Cassiano: humilité

C’était un homme d’une éminente sainteté et remarquable entre tous. Après qu’on l’eut arraché du milieu des anachorètes, pour le faire évêque de Panephysis, il ne laissa pas de demeurer strictement fidèle, toute sa vie durant, à l’idéal de la vie solitaire. On ne le vit jamais relâcher rien de sa première humilité, ni se complaire à la dignité dont il avait été honoré. Si on l’avait appelé à cette charge, ce n’était pas, à l’en croire, qu’il y fût propre mais plutôt il gémissait d’avoir été chassé du désert, comme indigne de la vie que l’on y mène, parce que, en trente-sept années qu’il y était demeuré, il n’avait pas su parvenir à la pureté d’âme que réclame une profession si haute. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 2

Puis, cette humilité d’esprit le rend capable d’accomplir le précepte évangélique de la perfection : «Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient.» (Mt 5,44). C’est par là que nous mériterons d’atteindre à la récompense dont il est parlé aussitôt après, l’image et ressemblance divine avec le titre de fils : «Afin, est-il dit, que vous soyez les fils de votre Père qui est dans les cieux, qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes.» (Mt 5,3). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA CHEREMON CHAPITRE 9

Il est impossible d’éviter ce malheur, si l’on se lie à son propre sens. Mais il faut aimer et pratiquer la vraie humilité; il faut remplir, avec un coeur contrit, le voeu si pressant de l’Apôtre : «S’il est quelque consolation dans le Christ, s’il est quelque douceur et soulagement dans la charité, s’il est quelque tendresse et compassion, rendez ma joie parfaite; ayez une même pensée, un même amour, une même âme, un même sentiment; ne faites rien dans un esprit de contention ni par vaine gloire; mais tenez-vous en toute humilité pour supérieurs les uns aux autres.» (Phil 2,13). Il dit encore : «Prévenez-vous d’honneur les uns les autres.» (Rom 12,10). Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBÉ JOSEPH CHAPITRE 11

Pour moi, cet aveu expia, par son humilité, un forfait si grand, non seulement devant leur frère, contre qui ils avaient péché, avec une cruauté inhumaine, mais aussi devant Dieu. Les Conférences: SECONDE CONFÉRENCE DE L’ABBA JOSEPH CHAPITRE 25

Si donc, comme je le crois, c’est le zèle de Dieu qui vous inspire l’envie de nous connaître, il faut renoncer entièrement à tous les principes dont vos commencements ont été prévenus, pour embrasser sans discernement et en toute humilité les pratiques et les enseignements de nos anciens. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 3

Mais je veux que parfois les sarabaïtes emploient mieux l’argent qu’ils n’ont pas amassé à bonne intention. Même alors, ils n’approchent pas de la vertu des cénobites ni de leur perfection. Ceux-ci, dans le temps qu’ils procurent au monastère de si gros revenus, et chaque jour en font un généreux abandon, persévèrent néanmoins dans une humilité et soumission profonde, n’ayant la libre disposition, ni de leur personne, ni de ce qu’ils gagnent à la sueur de leur front; de plus, par ce dépouillement quotidien du fruit de leur travail, ils renouvellent sans cesse la ferveur de leur premier renoncement. Ceux-là conçoivent de l’élèvement par là même qu’ils font quelque largesse aux pauvres, et chaque jour qui passe les précipite à leur perte. La patience et la fidélité rigoureuse avec lesquelles les premiers persévèrent dévotement dans la profession qu’ils ont une fois embrassée, n’accomplissant jamais leurs volontés, en fait tous les jours des crucifiés au monde et des martyrs vivants; la tiédeur et le caprice des seconds les ensevelit dans l’enfer. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 7

De la vraie humilité, et comment l’abbé Sarapion dévoila la fausse humilité d’un frère. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 11

L’abbé Sarapion fit un jour une raillerie fine et piquante de cette feinte humilité. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 11

Conservez donc la véritable humilité du coeur, laquelle ne consiste pas en démonstrations et paroles affectées, mais dans un abaissement profond de l’âme. Elle brillent par votre patience, qui en sera le signe le plus évident. Et cela, non point lorsque vous clamerez sur votre sujet des crimes que personne ne croira, mais lorsque vous demeurerez insensible aux accusations arrogantes que l’on débitera contre vous, et supporterez en toute mansuétude et égalité d’âme les injures qui vous seront faites. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 11

