4. Dieu est la vie et le salut de toutes les créatures raisonnables qu’Il a tirées du néant, soit qu’elles croient en Lui, ou qu’elles nient son Existence; soit qu’elles soient justes, ou méchantes; soit qu’elles pratiquent la piété, ou qu’elles se livrent à l’irréligion; soit qu’elles se soient affranchies de leurs passions, ou qu’elles en soient les viles esclaves; soit qu’elles soient entrées dans une communauté religieuse, ou qu’elles demeurent dans le siècle; soit qu’elles aient de la science, ou qu’elles vivent dans les ténèbres de l’ignorance; soit qu’elles jouissent d’une bonne santé, ou qu’elles languissent sur un lit de souffrances; soit qu’elles soient à la fleur de l’âge, ou parvenues à la dernière vieillesse. Or toutes ces personnes, sont destinées à la grâce du salut, et peuvent en jouir, comme elles jouissent de l’effusion de la lumière, de la vue et des bienfaits du soleil, de la variété des saisons, et de toutes les autres choses qui existent et qui sont faites pour elles; car auprès de Dieu “il n’y a pas de favoritisme”. (Rom 2,11). L’Échelle Sainte: PREMIER DEGRÉ
21. Oui, je le répète, ils doivent endurer bien des travaux, dévorer bien des afflictions, principalement ceux qui ont eu le malheur de vivre sans penser aucunement à leur salut, s’ils veulent que leur coeur, après n’avoir eu que trop de ressemblance avec les chiens, qui ne se plaisent qu’à manger et à japer, puisse parvenir à la simplicité, à la douceur, à la patience, au zèle, à la ferveur, à la tempérance, à la pureté, et à l’amour du salut éternel. Cependant, aussi dépendants que nous soyons à nos penchants, aussi graves que soient les maladies de notre âme, gardons-nous bien de perdre courage; mettons, au contraire, en Dieu une confiance pleine et entière. Ainsi, alors même que nous nous sentons faibles, soutenus par la fermeté d’une foi inébranlable, présentons-nous devant le Christ, et, avec une grande simplicité et une profonde humilité, exposons-lui notre faiblesse et nos misères, l’abattement de notre âme et de notre corps; et, tout indignes que nous en soyons, il nous tendra la Main avec bonté, et nous prendra sous sa puissante Protection avec une tendre charité. L’Échelle Sainte: PREMIER DEGRÉ
22. Que tous ceux qui veulent entrer dans cette carrière qui est belle, mais incommode, qui est rude et étroite, mais adoucie et élargie par la grâce de Dieu, se précipitent avec courage au milieu des flammes des mortifications et des travaux spirituels, si du moins c’est l’amour de Dieu qui les enflamme et qui les anime. Mais que chacun s’éprouve soi-même auparavant, et qu’ensuite seulement il mange le pain salutaire de la vie religieuse avec les laitues amères, qu’il boive ce breuvage mêlé avec ses larmes; et qu’il prenne bien garde que ce ne soit pas pour sa condamnation qu’il s’engage dans cette milice sainte. Il est aisé de voir pour quelles raisons tout ceux qui sont baptisés, ne parviennent pas au salut; je ne le dirai donc pas. L’Échelle Sainte: PREMIER DEGRÉ
27. Mais faites attention que trois sortes d’ouvriers travaillent à élever l’édifice spirituel de leur salut : les uns y travaillent en employant des briques, après avoir employé des pierres pour jeter les fondements; les autres bâtissent sur des colonnes qu’ils ont dressées sur la terre; d’autres enfin étant entrés dans le lieu où ils doivent travailler, se mettent à courir avec une étonnante impétuosité, et, une fois échauffés, ils ne se sentent et ne se possèdent plus. Que celui, qui aura de l’intelligence, comprenne le sens de ce discours allégorique. L’Échelle Sainte: PREMIER DEGRÉ
36. Nous ne pouvons pas nier que celui qui, par les soins et les embarras d’une vie mondaine, se trouve comme lié par des chaînes de fer, n’est pas capable de marcher facilement dans les voies du salut, et s’il y marche, ce n’est qu’avec une extrême difficulté. Hélas ! il ne ressemble que trop à ces malheureux qu’on a chargés de fer, ou aux pieds de qui on a mis des entraves pesantes : à chaque instant, en voulant marcher, ils font des chutes, et se blessent cruellement. C’est pourquoi je compare celui qui, n’étant pas marié, n’est attaché à la vie séculière que par le soin de ses affaires temporelles, à ceux qui n’ont que des menottes aux mains, car s’il le veut, il peut embrasser la vie religieuse et celui qui est marié, je le compare à une personne qui a les pieds et les mains chargés de chaînes. L’Échelle Sainte: PREMIER DEGRÉ
37. Un jour, j’ai rencontré des gens qui vivaient assez dans l’oubli de leur salut; ils me tinrent cependant ce langage : “Comment nous serait-il possible de penser à la vie religieuse et solitaire, nous qui sommes obligés de vivre avec nos femmes, et qui sommes accablés sous le poids de nos affaires temporelles ?” Je me contentai de leur répondre : “Ne manquez pas de faire exactement toutes les bonnes oeuvres que vous pourrez; fuyez le mensonge avec horreur; que l’orgueil ne vous fasse mépriser personne; n’ayez de haine contre personne; assistez régulièrement aux offices de l’église; soyez charitables et bienfaisants pour les pauvres, ne scandalisez jamais vos frères; respectez la femme de votre prochain, et que chacun de vous se contente de la sienne : si vous agissez, et que vous viviez ainsi, vous ne serez pas loin du royaume des cieux.” L’Échelle Sainte: PREMIER DEGRÉ
4. Remarquons que souvent les démons, après que nous avons renoncé aux choses du siècle, cherchent à nous faire croire que ceux-là seuls, sont heureux, qui, dans le monde, sont dans le cas de faire du bien aux indigents, et que nous sommes malheureux dans la vie religieuse, parce que nous n’avons pas cette facilité. Or ce que les ennemis de notre salut se proposent dans cette tentation, c’est de nous engager à rentrer dans le siècle, ou de nous jeter dans le désespoir si nous persévérons à vivre dans la retraite. L’Échelle Sainte: DEUXIÈME DEGRÉ
18. Les personnes qui, dans leur jeunesse, ont eu le malheur de se laisser aller à l’amour et à la jouissance des plaisirs sensuels, et qui néanmoins dans la suite forment le dessein et prennent la résolution d’entrer dans une communauté religieuse, doivent s’exercer avec le plus grand soin dans les règles austères de la sobriété et de la tempérance, se donner entièrement aux exercices sacrés de la prière, refuser sévèrement à leurs corps tout plaisir et tout ce qui pourrait leur procurer des jouissances et de la joie, et s’abstenir de toute sorte de dérèglements et de sensualités, dans la crainte que leur dernier état ne devint plus mauvais que le premier (cf. Mt 12,45). Car la religion est un port où l’on trouve le salut; mais on peut aussi y trouver le naufrage, et ceux qui voyagent sur cette mer spirituelle, peuvent attester cette vérité. Ah ! Que c’est un déchirant spectacle de voir des gens qui, après avoir traversé la mer orageuse du monde, viennent misérablement faire naufrage et périr dans le port. Voilà donc le second degré; si vous y montez, que votre fuite vous fasse imiter Loth, et non sa femme. L’Échelle Sainte: DEUXIÈME DEGRÉ
4. Ô vous qui pensez à sortir du monde, je vous prie de ne pas attendre, pour le faire, que vos amis aient pu se débarrasser de leurs affaires : craignez que la mort ne vous surprenne, avant que vous ayez accompli votre pieux dessein. Hélas ! Il y en a eu un grand nombre qui se sont trompés. Ils voulaient sauver des personnes paresseuses et négligentes; mais en les attendant, le feu de l’amour divin qui les embrasait s’est éteint peu à peu dans leurs coeurs, et ils ont misérablement péri avec ceux qu’ils prétendaient sauver. Or, puisque vous sentez en vous les ardeurs célestes de l’amour divin, et que vous ne savez pas quand elles pourraient disparaître de vous, et vous laisser dans les ténèbres, marchez et courez donc où Dieu vous appelle, rappelez-vous que l’Apôtre nous avertit que nous ne sommes pas tous chargés du salut de nos frères : “Ô mes frères, nous dit-il, chacun de nous rendra compte à Dieu pour soi-même (Rom 14,12)”; et il ajoute ailleurs : “Quoi ? Vous voulez donner des leçons aux autres, et vous ne vous instruisez pas vous-même ?” (Rom 2,21) Or n’est-ce pas comme s’il disait, “pour ce qui regarde les autres, je n’en sais rien; mais pour ce qui regarde chacun de nous en particulier, je sais très bien que nous sommes obligés de nous connaître et de nous sauver.” L’Échelle Sainte: TROISIÈME DEGRÉ
