Mais, nous l’avons dit, il est impossible de connaître ou d’enseigner ces choses, à moins d’en avoir l’expérience. Celui qui n’est pas capable même de les comprendre, comment le serait-il de les communiquer aux autres ? Que s’il a cependant la présomption d’en parler, son discours restera sans aucun doute inefficace et vain. Ses paroles frapperont l’oreille de ses auditeurs; elles ne pénétreront pas jusqu’à leur âme : parce que, triste fruit de la négligence et d’une stérile vanité, elles ne sortent pas du trésor d’une bonne conscience, mais ont leur principe dans la vaine présomption de la jactance. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 14
Aussi, nos anciens n’ont-ils jamais tenu pour des moines vertueux et exempts de vanité, ceux qui font profession devant les hommes d’être exorcistes, et s’en vont, pleins de jactance et d’ostentation, divulguer parmi des foules d’admirateurs la grâce qu’ils ont méritée ou se sont arrogée. Vains efforts ! «Celui qui s’appuie sur des mensonges, se nourrit de vent; il poursuit l’oiseau dans son vol.» (Pro 10,4). Sans aucun doute, il lui arrivera ce qui est dit dans les Proverbes : «Comme on reconnaît les vents, les nuages et la pluie, ainsi celui qui se glorifie d’un faux don.» Pro 25,14). Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 7
Le premier fondement de l’amitié véritable est le mépris des biens de ce monde et le dédain de tout ce que nous avons. Ce serait la dernière injustice, un outrage à tout ce qu’il y a de plus sacré, si, après avoir renoncé à la vanité du monde et de tout ce qu’il renferme, nous préférions le vil instrument qui nous reste à l’affection si précieuse de notre frère. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 6
Si cependant il m’arrive de proférer quelque parole qui paraisse déroger à l’humilité ou marquer une ouverture excessive, je vous prie de ne l’attribuer point à la jactance, mais au seul désir de vous édifier. Vous voudrez bien croire que, si j’estime ne devoir rien cacher de la vérité à des hommes qui la cherchent si ardemment, ce n’est pas orgueil, mais charité. Aussi bien, je pense que mes paroles pourront vous être de quelque instruction, si, mettant un peu l’humilité de côté, je vous découvre simplement et dans toute sa vérité le propos qui fut le mien. Ainsi, j’ai la confiance que ma franchise ne me vaudra pas de votre part la note de vanité, et je m’assure aussi que je n’encourrai pas le reproche de mensonge, pour avoir étouffé la vérité. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 3
Nos anciens ont témoigné fréquemment de la coutume suivante chez la nation ennemie des démons. Durant ces jours, ils redoublent leurs attaques contre l’espèce des moines, et les poussent avec plus d’impétuosité à quitter leurs cellules, pour passer en d’autres lieux. De même que les Égyptiens opprimaient jadis les enfants d’Israël sous de violentes afflictions, ces Égyptiens spirituels s’efforcent de courber sous un dur et boueux travail le véritable Israël, le peuple spirituel des moines. Ils voudraient nous empêcher d’abandonner, par une tranquillité agréable à Dieu, la terre d’Égypte, et de passer au désert des vertus, où réside le salut. Le Pharaon frémit de colère contre nous, et s’écrie : Ils sont oisifs, et c’est pourquoi ils vocifèrent, disant : Allons, et sacrifions au Seigneur, notre Dieu. Qu’on les charge de travail, qu’ils soient tout occupés à la besogne, et qu’ils ne prêtent plus l’oreille à des paroles vaines ! (Ex 5,8-9). Vains eux-mêmes, les démons représentent comme la suprême vanité le sacrifice saint du Seigneur, qui ne s’offre que dans le désert d’un coeur libre, car la religion est une abomination au pécheur. (Ec 1,24) Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 28
Cependant, l’homme juste et parfait n’est point lié par la loi du carême, et ne peut se contenter d’une règle aussi modeste. Les chefs des Églises l’ont établie pour les gens du monde, qui sont pris, tout l’espace de l’année, par leurs plaisirs et leurs affaires. En les enchaînant en quelque sorte par cette nécessité légale, ils ont voulu les contraindre à vaquer au Seigneur du moins pendant ces jours, et à lui consacrer la dîme de leur vie, qu’autrement la vanité dévorerait tout entière. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 29
C’est qu’il y a un abîme entre la chute du saint et celle du pécheur. Autre chose est de commettre un péché morte]; autre chose, de se laisser surprendre par une pensée, qui n’est pourtant point sans péché, de choper par ignorance, par oubli, par des paroles inutiles, si vite échappées, d’éprouver une ombre d’hésitation dans le regard intérieur de la foi, de s’épanouir sous la subtile caresse de la vanité, de retomber pour un moment des plus hautes cimes de la perfection par le poids de la nature. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 13
