Cassiano: passion

Lorsqu’il fut fini, le vieillard s’aperçut que nous attendions sur l’heure l’accomplissement de sa promesse : «Je vous sais gré, dit-il, du transport où vous met la passion d’apprendre. Mais je n’éprouve pas un moindre contentement à voir la logique qui se marque en vos discours. L’ordre que vous observez dans votre question est, en effet, celui même de la raison. La plénitude d’une charité si sublime appelle nécessairement l’infinie récompense d’une parfaite et indéfectible chasteté. Il y a là deux palmes étonnamment semblables, deux joies soeurs; et si étroite est l’alliance qui les unit, qu’il est impossible de posséder l’une sans l’autre. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 1

Que chacun s’anime d’ailleurs à sa conquête du même désir, du même amour, de la même impatiente ardeur qui se voient chez l’avare dévoré de la cupidité, chez l’ambitieux que possède la soif des honneurs, chez l’homme emporté par la violence intolérable d’une passion mauvaise. Brûlé d’un insatiable désir de la perpétuelle intégrité, il méprisera la nourriture, même désirable; la boisson, même nécessaire, lui donnera de l’aversion; il repoussera enfin le sommeil même qu’il doit à la nature, ou du moins ne le prendra qu’avec une âme toute saisie de crainte et en défiance contre un ennemi si perfide de la pureté, un adversaire si déclaré de la chasteté. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 4

Je serais fâché que l’on me fit dire qu’il ne s’en trouve point, pour être animés au parfait renoncement. Je prétends seulement que s’il en est qui s’empressent d’une volonté austère à cueillir la palme de la perfection proposée à nos ambitions, ils doivent triompher en quelque manière de leur nature. Car, lorsque l’ardente passion s’en est allumée dans une âme, elle la pousse à supporter, et la faim, et la soif, et les veilles, et la nudité, et toutes les fatigues corporelles, non seulement avec patience, mais de bon coeur : «L’homme, parmi la douleur, travaille pour soi-même, et empêche de force sa propre perte»; (Pro 16,26) «À l’homme pressé de la faim, même ce qui est amer devient doux.» (Ibid. 27,7). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 5

L’une des béatitudes exaltées par la bouche de notre Sauveur nous rend cette vérité manifeste : «Heureux les doux, parce qu’ils posséderont la terre.» (Mt 5,4). Nous n’avons point d’autre moyen de posséder notre terre, c’est-à-dire de soumettre à notre empire la terre rebelle de notre corps, que de fonder tout d’abord notre âme en la douceur de la patience; dans les combats que la passion suscite à notre chair, le triomphe ne s’obtient que si l’on revêt les armes de la mansuétude : «Les doux, dit le prophète, posséderont la terre,» et «ils y demeureront à jamais.» (Ps 36,11 et 29). Puis, il nous enseigne, dans la suite du psaume, la méthode pour conquérir cette terre : «Attends le Seigneur et garde sa voie; il t’élèvera, et tu posséderas la terre en héritage.» (Ps 36,34). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 6

Puis, ayant comparé Jérusalem à l’épouse adultère qui abandonne son mari, il se compare lui-même fort justement, dans son amour et sa persévérante bonté, à l’homme que sa passion fait mourir. Oui, la tendresse et la dilection dont il fait preuve sans cesse à l’égard du genre humain ne se pouvaient exprimer plus heureusement que par cet exemple. Comme il se laisse peu vaincre à nos injures ! On ne le voit pas, pour elles, abandonner le soin de notre salut ni revenir de son premier dessein, obligé en quelque sorte de reculer devant nos iniquités. Ainsi l’homme éperdument épris. Plus il se sent accablé de dédains et de mépris, plus véhément est le feu de la passion qui le brûle. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 8