15. Cependant il est arrivé quelquefois que des personnes qui avaient quitté le monde pour conserver leur influence, après s’être solidement fortifiées dans la vertu, et après avoir saintement purifié leurs consciences, sont rentrées dans le monde et y ont produit de très grands biens, en contribuant puissamment au salut des autres, sans négliger jamais le leur. Ce fut ainsi que Moïse, après avoir dans le désert contemplé la face de Dieu, reçut l’ordre de retourner en Égypte pour y sauver ceux de sa nation; ce qu’il fit au milieu des dangers les plus nombreux et les plus éminents, et des ténèbres les plus profondes. L’Échelle Sainte: TROISIÈME DEGRÉ
27. Il est encore d’un grand intérêt de cacher la splendeur de votre naissance et l’éclat de votre nom, afin que votre vie et vos actions n’annoncent autre chose que l’amour de Dieu et de votre salut. L’Échelle Sainte: TROISIÈME DEGRÉ
30. Quand les démons, ou même les hommes, nous donnent des louanges sur notre retraite comme d’une action forte et généreuse, c’est afin de nous en faire concevoir un sentiment d’orgueil. Chassons promptement cette tentation, en pensant que pour l’amour de nous et à cause de notre salut, le Fils de Dieu a bien daigné quitter les splendeurs éternelles de sa Gloire et venir habiter humblement sur la terre; et nous connaîtrons que, quand nous vivrions une éternité, nous ne serions pas capables de rien faire de semblable pour Lui témoigner notre reconnaissance. L’Échelle Sainte: TROISIÈME DEGRÉ
2. Mais je crois qu’il est à propos de considérer ici quelles sont les armes spirituelles dont se servent les généreux soldats de Jésus Christ dont il est question ici, et de connaître de quelle manière ils tiennent le bouclier de la foi et de la confiance en Dieu, pour repousser loin d’eux toute pensée d’infidélité et de désobéissance; comme ils ont toujours l’épée de l’esprit de Dieu hors du fourreau pour immoler tous les mouvements de leur propre volonté, comme ils sont entièrement couverts des cuirasses de la patience et de la douceur pour émousser toutes les pointes dangereuses des injures, des moqueries et des paroles outrageantes, et comme ils portent sur la tête le casque du salut, qui consiste dans les prières ferventes de leur supérieur, qui les défend des traits enflammés de leurs ennemis. Voyez comme ils sont fermes et inébranlables dans leurs positions, et comme néanmoins ils jouissent de la délicieuse liberté des enfants de Dieu; car tandis qu’ils sont immobiles dans leurs prières continuelles, ils ne laissent pas d’exercer les devoirs de la charité en faveur de leurs frères en Dieu. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
Le saint abbé, en voyant d’aussi heureuses dispositions, assembla tous les moines dans l’église du monastère. Ils étaient trois cent trente, et c’était un dimanche après l’évangile. Il fit venir ce voleur, qui était déjà justifié. Il avait les mains liées derrière le dos, le corps revêtu d’un cilice effrayant, la tête couverte de cendres; quelques frères le menaient avec une corde, et d’autres le frappaient légèrement avec des verges. Comme tout le monde n’avait rien su de ce qui se passait, ce spectacle effraya tellement les religieux, qu’ils ne purent retenir leurs cris, ni comprimer leurs gémissements. Quand il fut arrivé à la porte de l’église, le supérieur, plein de zèle et de sagesse, lui dit d’une voix forte et terrible : “Arrêtez-vous, car vous êtes indigne d’entrer dans la maison de Dieu.” Ces paroles, sorties de la bouche de ce prudent directeur, qui était dans le lieu saint, frappèrent ce voleur d’une si grande terreur, qu’il ne crut pas avoir entendu une voix humaine, mais un violent coup de tonnerre, et que saisi de crainte et d’horreur, il tomba le visage contre terre : c’est ce que lui-même nous a plusieurs fois assuré avec serment. Or tandis que ce voleur pénitent était ainsi prosterné, et qu’il arrosait le pavé d’un torrent de larmes, l’abbé, qui dans cette action ne cherchait que le salut de ce malheureux, et qui voulait aussi présenter à ses moines un modèle efficace d’une profonde et salutaire humilité, lui dit et lui commanda de déclarer avec ordre, en détail et devant tout le monde, les crimes qu’il avait commis et les fautes qu’il avait faites; ce que cet excellent pénitent fit en frissonnant, et en causant à ceux qui l’entendaient confesser des crimes horribles et inouïs, un étonnement et une terreur inexprimables : car il confessa non seulement les péchés qu’il avait commis en violant les lois ordinaires de la nature et en portant la brutalité au delà des créatures raisonnables, mais encore des empoisonnements, des homicides et d’autres attentats si exécrables, qu’il n’est pas permis aux oreilles de les entendre, ni à la plume de les transcrire. Quand il eut achevé, l’abbé ordonna qu’on lui coupât les cheveux et qu’on le reçoive au nombre des frères. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
27. Or, pendant qu’Isidore vivait ainsi à la porte du monastère, je me permis un jour de lui demander quelles étaient les pensées qui remplissaient son esprit, et les sentiments qui agitaient son coeur. Comme il vit qu’en me répondant, il contribuerait à mon salut, et me serait de quelque utilité, il n’hésita pas de me faire la réponse suivante: La première année, me dit-il, je me suis continuellement représenté que c’étaient mes péchés qui m’avaient ainsi vendu et rendu esclave. Cette considération me navrait le coeur d’amertume et de douleur, et me portait à me faire violence pour accomplir les ordres qu’on m’avait donnés; c’est pourquoi, en me prosternant aux pieds de mes frères, je les arrosais de mes larmes, et quelquefois de mon sang. Après cette première année, je conçus l’espérance que Dieu récompenserait et ma soumission et ma patience; ce qui fut cause que je fis sans peine ma pénitence. Enfin les cinq dernières années je ne sentis en moi-même qu’un vif sentiment de mon indignité, qui me faisait juger indigne, non seulement d’entrer dans le monastère, mais de demeurer même où L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
30. Comme Dieu, dans sa Miséricorde et sa Justice, avait donné aux religieux de ce monastère un abbé qui en était le sage pasteur et le tendre sauveur, il lui avait accordé un économe, un administrateur admirable; car c’était un homme plein de modération et de prudence, de douceur et de patience, tel enfin qu’on trouverait peu d’hommes qui pussent lui ressembler. Or comme l’abbé voulait que l’exemple de son humilité et de sa patience servît au salut des frères, il le reprit un jour fort sévèrement, quoiqu’il fût innocent, et poussa cette sévérité, jusqu’à le chasser honteusement de l’église. Sachant de science certaine qu’il n’avait pas fait la faute, pour laquelle on le punissait avec tant de rigueur, je pris à part le supérieur pour servir d’avocat à son économe; mais ce sage directeur me répondit : L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
49. Mais remarquez bien que l’homme qui ne veut souffrir aucune correction, soit juste, soit injuste, agit directement contre les intérêts éternels de son salut; tandis que celui qui la reçoit avec patience et allégresse, obtient incontestablement le pardon de ses péchés. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
51. Ce n’est sûrement pas une petite marque de confiance en son supérieur, que de lui découvrir toutes les tentations qu’on éprouve : on suit assurément la voie du salut; mais on s’en éloigne terriblement, quand on cache dans les ténèbres intérieures du coeur, ces serpents cruels et funestes. 52. Voulez-vous savoir si vous avez pour vos frères un amour solide et véritable, et une affection tendre et sincère, considérez si les péchés dont vous les voyez coupables, vous attristent et vous désolent, et si les grâces abondantes qu’ils reçoivent de Dieu, et les progrès qu’ils font dans la vertu, vous remplissent de joie et de plaisir. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
72. Ne négligez donc pas de faire à votre directeur la confession de vos péchés, avec des dispositions aussi saintes et aussi humbles que si c’était à Dieu même. Oh ! Que j’ai vu d’heureux pécheurs qui, par les sentiments d’une véritable contrition, par une confession humble et entière, par des prières ferventes, ont tout de suite fléchi la sévérité de leur juge, qui paraissait inexorable, et ont, changé sa rigueur et son indignation en miséricorde et en tendresse. C’est pourquoi nous voyons dans l’Évangile que saint Jean, ce digne précurseur de Jésus Christ, avant de conférer le baptême à ceux qui se présentaient pour le recevoir, les obligeait à faire la confession de leurs péchés. Or il n’avait pas besoin lui-même de cette confession, mais il ne l’exigeait que pour procurer le salut aux pécheurs qui recouraient à son ministère. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
