De cette manière, ils ne marcheront pas à la lumière de leurs propres pensées dans cette profession difficile et quasi inconnue en ce pays, pleine de périls, aussi bien, dans les lieux mêmes où des chemins battus et des exemples sans nombre en rendent l’accès plus aisé. Mais ils s’accoutumeront à s’y guider par les maximes de ceux qu’une tradition ancienne et une longue expérience en ont instruits à fond. Les Conférences: PRÉFACE 2
Une longue expérience l’y conduira, ainsi que la pureté du coeur, unies à la lumière de la parole divine, dont le bienheureux Apôtre dit : «Elle est vivante, la parole de Dieu, et efficace, plus acérée que nulle épée à deux tranchants, si pénétrante, qu’elle va jusqu’à séparer l’âme de l’esprit, les jointures et les moelles; et elle discerne les pensées et les sentiments du coeur.» (Heb 4,12). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 8
Celui-là donc pourra s’excuser sur la nécessité inhérente à la nature, qui sera parvenu par une application continuelle à un tel état de pureté, que son âme ne soit plus touchée des appas du vice, et qu’il n’ait plus à regretter que des souillures inconscientes et rares. Tel il sera durant le jour, tel il demeurera durant la nuit; le même dans le sommeil et à la prière, seul et en la compagnie des hommes. Jamais il ne s’apercevra tel dans le secret, qu’il rougisse d’être vu par autrui. Le regard inévitable de Dieu ne surprendra rien chez lui qu’il désire tenir caché à la vue des hommes. Mais la très suave lumière de la chasteté le comblera de continuelles délices, et il pourra dire avec le prophète : «La nuit même est devenue lumineuse, au sein des délices où je suis. Les ténèbres n’ont point d’obscurité pour vous; la nuit brille comme le jour, ses ténèbres ressemblent à la lumière.» (Ps 138,11-12). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 8
La protection divine ne nous quitte jamais. Si grande est la tendresse du Créateur pour sa créature, que sa providence ne serait point satisfaite de nous accompagner; elle nous précède. Le prophète, qui en avait fait l’expérience, le témoigne ouvertement : «La miséricorde de mon Dieu me préviendra.» (ps 58,11) Aperçoit-il en nous quelque commencement de bonne volonté, aussitôt il épanche sur nous sa lumière et sa force, il nous excite au salut, donnant la croissance au germe qu’il a semé lui-même ou qu’il voit naître de nos efforts. «Avant qu’ils crient vers moi, dit-il, je les entendrai; ils parleront encore, que je les exaucerai.» (Is 55,24) Il est dit encore : «Au son de tes cris, aussitôt qu’il t’aura entendu, il te répondra.» (Ibid. 30,19) Et non seulement il nous inspire de saints désirs; mais il nous prépare les occasions de revenir à la vie, les circonstances favorables pour faire de bons fruits; il montre aux égarés le chemin du salut. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 8
Il y a bien d’autres énigmes. On fait honneur au libre arbitre de toute l’oeuvre du salut : «Si vous le voulez, et m’écoutez, vous mangerez les biens de votre pays.» (Is 1,19) Puis, il est dit — «Ce n’est au pouvoir, ni de celui qui veut, ni de celui qui court; mais de Dieu, qui fait miséricorde.» (Rm 9,16) — Dieu «rendra à chacun selon ses oeuvres.» (Ibid. 2,6) Mais, «c’est Dieu qui opère en nous le vouloir et le parfaire, selon son bon plaisir;» (Phil 2,13) et nous lisons de même : «Cela ne vient pas de vous, mais c’est le don de Dieu; ce n’est pas le fruit de vos oeuvres, afin que nul ne se glorifie.» (Ép 2,8-9) — Il est dit d’une part : «Approchez-vous de Dieu, et il s’approchera de vous;» (Jac 4,8) et d’autre part : «Personne ne vient à moi, si le Père, qui m’a envoyé, ne l’attire.» (Jn 65,44) — «Conduis ta course par des chemins droits, est-il écrit, rends droites tes voies.» (Pro 4,26) Et nous disons dans nos prières — «Dirige mes pas devant ta face» (ps 5,9); «Affermis nos pas dans tes sentiers, afin qu’ils ne chancellent point.» (ps 16,5) — On nous donne cet avertissement : «Faites-vous un coeur nouveau et un esprit nouveau.» (Ez 18,31) Et l’on nous fait cette promesse : «Je leur donnerai un seul coeur, et je mettrai dans leur poitrine un esprit nouveau; et j’ôterai de leur chair leur coeur de pierre, et je leur donnerai un coeur de chair, afin qu’ils marchent selon mes commandements et