mais nous encourons, selon l’Apôtre, un très grave reproche et le crime du sacrilège, en nous abstenant des aliments que Dieu a créés pour être mangés avec action de grâces, par les fidèles et ceux qui ont connu la vérité. Car tout ce que Dieu a créé est bon, et l’on ne doit rien rejeter de ce qui se prend avec action de grâces. (1 Tim 4,3-4). Mais si quelqu’un estime une chose impure, pour lui elle est impure. (Rom 14,14). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 13

En effet, la miséricorde, la patience, la charité ou les autres vertus précédemment nommées et dans lesquelles réside le bien par essence, ne doivent pas se subordonner au jeûne, mais le jeûne à elles. Il faut travailler à les acquérir, elles qui sont vraiment bonnes, par le moyen du jeûne; et non pas leur donner le jeûne pour terme. Affliger la chair a son utilité; l’abstinence est un bon traitement à lui appliquer : pourquoi ? Afin d’arriver, par cette méthode, à la charité, où consiste le bien immuable et perpétuel, sans exception de temps. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 15

Nos anciens ont témoigné fréquemment de la coutume suivante chez la nation ennemie des démons. Durant ces jours, ils redoublent leurs attaques contre l’espèce des moines, et les poussent avec plus d’impétuosité à quitter leurs cellules, pour passer en d’autres lieux. De même que les Égyptiens opprimaient jadis les enfants d’Israël sous de violentes afflictions, ces Égyptiens spirituels s’efforcent de courber sous un dur et boueux travail le véritable Israël, le peuple spirituel des moines. Ils voudraient nous empêcher d’abandonner, par une tranquillité agréable à Dieu, la terre d’Égypte, et de passer au désert des vertus, où réside le salut. Le Pharaon frémit de colère contre nous, et s’écrie : Ils sont oisifs, et c’est pourquoi ils vocifèrent, disant : Allons, et sacrifions au Seigneur, notre Dieu. Qu’on les charge de travail, qu’ils soient tout occupés à la besogne, et qu’ils ne prêtent plus l’oreille à des paroles vaines ! (Ex 5,8-9). Vains eux-mêmes, les démons représentent comme la suprême vanité le sacrifice saint du Seigneur, qui ne s’offre que dans le désert d’un coeur libre, car la religion est une abomination au pécheur. (Ec 1,24) Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 28

Quiconque a su gravir ces sommets de la perfection évangélique, se trouve élevé, par le mérite de si grandes vertus, au-dessus de toute la Loi. Tous les commandements portés par Moïse lui semblent désormais petits et mesquins; et il a conscience de n’être petits sujet que de la grâce du Sauveur, dont le secours, il le voit, l’a fait parvenir à un état si sublime. Le péché ne domine plus en lui. La charité de Dieu, répandue dans nos coeurs par l’Esprit saint qui nous a été donné, (Rom 5,5) exclut, en effet, toute autre affection; elle est aussi incapable de convoiter ce qui est défendu, que de mépriser ce qui est commandé, elle dont l’étude et tout le désir sont dans le divin amour, et ne se posent même pas sur les choses permises, bien loin qu’ils se laissent prendre aux basses voluptés. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 33

Nous sommes obligés toutefois de le reconnaître, il s’en trouve plusieurs, qui, sans se donner le moindre souci, mais par le seul équilibre du tempérament ou la âge, n’éprouvent que rarement ou point du tout ces fâcheux effets. Mais le mérite est bien différent, de celui qu’une chance paresseuse établit dans la paix, ou de celui qui se rend digne du triomphe par des vertus glorieuses. Il y a chez le second une puissance victorieuse de tous les vices qui appelle l’admiration; le premier, que la nécessité du bien protège au milieu de sa lâcheté, me paraît, si je puis dire, plus à plaindre qu’à louer. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 3

Cependant, la conclusion qui ressort évidemment de ces textes, est tout justement contraire à celle que vous en tirez. De telles idées ne sauraient aucunement convenir à la personne des pécheurs. Mais ce discours regarde les seuls parfaits; seule la chasteté de ceux qui imitent les vertus apostoliques, répond à ce langage. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 1