76. Ainsi il est vrai de dire que lorsque nous avons eu le malheur de tomber dans quelque faute, les démons, pour profiter de notre chute et achever notre perte éternelle, nous suggèrent et nous inspirent fortement le désir et le dessein de nous retirer dans la solitude. Mais n’est-il pas évident que par cette tentation, s’ils pouvaient nous y faire succomber, ces ennemis de notre salut voudraient ajouter blessure sur blessure, et nous perdre éternellement. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
85. Les moines qui vivent dans la solitude, sous la direction d’un père spirituel, n’ont pour ennemis que les démons, qui s’opposent communément au salut des hommes; tandis que ceux qui passent leur vie dans un monastère ont à combattre, non seulement contre les démons, mais souvent encore contre les hommes. Les premiers, étant constamment sous les yeux de leur père, ont bien soin de ne pas transgresser ses ordres; les derniers, étant rarement en présence de leur supérieur, sont plus exposés à vivre dans la négligence. Néanmoins si, parmi ces derniers, il s’en trouve qui soient remplis de ferveur et de patience, ils peuvent avantageusement remplacer cette privation par la douceur, la résignation et l’humilité avec lesquelles ils endureront tout ce qui peut les mortifier et les fatiguer de la part de leurs frères, et mériter une double couronne de gloire. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
103. Si donc vous arrivez dans une école de médecine spirituelle, qui vous est totalement inconnue, et que vous vous mettiez sous la direction d’un père spirituel que vous ne connaissiez pas, ce que vous avez à faire, c’est d’examiner avec attention quel est l’esprit et quelle est la manière de vivre de tous ceux qui sont réunis dans ce lieu. Si vous trouvez que ces ouvriers et ces ministres du salut sont capables de vous procurer quelque soulagements et de contribuer à la guérison de votre âme, si surtout vous y rencontrez le remède singulier et efficace contre l’enflure du coeur et la vanité, approchez-vous d’eux sans crainte et avec confiance, réunissez-vous, vendez-vous à eux; et pour passer ce contrat de vente, présentez-leur l’or précieux de l’humilité; pour papier, l’obéissance; pour tablettes, vos services et votre travail, et pour témoins, les anges. Déchirez devant eux la cédule honteuse par laquelle vous vous étiez vous-même rendu esclave de votre propre volonté; car si vous ne faites qu’errer çà et là, sans vous fixer nulle part, vous perdrez le prix par lequel Jésus Christ vous a racheté. Que ce monastère soit pour vous comme un tombeau, d’où les morts ne doivent sortir que pour comparaître devant le souverain Juge; et s’il en est qui en soient sortis autrement, il est bien à craindre et même à croire qu’ils sont réellement morts. C’est pourquoi nous devons conjurer le Seigneur de détourner loin de nous cet épouvantable malheur. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
107. Dans le monde, les médisances et les calomnies produisent ordinairement des querelles et des animosités; dans un monastère l’intempérance donne la mort à toutes les vertus, et inspire l’horreur pour la vie religieuse. Si donc il vous est donné de réduire en esclavage cette maîtresse tyrannique, vous jouirez partout de la paix et de la tranquillité de l’âme; mais si elle établit son emprise sur vous, votre salut sera, jusqu’à la mort, dans un péril éminent. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
114. Ayons une confiance sans bornes en ceux qui, dans le Seigneur, se sont chargés de conduire notre âme au port du salut, quand même il nous semble qu’ils exigent de nous des choses contraires au salut; car c’est dans ces circonstances, oui c’est surtout dans ces circonstances pénibles, que notre confiance en leurs lumières et en leur sagesse est éprouvée par le feu de l’obéissance et de l’humilité; et la marque la moins équivoque que nous puissions donner de la fermeté de notre foi, c’est d’accomplir sans hésiter ce que nos supérieurs nous ordonnent, quoique leurs ordres nous paraissent opposés à ce que nous espérons et désirons. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
125. Il est impossible que ceux qui s’appliquent de toutes leurs forces à se procurer la science du salut, n’y fassent pas de grands progrès. Mais admirons ici la divine Providence; les uns connaissent les progrès qu’ils obtiennent, et les autres ne les aperçoivent pas. L’Échelle Sainte: QUATRIÈME DEGRÉ
2. La pénitence est le rétablissement du baptême. C’est une espèce de contrat par lequel nous promettons à Dieu de nous corriger des défauts de notre vie passée, et de mieux vivre dans l’avenir. La pénitence, si j’ose me servir de cette expression, est chargée des intérêts de l’humilité; c’est un renoncement parfait à tous les plaisirs des sens; c’est un jugement sévère qu’on porte contre soi-même; c’est l’occupation sérieuse d’une âme qui s’applique tout de bon à l’affaire de son salut éternel. Elle est la fille aînée de l’espérance et l’ennemie mortelle du désespoir. Le véritable pénitent est un criminel qui confesse ses péchés, sans mériter aucune infamie. La pénitence a la vertu de nous réconcilier avec Dieu, en nous faisant pratiquer les bonnes oeuvres opposées aux fautes que nous avons commises; c’est elle qui décharge, purifie et sanctifie la conscience; c’est elle qui nous porte à souffrir généreusement toutes les peines et toutes les afflictions qui nous arrivent. Celui qu’elle anime est d’une admirable activité pour trouver et pour employer les moyens capables de le punir; c’est elle qui combat et surmonte l’intempérance, et qui accuse sans ménagement au tribunal de la conscience. L’Échelle Sainte: CINQUIÈME DEGRÉ
3. Vous tous qui, par vos offenses multipliées, avez irrité la colère de Dieu, accourez, approchez, venez et écoutez; rassemblez-vous, et considérez avec moi les merveilles qu’il a plu à Dieu de me découvrir et de me faire connaître, pour l’exemple et le salut des autres. Commençons d’abord par dire quelque chose de ces hommes dévoués à Jésus Christ par des humiliations profondes, dignes par là même de nos louanges et de la première place. Écoutons, contemplons et imitons ces beaux modèles, nous tous qui sommes tombés dans des fautes mortelles ! Réveillez-vous donc et soyez attentifs, ô vous qui êtes encore sous l’esclavage honteux du péché ! Mes frères, daignez prêter l’oreille à mes paroles; et vous, qui que vous soyez, si vous désirez sincèrement vous réconcilier avec Dieu par une véritable conversion, ne manquez pas de donner ici toute votre attention. L’Échelle Sainte: CINQUIÈME DEGRÉ
23. Mais quel horrible et effrayant spectacle on avait sous les yeux, lorsque quelqu’un de ces saints pénitents touchait à sa dernière heure ! Alors tous ses fervents compagnons venaient entourer son lit de mort; et ces hommes, dévorés par une soif brûlante, en proie à la plus cruelle affliction, enflammés par l’ardeur et la vivacité de leurs désirs et de leurs voeux, lui exprimaient, par une contenance qui inspirait la compassion, par leurs paroles lamentables, par leurs mouvements de tête, les sentiments de la plus tendre et de la plus grande commisération. “Qu’y a-t-il, ô notre cher frère, ô notre tendre compagnon, lui disaient-ils avec une tendresse qui allait au coeur, qu’y a-t-il de nouveau pour vous ? Comment vous trouvez-vous en ce moment ? Qu’auriez-vous à nous dire ? Quelles sont vos espérances ? Quelles sont vos affections et vos pensées ? Avez-vous lieu de croire que vous ayez obtenu ce que vous avez cherché avec tant de peine et d’ardeur, ou bien auriez-vous travaillé sans succès ? Êtes-vous enfin parvenu au port du salut, ou bien auriez-vous encore à craindre un triste naufrage ? Êtes-vous directement arrivé au but de votre voyage, ou bien vous seriez-vous égaré ? Concevez-vous une espérance certaine d’avoir reçu le pardon de vos péchés, ou n’auriez-vous encore qu’une assurance fort incertaine de votre salut ? Vous trouvez-vous dans une parfaite liberté d’esprit et de coeur ou seriez-vous encore dans le trouble et les angoisses ? Votre âme a-t-elle été éclairée des lumières consolantes du ciel ou serait-elle encore dans les ténèbres et dans la nuit de la confusion ? Auriez-vous enfin entendu intérieurement ces paroles : Tu es guéri (Jn 14); tes