qu’ils gardent mes lois.» (Ibid. 11,19-20) — Le Seigneur nous intime ce précepte : «Purifie ton coeur de toute malice, Jérusalem, afin que tu sois sauvée.» (Jér 4,14) Et voici que le prophète lui demande cela même qu’il nous ordonne : «Crée en moi, ô Dieu, un coeur pur» (ps 50,16); «Tu me laveras, et je serai plus blanc que la neige.» (Ibid. 9) — Il nous est dit «Allumez en vous la lumière de la science». (Puis, il est dit de Dieu : «Il enseigne à l’homme la science» (ps 93,10); «Le Seigneur donne la lumière aux aveugles.» (ps 145,8) Et nous-mêmes, nous demandons avec le prophète : «Donne la lumière à mes yeux, afin que je ne m’endorme jamais dans la mort.» (ps 12,4) Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 9
Pour ceux qui mesurent à la lumière de l’expérience, au lieu de se griser de mots, la grandeur de la grâce et la petitesse des moyens de la liberté humaine, ce qui vient d’être dit rend évidente cette vérité : «La course n’est pas aux agiles, ni la guerre aux vaillants, ni le pain aux sages, ni la richesse aux prudents, ni la faveur aux savants» (Eccl 9,11); mais «c’est le même Esprit qui produit tous ces dons, les distribuant à chacun comme il lui plaît» (1 Co 12,11). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBÉ CHEREMON CHAPITRE 18
Que si vous avez conçu le souci de parvenir à la lumière de la science spirituelle, non par le mouvement de la vaine jactance, mais par l’amour de la pureté, enflammez vous premièrement du désir de cette béatitude dont il est dit : «Heureux les coeurs purs, parce qu’ils verront Dieu,» (Mt 5,8) afin que vous puissiez atteindre aussi à celle dont l’ange parle à Daniel : «Ceux qui auront été savants brilleront comme la splendeur du firmament, et ceux qui en instruisent beaucoup à pratiquer la justice luiront comme les étoiles dans les éternités sans fin,» (Dan 15,3-5) et sur laquelle on lit encore chez un autre prophète : «Allumez en vous la lumière de la science, tandis qu’il en est temps.» (Os 10,12). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 9
Évitez donc avec le plus grand soin que votre zèle de la lecture, au lieu de vous procurer la lumière de la science, et la gloire sans fin promise à l’homme qu’illuminent les clartés de la doctrine, ne vous soit une cause de perdition par les vaines prétentions qu’il pourrait éveiller chez vous. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 10
Ayons le zèle d’apprendre par coeur la suite des Écritures, et de les repasser sans cesse dans notre mémoire. Cette méditation continuelle nous procurera un double fruit. D’abord, tandis que l’attention est occupée à lire et étudier, les pensées mauvaises n’ont pas le moyen de rendre l’âme captive dans leurs filets. Puis, il se trouve qu’après avoir maintes fois parcouru certains passages, en travaillant à les apprendre de mémoire, nous n’avons pu, sur l’heure, les comprendre, parce que notre esprit manquait de la liberté nécessaire. Mais, lorsqu’ensuite, loin de l’enchantement des occupations diverses et des objets qui remplissent nos yeux, nous les repassons en silence, surtout pendant les nuits, ils nous apparaissent, dans une plus grande lumière. Il est ainsi des sens très profonds, dont nous n’avions pas le plus léger soupçon durant la veille; et c’est quand nous reposons, plongés, pour ainsi dire, dans la léthargie d’un lourd sommeil, que l’intelligence nous en est révélée. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 10
Non, celui dont l’âme n’est point pure ne saurait acquérir la science spirituelle, quelque peine qu’il se donne, si assidu qu’il puisse être à la lecture. L’on’ ne confie point à un vase fétide et corrompu un parfum de qualité, un miel excellent, une liqueur précieuse. Le vase pénétré de senteurs repoussantes, infectera plus facilement le parfum le plus odorant, qu’il n’en recevra lui-même quelque suavité ou agrément; car ce qui est pur se corrompt plus vite que ce qui est corrompu ne se purifie. Ainsi le vase de notre coeur. S’il n’est d’abord entièrement purifié de la contagion fétide des vices, il ne méritera pas de recevoir ce parfum de bénédiction dont parle le prophète : «Comme l’huile précieuse qui, répandue sur la tête, coule sur la barbe d’Aaron et descend sur le bord de son vêtement;» (Ps 132,2) non plus qu’il ne gardera sans souillure la science spirituelle ou les paroles de l’Écriture, «qui sont plus douces que le miel et que le rayon rempli de miel». (Ps 18,11). «Car, quelle communication y a-t-il de la justice avec l’iniquité ? Quelle société de la lumière avec les ténèbres? Quel accord entre le Christ et Bélial ?» (2 Cor 6,14-15). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 14