À ces exemples produits des Évangiles, nous pouvons clairement reconnaître que divers et innombrables sont les modes et insondables les voies par où Dieu procure le salut du genre humain. Les uns sont remplis de bonne volonté et dévorés d’une sainte passion : il les excite à plus d’ardeur encore; il contraint les autres malgré qu’ils en aient. Tantôt il nous aide à accomplir les bons désirs qu’il voit que nous avons formés; tantôt il nous inspire les premiers mouvements des saintes aspirations, et nous donne le commencement des bonnes oeuvres aussi bien que la persévérance. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 17

Je sens que vous avez le zèle de la lecture. Conservez-le; et de toute votre ardeur, hâtez-vous de posséder au plus tôt la plénitude de la science pratique, c’est-à-dire morale. Sans elle, la pureté de la contemplation, dont nous parlions naguère, demeure hors de nos prises. Ceux-là seulement qui sont devenus parfaits, non certes par l’effet de la parole de leurs maîtres, mais par la vertu de leurs propres actions, l’obtiennent, pour ainsi dire, en récompense, après l’avoir payée de bien des oeuvres et des labeurs. Ce n’est pas dans la méditation de la loi qu’ils acquièrent l’intelligence, mais comme le fruit de leurs travaux. Ils chantent avec le psalmiste : «Par vos commandements m’est venue l’intelligence.» (Ps 118,104). Ils s’écrient, pleins de confiance, après avoir éliminé, toute passion : «Je chanterai des psaumes et j’aurai l’intelligence dans le chemin de l’innocence.» (Ps 100,1-2). Car celui-là comprend, tandis qu’il psalmodie, les paroles qu’il chante, qui marche dans les voies de l’innocence par le privilège d’un coeur pur. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 9

Dans les conférences avec les anciens, ne prenez point la liberté de dire mot, si ce n’est pour demander ce qu’il vous serait nuisible d’ignorer ou ce qu’il vous est nécessaire de connaître. Il en est qui, possédés de l’amour de la vaine gloire, ne feignent d’interroger que pour montrer leur savoir. Mais il ne se peut pas que celui qui s’applique à la lecture dans le dessein d’acquérir la gloire humaine, mérite jamais le don de la vraie science. Esclave de cette passion, comment ne porterait-on pas également les chaînes des autres vices, et particulièrement de la superbe ? Mais ainsi terrassé dans le combat de la science pratique et morale, on n’obtiendra point la science spirituelle, qui lui doit son origine. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 9

Mais toutes ces affections, que nous voyons être le commun partage des méchants aussi bien que des bons, des bêtes sauvages elles-mêmes et des serpents, ne peuvent non plus persévérer jusqu’à la fin. Elles sont souvent rompues et désunies par la distance, le temps, la conclusion d’un accord verbal ou le règlement d’une affaire, d’une question à intérêts. Nés des liens divers que créent le désir du gain, la passion, le sang, les relations de toutes sortes, elles se brisent aussi à la première occasion. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 2

Pour quel motif pourra-t-il bien souffrir que la tristesse trouve entrée en son propre coeur ou demeure au coeur d’un autre ? C’est, à ses yeux, un principe sans appel, que la passion de la colère, pernicieuse comme elle est illicite, ne peut avoir de justes causes; et qu’il lui est autant impossible de prier, si un frère s’irrite contre lui, que si lui-même s’irritait contre son frère. Toujours il garde dans un coeur humble le souvenir de cette parole du Seigneur notre Sauveur : «Si, lors que vous présentez votre offrande à l’autel, il vous souvient que votre frère a quelque chose contre vous, laissez là votre offrande devant l’autel, et allez d’abord vous réconcilier avec votre frère; puis, venez présenter votre offrande.» (Mt 5,23-24). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 6

S’il ne faut rien préférer à l’amour, rien, à l’encontre, n’est à regarder comme un plus grand mal que la fureur et la colère. On doit tout sacrifier, de quelque utilité qu’il paraisse, pour éviter le trouble de cette passion; et tout embrasser, tout supporter, même ce qui passe pour adversité, afin de garder inviolable la tranquillité de la dilection et de la paix : bien convaincu qu’il n’est rien de plus pernicieux que la colère et la tristesse, rien de plus profitable que l’amour. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 7