péchés te sont remis (Mt 8); ta foi t’a sauvé (Mc 5)” ? ou bien ces sentences terribles : Que les pécheurs soient précipités dans les enfers (Ps 9); liez-lui les pieds et les mains, et jetez-le dans les ténèbres extérieures (Mt 22); qu’on enlève l’impie, car il ne verra pas la Gloire du Seigneur dans son temple (Is 22) ? Quelles réponses, ô notre cher frère, pouvez-vous faire à toutes nos questions ? Parlez-nous sans détour et franchement, afin que nous puissions un peu connaître le sort qui nous attend nous-mêmes, car pour vous, le temps de la vie va finir, et quand une fois on est entré dans l’éternité, il n’y a plus de temps. Alors quelques-uns répondaient par ces paroles. Que Dieu soit béni à jamais; car il n’a pas rejeté ma prière ni retiré sa Miséricorde de dessus moi (Ps 45). D’autres répondaient : Béni soit le Seigneur, qui ne nous a pas laissés en proie à la fureur ni à la voracité des dents cruelles de nos ennemis. (Ps 123) D’autres, pressés par la douleur de leur coeur, se contentaient de dire : Notre âme pourrait-elle bien passer ce torrent impétueux, dans lequel les puissances de l’enfer cherchent à la perdre ? (Ps 123). Or ceux-ci parlaient de la sorte, parce qu’ils n’étaient point assez assurés de leur salut, et qu’ils craignaient le compte terrible qu’ils étaient sur le point de rendre à Dieu. D’autres, enfin, faisaient une réponse bien plus affligeante : “Malheur à nous, s’écriaient-ils; malheur à l’âme qui n’a pas gardé les voeux de sa profession ! Voici l’heure unique à laquelle elle puisse savoir ce qu’elle a mérité pour l’éternité.” L’Échelle Sainte: CINQUIÈME DEGRÉ
39. Que ceux-là donc qui pleurent leurs péchés, se gardent bien d’attendre l’heure de la mort, pour s’assurer qu’ils leur ont été pardonnés; car ils n’en peuvent alors recevoir une assurance certaine. Mais nous devons sans cesse faire cette prière : Donne-moi, Seigneur, le doux espoir que tu m’as pardonné mes péchés, afin que je ne sorte pas de ce monde dans la cruelle incertitude de mon salut. (cf. Ps 38,14). L’Échelle Sainte: CINQUIÈME DEGRÉ
48. Moïse, quoiqu’il ait vu la face de Dieu dans le buisson ardent, retourna pourtant en Égypte, c’est-à-dire au milieu des ténèbres du siècle, pour se remettre à faire des briques pour le service de Pharaon, qui était la figure du démon. Cependant, il ne tarda pas de revenir auprès du buisson, et quelque temps après il mérita de monter jusque sur la montagne sainte où Dieu avait fixé sa demeure d’une manière visible. Quiconque comprendra la signification de la figure suivante, ne désespérera jamais de son salut : Job, cet homme d’une mémoire éternelle, d’un état de prospérité et de richesses extraordinaires, tomba dans une pauvreté effrayante; et néanmoins Job devint ensuite deux fois plus riche qu’il ne l’avait été. L’Échelle Sainte: CINQUIÈME DEGRÉ
54. Que les pénitents que je vous ai proposés dans ce cinquième degré, soient vos guides et vos conducteurs; que leur pénitence et la fin qu’ils se proposaient soient le modèle et l’image de votre pénitence et de la fin que vous devez vous proposer, en vous consacrant à ses rigoureux mais salutaires exercices ! Et soyez assurés que pendant votre pèlerinage sur la terre, vous n’aurez pas besoin d’un autre livre pour vous conduire et vous faire heureusement arriver au port du salut, jusqu’à ce qu’enfin Jésus Christ le Fils unique de Dieu, et Dieu Lui-même, ne vous apparaisse et ne vous éclaire de ses lumières dans la résurrection qu’aura produite une véritable et sincère pénitence. Amen. L’Échelle Sainte: CINQUIÈME DEGRÉ
7. Mais observons ici que, bien que l’étain ait beaucoup de ressemblance avec l’argent, on le distingue néanmoins facilement, si on le rapproche de ce dernier métal; de même ceux qui ont quelque expérience dans les choses qui regardent le salut, savent bien mettre une différence essentielle entre la crainte de la mort produite par un sentiment et un mouvement de la nature, et la crainte de la mort causée par l’impression de la grâce. L’Échelle Sainte: SIXIÈME DEGRÉ
11. Quelques-uns sont en peine, et voudraient savoir pourquoi Dieu, vu que la pensée de la mort est si salutaire, n’a pas voulu que nous connaissions le moment où elle doit nous frapper. Mais ces personnes ne considèrent pas que Dieu, en Se conduisant de la sorte, n’a eu en vue que le plus grand intérêt de notre salut. En effet, si l’heure de la mort était connue, quel serait, parmi les hommes, celui qui s’empresserait de recevoir le baptême, de se convertir et d’embrasser la vie religieuse ? Hélas ! la plupart passeraient leur vie dans le crime; et ce ne serait qu’à la dernière heure, qu’ils penseraient à recourir aux eaux saintes du baptême ou de la pénitence. L’Échelle Sainte: SIXIÈME DEGRÉ
17. Une âme, qui cherche tous les moyens d’assurer son salut, s’occupe sans cesse de plusieurs pensées très salutaires : elle pense à l’amour que Dieu lui porte, à la mort, à la présence de Dieu, au royaume céleste, à la ferveur des martyrs; mais c’est surtout la pensée dé Dieu réellement présent partout, qui l’absorbe entièrement. C’est pour cela qu’elle médite sans cesse ces paroles : “Je regardais continuellement le Seigneur, et je l’avais toujours présent devant mes yeux.” (Ps 15,8). Elle ne perd pas de vue le souvenir des anges et des puissances célestes, ni sa dernière heure en ce monde, ni le moment terrible où elle comparaîtra an tribunal du souverain Juge, ni les supplices éternels, ni enfin la sentence qui y condamnera les pécheurs. Telles sont les grandes vérités dont s’occupent les âmes qui veulent servir Dieu. Nous avons d’abord présenté celles qui doivent nous paraître les plus respectables, et nous avons ensuite rappelé celles qui sont les plus capables de nous inspirer l’horreur du péché et de nous empêcher d’y tomber. L’Échelle Sainte: SIXIÈME DEGRÉ
20. Je ne peux pas non plus ne pas vous raconter ce qui est arrivé à un solitaire, du nom d’Hésychius, de la montagne de l’Horeb. Ce pauvre solitaire eut le malheur de passer les trois premières années de sa retraite dans l’oubli entier de son salut, et de négliger tous les exercices de la vie religieuse. Enfin Dieu le frappa d’une maladie si grave, que pendant une heure entière, on crut qu’il était mort. Mais revenu à lui-même, il nous conjura tous avec instance de nous retirer, et de le laisser seul. Nous lui obéîmes, et aussitôt il ferma sur lui la porte de sa cellule, et y demeura tellement reclus, que pendant l’espace de douze ans qu’il vécut encore, il n’échangea jamais aucune parole avec personne, et ne se nourrit que d’un peu de pain et d’eau qu’on lui apportait; il était toujours assis à la même place et n’en changea jamais; il repassait si fortement dans son esprit les choses terribles qu’il avait vues dans la vision qu’il avait eue, que son corps fut toujours dans la même position et la même attitude, et que toujours frappé de la même terreur et hors de lui-même, il gardait le silence le plus parfait, et pleurait à chaudes larmes. Enfin comme, nous connûmes qu’il touchait à sa dernière fin, nous enfonçâmes la porte de sa cellule, pour entrer et lui demander plusieurs choses que nous désirions savoir. Mais ce fut en vain : nous ne pûmes avoir de lui que cette seule parole : Pardonnez-moi, mes frères; je ne peux rien vous dire, sinon qu’il est impossible qu’il ose pécher celui qui aura la pensée de la mort fortement gravée dans l’esprit. Cette réponse nous frappa d’étonnement, et nous ne pouvions pas assez admirer comment un homme dont nous avions dans le temps tous connu la paresse et la négligence, eût été si promptement changé et transformé en un autre homme, et qu’il eût acquis une si grande perfection et une sainteté si prodigieuse. Il mourut, et nous l’ensevelîmes dans le cimetière qui était auprès du monastère. Le lendemain nous allâmes visiter son tombeau, pour voir le saint corps de ce solitaire; mais il n’y était plus. C’est sans doute pour donner aux hommes une excellente leçon, que Dieu permit cette merveille : il voulut faire comprendre à ceux qui, après avoir abandonné la vertu et négligé leur salut, se convertissent avec sincérité et embrassent une nouvelle vie, combien la pénitence de ce solitaire lui avait été précieuse et agréable, et par conséquent, combien il agréerait le repentir et la pénitence de tous les pécheurs. L’Échelle Sainte: SIXIÈME DEGRÉ
2. Si vous voulez, cette tristesse est un aiguillon précieux de l’âme qui, par les heureuses piqûres qu’il lui fait, la délivre et la purifie de toutes les affections terrestres, et qui, par la douleur qu’il lui cause, la fixe et l’attache uniquement à veiller sur elle-même et à prendre soin de son salut. L’Échelle Sainte: SEPTIÈME DEGRÉ