Cherchons donc avec soin quel est ce bien par excellence que l’Apôtre n’a pu accomplir à sa volonté. Nous savons beaucoup de biens, dont on ne peut nier qu’il les ait eus de la nature ou qu’il ne les ait acquis par la grâce ainsi que les hommes d’un mérite égal au sien. La chasteté est bonne, louable est la continence, admirable la prudence, large l’hospitalité, circonspecte la sobriété, modeste la tempérance, tendre la miséricorde, sainte la justice. Assurément, toutes ces vertus ont existé chez l’apôtre Paul et les autres, si achevées, si parfaites, qu’ils enseignèrent la religion plutôt par leur sainte vie que par leur discours. Dirai-je encore le soin continuel de toutes les Églises et la constante sollicitude dont ils étaient consumés ? Quelle miséricorde, quelle perfection, de brûler pour ceux qui tombent, d’être faible avec les faibles (cf. 2 Co 11,29) ! Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 2

Parmi l’abondance de si grands biens, quel est donc celui qu’il n’a pu réaliser en perfection ? Nous ne pourrons le savoir, encore une fois, à moins de nous hausser jusqu’au sentiment qui le faisait parler. Ah ! c’est que, de toutes les vertus que nous avons reconnues en lui, gemmes splendides et précieuses, certes, le mérite pourtant s’avilit et devient à mépris, si on les compare à cette perte brillante et magnifique entre toutes, que le marchand de l’Évangile désire se procurer, en vendant tout ce qu’il possède (cf. Mt 13,46) ! Que l’on ne balance pas à y renoncer; et pour les biens innombrables ainsi vendus, un seul bien nous fait riches. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 2

Ainsi en va-t-il de toutes les vertus énumérées plus haut : bonnes et précieuses en elles-mêmes, la clarté de la théorie les obscurcit. C’est qu’en occupant les saints d’oeuvres bonnes, il est vrai, de soins terrestres pourtant, elles les retirent, elles les retardent considérablement de la contemplation du Bien suprême. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 3

Oui, c’est véritablement une loi de péché, celle que la prévarication du premier père sur le genre humain, lorsque, en punition de sa faute, le juste Juge porta contre lui cette sentence : La terre est maudite dans tes travaux, elle te produira des épines et des chardons, et c’est à la sueur de ton front que tu mangeras ton pain (Gn 3,17). C’est là, dis-je, la loi inhérente aux membres de tous les mortels, qui lutte contre la loi de notre esprit et nous éloigne de la contemplation de Dieu. Par elle, après que l’homme eut acquis la connaissance du bien et du mal, la terre, maudite dans nos travaux, a commencé de produire des épines et des chardons. Cependant, les semences naturelles des vertus s’étouffent sous ces rejetons maudits; impossible de manger autrement qu’à la sueur de notre front le pain qui descend du ciel (Jn 6,33) et fortifie le coeur de l’homme (Ps 103,15). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 11

Tel est le corps de mort qui fait obstacle à leur ambition, lorsque, jaloux d’imiter la sainteté des anges et désireux d’adhérer constamment au Seigneur, ils ne réussissent point à rencontrer un si grand bien, mais font le mal qu’ils ne veulent pas, emportés qu’ils sont, même par l’esprit, vers des choses qui n’intéressent ni le progrès ni la consommation des vertus. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 16

De qui l’on doit apprendre à s’affranchir du péché, et à se rendre parfait dans les vertus. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 20

GERMAIN. – C’est un utile précepte, de recommander les travaux qui peuvent se faire à l’intérieur de la cellule. Outre l’exemple de votre Béatitude, que nous voyons fondée en l’imitation des vertus apostoliques, le témoignage de notre propre expérience nous a rendu manifestes les avantages d’un tel choix. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 7

Les plaisirs que nous aimons, font eux-mêmes notre tourment; les jouissances et les délices du corps se retournent contre nous comme autant de bourreaux. Celui-là, en effet, qui s’appuie sur ses biens et ses ressources d’autrefois, fatalement ne parviendra ni à l’entière humilité du coeur ni à la parfaite mortification des plaisirs mauvais. Or, autant, par le secours de ces vertus, les extrémités de la vie présente et les pertes que l’ennemi peut nous infliger, se supportent, je ne dirai pas seulement avec la plus grande patience, mais avec la joie la plus vive; autant leur absence laisse croître un élèvement pernicieux, qui, pour le plus léger affront, nous blesse des traits mortels de l’impatience. C’est alors que le prophète Jérémie nous adresse ces paroles : Et maintenant, qu’as-tu à faire sur la route de l’Égypte, pour aller boire de l’eau bourbeuse ? Et qu’as-tu à faire sur la route de l’Assyrie, pour aller boire de l’eau du fleuve ? Ta malice t’accusera, et ton infidélité te reprendra. Sache donc et comprends quel mal c’est pour toi, quelle amertume, d’avoir abandonné le Seigneur ton Dieu, et que ma crainte ne soit plus en toi, dit le Seigneur (Jér 2,18-19). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 24