L’Apôtre ne parle pas autrement : «Ne vous vengez pas vous-mêmes, mais donnez place à la colère;» (Rom 12,19) c’est-à-dire : Ne courez pas à ta vengeance sous l’aveugle poussée de la passion, mais donnez place à la colère. Quoi encore ? Ne laissez pas resserrer vos coeurs par l’étroitesse de l’impatience et de la pusillanimité, tellement qu’ils ne puissent soutenir la tempête impétueuse de l’emportement, lorsqu’elle se déchaînera. Dilatez-les, au contraire, et recevez les flots ennemis de la passion dans les espaces élargis de la charité, qui «souffre tout, supporte tout.» (1 Cor 13,7). Que votre âme ainsi dilatée par la largeur de la longanimité et de la patience, possède en soi les retraites salutaires de la délibération et du conseil, on l’horrible fumée de la colère trouve, si l’on peut ainsi parler, une issue, se répande, et finalement se dissipe. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 27

Si, d’ailleurs, il blâme les disputes et les colères précipitées, ce n’est pas qu’il les approuve lorsqu’elles sont lentes. Il faut entendre dans le même sens le mot que voici : «L’insensé déclare sur l’heure sa colère, mais l’homme habile cache son ignominie.» (Pro 12,6). En décidant que le sage doit cacher la passion ignominieuse de la colère, Salomon blâme assurément la promptitude à s’emporter. Il ne suit pas toutefois qu’il n’interdise aussi de la même manière le vice lent à se déclarer. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 27

Nous ne devons pas taire non plus cette utile recommandation. Lors même que, sous la poussée de la colère ou de quelque autre passion, nous nous sommes liés par un serment — ce qui ne devrait jamais arriver à un moine —, il faut néanmoins peser avec un esprit sain les deux alternatives en présence, comparer ce que nous avons résolu avec ce que nous nous sentons pressés de faire, et passer sans retard au parti qu’un examen plus conforme aux lumières de la raison aura jugé plus convenable. Mieux vaut renoncer à sa parole que de manquer une chose pieuse et de plus grand profit pour le salut. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH CHAPITRE 26

C’est alors que la même passion qui jadis avait excité contre le patriarche Joseph l’esprit de ses frères, brûla d’un feu jaloux le coeur de l’un des nôtres. Possédé d’un malheureux désir de flétrir par une tache déshonorante l’éclat d’une telle, beauté, sa malice invente ce stratagème. Un dimanche, saisissant le moment où Paphnuce était parti de sa cellule pour aller à l’église, il y entre furtivement, et, sans être vu, cache son manuscrit parmi les tresses que le jeune solitaire s’occupait a faire avec des feuilles de palmier; puis, assuré du succès d’une ruse si bien concertée, en homme qui a la conscience pure et innocente, il se rend à l’église avec les autres. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 15

Aussi le sage dit-il fort justement à leur propos : «Si le serpent mord sans siffler, l’enchanteur ne sert de rien.» (Ec 10,11). Ce sont là, en effet, ces morsures secrètes, les seules auxquelles la médecine des sages ne puisse apporter remède. Jusqu’à quel point ce mal n’est-il pas incurable ! Les caresses l’exaspèrent, les bons procédés l’augmentent, les présents l’irritent : «L’envie, dit encore Salomon, ne peut rien souffrir.» (Pro 27,4). Plus le prochain grandit par les abaissements de l’humilité, la vertu de patience ou la gloire de la munificence; plus l’envieux se sent blessé des aiguillons de sa passion. C’est la ruine de son frère, c’est sa mort qu’il voudrait, et rien d’autre. Voyez les fils de Jacob. La soumission de Joseph innocent était loin d’apaiser le feu de leur jalousie : «Ses frères le jalousaient, rapporte l’Écriture, parce que son père l’aimait; et ils ne pouvaient lui dire une parole pacifique.» (Gen 37,4). Les choses en vinrent à tel point, que leur rage, impatiente de ses complaisances et de ses soumissions, et avide de sa mort, put à peine se satisfaire en le vendant comme esclave. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 16

