Cassiano: pratiques

Humblement, nous lui demandâmes de nous accorder un entretien et de nous communiquer sa doctrine, protestant que le désir de connaître les règles de la vie spirituelle faisait tout le sujet de notre visite. Sur quoi, il poussa un profond soupir : «Quel enseignement, dit-il, vous pourrais-je donner ? La faiblesse de l’âge, en me forçant de relâcher la rigueur d’autrefois, m’ôte en même temps la hardiesse de parler. Comment aurais-je la présomption d’enseigner ce que je ne fais pas moi-même, et d’instruire les autres à des pratiques où je me vois si peu exact et si tiède ? C’est pourquoi je n’ai point permis qu’aucun des jeunes solitaires demeurât avec moi jusqu’à l’âge où je suis, de peur que mon exemple n’eût pour effet de relâcher l’austérité d’autrui. La parole du maître n’a force et autorité, que si la vertu de ses actions l’imprime au coeur de celui qui écoute.» Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 4

Et je n’ai pas tout dit. Alors même que nulle défaillance ne vient nous faire obstacle, nous n’avons pas la franche liberté de faire tout ce que nous voulons. Nous ne sommes pas exacts comme nous le voudrions au silence de la retraite, ni à la stricte observance de nos jeûnes, ni à la lecture assidue, dans le temps même où nous le pourrions; mais certains cas se présentent, qui nous retirent, malgré nous, de nos salutaires pratiques : si bien qu’il faut implorer du Seigneur les temps et les lieux favorables pour nous y livrer. Il est sûr que pouvoir ne suffit pas, s’il ne nous accorde l’occasion propice, pour accomplir les choses qui nous sont manifestement possibles. «Nous voulions aller vers vous, dit l’Apôtre, une première et une seconde fois; mais Satan nous a empêchés.» (1 Thess 2,18) Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 6

Un exemple de chasteté qui montre que toutes les pratiques ne conviennent pas à tous indistinctement. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 7

Pourquoi s’étonner ? Il leur était même licite, alors, d’avoir en nombre épouses et concubines, sans qu’on leur imputât de ce chef le moindre péché. Outre cela, ils répandaient fréquemment de leurs propres mains le sang de leurs ennemis; et l’on ne croyait pas que ce fût là chose répréhensible, mais plutôt digne d’éloge. Toutes pratiques absolument interdites, aujourd’hui que brille la lumière de l’Évangile : tellement que ce serait un crime et un sacrilège monstrueux de s’en permettre aucune. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH CHAPITRE 18

Pour les miracles et les prodiges qui s’accomplirent par ses mains à notre vue, la divine grâce rendant ainsi témoignage à ses mérites, j’ai cru devoir les passer sous silence afin de ne pas m’écarter de mon premier dessein ni franchir les limites qui conviennent à ce volume. Ce ne sont pas les merveilles divines dont j’ai promis le récit à la mémoire des hommes, mais, autant que mes souvenirs le permettraient, les institutions et les pratiques des saints; je n’ai voulu que donner des lumières pour la vie parfaite, et non point fournir un aliment à la vaine curiosité de mes lecteurs, sans profit pour la correction de leurs vices. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 1

Si donc, comme je le crois, c’est le zèle de Dieu qui vous inspire l’envie de nous connaître, il faut renoncer entièrement à tous les principes dont vos commencements ont été prévenus, pour embrasser sans discernement et en toute humilité les pratiques et les enseignements de nos anciens. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 3

Ce fut un grand sujet d’étonnement, non seulement pour nous, qui, arrivés naguère de notre monastère de Syrie, n’avions pas encore vu d’exemples si éclatants de cette extraordinaire patience, mais aussi pour ceux qui n’étaient pas étrangers à ces pratiques héroïques; et les plus consommés y trouvèrent gratuitement à s’instruire. Ceci surtout les frappait, que, si la correction de son abbé n’avait pu émouvoir sa patience, du moins les regards d’une si grande multitude n’eussent pas fait monter la moindre rougeur à son visage. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 1