8. Et, oserons-nous le dire ? Cette heureuse source de larmes est, en quelque sorte, plus forte et plus puissante que les eaux du baptême. En effet, le baptême nous purifie des fautes dont nous sommes coupables avant de recevoir ce sacrement; mais le don des larmes nous purifie de toutes les fautes que nous pouvons ensuite commettre dans le cours de notre vie. Le baptême que nous avons reçu dans notre enfance, nous avait conféré une grâce infiniment précieuse, et nous avait placés dans un état tout surnaturel; mais les péchés dans lesquels nous sommes misérablement tombés, nous ont fait perdre cette grâce inestimable et cet heureux état; et le don des larmes nous fait recouvrer cette grâce, et rétablit, en quelque sorte, notre baptême en nous. Avouons qu’ils seraient bien rares les hommes qui pourraient parvenir au salut, si Dieu, dans son infinie Bonté, n’eût pas accordé ce don des larmes. L’Échelle Sainte: SEPTIÈME DEGRÉ
75. Elle est vraiment incroyable, la malice des ennemis de notre salut : ils se servent de tout pour changer nos vertus en vices, et pour nous donner de l’orgueil dans les choses mêmes qui devraient nous couvrir de confusion. L’Échelle Sainte: SEPTIÈME DEGRÉ
4. Ayant un jour rencontré des personnes qui médisaient des autres, je me donnai la liberté de les reprendre avec sévérité. Or voici ce qu’elles répondirent à ma correction, et l’excuse que m’alléguèrent ces langues médisantes: ” Nous ne parlons de la sorte, me dirent-elles, que par des motifs de la plus ardente charité, et par le désir sincère que nous avons de procurer le salut à ceux dont nous blâmons la conduite. ” A cette réponse, je vous avoue que je répartis avec émotion : “Courage, mes amis; avec une charité semblable vous pourrez accuser de mensonge cet oracle du saint Esprit : Je perdrai ceux qui médisent en secret de leur prochain. (Ps 100,5). Malheureux ! Si vous aimez véritablement ces personnes, offrez pour elles à Dieu des prières secrètes et ferventes; mais ne blessez pas leur réputation par des paroles infamantes, car la meilleure manière d’aimer nos frères, c’est de prier Dieu pour eux : c’est là la conduite qui plaît au Seigneur.” L’Échelle Sainte: DIXIÈME DEGRÉ
15. C’est aussi pour cela que les démons, ces ennemis irréconciliables de notre salut, s’ils ne peuvent nous faire tomber directement dans le péché, font tous leurs efforts pour nous engager à juger et à condamner ceux qu’ils y ont précipités, afin de nous souiller nous aussi. L’Échelle Sainte: DIXIÈME DEGRÉ
3. Le silence, au contraire, est sage et prudent; il donne l’esprit d’oraison, délivre l’âme de la captivité, conserve le feu de l’amour divin, veille sur les pensées de l’esprit, observe attentivement le mouvements des ennemis du salut, soutient et nourrit la ferveur de la pénitence, se plaît dans les larmes, rappelle sans cesse l’image de la mort et le souvenir des supplices éternels, fait considérer les Jugements de Dieu avec une crainte salutaire, est très favorable à la sainte tristesse du coeur, combat l’esprit de présomption, favorise la tranquillité de l’âme, augmente la science du salut, nous forme à la contemplation des vérités surnaturelles, nous perfectionne dans les bonnes oeuvres et nous fait monter jusqu’à Dieu. L’Échelle Sainte: ONZIÈME DEGRÉ
10. Les menteurs, pour s’excuser, allèguent ordinairement qu’ils ne mentent que pour de bonnes raisons, que ce n’est jamais qu’en faveur du salut des âmes, et pour l’honneur de la justice et de la charité; ils osent même avancer qu’ils ne font que suivre l’exemple de Rahab, qui par un heureux mensonge, sauva la vie aux envoyés du peuple juif. L’Échelle Sainte: DOUZIÈME DEGRÉ
25. Parmi les malheureuses victimes des plaisirs charnels, j’ai rencontré un homme qui était enfin revenu à lui-même, et qui, par les travaux d’une conversion et d’une pénitence sincère, travaillait à son salut. Or voici ce qu’il m’a raconté : “Les personnes, me dit-il, qui se laissent aller à l’incontinence, sont agitées et tourmentées d’une ardeur violente pour les objet si corporels, elles sont possédées d’un démon furieux et cruel, lequel est assis en tyran sur leur propre coeur, et y fait sentir son infâme empire par des signes non équivoques; de sorte que, lorsqu’elles sont tentées, et qu’elles contente leur brutale passion, elles éprouvent dans elles-mêmes les douleurs d’un feu semblable à celui d’une fournaise embrasée; qu’elles sont si horriblement hors d’elles, qu’elles ont perdu toute crainte de Dieu et des supplices éternels qu’elles n’envisagent que comme des choses fabuleuses; qu’elles ont la prière en horreur; que la vue d’un cadavre ne fait pas plus d’émotion sur elles que la vue d’une pierre; et qu’elles sont si absorbées et si dévorées par le désir de se satisfaire par des actions infâmes, qu’elles en perdent entièrement la raison, et ressemblent plus à des bêtes furieuses qu’à des créatures raisonnables. Hélas ! si de tels jours n’étaient pas abrégés, pourrait-il y avoir une seule âme, qui, dans la prison d’un corps de sang et de boue, fût capable d’obtenir le salut ? car, dès lorsqu’on se figure que les horreurs auxquelles on se livre, conviennent aux exigences d’une nature corrompue, on les recherche avec une avidité insatiable. Si le sang se plaît dans le sang, le ver au milieu des vers, et que le limon se trouve bien avec le limon, la chair ne doit-elle pas aimer les oeuvres de la chair ?” Nous tous qui voulons sincèrement faire violence à la nature, afin d’obtenir le royaume des cieux, n’oublions pas que notre chair ne cherche qu’à nous tromper et à nous trahir, que nous devons la combattre, l’affaiblir et la soumettre par toute sorte de moyens et de pieuses industries. Estimons heureux ceux qui n’ont pas éprouvé les malheurs affreux qui frappent les personnes dominées par le démon de l’impureté, et conjurons avec la plus vive instance le Seigneur de nous préserver à jamais d’une si funeste expérience; car ils sont bien loin de cette échelle mystérieuse par laquelle le patriarche Jacob vit les anges monter et descendre, ceux qui sont malheureusement tombés dans l’abîme de l’impureté, et pour s’en approcher et y monter, ils ont besoin de répandre bien des sueurs et des larmes, supporter bien des peines et des travaux, et se dévouer à des jeûnes et à des austérités bien rigoureuses. L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
26. Nous devons remarquer ici que les ennemis de notre salut se conduisent à peu près dans la guerre qu’ils nous font, comme des soldats rangés en bataille : ils ont ordre de nous attaquer et de nous combattre toutes les fois qu’ils nous rencontreront. L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
32. Ce serait ici le lieu de chercher à connaître quelle serait la personne la plus recommandable, ou celle qui, étant morte par le péché, est ressuscitée à la grâce, ou celle qui, n’étant jamais morte, a conservé son innocence. Quelqu’un a prononcé que c’était la dernière de ces deux personnes; mais je ne partage pas son avis, et je crois même qu’il s’est trompé : car Jésus Christ est mort et ressuscité. Celui, au contraire, qui donnerait la préférence à la première personne, le ferait, sans doute, parce qu’il croirait que ceux qui ont eu le malheur de se donner la mort en tombant dans le péché ne doivent jamais désespérer de leur salut. L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
60. Parmi ceux qui se sont retirés dans le désert pour mener une vie érémitique, il y en a qui sont, ainsi que nous avons eu l’occasion de le remarquer, beaucoup plus exposés aux fureurs des démons. Ce qui ne doit point nous étonner, car ce sont surtout les lieux solitaires qu’ils habitent depuis que notre Seigneur, pour notre salut, leur a défendu de fixer leur demeure dans nos corps, qu’Il les a chassés des lieux habités, ou qu’Il les a précipités dans les cachots éternels. L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