PIAMUN. — La vraie patience et tranquillité ne s’acquiert et ne se garde que par une profonde humilité de coeur. La vertu qui découle de cette source, n’a nul besoin du secours d’une cellule ni du refuge de la solitude. Pourquoi se mettrait-elle en quête d’un appui au dehors, quand elle est intérieurement soutenue par l’humilité, sa mère et gardienne ? Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 13

Il s’éloigne à l’instant de l’église, moins abattit de son malheur que plein de confiance au jugement de Dieu; sans trêve il répand ses larmes et ses prières, triple ses jeûnes, et s’abaisse encore profondément à la face des hommes avec les sentiments de la vraie humilité. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PIAMUN CHAPITRE 15

Je parle à dessein de cette assemblée si nombreuse, parce que je voudrais raconter en peu de mots la patience d’un frère, qui éclata précisément par la douceur inaltérable dont il fit preuve en présence de tout ce monde. À la vérité, le but du présent écrit est différent : je m’y propose, en effet, de rapporter les discours de l’abbé Jean, qui avait abandonné le désert, pour venir, avec une humilité admirable, se soumettre à la discipline de ce monastère. Mais je ne pense rien faire hors de propos, si, sans nul détour de paroles, je puis donner, comme je l’espère, un grand sujet de s’édifier à tous ceux qui ont le goût de la vertu. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 1

Aux marques signalées tout à l’heure, quelqu’un a reconnu qu’il est en butté aux mouvements tumultueux de l’impatience et de la colère : qu’il s’exerce constamment par des pensées capables de les exciter. Il s’imaginera qu’il est victime de toutes sortes d’injures et de dommages, et s’entraînera à souffrir, dans une parfaite humilité, tout ce que peut lui imposer la méchanceté des hommes. Il se représentera fréquemment les choses les plus dures et les plus intolérables; et, pénétré des sentiments de la plus profonde contrition, il occupera sa pensée de la grande douceur qu’il devrait montrer en de telles conjonctures. Regardant aux souffrances des saints ou à celles du Seigneur, il conviendra que tous les propos injurieux, tous les genres même de châtiments sont au-dessous de ce qu’il mérite, et se préparera à supporter toute douleur. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA JEAN CHAPITRE 14

Il y avait là un jeune frère, à qui était commis l’office de jardinier. Pinufe lui fut donné pour aide. Or, il s’acquittait de tout ce que lui enjoignait son supérieur et de ce que réclamait le soin de son service, avec une sainte humilité qui jetait dans l’admiration. Et il profitait encore de la nuit, pour accomplir en cachette certains travaux nécessaires, que les autres évitaient, à cause de l’aversion qu’ils en avaient : si bien que, le matin venu, toute la communauté s’étonnait fort de voir achevé un ouvrage si utile, dont elle ignorait l’auteur. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 1

Aussi n’est-ce pas seulement durant le travail, mais jusque dans la prière, que je n’efforce à dessein de ramener mon esprit au souvenir de mes fautes. Incliné plus efficacement par cette méthode à l’humilité véritable et à la contrition du coeur, j’oserai dire avec le prophète : «Voyez mon humilité et ma peine, et pardonnez-moi mes péchés.» (Ps 24,18). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 6

Tout le temps, en effet, que dure la pénitence et que nous sentons le remords de nos actes vicieux, il faut que les larmes d’un humble aveu, tombant sur notre âme comme une pluie bienfaisante, y viennent éteindre le feu vengeur, allumé par notre conscience. Mais on est resté longtemps dans cette humilité de coeur et contrition d’esprit, adonné sans trêve au labeur et aux gémissements. Et voici que le souvenir du mal commis s’est assoupi; par une grâce de la divine miséricorde, l’épine du remords est arrachée des moelles de l’âme : c’est le signe certain que l’on est parvenu au terme de la satisfaction; on a gagné son pardon; toute souillure est lavée des fautes d’autrefois. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA PINUFE CHAPITRE 7