Nul autre moyen de parvenir à la science spirituelle, que de se conformer à l’ordre suivant, si heureusement exprimé par l’un des prophètes : «Semez pour vous en vue de la justice, moissonnez l’espérance de la vie, allumez en vous la lumière de la science.» (Os 10,12). Premièrement, il faut semer en vue de la justice, c’est-à-dire propager en quelque sorte notre perfection active par les oeuvres de la justice; nous devons ensuite moissonner l’espérance de la vie, c’est-à-dire recueillir les fruits des vertus spirituelles, en expulsant les vices de la chair. Par cette méthode, nous pourrons allumer en nous la lumière de la science. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 16
Mais voici que l’auteur même de tous les signes et les miracles appelle ses disciples à recueillir sa doctrine; il va manifester avec évidence ce que ses sectateurs véritables et choisis entre tous devront apprendre particulièrement de lui : «Venez, dit-il, et apprenez de Moi,» (Mt 11,28) non pas certes à chasser les démons par la puissance du ciel, ni à guérir les lépreux, ni à rendre la lumière aux aveugles, ni à ressusciter les morts — J’opère, il est vrai, tous ces prodiges par l’entremise de quelques-uns de mes serviteurs; néanmoins, l’humaine condition ne saurait entrer en société avec Dieu pour les louanges qui Lui sont dues; le ministre et l’esclave ne peut prendre sa part où toute la gloire appartient à la seule divinité; mais, dit-il, «apprenez de Moi» ceci, «que je suis doux et humble de coeur.» (Mt 11,29). Voilà, en effet, ce qu’il est possible à tous communément d’apprendre et de pratiquer. Mais de faire des signes et des miracles, cela n’est pas toujours nécessaire, ni avantageux à tous, et n’est pas accordé non plus universellement. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ NESTEROS CHAPITRE 7
Cependant, elles semblaient éclater comme la lumière auparavant, lorsque le démon nous les inspirait; et elles auraient facilement engendré la discorde, si le commandement des anciens, gardé par nous comme un oracle de Dieu, ne nous eût prévenus contre toute dispute. Ils ont prescrit, en effet, et posé comme une sorte de loi, que ni l’un ni l’autre ne devait plus se lier à son jugement propre qu’à celui de son frère, s’il ne voulait être abusé par la fourberie du démon. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 10
On a maintes fois éprouvé la vérité de ce que dit l’Apôtre, que «Satan lui-même se transforme en ange de lumière», (2 Cor 11,14) afin de répandre les obscures et affreuses ténèbres de l’erreur pour la vraie lumière de la science. Heureux, si ses suggestions rencontrent un coeur humble et doux, qui les soumette à l’examen d’un frère mûri par l’expérience ou d’un ancien de vertu consommée, puis les rejette ou les accueille selon qu’ils en auront jugé, après les avoir soigneusement éprouvées. Autrement, il n’est pas douteux que nous ne révérions l’ange des ténèbres comme un ange de lumière, et ne périssions de la mort la plus terrible. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 11
Pourquoi s’étonner ? Il leur était même licite, alors, d’avoir en nombre épouses et concubines, sans qu’on leur imputât de ce chef le moindre péché. Outre cela, ils répandaient fréquemment de leurs propres mains le sang de leurs ennemis; et l’on ne croyait pas que ce fût là chose répréhensible, mais plutôt digne d’éloge. Toutes pratiques absolument interdites, aujourd’hui que brille la lumière de l’Évangile : tellement que ce serait un crime et un sacrilège monstrueux de s’en permettre aucune. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH CHAPITRE 18