64. Vous tous qui avez résolu de garder la chasteté et à être fidèles à cette vertu céleste, écoutez-moi, je vous prie, et remarquez avec moi un nouveau genre de malice de la part du cruel et impitoyable séducteur de nos âmes : veillez surtout avec grand soin pour ne pas en devenir les tristes victimes. Un serviteur de Dieu, qui en était instruit par sa propre expérience, m’a raconté que souvent le démon de l’impureté se retire de nous jusqu’au temps qu’il a fixé pour être le plus propre et le plus convenable à la tentation dans laquelle il veut nous faire tomber; que pendant cet intervalle il excite dans le malheureux qu’il veut précipiter dans le péché, les plus beaux et les plus pieux sentiments de dévotion, et qu’il lui ouvre une source abondante de larmes dans le temps même qu’il se trouve dans la compagnie des personnes du sexe, qu’alors il inspire à cet imprudent de leur parler avec zèle de la mort et du jugement, de la tempérance et de la chasteté, et de les exhorter à faire des méditations fréquentes sur les vérités importantes du salut et à pratiquer avec une inviolable fidélité les vertus si belles et si nécessaires que commande la religion. Trompées par ces discours et par ces apparences de piété, ces pauvres personnes courent, comme après un véritable pasteur, à la suite de ce moine, qui, par les ruses du démon et sans que lui-même s’en soit presque aperçu, est devenu un loup sanguinaire et dévorant. Mais que va-t-il arriver ? Hélas ! par la familiarité que peu à peu elles prennent, et par la liberté qu’elles ont de s’entretenir avec lui, elles finissent par se précipiter elles-mêmes et, avec elles, ce malheureux dans l’abîme profond du péché, et par consommer sa perte. L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
La science et les talents de l’esprit ne sont pas le partage de tout le monde, je le sais; mais aussi je n’ignore pas que la bienheureuse simplicité, qui est une cuirasse forte et puissante contre les traits des ennemis du salut, ne règne pas dans tous les coeurs. L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
82. Dans une réunion où je me trouvai, je voyais un moine qui était très appliqué à l’affaire de son salut, et qui y travaillait avec une grande ardeur. Or je remarquai un jour que ce fervent serviteur de Dieu était violemment attaqué par des pensées impures, que ne se trouvant pas dans un lieu propre à la prière qu’il avait coutume de faire pendant ces tentations, il prétexta pour se retirer, des besoins naturels. Il se rendit donc à l’endroit destiné pour y satisfaire, et par une prière des plus ferventes il livra la bataille au démon, et le terrassa. Cependant je lui fis quelques reproches sur sa conduite : “Le lieu, lui dis-je, que vous avez choisi pour prier, ne convient nullement au saint exercice de la prière.” Mais, me répondit-il avec humilité, ne voyez-vous pas, mon père, qu’en choisissant ce lieu pour prier dans le temps que j’étais tenté par des pensées immondes, j’ai mérité d’être purifié de mes propres souillures ?” L’Échelle Sainte: QUINZIÈME DEGRÉ
2. La vaine gloire, considérée dans son espèce et dans sa forme, est une passion de l’âme qui cherche à changer la nature des choses, à corrompre la vertu et à repousser les reproches et les réprimandes; et, considérée dans ses propriétés et dans ses effets, c’est un vice qui ne tend qu’à dissiper le fruit de nos travaux, de nos sueurs et de nos peines, à nous dresser des pièges pour nous ravir le trésor de nos bonnes oeuvres, à nous faire tomber dans l’infidélité et dans l’orgueil, à nous faire éprouver un triste naufrage au port même du salut, à ronger et à consumer notre coeur, et, trop semblable à la fourmi, qui n’est qu’un chétif insecte, à ravager la moisson précieuse de nos vertus. La fourmi attend que la récolte soit ramassée, et la vaine gloire, que les vertus soient acquises; la fourmi en veut aux grains, et la vaine gloire, aux bonnes oeuvres. L’Échelle Sainte: VINGT-UNIÈME DEGRÉ
20. Voit-il un moine entrer dans l’heureuse paix de l’âme par la victoire sur les passions ? il cherche aussitôt à l’arracher de son heureuse solitude pour le lancer dans le monde. Sortez d’ici, lui dit-il intérieurement; qu’y faites -vous ? allez travailler au salut de tant d’âmes qui périssent. L’Échelle Sainte: VINGT-UNIÈME DEGRÉ
34. Prenez donc bien garde d’ajouter foi aux insinuations perfides du démon; car c’est un trompeur rusé, et un insigne enchanteur. Il ne remarquera pas de vous persuader que vous devez faire connaître aux autres les excellentes qualités et les bonnes dispositions de votre coeur pour la vertu, et de les publier, afin de les édifier et de procurer par ce moyen le salut à plusieurs. Dans cette tentation si délicate, ne perdez pas de vue ces paroles de l’évangile : “Que servira-t-il à un homme d’avoir gagé l’univers entier, s’il vient lui-même à perdre son âme ?” (Mt 16,26) Rien ne porte davantage et plus efficacement à la piété que l’humilité et la simplicité de nos actions; car ces vertus sont elles-mêmes une leçon solide et frappante qui fait assez connaître aux autres combien il est funeste de se laisser emporter par l’orgueil ; et je ne sais pas s’il serait possible de trouver quelqu’autre chose qui fût plus avantageuse et plus salutaire. L’Échelle Sainte: VINGT-UNIÈME DEGRÉ
45. Trop semblable à un ver, elle grossit, prend des ailes et s’élève dans les airs; quand enfin, elle est parvenue à son dernier degré, elle enfante l’orgueil, qui est l’auteur et le consommateur de tous les vices. Il est bien près du salut, celui qui s’est préservé, ou qui est délivré de la vaine gloire, mais il est bien loin de la gloire et de la société des saints, celui qui est encore esclave de cette maudite passion. L’Échelle Sainte: VINGT-UNIÈME DEGRÉ
8. Ce cruel tyran en a fait succomber d’autres par des jeûnes excessifs, en ne leur laissant ni trêve ni repos. Et cette conduite désespérante, le démon la tient, non seulement vis-à-vis des gens du monde, mais encore à l’égard des religieux et des solitaires. Il leur fait croire qu’il n’y a plus pour eux aucune espérance de salut, et qu’ils sont plus malheureux que les infidèles et les païens. L’Échelle Sainte: VINGT-TROISIÈME DEGRÉ
32. Souvent une grande chute a corrigé des hommes méchants, leur a fait observer les règles de la modestie; de sorte que, comme malgré eux, elle leur a procuré le salut en leur faisant acquérir l’innocence et la simplicité. L’Échelle Sainte: VINGT-QUATRIÈME DEGRÉ
33. Combattez donc courageusement, et donnez tous vos soins pour vous dépouiller de la fausse sagesse du siècle, c’est en vous conduisant de la sorte, que vous trouverez dans Jésus Christ notre Seigneur, le salut et droiture du cœur. L’Échelle Sainte: VINGT-QUATRIÈME DEGRÉ
Celui qui a la force de gravir ce degré, qu’il prenne courage; en effet, ayant imité le Christ son Maître, il a obtenu le salut. L’Échelle Sainte: VINGT-QUATRIÈME DEGRÉ
30. C’est pourquoi nous pouvons dire ici que l’humilité est la porte du royaume des cieux, qu’elle nous y introduit et que c’est de ceux qui pratiquent cette vertu, que le Seigneur veut parler lorsqu’il dit : Qu’ils entreront dans le ciel, qu’ils sortiront de la vie présente sans aucune crainte, et qu’ils trouveront de gras pâturages et des lieux pleins de verdure. (cf. Jn 10,8-9) Ils renoncent donc à leur salut, deviennent les meurtriers de leur âme, ceux qui prétendent entrer dans le ciel par une autre porte que par la porte de l’humilité. L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
40. J’entendis un jour un saint homme dire dans la ferveur que lui inspirait sa profonde humilité : Ne nous donnez ” point, Seigneur, non, ne nous donnez point la gloire, mais donnez-la tout entière à votre saint Nom. (Ps 113,9) Il connaissait par sa propre expérience que notre nature est si faible, qu’elle est dans l’impossibilité de se préserver, par ses propres forces, des blessures que les ennemis du salut veulent lui faire. Vous serez, ô mon Dieu, le sujet de mes louanges dans une grande assemblée (Ps 21,26), c’est-à-dire, dans les siècles infinis de l’éternité; car pour nous, devons-nous ajouter, nous ne pouvons recevoir de la gloire avant la vie future, sans que nous soyons misérablement exposés à nous perdre par la vanité qu’elle nous inspirerait. L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
46. L’humilité est une échelle par laquelle on monte jusqu’à Dieu; mais les uns montent jusqu’au trentième échelon; les autres, jusqu’au soixantième, et les autres, jusqu’au centième. Ceux qui ont, par la victoire entière sur les mauvaises inclinations de leur coeur, obtenu de jouir de la paix parfaite, montent sur le plus élevé, qui est le centième; le second convient à ceux qui marchent courageusement dans les voies du salut; quand au premier, qui est le plus bas, tous peuvent espérer d’y monter. L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