Sachons toutefois que, si nous nous retirons au désert ou en quelque lieu secret, avant d’avoir guéri nos vices, nous en empêchons seulement les effets; mais la passion n’est nullement éteinte. La racine des pêchés demeure cachée dans notre coeur, tant que nous ne l’avons pas extirpée; que dis-je ? elle gagne de proche en proche. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 12

GERMAIN. — Vous nous avez montré le remède des passions de la colère, de la tristesse et de l’impatience, dans la représentation des objets qui sont de nature à les contrarier. Nous voudrions être instruits pareillement du genre de traitement qu’il convient d’appliquer à l’esprit de fornication. Le feu de la concupiscence se peut-il éteindre, en lui proposant de plus grands sujets de l’exciter, comme dans les cas précédents ? Ce procédé, selon nous, serait assez nuisible à la chasteté, non seulement s’il s’agissait d’exagérer en nous les aiguillons de la passion, mais même si l’âme devait, ne fut-ce qu’en passant, poser son regard sur ces choses. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 15

Aussi bien, personne ne doit se flatter d’obtenir un si beau résultat, avant d’avoir retranché, dans toute la ferveur de son esprit, ce qui fut la cause ou l’occasion de ses chutes. Par exemple, c’est par une dangereuse familiarité avec les personnes du sexe qu’il est tombé dans une faute grave : qu’il évite avec le plus grand soin jusqu’à leur aspect. — Ou bien il s’est laissé emporter à quelque excès de vin ou de bonne chère : qu’il réprime, par une rigoureuse austérité, les séductions de la gourmandise. — Peut-être, il a été induit au parjure, au vol ou à l’homicide par le désir et la passion de l’argent : il faut écarter les objets qui, en allumant son avarice, l’ont attiré dans le piège. — Enfin, c’est le vice de la superbe qui le pousse à la colère : il arrachera la racine même de l’orgueil par une profonde vertu d’humilité. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 11

Que le sort est différent, de ceux que la grâce du Sauveur enflamme d’une sainte passion pour l’incorruption parfaite ! Ils consument par le feu de l’amour divin toutes les épines des charnels désirs, de sorte qu’il ne se trouve même pas chez eux de cendres tièdes, pour ôter à la fraîcheur de leur intégrité. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 33

S’il faut vaincre la gourmandise, ce n’est pas à cause d’elle seulement, et de peur qu’elle ne nous corrompe par le poids des aliments; ce n’est même pas uniquement par crainte qu’elle n’allume en nous les feux de la concupiscence charnelle; mais c’est encore afin qu’elle ne nous mette pas en l’esclavage de la colère, de la fureur, de la tristesse et des autres vices. Que l’on nous serve, en effet, le boire et le manger en moindre quantité, ou trop tard, ou sans les soins convenables : si la tyrannie de la gourmandise nous domine, nous serons fatalement piqués aussi des aiguillons de la colère. D’autre part, impossible de se délecter dans les saveurs voluptueuses et d’échapper en même temps à la passion de l’argent, reine des apprêts superflus et dispendieux où se plaît la délicatesse. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 3

Ces étapes progressives nous ferons parvenir à la tranquillité perpétuelle du corps, et, nous permettront d’offrir nos membres à Dieu, comme des instruments non de passion, mais de justice. Fondés en cette pureté de chasteté, le péché ne dominera plus sur nous. Car nous ne sommes plus sous la Loi, qui recommandait le mariage, mais sous la grâce, qui, en conseillant la virginité, rend innocent l’usage du mariage lui-même. (Rm 6,12-14) Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 6