il peut arriver que, sur l’heure, vous ne saisissiez pas le sens profond ou le principe de telle parole, de telle conduite. N’en soyez point ébranlés, et ne laissez pas de vous y conformer. Ceux qui jugent de tout avantageusement et en simplicité, puis s’appliquent à imiter fidèlement ce qu’ils ont vu faire ou dire à leurs anciens, plutôt qu’à le discuter, trouveront la lumière par surcroît dans la pratique elle-même et l’expérience. Mais il n’entrera jamais dans la vérité, celui qui commence à s’instruire en disputant. L’ennemi, voyant qu’il se fie plus à soit jugement qu’à celui des pères, l’amènera sans peine à regarder comme superflues et périlleuses les choses mêmes les plus utiles et les plus salutaires. Ce maître en artifices se jouera de sa présomption; tant et si bien, qu’il force de s’entêter dans ses opinons déraisonnables, le malheureux en viendra jusqu’à se persuader que cela seul est saint, que son aveugle obstination trouve juste et bon. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 3
Il reste qu’après nous avoir découvert d’une manière si évidente la cause de nos maladies et le moyen de les reconnaître, vous nous montriez également par quel remède on les guérit. Qui parlera pertinemment du traitement à employer, si ce n’est celui qui d’abord a su découvrir les origines et les causes du mal, au point de recueillir, le suffrage de la conscience même du malade ? De voir votre Béatitude mettre à nu nos plus secrètes blessures, nous donne l’assurance d’attendre encore la lumière touchant les remèdes; un diagnostic si évident autorise tous les espoirs. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 13
Au surplus, si l’on veut parvenir à une perpétuelle et ferme patience, il est un principe qu’il faut tenir avec une constance inébranlable. Nous n’avons pas le droit, nous à qui la loi divine interdit, non seulement de venger nos injures, mais encore de nous en souvenir, nous n’avons pas le droit de nous abandonner à la colère pour quelque tort ou contrariété que ce soit. Quel plus grave dommage peut-il advenir à l’âme, que d’être privée par l’aveuglement subit où son trouble la jette, de la clarté de la vraie et éternelle lumière, et de se retirer de la contemplation de Celui qui est «doux et humble de coeur »? (Mt 11,29) Qu’y a-t-il, je vous le demande, de plus pernicieux, qu’y a-t-il de plus laid que de voir un homme perdre le sentiment des bienséances, oublier les règles et les principes du juste discernement, et commettre, sain d’esprit et à jeun, ce qu’on ne lui pardonnerait pas en état d’ivresse et privé de sens ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 14
Sa sainteté et son humilité y jetèrent en peu de temps un grand éclat. Aussi, lorsque l’abbé Jean, de bienheureuse mémoire, eut émigré de la lumière de ce monde vers le Seigneur, et que saint Élie, son égal pour la vertu, fut mort à son tour, Théonas, le troisième, fut élu d’un consentement unanime, pour leur succéder dans l’office de diacre et la dispensation des aumônes. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 9
Il commence par se faire à lui-même une objection, comme parlant en leur nom : Pourquoi avons-nous jeûné, sans que vous regardiez ? Pourquoi avons-nous humilié nos âmes, sans que vous y preniez garde ? (Is 58,3). Il reprend aussitôt, et fait connaître les raisons pour lesquelles ils ne méritent pas d’être exaucés : C’est, dit-Il, que votre volonté propre se trouve au jour de votre jeûne, et redemandez vs créances à tous vos débiteurs. Voici : vous jeûnes, pour faire des procès et des querelles; et vous frappez du poing méchamment. Ne jeûnez plus comme vous l’avez fait jusqu’à ce jour, si vous voulez que votre cri soit entendu là-haut. Est-ce là un jeûne qui me plaise, que l’homme afflige son âme durant un jour ? Courber la tête comme un cercle, se coucher sur le sac et la cendre : est-ce là ce que vous appelez un jeune, un jour agréable au Seigneur ? (Is 87,3-5). Puis, il enseigne la manière, pour celui qui jeûne, de rendre agréable son abstinence, et prononce évidemment que le jeûne, par soi-même, n’est utile à rien, à moins de s’entourer des conditions suivantes : Le jeûne qui m’agrée, n’est-ce pas celui-ci ? Dénouez les chaînes d’impiété, déliez les fardeaux qui accablent, renvoyez libres les opprimés, brisez tous les jougs. Rompez votre pain à celui qui a faim, faites entrer dans votre maison les pauvres et les sans-abri. Si vous voyez un homme nu, couvrez-le, et ne méprisez point votre propre chair. Alors, votre lumière éclatera comme un matin, et la santé vous viendra promptement; la justice marchera devant votre face, et la Gloire du Seigneur sera votre arrière-garde. Alors, vous appellerez, et le Seigneur vous entendra; vous crierez, et il vous dira : Me voici. (Is 57,6-9) Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 14