49. Bien des personnes sont parvenues au salut, sans avoir été ni prophètes ni thaumaturges, et sans avoir reçu des révélations extraordinaires; mais jamais personne n’y est parvenu, et n’y parviendra jamais sans l’humilité. N’est-ce pas cette vertu qui est la gardienne fidèle même des dons extraordinaires ? n’est-il pas misérablement arrivé que ces dons célestes ont été la cause ou l’occasion que des coeurs, qui n’étaient pas sincèrement vertueux, ont honteusement chassé l’humilité loin d’eux ? L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
50. Or nous devons admirer ici comment Dieu, afin de nous faire pratiquer, comme malgré nous, la sainte vertu d’humilité, a voulu par une providence toute particulière que les autres vissent et connussent mieux nos fautes que nous ne les connaissons nous-mêmes. Il nous a donc mis dans la nécessité de reconnaître et d’avouer que ce n’est point à nous que nous pouvons attribuer le salut et la guérison de notre âme, mais à l’assistance de nos frères et au secours de Dieu. 51. Celui qui est véritablement humble déteste sa propre volonté, et ne la regarde que comme une trompeuse; et, par la confiance qu’il met en Dieu dans ses prières, il apprend ce qu’il doit savoir et faire. Pour remplir les devoirs de l’obéissance, il ne considère ni la vie ni les moeurs des personnes qui le dirigent; mais il s’abandonne entièrement aux soins paternels de Dieu, et se rappelle qu’autrefois le Seigneur se servit de la voix d’un âne pour donner des instructions à Balaam. Et quand même cet humble et fidèle serviteur de Dieu n’agirait, ne penserait et ne parlerait en toute chose que d’une manière très conforme à sa sainte volonté, il se garderait bien encore de se fier à son propre jugement; car, il faut le dire : une âme vraiment humble n’a pas une moindre peine, ne souffre pas un moindre tourment, de se fier à son propre discernement, qu’un coeur superbe, de se soumettre au jugement des autres. L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
63. Hâtons-nous de travailler de toutes nos forces pour arriver à la possession de l’humilité. Que si nous ne pouvons pas parvenir jusqu’à la perfection de cette vertu, efforçons-nous de nous appuyer sur ses épaules; et si malheureusement il nous arrivait de faire quelque chute et de succomber à quelque tentation, gardons-nous bien de nous séparer de l’humilité, tenons-la fortement embrassée; car je serais grandement étonné que celui qui se séparerait de l’humilité, fût capable de recevoir quelque grâce qui pût le conduire au salut éternel. L’Échelle Sainte: VINGT-CINQUIÈME DEGRÉ
Mais si nous voulons définir le discernement d’une manière générale et qui puisse tout renfermer et convenir à tout, nous dirons et qu’elle est et qu’elle doit être une lumière intérieure qui nous fait connaître avec certitude, en tout temps, en tout lieu et dans toutes nos actions, qu’elle est la sainte et adorable volonté de Dieu, et que ceux-là seuls la reçoivent qui sont purs dans leurs affections, dans leurs actions et dans leurs paroles. 2. Celui qui par l’esprit de Dieu a vaincu trois ennemis de son salut, vient bien facilement à bout de terrasser les cinq autres; mais celui qui néglige d’attaquer et de vaincre ces trois ennemis, ne peut compter sur aucune autre victoire. Le discernement est donc une conscience sans tâche, elle n’habite que dans ceux dont les sens sont purs et chastes. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
49. Sachons donc que ce sont la simplicité, l’innocence et l’intégrité de la vie, qui sont surtout capables de délivrer notre âme des perturbations et de l’agitation des passions, et de lui procurer une paix délicieuse, selon cette parole de David : C’est avec justice que j’attends mon salut du Seigneur, car c’est Lui qui sauve ceux qui ont le cœur droit, (cf. Ps 7,12) et Il nous délivre ainsi de nos maux, de manière qu’à peine nous en apercevons-nous et que nous sommes semblables aux petits enfants qu’on dépouille de leurs vêtements sans qu’ils aient le sentiment de leur nudité. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
65. S’il est vrai que tous ne peuvent prétendre à jouir de l’impassibilité, qui délivre de toutes les passions; il est également vrai que tous peuvent se réconcilier avec Dieu et obtenir le salut éternel. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
86. Les personnes peu fermes et peu constantes dans la pratique de la vertu, ne doivent pas ignorer que c’est parce que Dieu prend un soin particulier de leur salut, qu’il permet qu’elles se trouvent exposées à des indispositions corporelles, à des dangers et à des accidents fâcheux et les gens parfaits dans le bien doivent voir dans calamités sensibles, une preuve bien consolante de la présence du saint Esprit, et une marque assurée de l’augmentation des dons célestes dans leur âme. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
89. Il y a plusieurs voies qui conduisent les âmes à la piété, mais il y a aussi plusieurs chemins qui peuvent les mener au malheur éternel. Or parmi ces voies qui font arriver au salut, il en est qui, ne convenant pas à quelques personnes, conviennent fort bien à d’autres; et cependant la conduite des unes et des autres est agréable à Dieu. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
162. Mais observons ici que ce ne sont pas les mêmes passions qui font la guerre et aux jeunes gens et aux vieillards qui viennent de se convertir et de se consacrer au Seigneur dans la religion. En effet ce sont souvent des passions contraires qui les attaquent les uns et les autres. C’est pourquoi nous appelons heureuse et doublement heureuse la sainte humilité par laquelle les vieillards et les jeunes gens trouvent leur salut et la victoire dans leurs tentations, et qu’ils peuvent facilement trouver et pratiquer les uns et les autres. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
29. Comme les eaux pressées dans des canaux étroits s’élèvent en l’air avec impétuosité; de même une âme environnée et pressée de dangers s’élance avec force vers Dieu par les saintes larmes de la pénitence, et obtient son salut. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
44. Comme celui qui est dévoré par la faim, pense nécessairement au pain; de même les gens qui désirent avec une véritable ardeur de parvenir au salut, pensent de toute nécessité à la mort et aux jugements du Seigneur. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
51. Comme une personne que la mort a frappée, ne peut absolument plus marcher; de même il est impossible que celle qui désespère de son salut, puisse, tant qu’elle sera dans ce misérable état, sauver son âme. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
54. Comme une barque dirigée par un pilote expérimenté et protégée du ciel, arrive heureusement au port; de même une âme, quoiqu’elle ait eu le malheur dans un temps de tomber dans un grand nombre de péchés, dirigée et conduite par un directeur plein de sagesse, de lumières et de prudence, arrivera facilement au port du salut, et obtiendra le ciel. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
56. Que celui qui a fait des fautes énormes, et qui, à cause des infirmités corporelles, ne peut pas supporter les rigueurs de la pénitence, marche exactement dans les voies de l’humilité; qu’il suive en tout l’esprit et les sentiments qui sont propres à cette vertu, car il n’y a pas pour lui d’autre moyen capable de le faire parvenir au salut. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
67. À mesure qu’on cesse de tomber dans le péché, on se déshabitue de le commettre. Or ce désistement du péché devient le commencement de la pénitence; le commencement de la pénitence,le commencement du salut; le commencement du salut, la résolution de bien vivre; la résolution de bien vivre, le commencement des travaux; le commencement des travaux, le commencement des vertus; le commencement des vertus, le commencement de la fleur des vertus; le commencement de la fleur des vertus, le commencement de la bonne volonté; le commencement de la bonne volonté, le commencement à l’habitude de la vertu; le commencement de l’habitude de la vertu, le commencement de la crainte de Dieu; le commencement de la crainte de Dieu, le commencement de la fidélité à observer les commandements du Seigneur; le commencement de la fidélité à observer les commandements de Dieu, le commencement de l’amour du Seigneur; le commencement de l’amour du Seigneur, le commencement d’une profonde humilité; le commencement d’une profonde humilité le commencement de la paix souveraine du cœur; et le commencement de la paix souveraine de l’âme devient la perfection de la charité. Or cette perfection de la charité est elle-même cette sainte et parfaite amitié dont Dieu honorera tous ceux qui, étant délivrés de toute affection déréglée, posséderont leur cœur dans la pureté. car, ils verront Dieu (cf. Mt 5,8). À Lui gloire et honneur dans les siècles. Amen. L’Échelle Sainte: VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