Toutefois, de la bonté elles ne retiendront pas même le nom, si on les compare au siècle futur, où les biens demeurent sans changement, où il n’y a plus à redouter aucune altération de la vraie béatitude. Écoutez la description de cette béatitude du monde futur : La lumière de la lune sera comme la lumière du soleil, et la lumière du soleil brillera sept fois plus, comme la lumière de sept jours (Is 30,26). Aussi, toutes les choses d’ici-bas, si grandes, si belles au regard et si merveilleuses, paraîtront-elles vanité, au prix de ce que la foi nous promet dans l’avenir : Toutes choses, s’écrie David, vieilliront comme un vêtement. Tu les changeras, comme un habit dont on se couvre, et elles seront changées; mais Toi, Tu restes toujours le même, et tes années ne passeront point (Ps 101 27-28). Mais, si rien n’est stable par soi-même, si rien n’est immuable, si rien n’est bon que Dieu; si nulle créature ne peut obtenir la béatitude de l’éternité et de l’immutabilité de par sa nature propre, mais seulement par une participation de son Créateur et par grâce : toute bonté créée s’évanouit en face du Créateur. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 3
En vérité, n’est-ce pas se rendre coupable, je ne dis pas seulement d’une faute légère, mais d’une impiété grave, si, tandis que l’on répand sa prière devant Dieu, on s’écarte de sa Présence, comme on ferait d’un aveugle et d’un sourd, pour suivre la vanité d’une folle pensée ? Mais ceux qui couvrent les yeux de leur coeur du voile épais des vices, et, selon la parole du Sauveur, en voyant ne voient pas, en entendant n’entendent ni ne comprennent (Mt 13,13), à peine aperçoivent-ils, dans les profondeurs de leur conscience, les péchés mortels : comment auraient-ils le pur regard qu’il faut pour discerner l’apparition insensible des pensées, ou les mouvements fugitifs et cachés de la concupiscence, qui blessent l’âme d’une pointe légère et subtile, ou les distractions qui les retiennent captifs ? Errant sur tous objets au gré d’une imagination sans retenue, ils n’ont pas l’idée de s’affliger, lorsqu’ils sont arrachés de la divine contemplation, qui est quelque chose d’infiniment simple. Mais quoi ? ils n’ont rien dont ils puissent déplorer la perte ! Ouvrant leur âme toute grande au flot envahissant des pensées, ils n’ont point, en effet, de but fixe auquel ils se tiennent sur toutes choses, et vers lequel ils fassent converger tous leurs désirs. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 6
Morale : Mieux vaut pour nous poursuivre sans relâche le gain modeste que nous faisons dans notre solitude. Les soins du siècle, les embarras du monde, l’élèvement de la vanité ne le rongent point; le souci du pain quotidien n’en diminue rien. Et l’adage en est vrai : Mieux vaut le peu du juste que les grandes richesses des pécheurs (Ps 36,16). Affecter des profits plus considérables ! Mais, à supposer que nous les obtenions par des conversions multipliées, la vie que l’on mène dans le monde et les distractions journalières auraient tôt fait de le dissiper. Selon la parole de Salomon : Une poignée vaut mieux avec du repos, que plein les deux mains avec le labeur et la présomption d’esprit (Ec 4,6). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 13
Et, pour rendre la chose plus évidente, à force de la répéter, tel aimait son épouse avec les emportements de la convoitise (cf. 1 Thess 4,5); il l’aime maintenant dans l’honneur de la sainteté et la vraie dilection du Christ : c’est la même et unique épouse, mais le prix de l’amour s’est élevé au centuple. Mettez encore en balance le trouble de la colère et de la fureur avec la constante douceur de la patience; le tourment des soucis et des préoccupations avec le repos de la tranquillité; la tristesse infructueuse du siècle présent, toute en souffrance, avec le fruit de la tristesse qui opère le salut : la vanité des satisfactions temporelles avec l’abondance de la joie spirituelle et, dans un tel échange, le centuple vous apparaîtra manifestement. De même, si l’on compare à la brève et fuyante volupté des vices le mérite de la vertu contraire, le bonheur se multiplie singulièrement de l’une à l’autre : preuve évidente que le prix de la vertu est aussi cent fois supérieur. Le nombre 100 s’obtient, en effet, en passant de la main gauche à la main droite; et bien que la figure formée par les doigts soit identique, la quantité signifiée a pourtant énormément grandi. À gauche, nous étions parmi les boucs; en passant à droite, nous sommes élevés au rang des brebis. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 26