Quels sont donc, en effet, les vierges du Christ, véritables et sans tache ? Ceux qui redoutent le mal ? Ceux qui n’y ont pas de complaisance ? Ceux qui, refrènent le vice ? Non pas; mais ceux qui ont étouffé jusque dans leur âme le plus léger souffle de la volupté, les plus imperceptibles mouvements de la passion; ceux qui ont tellement réduit, si je puis ainsi parler, le sens de la chair, qu’ils n’en ressentent plus la moindre atteinte. Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 6

Voici le bienheureux Pierre, le premier entre les apôtres. Que penser de lui, sinon qu’il était saint ? À l’heure surtout que le Seigneur lui disait : Tu es heureux, Simon, fils de Jean, car ce n’est pas la chair ni le sang qui te l’ont révélé, mais mon Père qui est dans les cieux… Et Je te donnerai les clefs du royaume des cieux, et tout ce que tu lieras sur la terre, sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre, sera délié dans les cieux (Ibid. 17,19). Toutefois, l’instant d’après, dans son ignorance du mystère de la passion, il s’oppose, sans savoir, à ce qui devait être un si grand bienfait pour le genre humain : À Dieu ne plaise, Seigneur, cela Ne sera pas ! Et il mérite cette réponse : Arrière, Satan ! tu M’es à scandale; car tes sentiments ne sont pas ceux de Dieu, mais ceux des hommes (Ibid., 22,23). Quoi ! lorsque l’Équité même lui adresse un tel reproche, faut-il croire qu’il ne soit pas tombé ? Mais faut-il penser, d’autre part, qu’il ne soit pas demeuré dans la sainteté de la justice ? Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 13

Au reste, comment ces expressions pourraient-elles s’accommoder à la personne des pécheurs : Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je hais ? ou celles-ci : Mais, si je fais ce que je ne veux pas, ce n’est pas moi qui le fais, c’est le péché habite en moi ? Qui des pécheurs se souille contre sa volonté d’adultère ou d’impudicité ? Lequel tend malgré soi des embûches au prochain ? Lequel subit une contrainte inévitable, pour opprimer par le faux témoignage, pour duper et voler, pour convoiter les dépouilles ou répandre le sang d’autrui ? Au contraire, il est écrit : Le genre humain est passionnément appliqué au mal dès la jeunesse (Gen 8,21). Chez tous ceux que brûle la passion du vice, quel désir de satisfaire leurs convoitises ! Sollicitudes qui ne dorment jamais ! Ils guettent l’occasion favorable pour commettre le crime, tant ils craignent de jouir trop tard de l’assouvissement de leurs penchants emportés. Mais encore ils se font une gloire de leur ignominie et d’entasser les forfaits; selon la parole sévère de l’Apôtre, ils cherchent a s’acquérir une sorte d’honneur avec la honte (Phil 3,19). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 1

Des choses visibles passant aux invisibles, nous pouvons bien croire que l’énergie des vices se trouve aussi localisée dans les différentes parties et, si l’on peut dire, les membres de l’âme. Or, les sages y distinguent trois facultés, la raisonnable, l’irascible et la concupiscible. L’une ou l’autre sera nécessairement altérée, toutes les fois que le mal nous attaquera. Lors donc que la passion mauvaise touche quelqu’une de ces puissances, c’est d’après l’altération qu’elle y détermine, que le vice particulier reçoit sa dénomination. Si la peste vicieuse infecte la partie raisonnable, elle y engendre la vaine gloire, l’élèvement, la superbe, la présomption, la contention, l’hérésie. Si elle blesse la partie irascible, elle enfante la fureur, l’impatience, la tristesse, la cruauté. Si elle corrompt la partie concupiscible, elle produit la gourmandise, l’impureté, l’amour de l’argent, les pernicieux et terrestres désirs. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 15