Par conséquent, lorsqu’il s’agit de pratiques auxquelles nous voyons un mode et un temps déterminés, et dont l’observance sanctifie, sans pourtant qu’il y ait faute à les omettre : manifestement, elles sont de soi indifférentes. Ainsi, le mariage, l’agriculture, les richesses la retraite au désert, les veilles, la lecture et la méditation des livres sacrés, le jeûne enfin, qui fut l’occasion de ce discours. Ce sont là des buts pour notre activité, que ni les préceptes divins ni l’autorité des saintes Écritures ne nous ordonnent de poursuivre avec une telle continuité, que ce soit un crime de prendre quelque relâche. Tout ce qui fait l’objet d’un commandement proprement dit, nous mérite la mort, s’il n’est observé; mais ce qui est plutôt conseillé qu’ordonné, procure des avantages, si on le fait, sans attirer de châtiment, si on l’omet. Aussi nos pères nous ont-ils recommandé de ne nous livrer à toutes ces pratiques, à certaines du moins, qu’avec prudence et circonspection, tenant compte du pourquoi, du lieu, du mode, du temps. C’est qu’en effet tout va à souhait, si elles viennent opportunément; mais embrassées mal à propos, elles sont nuisibles autant que déplacées. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 14

Ainsi, ce n’est pas sans motif que Dieu éclate en reproches contre celui qui se Basile tellement abuser par un jugement sans équité : Cependant, s’écrie-t-il, les fils des hommes sont vains, les fils des hommes sont menteurs, quand ils pèsent, afin de tromper. (Ps 41,10). Le bienheureux Apôtre aussi nous avertit de garder les tempéraments de la discrétion, afin de ne pencher ni à droite ni à gauche, victimes d’une outrance pleine de mirages : il parle, en effet, d’un culte raisonnable et spirituel. (Rom 12,1). Le Législateur porte la même défense : Que vos balances, ordonne-t-il, soient justes; vos poids, justes; juste, votre boisseau; juste, votre setier. (Lev 19,36). Salomon, enfin, a sur ce sujet une pensée toute semblable : Le double poids, grand et petit, et les doublés mesures sont deux choses abominables devant le Seigneur; et celui qui se livre à ces pratiques, se prendra lui-même à ses propres ruses. (Pro 20,10-11). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 22

C’est encore tomber évidemment dans le péché du poids trompeur et de la double mesure, que de faire parade à la vue de nos frères, par un désir de gloire humaine, des pratiques plus austères auxquelles nous avons coutume de nous livrer dans nos cellules : en effet, c’est vouloir paraître plus abstinents et plus saints aux yeux des hommes, que nous ne le sommes aux yeux de Dieu. Or, il n’est point de vice qu’il faille davantage, je ne dis pas éviter, mais abominer. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 22

GERMAIN. – Selon nous, ces textes ne conviennent pas plus à ceux qui vivent dans les péchés mortels, qu’à l’Apôtre ou aux parfaits qui ont atteint sa mesure. Proprement, ils doivent s’entendre de ceux qui, après avoir reçu la Grâce divine et connu la Vérité, désirent s’abstenir des vices charnels, mais se voient entraînés vers leurs convoitises invétérées, par la force d’une habitude ancienne qui domine tyranniquement dans leurs membres, telle une loi de nature. L’habitude et la répétition du mal deviennent, en effet, comme une loi naturelle. Inhérente aux membres de la faible humanité, celle-ci captive et emporte au vice les inclinations de l’âme insuffisamment formée aux pratiques de la vertu et, si l’on peut ainsi dire, de chasteté novice encore et tendre. Elle la soumet, en vertu de l’antique condamnation, à la mort et au joug tyrannique du péché, ne lui permettant pas d’atteindre au bien de la pureté qu’elle aime, mais la contraignant plutôt de faire le mal qu’elle déteste. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 14