THÉONAS. — Pesons tous nos actes sur la balance de la raison; et, pour ce qui regarde la pureté du coeur, consultons toujours notre conscience, non le jugement d’autrui : moyennant quoi, cette trêve ne saurait assurément faire tort à une juste austérité. Mais, encore une fois, il faut, d’une âme impartiale, faire la mesure égale à l’indulgence et à l’abstinence, et les maintenir en équilibre, de façon à corriger tout excès, d’une part comme de l’autre; distinguer, à la lumière de la véritable discrétion, si le poids des délices déprime la partie spirituelle, ou si l’excessive rigueur de notre jeûne déprime l’autre plateau, qui est celui du corps; appuyer, enfin, sur le plateau que nous voyons s’élever, et soulever celui que nous voyons s’abaisser. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 22
Nous ne pouvons remplir, en effet, ce qui se chante dans le psaume : J’ai devancé le matin, et j’ai crié vers vous; (Ps 118,147). Mes yeux ont devancé le point du jour, pour méditer votre parole; (Ibid. 148) Le matin, ma prière vous préviendra, (Ps 87,14 que si, rappelés à la lumière du jour après le repos du sommeil, comme du sein des ténèbres et de la mort, nous n’osons rien prélever pour nos propres besoins, des fonctions de notre âme ni de notre corps. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 26
Cet autre, cependant, vit dans la lumière de la grâce évangélique. Il triomphe du mal, non par la résistance, mais par la patience. On le frappe ? Il présente volontairement et sans retard l’autre joue. On veut soulever un débat, pour avoir sa tunique ? Il abandonne encore son manteau. Il aime ses ennemis, prie pour ceux qui le calomnient. Ah ! voilà l’homme qui a secoué le joug du péché et rompu ses chaînes ! Il ne vit plus sous la Loi. — Celle-ci, en effet ne tue pas les semences du péché. Aussi le bienheureux Apôtre dit-il justement : La première ordonnance a été abrogée, à cause de son impuissance et de son inutilité, car la Loi n’a rien amené à la perfection. (Heb 7,18-19). Et le Seigneur, par la bouche de son prophète : Je leur ai donné des préceptes qui ne sont pas bons, et des ordonnances où ils ne trouveront pas la vie. ( Ez 20,25). — Mais il vit sous la grâce, qui ne se borne pas à couper les rejetons du mal, mais arrache à fond les racines mêmes de la volonté mauvaise. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 33
GERMAIN. — Vous venez de faire la lumière sur une question fort obscure, et qui garde pour beaucoup, je pense, tout son mystère. Aidez-nous, je vous prie, à poursuivre nos progrès, en éclaircissant encore ce point : dans le temps même de nos plus grandes ardeurs a jeûner, nous sentons s’élever dans notre chair des combats plus violents; et souvent, à notre réveil, nous sommes si abattus de ce qui nous est arrivé, que, toute confiance nous abandonnant, nous n’osons même plus nous lever pour la prière. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 35
Mais Il en avait la ressemblance. Et c’est pourquoi les Pharisiens, qui pouvaient si bien pourtant se rappeler ce qui est écrit de Lui dans le prophète Isaïe : Il n’a point commis le péché, et sa Bouche ignora la ruse (Is 53,9), se laissèrent néanmoins abuser par les apparences, au point de dire : Voici un homme de bonne chère et un buveur de vin, un ami des publicains et des pécheurs (Mt 11,19); et à l’aveugle qui avait recouvré la lumière : Rends gloire à Dieu, nous savons que cet homme est un pécheur (Jn 9,24); à Pilate enfin : Si cet homme n’était un pécheur, nous ne te l’aurions pas livré (Ibid. 18,30). Les Conférences: DEUXIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉODOSE CHAPITRE 12