Sa sainteté et son humilité y jetèrent en peu de temps un grand éclat. Aussi, lorsque l’abbé Jean, de bienheureuse mémoire, eut émigré de la lumière de ce monde vers le Seigneur, et que saint Élie, son égal pour la vertu, fut mort à son tour, Théonas, le troisième, fut élu d’un consentement unanime, pour leur succéder dans l’office de diacre et la dispensation des aumônes. Les Conférences: PREMIÈRE CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 9

Déchoir, par le poids victorieux des pensées terrestres, des hauteurs sublimes de la contemplation; passer, contre sa volonté, et qui plus est à son insu, sous la loi du péché et de la mort; se voir détourner de la divine Présence, pour ne rien dire des autres causes de distractions, par les oeuvres énumérées plus haut, bonnes et justes à la vérité, terrestres néanmoins : voilà donc qui est pour les saints d’une expérience quotidienne. Certes, ils ont sujet de pousser des gémissements continuels vers le Seigneur; ils ont sujet de se proclamer pécheurs, non pas seulement de bouche, mais aussi de coeur, avec les sentiments d’une vraie humilité et componction; ils ont sujet de répandre sans cesse de vraies larmes de pénitence, en implorant le pardon des fautes où les entraîne chaque jour la fragilité de la chair. Aussi bien, c’est pour jusqu’au dernier instant de leur vie qu’ils se voient la proie des agitations qui leur sont une perpétuelle et cuisante douleur, hors d’état d’offrir leurs supplications elles-mêmes sans mélange d’inquiétude. Les Conférences: TROISIÈME CONFÉRENCE DE L’ABBA THÉONAS CHAPITRE 10

Que peut-il y avoir de pénible, que peut-il y avoir de dur pour celui qui a embrassé le joug du Christ de toute son âme, et qui, affermi dans la vraie humilité, le regard toujours attaché aux souffrances du Christ, parmi toutes les injures qui lui sont faites se réjouit et dit : C’est pourquoi je me complais dans les faiblesses, dans les opprobres, dans les nécessités, dans les persécutions, dans les détresses pour le Christ; car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort (2 Co 12,10). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 23

Les plaisirs que nous aimons, font eux-mêmes notre tourment; les jouissances et les délices du corps se retournent contre nous comme autant de bourreaux. Celui-là, en effet, qui s’appuie sur ses biens et ses ressources d’autrefois, fatalement ne parviendra ni à l’entière humilité du coeur ni à la parfaite mortification des plaisirs mauvais. Or, autant, par le secours de ces vertus, les extrémités de la vie présente et les pertes que l’ennemi peut nous infliger, se supportent, je ne dirai pas seulement avec la plus grande patience, mais avec la joie la plus vive; autant leur absence laisse croître un élèvement pernicieux, qui, pour le plus léger affront, nous blesse des traits mortels de l’impatience. C’est alors que le prophète Jérémie nous adresse ces paroles : Et maintenant, qu’as-tu à faire sur la route de l’Égypte, pour aller boire de l’eau bourbeuse ? Et qu’as-tu à faire sur la route de l’Assyrie, pour aller boire de l’eau du fleuve ? Ta malice t’accusera, et ton infidélité te reprendra. Sache donc et comprends quel mal c’est pour toi, quelle amertume, d’avoir abandonné le Seigneur ton Dieu, et que ma crainte ne soit plus en toi, dit le Seigneur (Jér 2,18-19). Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 24

Mais les saints jouiront seuls de ces services à juste titre et avec assurance, parce qu’ils auront d’abord tout abandonné, leur personne et leurs biens, pour le service des frères, par un volontaire sacrifice. Selon la Parole du Seigneur (cf. Mt 7,2), ils recevront sans crainte ce qu’ils auront eux-mêmes abandonné aux autres. Mais, pour celui qui n’aura pas tout sacrifié à ses frères, avec une sincère humilité, comment accepterait-il patiemment le don des autres ? Il sentira que leurs bons offices lui sont un fardeau, plutôt qu’une consolation, parce qu’il a mieux aimé être servi que servir. Les Conférences: CONFÉRENCE DE L’ABBA ABRAHAM CHAPITRE 26