31. Personne n’ignore que dans tous les arts et dans toutes les sciences, il y a des opinions diverses et des sentiments différents; car les hommes ne sont pas également parfaits dans toute chose, tantôt par défaut de travail et de diligence, tantôt par défaut d’intelligence et de lumières. Aussi voyons-nous des gens s’empresser de courir dans la solitude, dans l’espérance d’y trouver un port assuré de salut; et malheureusement ils n’y rencontrent qu’un abîme sans fond qui les engloutit : ils prétendaient y guérir leur langue de l’intempérance des paroles et des honteuses habitudes de leurs corps, et ils y ont augmenté leur mal. Nous en voyons d’autres voler dans les déserts, parce que, n’ayant pu triompher de leur humeur irascible, en vivant au milieu de leurs frères, ils espèrent en triompher plus efficacement dans la solitude; mais ils sont dans une misérable erreur. Nous en voyons d’autres embrasser la vie érémitique, parce que, remplis d’orgueil, ils aiment mieux vivre selon leur propre volonté, que de se laisser conduire par un supérieur ou un directeur; d’autres vont dans la solitude, parce qu’en vivant au milieu des occasions dangereuses, ils n’ont pas la force d’y résister; d’autres désirent la vie solitaire, afin de se rendre plus exacts dans l’accomplissement de leurs devoirs; d’autres choisissent ce genre de vie, afin de pouvoir se punir plus sévèrement de leurs fautes; d’autres ne cherchent la solitude que pour se faire un nom devant les hommes, d’autres enfin, si toutefois le Fils de l’homme, en venant sur la terre pour juger le monde, en trouve de semblables, uniquement enflammer d’amour pour Dieu, et trouvant dans cet amour des délices ineffables, se donnent à la vie érémitique comme à une épouse uniquement aimée. Ne font-ils encore cette démarche que lorsqu’ils ont fait un divorce absolu avec la négligence et la tiédeur. En effet l’union de la vie érémitique avec un esprit de paresse forme une espèce de fornication spirituelle. L’Échelle Sainte: VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ
78. La patience met une âme dans un heureux état, elle peut, sans se laisser abattre travailler à son salut et à sa perfection au milieu des rigueurs et des difficultés fatigantes et opiniâtres de ses travaux. L’Échelle Sainte: VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ
81. Or la patience est une forte et généreuse détermination à souffrir tous les sujets d’affliction qui, chaque jour, peuvent arriver; elle est un retranchement sévère de toutes les occasions capables de nous détourner de l’accomplissement de nos devoirs; elle est une vigilance exacte surtout ce qui regarde le salut. L’Échelle Sainte: VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ
95. Vous trouverez plus sûrement le salut dans la pratique des bonnes œuvres que dans la lecture des livres. L’Échelle Sainte: VINGT-SEPTIÈME DEGRÉ
10. N’employez pas non plus de longs discours, lorsque vous priez; car le soin et la peine que vous prendriez pour trouver les mots capables d’exprimer vos pensées et vos sentiments, dissiperaient votre esprit et vous feraient perdre le recueillement qui vous est nécessaire. Une seule parole ne mérita-t-elle pas au publicain la plénitude des Miséricordes du Seigneur ? une seule parole ne procurât-elle pas le salut au bon larron sur la croix et au moment d’expirer ? Les grands mots et les belles phrases ne sont propres qu’à remplir l’esprit d’illusion et de dissipation; tandis que quelques paroles dictées par un coeur plein de foi, ont forcé l’esprit à rentrer dans le recueillement et dans l’attention. L’Échelle Sainte: VINGT-HUITIÈME DEGRÉ
33. Un criminel et un condamné au supplice tremblent moins au souvenir de la sentence qui a été ou qui sera prononcée par leurs juges, qu’un chrétien qui est possédé du désir de faire de bonnes prières, ne tremble de les faire d’une manière qui soit indigne du Seigneur. Aussi la seule pensée de la prière dans une personne sage et fervente pour son salut, suffit pour étouffer en elle tout ressentiment et tout souvenir des injures qu’elle a reçues, réprimer les mouvements de la colère, bannir les soins superflus, négliger les affaires purement temporelles, ne donner aucune attention aux afflictions et aux peines de la vie, garder une exacte tempérance, triompher des tentations, et se préserver des mauvaises pensées. L’Échelle Sainte: VINGT-HUITIÈME DEGRÉ
4. Cet heureux état de l’âme, quoiqu’il soit la perfection des coeurs parfaits, est néanmoins susceptible de s’augmenter sans cesse et presque jusqu’à l’infini. C’est cette tranquillité, ainsi que m’en a assuré un grand serviteur de Dieu qui en avait fait lui-même la délicieuse expérience, laquelle sanctifie et purifie tellement une âme, la détache et la délivre si victorieusement de toutes les affections pour les choses de la terre, que, par un ravissement tout divin, elle l’élève jusque dans les cieux, et qu’après l’avoir conduite au port du salut, elle lui fait contempler Dieu même. Eh ! n’est-ce point de ce ravissement céleste qu’il avait peut-être éprouvé, que David veut parler, lorsqu’il dit : que les dieux puissants de la terre ont été extraordinairement élevés (Ps 46,10). C’est encore ce qu’avait éprouvé ce saint religieux d’Égypte, qui, au milieu de ses frères, priait presque toujours les bras étendus vers le ciel. L’Échelle Sainte: VINGT-NEUVIÈME DEGRÉ
13. Soyez bien persuadé que cette paix est, en quelque sorte, la cour et le palais du Roi des cieux : or dans ce palais comparable à une grande cité, il y a différentes habitations pour les âmes justes : le mur qui entoure cette nouvelle Jérusalem, c’est la rémission de nos péchés. Courons donc, ô mes frères, arrivons jusqu’au lit qui nous est préparé dans ce palais céleste : nous devons y trouver un repos parfait. Eh ! si par un malheur à jamais déplorable nous nous trouvons encore chargés du poids de nos mauvaises habitudes, ou que nous soyons embarrassés par les affaires de la vie qui est si courte, appliquons-nous au moins à nous procurer une place autour du lit nuptial de l’Époux céleste. Si notre tiédeur et notre négligence nous privent encore de cet honneur et de cet avantage, faisons du moins en sorte d’entrer dans l’enceinte de ce palais; car, hélas ! il sera condamné à vivre éternellement dans une désespérante solitude avec les démons, l’homme qui, avant sa mort ne sera pas entré dans cette enceinte, ou plutôt qui n’aura pas escaladé les remparts de cette cité céleste pour pénétrer dans son enceinte. Il faut donc de toute nécessité qu’avec une détermination forte et sincère, nous disions avec David : C’est avec le secours de mon Dieu que je veux traverser le mur, (Ps 17,30); et ce mur, le Prophète nous enseigne que ce sont nos péchés : Vos iniquités, dit-il, ont établi un mur de séparation entre vous et votre Dieu. (Is 59,2) Travaillons avec courage, ô mes amis, pour renverser ce mur de séparation que nous avons si malheureusement élevé par nos désobéissances. Procurons-nous à tout prix la rémission de nos péchés; car personne dans l’enfer ne pourra nous donner les moyens de payer les dettes que nous avons contractées en les commettant. Soyons donc pleins de zèle, ô mes chers frères, pour les intérêts de notre salut; car c’est pour cette fin que Dieu nous fait la grâce de nous enrôler dans sa milice sainte. Soyons bien convaincus que nous ne pouvons nous excuser de n’être pas animés de cette ardeur, ni sur les chutes que nous avons faites, ni sur les circonstances pénibles du temps, ni sur la difficulté de porter le joug du Seigneur; car tous ceux qui, comme nous, ont été revêtus de Jésus Christ dans le sacrement de la régénération, Dieu leur a donné le pouvoir de de devenir et d’être ses enfants (cf. Jn 1,12), et c’est à eux qu’Il adresse ces paroles : Quittez vos téméraires entreprises, considérez et reconnaissez que Je suis votre Dieu (cf. Ps 45,11), et que : Je suis la paix solide et véritable des coeurs. Or c’est à ce Dieu de paix que nous devons gloire et honneur dans les siècles des siècles. Amen. L’Échelle Sainte: VINGT-NEUVIÈME DEGRÉ