Toutefois, de la bonté elles ne retiendront pas même le nom, si on les compare au siècle futur, où les biens demeurent sans changement, où il n’y a plus à redouter aucune altération de la vraie béatitude. Écoutez la description de cette béatitude du monde futur : La lumière de la lune sera comme la lumière du soleil, et la lumière du soleil brillera sept fois plus, comme la lumière de sept jours (Is 30,26). Aussi, toutes les choses d’ici-bas, si grandes, si belles au regard et si merveilleuses, paraîtront-elles vanité, au prix de ce que la foi nous promet dans l’avenir : Toutes choses, s’écrie David, vieilliront comme un vêtement. Tu les changeras, comme un habit dont on se couvre, et elles seront changées; mais Toi, Tu restes toujours le même, et tes années ne passeront point (Ps 101 27-28). Mais, si rien n’est stable par soi-même, si rien n’est immuable, si rien n’est bon que Dieu; si nulle créature ne peut obtenir la béatitude de l’éternité et de l’immutabilité de par sa nature propre, mais seulement par une participation de son Créateur et par grâce : toute bonté créée s’évanouit en face du Créateur. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 3
S’il faut un témoignage plus évident encore, voici la Loi. Ses préceptes sont des préceptes de vie : car elle a été donnée par les anges, par l’entremise d’un médiateur (Gal 3,19); et c’est d’elle encore que l’Apôtre dit : Ainsi donc, la Loi est sainte; et le commandement est saint, juste et bon (Rm 7,12). Mais, en regard de la perfection évangélique, l’oracle divin prononce qu’ils ne sont pas bons : Je leur ai donné, des préceptes qui ne sont pas bons, et des ordonnances où ils ne trouveront pas la vie (Ez 20,25). Entendez aussi l’Apôtre affirmer que toute la gloire de la Loi s’éclipse à la lumière du Nouveau Testament, tellement que, devant la splendeur de l’Évangile, elle ne mérite plus d’être glorifiée : Ce qui a été glorifié autrefois, dit-il, cesse d’être glorieux en face de cette gloire suréminente (2 Co 3,10). Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 3
Dans une maison spacieuse, encombrée de hardes, de mobilier, des objets les plus divers, deux hommes pénètrent; le premier jouit d’une vue saine et perçante, le second a les yeux aveuglés par la chassie. Celui-ci, empêché de tout voir avec son regard obscurci, assure qu’il n’y a rien là qu’armoires, lits, bancs, crèches, toutes choses, en un mot, dont le toucher, plutôt que la vue, lui a révélé l’existence. Celui-là, au contraire, dont le clair regard, comme un trait de lumière, a sondé les recoins les plus cachés, déclare une multitude de petits objets, qui se peuvent à peine compter, et qui, si on les entassait, égaleraient, ou peut-être même surpasseraient par leur nombre la grandeur des quelques meubles reconnus à tâtons par son compagnon. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 6
Au contraire, ceux qui mettent toute douceur, joie et béatitude dans la contemplation des choses divines et spirituelles. Si des pensées tyranniques les en arrachent sans leur aveu et seulement un instant, ils pensent avoir commis une sorte de sacrilège, qu’une pénitence immédiate vient aussitôt punir. Quelles larmes, pour avoir préféré à leur Créateur la vile créature qui a détourné le regard de leur âme ! Ils se taxent, je dirais presque d’impiété; et, encore que leur promptitude soit extrême à ramener vers la clarté de la Gloire divine les veux de leur coeur, les ténèbres, même fugitives, des pensées charnelles leur sont une chose insupportable, et ils ont en exécration tout ce qui retire leur esprit de cette vraie lumière. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 8
Je le compare à un homme qui voudrait élever et fermer dans les airs la voûte d’une abside. Celui-ci doit tracer toute sa circonférence d’après le centre, qui est un point extrêmement délicat, et calculer, en se guidant sur cette norme infaillible, l’exacte rotondité et le dessin de la construction. Qui tenterait de mener l’oeuvre à bien sans l’épreuve de ce point central, quelque confiance qu’il ait en son habileté ou en son génie, se mettrait dans l’impossibilité d’obtenir une forme régulière et sans défaut. Il ne pourrait non plus s’apercevoir, au seul regard, dans quelle mesure son erreur a nui à la beauté qui résulte d’une rondeur parfaite. Mais il lui faut, pour cela, se référer constamment a l’indice qui lui permet d’apprécier la justesse de ses mesures; et, selon la lumière qu’il reçoit de là, déterminer exactement le pourtour intérieur et extérieur de l’ouvrage. Un seul point sera le noeud d’une si imposante construction. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 6